Quelles performances énergétiques viser lors de la rénovation de logements sociaux? L’expérience de Fribourg
À Fribourg, une société de logements sociaux a décidé de rénover différemment deux bâtiments sur le plan énergétique afin de comparer les coûts de rénovation et les économies d’énergie réalisées.
Contexte
Située en Allemagne, à proximité des frontières française et suisse, Fribourg compte 210.000 habitants, dont environ 30.000 étudiants.
Fribourg est une ville-modèle dans les domaines des économies d'énergie, de la mobilité et du développement durable: les réglementations relatives à l'isolation thermique sont beaucoup plus sévères qu’en Wallonie et les nouvelles constructions "basse énergie" sont la norme. Il n’est pas rare non plus que les rénovations de bâtiments existants soient effectuées selon ces standards. D'autre part, une véritable politique de la mobilité a été mise en place, redonnant une place très importante aux piétons, aux vélos et aux transports en commun.
Rénovation énergétique de logements sociaux
En 2004, une société de logements sociaux, possédant 2 immeubles identiques situés sur la Rislerstrasse, décide de moderniser ces deux bâtiments au niveau énergétique, tout en maintenant les occupants dans leur logement pendant les travaux. Les bâtiments ont été construits en 1960 et comportent 42 logements au total.
Façade avant
Façade arrière
Avant travaux, ces bâtiments consommaient 208 kWh/m² par an d’énergie finale pour le chauffage (soit 20,8 litres de mazout/m² par an).
La législation en vigueur en 2004 imposait une consommation maximale d’énergie finale de 80 kWh/m² par an pour le chauffage.
Ces bâtiments ont été rénovés différemment, dans le but de comparer les coûts de rénovation et les économies d’énergie réalisées.
Les interventions effectuées diffèrent notamment au niveau de la qualité et de l’épaisseur d’isolant, des caractéristiques thermiques du vitrage et du système de ventilation mis en œuvre.
Le tableau ci-dessous détaille ces différences:
|
Bâtiment 1 |
Bâtiment 2 |
Objectif de consommation de chauffage après rénovation (en énergie finale) |
15 kWh/m² an (bâtiment passif) |
36 kWh/m² an |
Isolation extérieure (20 cm de polystyrène) |
Isolant très faiblement conducteur: |
Isolant faiblement conducteur: |
Isolation de la toiture (laine de roche) |
26 cm |
20 cm |
Isolation du plafond des caves (héraclite + laine de roche) |
21 cm + retombées de 50 cm le long des murs pour réduire le pont thermique |
10 cm, pas de retombée le long des murs |
Châssis PVC à profilés isolés thermiquement |
Triple vitrage: |
Double vitrage: |
Ventilation |
Mécanique double flux avec récupération de chaleur |
Simple flux: alimentation naturelle, extraction mécanique dans les cuisines et salles de bain (système C en Région wallonne) |
Au niveau du chauffage, les chaudières individuelles ont été remplacées par deux chaudières centralisées au gaz, à condensation (1 chaudière par bâtiment). Les installations intérieures (radiateurs) ont été maintenues. Des calorimètres ont été placés sur ces radiateurs.
Des panneaux solaires thermiques (30 m²/bâtiment) ont été placés pour la production d'eau chaude sanitaire.
Les anciens balcons ont été transformés: extension des cuisines et salle-de-bains ainsi que construction de nouvelles terrasses.
Résultats après rénovation
Les consommations énergétiques des logements rénovés ont été calculées après deux années d’occupation des bâtiments modernisés. L’impact économique et social des travaux a également été évalué. Les résultats sont les suivants:
|
Bâtiment 1 |
Bâtiment 2 |
Consommation de chauffage (après 2 ans de fonctionnement) |
27 kWh/m² an (au lieu des 15 prévus) |
31 kWh/m² an (au lieu des 36 prévus) |
Prix/m² études et TVA de 16 % comprises |
1.100 euros/m² |
940 euros/m² |
Impact des travaux sur la vie des occupants |
Perturbations importantes et travaux lourds (ventilation) |
Perturbations moins importantes |
Coût total: 2,7 millions d'euros, études et TVA de 16 % comprises.
Le bâtiment 1 n'a donc pas atteint les objectifs que s’était fixé la société de logements sociaux.
Les raisons de cet échec résident principalement dans la difficulté de changer le comportement des habitants.
Malgré plusieurs essais de sensibilisation, les locataires, restant pour 80 à 90 % les mêmes avant et après travaux, n'ont pas adapté leur comportement aux exigences de rendement du nouveau système de ventilation double flux: ils continuent à ouvrir les fenêtres, etc., ce qui provoque une surconsommation. En effet, lorsqu'un tel système de ventilation est mis en place, l'ouverture des fenêtres n'est plus nécessaire pour assurer un climat intérieur sain. Si les fenêtres sont ouvertes, l'air entrant doit être réchauffé, et plus un bâtiment est isolé, plus les pertes de chaleur résultant d’une ventilation non régulée pèsent lourd dans sa consommation énergétique.
Impact des travaux de rénovation sur le montant des loyers
Avant la rénovation, le loyer (hors charges) s'élevait à 4 euros/m².
Après la rénovation, le loyer (hors charges) s'élève, dans le bâtiment 1 à 5,4 euros/m² et dans le bâtiment 2 à 5,1 euros/m².
Les bâtiments consommant nettement moins d’énergie, les charges ont diminué. Le montant total payé par le locataire a cependant augmenté de 0,5 euro/m².
Conclusions
La société de logements sociaux a décidé de rénover ses bâtiments dans le même esprit que le bâtiment 2.
À noter que le fonctionnement des logements sociaux est différent en Allemagne: les locataires peuvent demander des aides fédérales pour le paiement de leur loyer. Ces aides sont calculées en fonction de leur salaire et tout à fait indépendantes de la société de logements.
Le prix du loyer reste lui identique pour tous les occupants et est fixé par les sociétés de logements sociaux. Celles-ci disposent donc de revenus constants et suffisamment élevés pour pouvoir investir dans leurs bâtiments.
Logement : Virginie Sana - Thibault Ceder - Amélie Evrard
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