Communiqué de presse

Attribution des logements sociaux: il n'est jamais trop tard pour écouter le secteur

Les représentants des 68 Sociétés de Logement de Service public (SLSP) de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW) étaient réunis ce 29 novembre à Charleroi pour leur 4ème rencontre annuelle, sous la houlette de Mr Jacques GOBERT, Président de l'UVCW, et Michel DEFFET, Vice Président du Comité permanent des SLSP de l'UVCW. L'occasion pour le secteur de faire le point sur l'année écoulée, marquée par la mue du nouveau Code wallon du Logement et de l'Habitat durable, la plus importante de ces 20 dernières années. 

L'UVCW et les SLSP ont toutefois choisi d'agiter vigoureusement la sonnette d'alarme à propos d'un thème brûlant d'actualité, particulièrement sensible socialement: la réforme du mécanisme d'attribution des logements sociaux. L'entrée en vigueur précipitée du nouvel et insatisfaisant "arrêté attribution" au 1er janvier 2013, malgré les efforts considérables des bailleurs sociaux, s'annonce difficile et porteuse de conséquences sociales nombreuses. Non seulement pour les actuels 100.000 bénéficiaires d'un logement social, mais également pour les 36.000 candidats en attente d'un logement en Wallonie. 

Quel est le contexte? 

Dès 2007, après analyse du premier arrêté régional concernant l'attribution de logements sociaux, les SLSP réclamaient un système d'attribution amélioré et plus simple, plus lisible pour les bénéficiaires, une simplification administrative pour les acteurs de terrain et une autonomie plus grande des comités d’attribution pour gérer les cas d’urgence sociale dérogatoires. 

A la suite de ces demandes, la Société wallonne du Logement (SWL), les SLSP (délégation officielle de l’UVCW) et le Cabinet du Ministre NOLLET ont travaillé à un nouvel arrêté, visant une entrée en vigueur au 1er janvier 2013. 

De quoi parle-t-on? Que prévoit le nouvel arrêté attribution?

L'arrêté réforme en profondeur les règles d'attribution des logements sociaux en Wallonie. Le texte modifie les points de priorités et en crée de nouvelles. La liste d'ancienneté est ainsi supprimée, même si une période transitoire est prévue pour les personnes qui n'avaient QUE des points d'ancienneté à faire valoir.

Notons également, et c'est positif même si cela ne va pas assez loin, que l'arrêté ouvre partiellement le logement social aux revenus moyens. Un pourcentage limité du parc (entre 0 et 20% suivant le nombre de logements sociaux sur la commune) pourra être attribué à ce type de revenus, et non à d’autres catégories de personnes bénéficiant de revenus issus du travail, ce que l'on peut regretter dans un objectif de mixité sociale.

Point le plus important, il modifie considérablement les règles de proportionnalité. Ainsi, il supprime la chambre supplémentaire pour les ménages comptant une personne de moins de 35 ans. En conséquence, tous ces locataires, dès le 1er janvier, devront soit muter, soit payer un surloyer. L'arrêté modifie les règles de surloyer. Il prévoit: 25€ pour une chambre excédentaire (pour tous les couples précités), 60€ pour 2 chambres, 100€ pour 3 et 150€ pour 4 chambres ou plus. Le texte ouvre la possibilité d'inciter à la mutation. Dans certains cas, la SLSP peut imposer de telles mutations, notamment si le locataire dispose d'un logement de 4 chambres ou plus en sous-occupation.

Que dénoncent les SLSP et l'UVCW?

Les bailleurs sociaux se doivent de faire part de leurs fortes craintes quant aux conséquences du texte sur les bénéficiaires du logement public, tant locataires que candidats-locataires. 

En effet, l'application du mécanisme nouveau sera tout d'abord incompréhensible. La complexité des nouvelles modalités d'attribution pèche par une opacité dommageable à la bonne gestion du secteur, et la praticabilité de certains éléments du dispositif ne nous semble pas garantie. 

Plus fondamentalement, l'application des surloyers, les mutations forcées ou volontaires vont avoir des conséquences sociales majeures sur un public précarisé et souvent en situation de difficulté d'insertion. Déménagement, déracinement, difficultés financières liées au surloyer vont entrainer pour les bailleurs sociaux des besoins d'accompagnement complémentaires et risquent d'augmenter le contentieux, les impayés, ainsi que le nombre des logements inoccupés. Cette situation est intolérable pour les sociétés de logement de service public. 

Quelles avancées?

Les SLSP et l'UVCW reconnaissent toutefois quelques mérites à la réforme du mécanisme d'attribution. Elles saluent ainsi la plus grande autonomie consentie aux comités d’attribution et les règles de proportionnalité assouplies selon la composition des ménages (âges et sexes des enfants, cohabitations, exceptions…). Le cabinet a aussi pris en compte l’intérêt de traiter de manière égalitaire l’ensemble des candidats locataires, et pas seulement ceux nouvellement inscrits au 1er janvier 2013. Des progrès sont également accomplis dans le sens de l’harmonisation de traitement (des locataires en place, quel que soit le bail signé; des catégories de revenus, tant à l’admission de la candidature que dans la gestion du locataire). 

Quelles difficultés pour les SLSP? 

Outre les craintes majeures des SLSP et de l'UVCW pour les bénéficiaires du logement social, les conséquences pour le secteur en termes de surcharge administrative et financière sont extrêmement lourdes: la mise à jour des systèmes informatiques nécessaires à l'encodage des candidatures se fait à leurs frais et sans accompagnement; les délais de mise en œuvre du dispositif apparaissent intenables et forcent les locataires à poser des choix (en termes de mutation) dans des délais difficiles; les formations à destination des sociétés n'interviendront en outre que trop tardivement pour leur permettre d'accompagner correctement les locataires dans leurs démarches. Les sociétés vont être en première ligne pour recueillir le désarroi des locataires.  Endéans les trois mois, les locataires sociaux qui disposent d'un logement non proportionné aux dimensions de leur famille vont soit devoir payer un surloyer parfois conséquent, soit demander leur mutation. Or, y a-t-il vraiment des logements alternatifs adaptés pour les accueillir? Si l'on sait qu'en Wallonie 36.000 candidats locataires sont en attente d'un logement décent, les deux premières années de ce nouveau régime vont passer à gérer les mutations à grande échelle, sans apporter de réponse en logement aux candidats locataires en attente. 

Enfin, le système nouveau va fortement ralentir l'attribution des logements, par l'octroi aux locataires ou aux candidats de 2 possibilités de refus, sur base de préférences. Cette latitude va inévitablement entraîner des demandes renforcées depuis les grands ensembles vers les unités individuelles, une augmentation du nombre de logements inoccupés et des pertes de recettes locatives. 

Conclusion

Les SLSP assument leur rôle de bailleur social. Elles ont d'ailleurs collaboré en défendant et proposant avec vigueur des amendements et des interprétations pour que le nouveau régime dispose de chances de succès. Mais, force est de constater que les craintes formulées ne trouvent, à une encablure de son entrée en application, pas de réponse et les sociétés devront, seules, et en 1ère ligne, gérer les conséquences sociales et administratives d'une réforme qui n'a pas été suffisamment préparée. Et que le Gouvernement ne s'attache nullement à expliquer. 

Il y a fort à parier que c'est l'incompréhension, la frustration, l'amalgame, la colère ou la désespérance qui vont s'exprimer sur le terrain, parmi les locataires et les candidats-locataires.

Les villes et communes et leurs SLSP demandent donc au Ministre d'oser reporter et de mieux phaser l'entrée en vigueur du dispositif, et de remettre les textes sur le métier. Le secteur est là pour l'aider à implémenter au mieux une réforme ambitieuse et concertée, fort de sa connaissance du terrain, des bénéficiaires et de sa large expertise en matière d'attribution. 

Les locataires et candidats locataires attendent un système équitable et équilibré pour que le droit au logement décent ne reste pas lettre morte en cette période de crise. 

Contact: Michel L'Hoost, Conseiller Presse & Communication (0496/50 99 45 ou michel.lhoost@uvcw.be

 
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