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Mis en ligne le 11 Juillet 2022

Au cours des semaines écoulées, les débats ont monté en intensité, dans les discussions parlementaires ou dans la presse, concernant la situation financière catastrophique d’un nombre important de zones de police, spécialement wallonnes.

Plusieurs nouvelles, vraies ou fausses, ont circulé sur l’état des discussions entre la Ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, avec les Unions des Villes et Communes ou avec certains parlementaires au sein de la Commission de l’Intérieur de la Chambre.

La présente note entend faire le point sur les éléments en notre possession concernant cette matière, et plus spécifiquement les dossiers suivants :

Une augmentation de 8% des dotations fédérales au ZP 2022 ?

En séance de Commission de l’Intérieur de la Chambre de fin mai, la Ministre a fait état d’une « bonne nouvelle » : les dotations fédérales aux zones de police allaient augmenter de 8% cette année.

Les syndicats ont été les premiers à réagir, disant que cela allait permettre aux communes de payer les augmentations barémiques négociées (en solo) par la Ministre au début de l’année.

Après vérification, il est hélas apparu que loin de constituer une mesure politique d’aide aux zones de police, l’augmentation en question (64 millions d’euros) n’est en réalité que l’application pure et simple de la loi police intégrée de 1998, qui prévoit un mécanisme d’indexation automatique des dotations fédérales.

Or, cette année 2022 (sans compter 2021 et 2023), en raison de l’inflation galopante, ce ne sont pas moins de quatre indexations salariales qui sont confirmées, ce qui signifie des augmentations de dépenses zonales bien supérieures encore aux 8 % d’indexation évoqués.

En effet, l’indexation des dotations fédérales ne couvre évidemment pas l’ensemble de l’augmentation des dépenses de personnel de la zone, puisque ces dotations ne représentent, au mieux, que 50% (et parfois seulement 30%) du budget zonal.

Enfin, cerise sur le gâteau, la Ministre a été obligée de reconnaître en Commission de l’Intérieur que cette indexation de 8 % ne serait versée aux zones qu’avec la dernière mensualité de l’année, comme la législation policière le prévoit. En d’autres termes, il est interdit aux zones de police d’effectuer, avant décembre 2022, la moindre modification budgétaire qui intégrerait cette augmentation de 8 %.

Certains bourgmestres ont déjà annoncé qu’ils allaient braver cette interdiction, quitte à se heurter à une annulation par la tutelle budgétaire du gouverneur.

Un grand plan pour le refinancement de la police intégrée d’ici 2024 ?

Devant les parlementaires de la Commission de l’Intérieur, la Ministre Verlinden a ensuite annoncé mi-juin qu’elle allait déposer, en collaboration avec son homologue de la Justice Vincent Van Quickenborne, un « grand plan de refinancement de la police intégrée », en évoquant un chiffre de près de 250 millions d’euros débloqués d’ici la fin de la législature.

La Ministre annonçait par la même occasion qu’elle allait présenter ce plan au Conseil des Ministres du 17 juin.

Ici encore, il s’agit d’un effet d’annonce particulièrement trompeur :

  • d’une part, sur le fond, ce montant, annoncé à 243 millions d’euros, ne constitue que le reliquat 2022-2024 d’un budget total de 310 millions, prévu pour l’ensemble de la période 2021 – 2024, qui se décompose en réalité comme suit : une augmentation initiale de 50 millions d’euros en 2021, puis 20 millions supplémentaires par an jusqu’en 2024 ;
  • d’autre part, à la lecture du communiqué de presse conjoint des deux ministres, il apparaît que ces augmentations annuelles (finalement assez modestes) vont surtout bénéficier à la police fédérale, notamment pour les fonctions de police judiciaire spécialisées, pour l’ICT et pour des véhicules de la police fédérale.

Les zones ne sont en réalité concernées que par la promesse d’engagement de 1.200 nouveaux policiers locaux par an, ce qui ne concerne principalement le remplacement des départs naturels par la prise en charge de la formation des aspirants, et aucunement de leur salaire pendant la durée de leur carrière ;

  • enfin, il est apparu que le plan en question n’a en fait pas été abordé en Conseil des Ministres du 17 juin. Selon nos informations, ce plan sera intégré dans les grands arbitrages budgétaires d’ensemble, que le Gouvernement fédéral va entamer prochainement, afin d’aboutir pour la rentrée parlementaire d’octobre.

Des moyens en plus pour financer l’accord sectoriel 2018 et 2021 ?

Quant à l’accord sectoriel de 2018

Le contenu de l’accord sectoriel de 2018 a été élaboré au sein d’un groupe de travail auquel les Unions des Villes n’ont pas été conviées. Nous n’avons été associées au dossier qu’en fin de parcours, une fois que le Ministre Jambon et les organisations syndicales avaient déjà trouvé un accord. Outre le rôle qui nous a été donné, nous avons dénoncé l’absence de moyens fédéraux pour financer les mesures prévues par l’accord sectoriel alors qu’il allait engendrer des dépenses non négligeables pour les zones de police : jusqu’à 40 millions d’euros, en 2023, avec l’octroi des titres-repas (23 millions, en 2022, avec l’octroi des titres-repas seulement pour les mois de novembre et de décembre).

En 2021, le Fédéral a dégagé une enveloppe de 4.5 millions d’euros, à titre de dotation fédérale relative aux coûts engendrés par la mise en œuvre de l’accord sectoriel. Il est donc aisé de calculer que la majeure partie des coûts est financée par les zones de police et donc par les communes.

Nous avons donc attaqué l’arrêté royal traduisant l’accord sectoriel devant le Conseil d’Etat. Notre recours a été associé à plusieurs autres recours en annulation. L’affaire a été plaidée le 17 juin dernier et le Premier Auditeur a confirmé son rapport et conclu à l’annulation de l’arrêté royal.

Hélas, malgré ce que la position l’Auditeur pouvait laisser espérer aux municipalistes et aux zones de police, le Conseil d’Etat, par son arrêt n° 254.199 du 30 juin 2022, a refusé d’annuler l’arrêté attaqué, en rejetant les deux moyens pris par l’avocat de l’UVCW et de Brulocalis relatifs aux aspects plus formels et procéduraux du dossier (l’avis consultatif – selon nous manquant – du Conseil des bourgmestres d’une part, et d’autre part la prise dudit arrêté en période d’affaires courantes), mais n'a refusé une annulation sur la base de notre troisième moyen (intervention fédérale largement insuffisante pour financer les mesures de l’accord sectoriel) que parce que celui-ci ne visait pas les bons actes administratifs – en l’occurrence les arrêtés pris entre 2019 et 2021 - soit postérieurement à l’introduction du recours… - pour octroyer la (très insuffisante) dotation fédérale censée compenser les surcoûts de cet accord.

Ainsi, le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur le fond de l’actuel mécanisme de financement des zones de police, ce qui laisse entière la question de sa légalité et surtout de son opportunité.

Quant à l’accord sectoriel de 2021

Ce volet reste quant à lui à l’état de projet. La Ministre a bien conclu un accord intermédiaire avec les syndicats de police SLFP et SNPS, à la fin du mois de janvier 2022, mais il est conditionné à la poursuite des négociations sur le volet dit « qualitatif » de l’accord. Les partenaires ont convenu qu’il n’y a d’accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout.

Concrètement, le volet quantitatif de l’accord porte sur une revalorisation à hauteur de 121 millions d’euros pour la police intégrée (dont 91 millions pour la police locale), sur la NAPAP (maintien du régime, coût de 50 millions, dont 40 pour la police locale), sur le télétravail et l’instauration d’une indemnité ad hoc (30 millions d’euros, dont 22,5 millions pour la police locale) et sur une seconde phase de négociation dès janvier 2024 avec les pouvoirs locaux.

La Ministre de l’Intérieur a reçus les Unions des Villes et Communes, et a affirmé vouloir plaider pour une prise en charge fédérale de la facture des zones de police, au moins pour les 91 millions d’euros de revalorisation. Mais la Ministre n’a encore rien obtenu du Gouvernement fédéral… pas même les 30 millions de revalorisation pour la police fédérale ! Le débat semble reporté aux travaux de confection du budget 2023.

La Ministre a débloqué un budget pour le financement des NAPAP au cours de l’année 2021. Lors des négociations, le Directeur du SAT Intérieur a annoncé que la Ministre allait tenter de chercher un financement complémentaire pour les NAPAP.

Bref, à ce stade, beaucoup d’annonces, peu de concrétisation, mais surtout énormément de risques pour les zones de police et les communes. Il est, en effet, question de 153.5 millions d’euros par an, mais surtout la Ministre a promis aux organisations syndicales de rouvrir les négociations, en 2024, avec une participation financière des pouvoirs locaux.

Notre combat pour un financement fédéral complet des surcoûts de personnel des zones de police se poursuit donc…

Une certitude : les finances des zones explosent cette année !

La situation catastrophique dans laquelle ont glissé depuis ces trois dernières années la majorité de zones de police wallonne est patente, et bien connue de notre association, qui n’a de cesse d’alerter les autorités fédérales et régionales à ce propos.

Un bon résumé de cette situation nous est offert dans le communiqué de presse de juin dernier concernant la dernière étude annuelle de Belfius sur l’état de finances locales :

« L'envolée des prix se répercute également sur les dotations communales (CPAS, zones de police, ...)

Les différentes indexations salariales et la flambée des coûts de l’énergie impactent également les différentes entités locales {CPAS, zones de police et de secours...) du périmètre communal. C'est particulièrement le cas des zones de polices pour lesquelles les charges de personnel représentent plus de 90% des dépenses ordinaires. Ceci entraînera inévitablement une majoration des différentes dotations communales nécessaires pour équilibrer le budget de ces entités. Selon notre estimation, et compte tenu de la sensibilité des structures bénéficiaires à l'inflation, les surcoûts relatifs aux dépenses dites de transfert s'élèveraient à 75 millions d'euros en Wallonie et à 35 millions d'euros en Région bruxelloise. »

(https://research.belfius.be/wp-content/uploads/2022/06/CommuniquedepresseBelfius_FinanceslocalesDEF.pdf)

Cette estimation de 75 millions d’euros de surcoûts à charge des communes pour les zones wallonnes est donc à mettre en parallèle avec les 21 millions d’euros d’indexation (33 % de 64 millions, cf. point 1) que nous estimons que les zones wallonnes recevront au début de 2023.

Une autre certitude : le moteur salarial de calcul des traitements policiers est en rade

Les comptables spéciaux de tout le pays nous ont alertés depuis plusieurs mois : le service de la police fédérale censé effectuer les calculs salariaux pour le compte de toute la police intégrée, en ce compris donc les polices locales, ne parviennent plus à effectuer des calculs corrects et conformes aux législations policière, sociale et fiscale.

En cause semble-t-il, un marché public octroyé il y a 2-3 ans à une entreprise informatique néerlandaise, sur base de critères mal fixés et/ou mal contrôlés par la police fédérale. Le logiciel de moteur salarial qui en résulte est aujourd’hui incapable de réaliser le travail requis, les erreurs et approximations sont légion, et il semblerait par ailleurs qu’il existe un lourd passif de mauvais calcul au cours des dernières années.

Il s’agit évidemment d’un dossier très technique, que seuls les comptables spéciaux et directeurs financiers parviennent à maîtriser.

Mais la situation est gravissime, nous répètent-ils.

Le service concerné (SSGPI) et le Cabinet de la Ministre ont été informés à de multiples reprises de ces erreurs et de cette gestion calamiteuse d’un des rouages essentiels de la police intégrée.

Jusqu’ici, la direction concernée semble soit minimiser les problèmes, soit essayer de reporter la faute sur l’entreprise qui a élaboré le logiciel.

Lassés de l’inaction de la Ministre, plusieurs comptables spéciaux ont déjà mis en demeure le SSGPI de leur envoyer des données correctes, sous peine de dénoncer les faits à l’administration fiscale.

Pour peser de tout notre poids dans la résolution de ce dossier, notre association a rédigé, en collaboration avec ses associations-sœurs, la VVSG et Brulocalis, et avec l’appui des trois fédérations régionales de receveurs, directeurs financiers et comptables spéciaux, un courrier politique à la Ministre que vous trouverez ci-dessous.

En conclusion

La Ministre de l’Intérieur, le Gouvernement fédéral et la Commission de l’Intérieur de la Chambre ont donc reçu en ce début juillet le courrier précité concernant les graves dysfonctionnements du moteur salarial de la police intégrée.

Avec nos associations-sœurs flamande (VVSG) et bruxelloise (Brulocalis), l’UVCW prépare à présent une nouvelle action d’interpellation de la Ministre de l’Intérieur, sur l’ensemble des problèmes budgétaires et financiers majeurs que rencontrent nos zones de police, et partant, nos communes.

Mais notre action ne s’arrêtera pas là : en effet, nos zones de secours, elles aussi, se retrouvent dans une situation financière plus que préoccupante : on soulignera par exemple que si l’indexation des dotations fédérales aux zones de police est bien prévue par la loi sur la police intégrée de 1998, même si c’est de manière totalement insuffisante (cf. point 1 plus haut), elle n’est même pas prévue légalement pour les zones de secours, la loi de 2007 sur la sécurité civile ayant étrangement omis de prévoir un tel mécanisme d’indexation !

 

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Date de mise en ligne
11 Juillet 2022

Auteur
John Robert

Type de contenu

Matière(s)

Police locale Finances et fiscalité
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