La mobilité partagée
Dans le cadre de la mise en œuvre de la vision FAST 2030, la mobilité partagée occupe une place centrale dans l’évolution du système de déplacement régional. Elle contribue à réduire la dépendance à la voiture individuelle, à favoriser l’intermodalité et à soutenir un transfert modal vers des solutions plus durables. Elle peut prendre la forme du partage de trajets, comme le covoiturage, ou du partage de véhicules, tels que l’autopartage ou le cyclopartage. Pour se développer efficacement, la mobilité partagée doit s’inscrire dans un territoire offrant une diversité de modes de transport, tels que les transports en commun, le vélo ou la marche, auxquels elle est complémentaire.
1. Le covoiturage
Le covoiturage désigne le partage d’un trajet en voiture entre un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers, sur tout ou partie d’un trajet que le conducteur aurait effectué seul. Il constitue une réponse pertinente aux défis actuels de la mobilité, en particulier dans les zones rurales ou faiblement desservies par les transports en commun. En permettant à plusieurs personnes de se déplacer ensemble, il réduit les coûts individuels, les émissions de CO₂ et la congestion routière.
Bien que le covoiturage reste marginal, il présente un potentiel important. En Wallonie, la majorité des voitures circulent avec un seul occupant, laissant de nombreuses places inoccupées. En 2023, le taux moyen d’occupation des véhicules particuliers s’élevait à 1,33 personne par voiture[1], ce qui signifie que, en moyenne, trois à quatre places restent inoccupées dans chaque véhicule. Le covoiturage permet de valoriser cette capacité inutilisée à moindre coût, tout en répondant aux besoins de mobilité dans les territoires où les alternatives comme la marche, le vélo ou les transports en commun ne sont pas toujours adaptées.
La Région wallonne vise une moyenne de 1,8 personne par voiture d’ici 2030, tout en réduisant la part modale de la voiture individuelle à 60 %, contre 83 % en 2017. Pour y parvenir, il est nécessaire de renforcer l’usage des modes actifs et des transports en commun, mais aussi d’encourager le covoiturage, en visant une moyenne de deux personnes par véhicule dans quatre voitures sur cinq.
Le covoiturage présente des avantages à la fois individuels et collectifs. Pour les usagers, il permet de partager les frais de déplacement, tout en favorisant les échanges sociaux, une ambiance conviviale et une réduction du stress lié à la conduite. Pour la collectivité, il contribue à diminuer le nombre de véhicules en circulation, ce qui réduit la pollution atmosphérique et sonore, amé-liore la qualité de l’air et a des effets positifs sur la santé publique et le cadre de vie. En limitant les besoins en stationnement à destination, il libère également de l’espace urbain qui peut être réaffecté à des usages plus durables ou inclusifs, comme des espaces verts, des zones piétonnes ou des infrastructures cyclables. Le covoiturage s’inscrit ainsi dans une dynamique de mobilité plus responsable, en phase avec les enjeux territoriaux.
Pour favoriser son développement, plusieurs leviers peuvent être mobilisés. Des places de covoiturage sont par exemple mises à disposition sur la voie publique ou sur des terrains privés, permettant aux usagers de se retrouver et de partager un trajet commun. Près de 3700 places de parkings dédiés au covoiturage sont disponibles gratuitement en Région wallonne[2], en général à proximité des grands axes. Il existe différents types d’aires de covoiturage : les parkings publics régionaux, les parkings mutualisés, mais aussi des parkings à l’initiative des villes et communes. Les parkings publics régionaux, principalement situés à proximité immédiate des échangeurs autoroutiers et du réseau structurant, sont gérés par la SOFICO ou le SPW Mobilité Infrastructures. Les parkings mutualisés appartiennent à des enseignes partenaires qui donnent la possibilité aux covoitureurs de se garer officiellement sur leurs emplacements de parking en semaine. L’offre d’aire de covoiturage est appelée à se développer dans les années à venir.
À destination, des emplacements réservés peuvent également être proposés, notamment dans les zones où la pression sur le stationnement est forte. Leur efficacité est renforcée lorsqu’ils sont gratuits ou bénéficient d’une tarification avantageuse. Ces dispositifs peuvent être mis en place par les employeurs pour les trajets domicile-travail, mais aussi sur l’espace public, à l’image des parkings P+R dans certaines villes qui permettent, à moindre coût, l’accès aux transports en commun pour tous les covoitureurs. La stratégie régionale de mobilité encourage d’ailleurs le développement de Mobipôles, combinant parkings de covoiturage et accès à une offre structurante de transport en commun.
Les infrastructures dédiées au covoiturage incluent également des voies de circulation réservées aux véhicules à fort taux d’occupation, notamment sur les axes les plus congestionnés. Ces voies peuvent être permanentes ou temporaires, partagées avec les transports en commun ou les taxis, et faire l’objet d’une gestion dynamique. En Wallonie, il existe actuellement des voies réservées aux covoitureurs sur l’autoroute E411 à hauteur d’Arlon d’une part et de Wavre d’autre part. Cette expérience pilote sera prochainement évaluée.
Un autre levier essentiel réside dans la mise en relation des conducteurs et des passagers. En Wallonie, plusieurs initiatives facilitent cette organisation grâce à des réseaux de proximité, des arrêts dédiés et des applications sécurisées. Ces dispositifs visent à encourager le partage de trajets, en particulier dans les zones rurales ou périurbaines peu desservies. Les usagers peuvent s’inscrire via une plateforme ou auprès d’un relais local, ce qui permet de sécuriser les échanges et de créer une communauté de confiance. Des points de rencontre clairement identifiés, souvent similaires à des arrêts de bus, facilitent la coordination entre conducteurs et passagers. Ces systèmes intègrent généralement une charte d’engagement, des outils d’identification comme des vignettes ou des gilets, et parfois des dispositifs de suivi ou de notification.
Pour les communes, encourager le covoiturage revient à promouvoir une mobilité plus inclusive, qu’il s’agisse de déplacements domicile-travail, scolaires, de loisirs ou liés à des événements. Cela renforce le lien social, améliore l’attractivité du territoire et contribue aux objectifs climatiques régionaux. Les autorités locales ont un rôle central à jouer dans la mise en œuvre de solutions adaptées à leur territoire, en collaboration avec les acteurs locaux, ainsi que dans la sensibilisation des citoyens à la thématique.
2. L’autopartage
L’autopartage est un système qui permet aux usagers d’utiliser des voitures disponibles localement à tout moment et pour n’importe quelle durée, sans en être propriétaire, réduisant ainsi le recours à la voiture privée individuelle. Il permet de réduire le nombre de véhicules en circulation, de limiter les besoins en stationnement et de favoriser une mobilité plus durable et inclusive. Ce mode de transport s’inscrit pleinement dans une logique de transition écologique et d’optimisation de l’espace public.
Le développement de l’autopartage participe au report modal, en complémentarité avec les transports en commun, et encourage une réduction des déplacements motorisés. L’absence d’un véhicule personnel, voire d’un second, entraîne mécaniquement une baisse des kilomètres parcourus, ce qui a un effet positif sur la congestion routière. Les utilisateurs de l’autopartage sont d’ailleurs souvent aussi des usagers réguliers des transports publics, ces différentes solutions se complétant selon les besoins, les destinations ou les horaires.
L’impact de l’autopartage sur la réduction du parc automobile est significatif. Selon le modèle, une voiture partagée peut remplacer entre trois et neuf véhicules privés[3]. Les systèmes reposant sur des flottes organisées affichent les taux de remplacement les plus élevés, illustrant leur efficacité en matière de rationalisation de l’usage de la voiture.
Différentes formes d’autopartage existent, allant des flottes gérées par des opérateurs professionnels aux initiatives citoyennes ou communales. Cette diversité permet une adaptation aux spécificités locales. Les opérateurs professionnels proposent plusieurs modèles : certains imposent de reprendre et de restituer le véhicule à la même station (station fixe), d’autres autorisent un retour dans une station différente (station flexible), voire un dépôt libre dans une zone définie (flotte libre).
L’autopartage peut également être organisé entre particuliers, soit au sein d’un groupe privé (voiture partagée entre voisins ou membres d’un quartier), soit via des plateformes numériques qui facilitent la mise à disposition de véhicules personnels.
Une autre forme consiste à mutualiser les véhicules de collectivitsés. Les véhicules utilisés par les agents communaux pendant les heures de travail peuvent être proposés à l’autopartage en dehors de ces plages horaires, au bénéfice des habitants.
Les communes disposent de plusieurs leviers pour encourager l’autopartage : elles peuvent sensibiliser la population, aménager des stations dédiées en partenariat avec des opérateurs, faciliter le stationnement des véhicules partagés ou encore mutualiser leur propre flotte. Certaines prévoient un soutien financier au lancement d’une station en formalisant, dans un contrat avec l’opérateur, un partage des risques commerciaux les premières années. L’autopartage peut aussi être intégré dans les charges d’urbanisme pour les projets immobiliers d’envergure.
Il n’y a pas de cadre légal spécifique pour l’autopartage en Wallonie. La mise à disposition d’emplacements et/ou de bornes de rechargement s’organise actuellement entre les communes et les opérateurs.
3. Le cyclopartage en flotte libre
L’évolution des comportements en matière de mobilité a permis le développement de nouveaux modes de transport. Ainsi, le cyclopartage a fait son apparition depuis quelques années dans de nombreuses villes belges et européennes. Le cyclopartage en flotte libre est un service de mobilité partagée dans lequel des véhicules légers (comme des vélos, trottinettes, cyclomoteurs ou motos) sont mis à disposition de plusieurs utilisateurs pour des déplacements occasionnels. Le cyclopartage en station se différence par le fait que les véhicules sont mis à disposition dans des stations spécifiques et doivent être redéposés soit dans la station d’origine (« back to one ») ou dans une autre station du même réseau (« back to many »). Néanmoins, malgré leur facilité d’utilisation et leur contribution au développement des transports dit « doux », les trottinettes et vélos en libre-service peuvent présenter des nuisances, dont de multiples problèmes d’encombrement des espaces publics.
C’est pourquoi le Parlement wallon a adopté en 2021 un décret visant à donner un cadre juridique aux opérateurs de cyclopartage en libre-service et à réguler ces flottes de véhicules partagés, dont les trottinettes électriques. Ce décret prévoit l’octroi, par la Région wallonne, de licences aux opérateurs qui satisfont à différentes exigences, notamment techniques (telles que les caractéristiques des véhicules et la durabilité de la gestion des flottes). Les opérateurs en ordre de licence sont renseignés sur le Portail de la mobilité[4].
Les conseils communaux peuvent adopter un règlement, sur la base du décret du 8 juillet 2021, qui contiendra les conditions d’exploitation des services de cyclopartage en flotte libre. Le règlement communal ne pourra porter que sur ce qui est listé dans ce décret. À titre d’exemple, les communes peuvent définir un seuil maximal d’émission sonore à respecter entre 22h et 6h, limiter les plages horaires d’utilisation durant la période nocturne ou, après concertation avec les opérateurs, déterminer des zones dans lesquelles le dépôt temporaire ou permanent de véhicules de cyclopartage est interdit. Elles peuvent également fixer des quotas, tels qu’une concentration minimale ou maximale de véhicules par opérateur ou pour l’ensemble du service, ainsi que délimiter des zones spécifiques, par exemple des zones d’interdiction de stationnement, des zones dans lesquelles le service doit obligatoirement être proposé ou encore des zones à vitesse réduite pour les véhicules de cyclopartage. Le conseil communal peut en outre, via l'adoption d'un règlement redevance, établir un montant à charge des opérateurs pour chaque vélo ou trottinette mis à disposition sur le territoire communal. Enfin, c’est au niveau communal — là où les services sont effectivement déployés — que les infractions peuvent être constatées et, le cas échéant, sanctionnées.
Selon le décret, les opérateurs doivent transmettre à l’administration et aux communes concernées des rapports semestriels reprenant les données agrégées et anonymisées concernant l’usage des véhicules de cyclopartage en flotte libre (cf. art. 3, §1er, al. 2, k) du décret). Les informations et données à fournir sont précisées dans l’article 13 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 août 2023 portant exécution du décret. L’arrêté ministériel du 23 novembre 2023 détermine le format sous lequel ces données doivent être transmises.
[1] Tableau de bord de la mobilité
[2] https://mobilite.wallonie.be/home/je-suis/un-citoyen/en-voiture/services-et-solutions/covoiturage/parkings-de-covoiturage.html
[3] Way to Go, rapport 2024 la mobilité partagée en Belgique (https://www.waytogo.be/files/Publicaties/La-mobilité-partagée-en-Belgique-en-2024-Rapport-Way-To-Go.pdf)
[4] https://mobilite.wallonie.be/home/je-suis/une-entreprise/mobilite-des-personnes/licence-cyclopartage-en-flotte-libre.html
Focus sur la commune
Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil réalisé en collaboration avec le SPW-IAS pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent contribuer de façon active à la gestion de leur commune.
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