Distribution d'imprimés, autorisation obligatoire?
Nous nous interrogeons sur la possibilité de prévoir dans notre règlement communal une autorisation obligatoire pour la distribution d'imprimés sur la voie publique?
Il convient, tout d'abord, de vérifier si une législation spécifique règle la problématique. En fait, il n'existe pas de loi réglementant la distribution d'imprimés sur la voie publique. Toutefois, l'article 19 de la Constitution garantit la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de cette liberté.
On peut dès lors s'interroger sur la possibilité pour une commune de prévoir dans son règlement de police des mesures préventives liées à la distribution d'imprimés, telle que l'imposition d'une autorisation préalable.
Sur ce point, il existe deux jurisprudences contraires. La première, la plus ancienne, résulte de la Cour de Cassation et permet aux communes d'imposer une autorisation préalable à toutes distributions d'imprimés sur la voie publique. Ainsi, la Haute Cour a précisé dans son arrêt du 29 octobre 1973 (Pas., I, 1974, pp. 232 et s.) "qu'en les soumettant à une autorisation préalable, aux fins d'éviter les effets ci-dessus décrits, l'autorité communale ne viole ni les articles 14 (devenus l'art. 19) et 18 (devenu l'art. 25 et concernant la liberté de la presse) de la Constitution ni quelque autre disposition légale ou conventionnelle; attendu, d'autre part, que rien dans le (…) règlement (…) n'autorise à penser que la mesure de police prévue par cette disposition ait pour objet le contrôle du contenu des imprimés qui pourraient être distribués ou mis en vente; qu'il ressort au contraire du contexte que la nécessité d'une autorisation préalable n'a en vue que d'éviter l'apparition sur la voie publique d'objets qui en compromettraient la propreté ou constitueraient une gêne pour la circulation du public".
La deuxième jurisprudence émane du Conseil d'Etat et va dans le sens contraire. Il considère ainsi "qu'aucune de ces deux dispositions (les art. 19 et 25 de la Constitution) n'autorise formellement l'autorité à subordonner l'exercice du droit en question à des mesures préventives, même si elles n'interdisent pas non plus d'une manière générale de telles mesures (…); considérant qu'il y a lieu de considérer comme une mesure préventive illicite la prescription selon laquelle l'autorisation préalable du bourgmestre doit être obtenue au moins quatorze jours avant la distribution d'écrits et d'objets commerciaux; qu'ainsi cette prescription instaure effectivement une interdiction générale à laquelle le bourgmestre peut déroger arbitrairement, à titre exceptionnel (…) considérant qu'en ce qui concerne les distributions non commerciales, il s'impose également de considérer l'obligation de communication instaurée comme une mesure préventive illicite; que, d'ailleurs, par son caractère général, la mesure est disproportionnée par rapport à la pollution des rues du centre de la ville et aux incidents passagers invoqués dans le rapport du collège, et que le moyen à mettre en œuvre auquel il est fait allusion, à savoir permettre à la police d'exercer un contrôle préventif sur la distribution, ouvre la voie à l'intimidation". (C.E., 18.5.1999, n°80.282)
Ce qui semble évident, en l'espèce, c'est qu'il ne serait pas possible d'interdire absolument toute distribution de tracts sur la voie publique car cela serait contraire à la Constitution.
Par contre, la disposition qui soumettrait à autorisation la distribution de tracts sur la voie publique risque de se voir annulée par le Conseil d'Etat, en cas de recours porté devant lui.
Toutefois, comme l'a indiqué le Ministre Courard lors d'une question parlementaire (Q/R, n° 14, 16.10.2008), il serait tout à fait possible "de faire apparaître dans le règlement communal des dispositions relatives à la manière dont la distribution s'organisera, à savoir:
- distribution de la main à la main et non à la volée;
- interdiction d'accoster, de suivre ou d'importuner les passants ou d'entraver la circulation;
- faire apparaître sur le tract la mention "ne peut être jeté sur la voie publique";
- rappeler que la distribution d'imprimés ne peut porter atteinte à l'ordre, la propreté et la sécurité publiques;
- interdire l'apposition de feuillets d'imprimés sur les véhicules (…)".
En outre, on pourrait peut-être prévoir une déclaration à la commune - et non une autorisation préalable - lors de la distribution de tracts sur la voie publique, comme cela se fait pour les soirées en lieu clos et couvert. Cela permettrait à la commune de savoir quand aurait lieu une telle distribution et ainsi de rappeler les règles prévues dans l'ordonnance de police ou encore d'adopter un arrêté de police pour imposer d'autres mesures afin d'éviter tout trouble à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques.
Terminons en rappelant qu'en l'absence de toutes dispositions dans le règlement communal, des mesures individuelles pourraient quand même être adoptées via un arrêté de police basé sur les articles 133, al. 2, et 135, par. 2, de la nouvelle loi communale. Cet arrêté pourrait ainsi imposer des mesures pour éviter tout trouble à l'ordre public.