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Mis en ligne le 28 Septembre 2016

L’Union des Villes et Communes de Wallonie vient de rendre un avis sur la mise en place des Cellules locales de Sécurité intégrale (CSIL). Elle vient d’en informer Jan Jambon, Ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, et Paul Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l’Energie.

En substance, l’UVCW estime que le cadre légal actuel est insuffisant, pour assurer la sécurité juridique de mise en œuvre des CSIL telle que souhaitée par les services du Ministre, tant pour assurer aux autorités et agents locaux une sécurité juridique satisfaisante que pour garantir le respect des droits des citoyens. L’adaptation du cadre légal paraît donc nécessaire au développement de la politique ainsi voulue par le Fédéral.

De nombreuses communes, conscientes des enjeux de sécurité y liés, ayant déjà entamé des démarches de création de telles CSIL, il semblerait très avisé que, dans l’attente des adaptations légales précitées, l’Ordre judiciaire, par le biais du Collège des Procureux généraux par exemple, fixe par voie de directive les limites jugées acceptables, dans notre arsenal juridique actuel, pour ces échanges de données locales.

La Commission de la protection de la vie privée devrait, selon l’UVCW, en faire de même, dans le cadre de ses prérogatives et domaines de compétence.

1. Concernant le projet dans son ensemble

Lors de sa dernière rencontre avec le Ministre de l’Intérieur fédéral en mai 2016, l’UVCW a eu l’occasion de signaler que les précédentes circulaires « Foreign Terrorist Fighters » de 2014 et 2015 constituaient, en tant que circulaires, une base juridique insuffisante pour créer un tel cadre de surveillance et de prévention du radicalisme violent. L’UVCW a également souligné lors de cette rencontre qu’elle demandait un cadre légal clair précisant les missions et prérogatives de chaque acteur concerné par ce système de contrôle et de veille.

L’UVCW constate, avec ce nouveau projet de circulaire, que le Ministre va plus loin encore dans l’organisation de ce type de contrôles, et ce faisant, ce texte s’avère à la fois trop précis par certains aspects, et bien trop vague sur certains autres points (notamment à l’égard des principes de protection des droits et libertés et de respect de la vie privée).

L’UVCW constate que sur certains aspects, les phénomènes visés pourraient, plutôt que par le déploiement de nouvelles politiques juridiquement délicates, être avantageusement circonscrits par une mise en œuvre effective de mécanismes légaux existants et dotés de bases solides, qui fait actuellement défaut.

Ainsi par exemple, une meilleure application de la loi pénale pour les « returnees », mais également pour les étrangers en séjour illégal ou ayant reçu un ou plusieurs ordres de quitter le territoire, permettrait de clarifier et de résoudre certaines situations endémiques dans certaines communes ou certains quartiers.

Le projet de texte, tout en étant flou sur les modalités d’action proposées aux acteurs locaux, semble encourager un mode de fonctionnement de type « Big Brother » (contrôle généralisé, voire encouragement à la délation).

Ainsi, lorsque le texte prévoit (p. 1, dernier alinéa) que « les renseignements dont disposent les services de police doivent être complétées (sic) par des informations provenant du secteur social, des communautés scolaires, etc. », l’on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec les « informations douces » en provenance de divers « indics », et encodées dans la Banque de données de la police intégrée…

En l’absence de dispositions légales pour encadrer ces pratiques encouragées uniquement par voie de circulaire(s), les risques de dérapage sont réels. Outre le risque pour les droits et libertés des individus, soulignons les risques pénaux pour les autorités et agents des services publics locaux qui communiqueraient des informations en violation des lois protégeant les données à caractère personnel ou le secret professionnel.

Voici quelques exemples des éléments qui semblent les plus problématiques à cet égard :

  • le texte en projet qui entend créer un « cadre » permettant « l’échange d’informations et l’implication des acteurs sociaux dans l’accompagnement de FTF » (p. 2, al. 2). Selon l’UVCW, un tel cadre ne peut être mis en place que par un texte juridique contraignant, qui soit légal ou réglementaire ;
  • le texte est fort ambigu quant au champ d’application des structures de contrôle dont il propose la mise en place : ainsi, en page 2, al. 2, il parle d’ « accompagnement de FTF » (donc  la lutte contre le radicalisme islamiste), mais il  affirme en page 3, al. 1er et 4, que « d’autres formes de criminalité ont également une origine locale » et que « la gestion des cas doit cibler l’ensemble des phénomènes, des causes et des remèdes, et non exclusivement de phénomènes de la radicalisation » ;
  • s’agissant des mesures et des outils proposés, on peut constater également une grande disparité entre certaines indications très vagues (et proches de la « méthode Coué », comme lorsque le texte répète qu’il appartient au bourgmestre d’ « établir la confiance » entre tous les acteurs) et d'autres outils plus précis (système des « drapeaux » et « signaux », ou encore la répartition du travail entre les trois « tables », mais dont les modalités de mise en œuvre concrètes sont ensuite abandonnées à l’appréciation de chaque commune) ;
  • enfin, la circulaire en projet s’achève sur quelques phrases incomplètes et lapidaires, qui donnent une impression d’inachevé et d’amateurisme.

2. Concernant différents passages du texte en projet

  • Page 2, al. 1er : il convient de s’accorder définitivement sur une terminologie unique en français, concernant la dénomination de la cellule à mettre en place : CLSI ou CSIL. Les circulaires précédentes parlent de CSIL ;
  • Page 3, titre A/ : la référence à un « dossier » individuel à constituer, examiner, évaluer et clôturer, s’opère à nouveau sans la moindre base juridique sérieuse. Qu’en est-il notamment de la protection de la vie privée ?
  • Page 5, titre « Rôle de l’information officer » : en l’absence de base légale, l’UVCW ne voit pas comment le « secteur social » va pouvoir réaliser des « signalements » à destination de la CSIL ;
  • Page 6, al. 1er : l’administration locale est susceptible de prendre des « mesures administratives ». Lesquelles, et sur quelle base légale ?
  • Page 6, titre « Rôle de services locaux de prévention » : le texte précise « il convient de conclure des accords de travail clair », mais ne fournit que très peu d’éléments permettant d’atteindre cet objectif ;
  • Page 5 et 6 : les divers acteurs, en ce compris ceux ne disposant pas de la puissance publique, reçoivent un rôle de « constatation de présence ou d’absence » de certaines personnes dont on peut craindre une radicalisation. S’il s’agit de vérifier la présence de ces personnes à leur domicile, la base légale manque pour une telle compétence ;
  • Page 6 : les trois plates-formes de concertation appelées « tables » (stratégique, tactique et opérationnelle) ne peuvent fonctionner qu’au moyen d’un manuel de procédure précis et complet. Il est totalement illusoire de penser que chaque commune du pays va rédiger à son niveau de telles instructions pour ses services. Il appartient aux autorités fédérales, dans un cadre légal clair, de proposer un manuel de ce type, à titre de modèle éventuellement adaptable par les communes.

En conclusion, le texte en projet, qui constitue le prolongement des circulaires « FTF » des deux dernières années, poursuit dans une voie qui semble juridiquement très incertaine.

Un tel système d’encadrement et de suivi local nécessiterait, selon l’UVCW, qui est partisane d’une telle solution, de légiférer, et non d’envoyer aux divers acteurs locaux des suggestions, pistes et autres recommandations par la voie de simples commentaires circulaires.

De nombreuses communes, conscientes des enjeux de sécurité y liés, ayant déjà entamé des démarches de création de telles CSIL, il semblerait très avisé que, dans l’attente des adaptations légales précitées, l’Ordre judiciaire, par le biais du Collège des Procureux généraux par exemple, fixe par voie de directive les limites jugées acceptables, dans notre arsenal juridique actuel, pour ces échanges de données locales. La Commission de la protection de la vie privée devrait, selon l’UVCW, en faire de même, dans le cadre de ses prérogatives et domaines de compétence.

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Date de mise en ligne
28 Septembre 2016

Auteur
John Robert

Type de contenu

Matière(s)

Police locale
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