L’adoption du nouveau Code des sociétés et des associations
La loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses a été approuvée le 28 février 2019 et devrait prochainement être publiée au Moniteur belge. Elle prévoit que le Code des sociétés et des associations (CSA) entrera en vigueur le 1er mai 2019. Celui-ci s’est donné pour objectif de moderniser le droit des sociétés en suivant trois lignes directrices : une simplification d’envergure, une flexibilité accrue et une modernisation en profondeur tenant compte des évolutions européennes.
Cette réforme impactera directement nos membres : asbl communales, intercommunales, SLSP, RCA, association chapitre XII, sont concernées.
Les principaux changements
Sans entrer dans les détails, une lecture des travaux parlementaires du CSA nous permet de mettre en avant les principales nouveautés introduites par la réforme. Les informations qui suivent sont directement reprises de l’exposé des motifs[1] de la loi précitée.
Une simplification du droit des sociétés et des associations
En suivant cette ligne de conduite, le législateur belge a prévu les modifications suivantes :
1. La suppression de la distinction entre les actes civils et les actes commerciaux et entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales.
2. Une nouvelle distinction entre le droit des sociétés et le droit des associations est créée mais les deux régimes sont intégrés dans un seul code.
Actuellement, la loi du 27 juin 1921, qui sera abrogée par le CSA, définit l’asbl par deux critères considérés en général comme cumulatifs : ne pas se livrer à des opérations industrielles ou commerciales et ne pas rechercher à procurer à ses membres un gain matériel.
Dans le cadre du CSA, seul le critère de l’interdiction de la distribution d’avantages patrimoniaux subsiste. L’asbl pourra à l’avenir exercer à titre principal des activités industrielles ou commerciales.
Le critère distinctif par rapport aux sociétés réside uniquement dans l’interdiction de la distribution directe ou indirecte d’un avantage patrimonial à ses membres ou à ses administrateurs.
3. La suppression des sociétés publiques et limitation des règles réservées aux sociétés cotées
4. La limitation des formes de société
Les formes de société peu utilisées ou sources de confusion sont supprimées. Quatre formes de base sont maintenues, avec la possibilité de les façonner en fonction des besoins de la société : la société simple, la société à responsabilité limitée, la société anonyme et la société coopérative. Chaque société pourra se doter d’une structure sur mesure.
5. La limitation du nombre de dispositions pénales
De nombreuses dispositions pénales du Code des sociétés actuel sont peu appliquées en pratique. Dorénavant, le CSA donne la préférence aux sanctions civiles et le nombre de sanctions pénales est limité.
Une flexibilisation accrue
Toujours selon l’exposé des motifs, le nouveau régime du droit des sociétés se veut flexible, simple et prévisible tout en tenant compte des exigences du droit européen. La liberté contractuelle est renforcée et le nouveau cadre juridique abandonne toute une série de règles impératives, voire d’ordre public, pour les rendre supplétives. Chaque fois qu’il offre des options ou abandonne une question à la liberté statutaire ou contractuelle, le nouveau cadre légal prévoit une règle par défaut qui s’appliquera lorsque les parties n’auront pas pris de dispositions particulières adaptées à leurs besoins.
En substance, pour la société à responsabilité limitée (SRL), la société coopérative (SC) et la société anonyme (SA), nous retiendrons les nouveautés suivantes :
La SRL :
- l’exigence en matière de capital est supprimée ;
- les droits des actionnaires ne sont plus définis par la fraction du capital qu’ils représentent, mais de manière conventionnelle ou statutaire ;
- de nombreuses règles applicables aujourd’hui deviennent supplétives, par exemple, la cessibilité des actions pourra être réglée tout à fait librement.
La SC :
- cette forme de société sera dorénavant exclusivement réservée aux sociétés qui souhaitent mener une entreprise sur la base d’un modèle coopératif ;
- la SC pourra se faire agréer, comme aujourd’hui.
La SA :
- la règle impérative de la révocabilité ad nutum de l’administrateur devient une disposition de droit supplétif ;
- les modalités d’administration sont complétées par la possibilité de nommer un administrateur unique, qui peut éventuellement bénéficier d’une protection contre la révocation. Les SA pourront également choisir entre le système d’administration moniste actuel et un système d’administration dual à part entière et mieux développé ;
- il devient possible de prévoir dans les statuts de la SA cotée un droit de vote double pour les actionnaires fidèles, tandis que dans la SA non cotée et dans la SRL le droit de vote multiple sera autorisé.
Quant aux asbl et fondations, les dispositions spécifiques y relatives constituent pour l’essentiel une simple recodification des dispositions actuelles. Quelques petites modifications ont néanmoins été apportées à cette occasion. Nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement.
Notons que le législateur belge, en créant un cadre juridique commun aux asbl, fondations et sociétés, a décidé de combler les lacunes présentes dans la loi sur les asbl et fondations en recourant à certaines dispositions applicables aux sociétés.
Enfin, nous noterons également une importante modification du statut de l’administrateur et plus particulièrement des règles entourant sa responsabilité. Nous aurons également l’occasion d’y revenir. Notons d’ores et déjà que les nouvelles dispositions prévoient une responsabilité limitée des administrateurs, sous réserve d’exceptions.
Une adaptation aux évolutions européennes
La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne a promu la mobilité des entreprises et a limité considérablement l’application de la doctrine du siège réel traditionnellement appliquée en Belgique.
En réponse à cette jurisprudence, le CSA prévoit désormais qu’une société dont le siège statutaire est en Belgique pourra continuer, au regard du droit belge, à être une société de droit belge même si elle transfère son siège réel à l’étranger. Inversement, une société avec un siège statutaire à l’étranger pourra continuer, au regard du droit belge, à être une société de droit étranger même si elle transfère son siège réel en Belgique.
La structure du Code des sociétés et des associations
Le CSA remplace le Code des sociétés actuel, la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes et la loi du 31 mars 1898 sur les unions professionnelles.
Le code est divisé en quatre parties. La première partie (livres 1 à 3) contient des dispositions générales applicables (potentiellement) tant aux sociétés, qu’aux associations et fondations. La partie 2 reprend des dispositions spécifiques applicables aux sociétés (livres 4 à 8). La partie 3 (livres 9 à 11) est dédiée aux associations et fondations. La partie 4 règle la restructuration et la transformation.
Son entrée en vigueur
Pour les nouvelles sociétés ou associations
Le nouveau Code des sociétés et des associations entrera en vigueur le 1er mai 2019. Il sera dès lors applicable aux sociétés et associations constituées après cette date. Leurs statuts devront être conformes aux dispositions du code.
Pour les sociétés et associations existantes au moment de l’entrée en vigueur du CSA
À partir du 1er janvier 2020, les dispositions impératives du CSA s’appliqueront aux sociétés existantes. Les clauses des statuts contraires aux dispositions impératives seront réputées non écrites à compter de cette date. Les dispositions supplétives seront également applicables aux sociétés existantes mais uniquement si elles ne sont pas écartées par des clauses statutaires.
Le code s’applique donc pour la première fois aux sociétés et associations existantes au 1er janvier 2020, sauf à celles-ci de faire usage de la possibilité d’« opt-in » proposée par le législateur belge. Dès la publication du Code au Moniteur belge, les sociétés et associations existantes pourront décider de se soumettre à ses dispositions avant le 1er janvier 2020. Cette décision requiert une modification des statuts par une décision de l’assemblée générale. Les statuts devront être mis en conformité avec le CSA et celui-ci sera applicable à partir du jour de la publication de la modification des statuts et au plus tôt le 1er mai 2019.
Exception aux délais précités : dès l’entrée en vigueur de la loi, le nouveau régime de la procédure en résolution des conflits devient immédiatement applicable aux sociétés auxquelles elles s’appliquent, indépendamment de la date à laquelle elles ont été constituées.
Exception pour les asbl : tant que les asbl n’auront pas modifié leur objet, elles ne pourront exercer que les seules activités entrant dans les limites de l’article 1er de la loi du 27 juin 1921. L’interdiction d’exercer d’autres activités prend fin au 1er janvier 2029.
Du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2024
Les sociétés existantes au moment de l’entrée en vigueur du CSA devront mettre leurs statuts en conformité avec les nouvelles dispositions du Code à l’occasion de la première modification statutaire après le 1er janvier 2020 (sauf s’il s’agit d’une modification résultant de l’utilisation du capital autorisé, de l’exercice de droits de souscription ou de la conversion d’obligations convertibles) et au plus tard pour le 1er janvier 2024. La seule sanction de cette obligation est la responsabilité des administrateurs.
[1] Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, exposé des motifs, Doc., Ch., 2017-2018, n°54-3119-001, pp.5 et s.