Service d'hiver sur les voiries régionales: principes juridiques applicables
Une circulaire régionale du 18 octobre 2011 a été envoyée aux communes wallonnes afin de leur rappeler les devoirs qui découlent de l'article 135 de la nouvelle loi communale, spécialement en matière de service d'hiver et plus spécialement encore en matière de service d'hiver sur les routes régionales. La Région souhaite voir les communes suppléer son éventuelle défaillance en matière de service d'hiver sur les routes régionales et ce, en vertu de l'article 135 paragraphe 2 de la nouvelle loi communale. La présente circulaire fait suite à ce courrier dans la mesure où certains éléments méritent d'être précisés afin que chaque commune puisse agir en pleine connaissance de cause dans le cadre du service d’hiver.
Seul le gestionnaire de la voirie a la responsabilité d'entretenir cette dernière. Il est de jurisprudence constante qu'il incombe à l'autorité dans le domaine public de laquelle la voirie se trouve de veiller à son entretien, comprenant le service d'hiver, sous peine de se voir tenue responsable, en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, de tout manquement ayant causé un dommage à autrui. Il importe de noter que la voirie comprend non seulement la route mais également toutes les dépendances qui sont nécessaires à sa conservation tels par exemple le trottoir, les fossés et talus ainsi que les ouvrages d'art.
Elles-mêmes, les communes assurent dans ce cadre et en tant que gestionnaire de leurs propres voiries, le service d'hiver sur près de 37000 kilomètres de voiries communales affectant un peu plus de 4000 agents à cette tâche et pour un coût avoisinant les 20 millions d'euros hors frais de personnel.
L'application de l'article 135 de la nouvelle loi communale confère aux communes le devoir d'assurer la sécurité et la commodité de passage sur toutes les voiries traversant leur territoire (les voiries communales et les voiries régionales ainsi que les quelques kilomètres restant de voiries provinciales). Cet article met à charge des pouvoirs locaux une obligation de moyen dont le seul but est d'obvier au danger anormal susceptible de causer un préjudice aux usagers (Cass. 3 février 2005, Pas., 2005 p. 270; Cass. 28 janvier 2005, Pas., 2005, p. 217; Cass. 6 novembre 2007, www.juridat.be). Ainsi, les pouvoirs locaux ne doivent intervenir que dans la mesure du possible en adoptant toutes les mesures appropriées en vue de pallier le danger. La commune n'ayant pas mis tous les moyens en œuvre pour ce faire pourra se voir reprocher une faute et sa responsabilité pourra être engagée sur cette base.
Le choix des mesures de neutralisation du danger sera opéré par la commune. C'est en effet à elle seule qu'il revient d'apprécier de l'opportunité de prendre des mesures de signalisation, de dévier la circulation, de barrer la route, ou de prendre des mesures de déblayement en vue de remplir son devoir général de "faire jouir les habitants d'une bonne police" impliquant le devoir d'assurer la sécurité de circulation sur les voiries publiques. Seuls, les cours et tribunaux sont en mesure de juger si le choix ainsi opéré eut été celui d'une autorité suffisamment prudente et diligente.
La suppléance d'office aux tâches qui incombe à l'autorité gestionnaire de la voirie, tâches qui comprennent le service d'hiver, n'est dès lors pas la règle générale.
Notons enfin que la Cour de Cassation permet la récupération des frais engagés par les pouvoirs locaux ayant dû agir sur base de leur devoir général de maintien de la sécurité par suite du manquement à ses obligations par l'autorité gestionnaire de la voirie. Dès lors, si une commune estime qu'elle doit, en vertu de son devoir de sécurité, dégager une voirie régionale qui n'aurait pas été déneigée par la Région, la commune peut réclamer ses frais à cette dernière.
En conclusion, si l'article 135 de la nouvelle loi communale confère aux communes une réelle obligation de sécurisation des voiries dont elles ne sont pas gestionnaires, force est de constater que cette obligation ne peut être confondue avec un devoir d'entretien de ces voiries. Tout au plus s'entend-t-elle d'une obligation de mettre tout en œuvre pour éviter les conséquences dommageables d'un danger ou d'un risque anormal rencontré par les usagers.
De plus, il est admis par la Cour de Cassation que la mise en œuvre de son obligation par la commune peut, lorsque cette mise en œuvre résulte d'un manquement à son devoir d'entretien par l'autorité gestionnaire de la voirie, constituer un dommage réparable pour les pouvoirs locaux. Ainsi les frais avancés pour effectuer la sécurisation des voiries régionales et de leurs dépendances pourront être récupérés dès lors que le défaut d'entretien de l'autorité gestionnaire pourra être considéré comme fautif. (Voy. Cass, 5 novembre 2010, RGDA, 2011, n°14769).
Voirie/travaux : Frédérique Witters - Marie-Sophie Burton - Emmanuelle Jouniaux