Bail à ferme: qu’advient-il du bail en cas de décès du locataire ?
Le décès du locataire ne met en principe pas fin au contrat de location. Le bail se poursuit donc au profit de ses héritiers (ou de ses ayants droit), qui viennent ainsi aux droits et obligations de leur auteur. Ce sont donc eux qui seront, de manière indivise, tenus de payer le fermage, d’entretenir le bien loué ou encore d’en assurer l’exploitation.
Cependant les articles 38 et suivants de la loi sur le bail à ferme permettent au bailleur et aux héritiers de mettre prématurément fin au contrat de bail et ce, sous certaines conditions. De même, ces dispositions prévoient un régime spécifique lorsque seuls certains héritiers souhaitent poursuivre l’exploitation. Qu’en est-il exactement?
Congé donné par le bailleur
En cas de décès du locataire, le bailleur pourra mettre fin au contrat de location à condition que, cumulativement:
- Le contrat de bail ait expressément prévu cette faculté pour le bailleur;
- Le locataire décédé ne laisse aucun conjoint survivant, descendant ou enfant adoptif, ni descendant ou enfant adoptif de son conjoint, ni conjoint dudit descendant ou enfant adoptif.
Si ces deux conditions sont réunies, le bailleur dispose de la faculté de mettre prématurément un terme au contrat de location. Il devra toutefois donner son congé dans l’année qui suit le décès du locataire et ce, moyennant un préavis de deux ans.
Ce congé sera signifié par lettre recommandée ou exploit d’huissier de justice à tous ceux qui exploitent le bien. Si le bailleur ne connait pas leur identité, il pourra, selon l’article 12.3 de la loi, présumer comme tels celui ou ceux qui ont payé le dernier fermage ou, à défaut de pareil paiement, celui ou ceux des preneurs qui sont domiciliés au siège de l'exploitation.
Notons qu’à défaut de recourir à cette faculté particulière de résiliation du contrat, le bailleur conserve le droit d’y mettre un terme conformément aux règles générales du bail à ferme. Tel sera notamment le cas d’une résolution judiciaire pour inexécution des obligations incombant aux nouveaux locataires (abandon de culture, non-respect de la destination du bien,…).
Congé donné par les héritiers du locataire décédé
Les héritiers du preneur décédé peuvent mettre fin au contrat de bail par un congé donné dans l’année du décès du locataire, moyennant un préavis de trois mois au moins. A peine d’inexistence, ce congé doit être signifié par lettre recommandée ou exploit d’huissier de justice.
S’il existe plusieurs héritiers, ce congé devra être fait de l’accord de l’ensemble de ceux-ci. A défaut d’accord, on se reportera aux règles énoncées ci-après.
Continuation du contrat par les héritiers du locataire décédé
Bien évidemment, il peut arriver que certains héritiers ne souhaitent pas poursuivre l’exploitation, alors que d’autres désirent au contraire la reprendre. Dans ce cas, la loi sur le bail à ferme leur permet de décider, de commun accord, qui d’entre eux poursuivra le contrat de bail. Ils notifieront ensuite ce choix au bailleur, par lettre recommandée ou exploit d’huissier de justice.
Si par contre ils ne parviennent pas à un accord, chacun d’eux peut demander au juge de paix de le désigner pour continuer l'exploitation du bien loué, à charge de payer aux autres une indemnité qui sera fixée dans le jugement. Il appartient à celui qui est désigné par le juge, selon un ordre de préférence établi par la loi, de notifier cette désignation au bailleur par lettre recommandée ou exploit d’huissier de justice.
Durée du contrat
En principe, les héritiers poursuivent le contrat entamé par le locataire décédé.
Toutefois, dans la majorité des cas, la notification au bailleur entraine le renouvellement du contrat de bail. Ce renouvellement a pour effet de faire courir une nouvelle période d’occupation à la date anniversaire de l’entrée en vigueur du bail qui suit la notification. Ainsi, si le bail est entré en vigueur le 1er novembre 2005 et que la notification du renouvellement a lieu le 1er mars 2014, une nouvelle période d’occupation de neuf ans prendra cours à partir du 1er novembre 2014. Les autres conditions du contrat restent quant à elles d’application.
Ce renouvellement s’opère si deux conditions sont rencontrées :
- celui ou ceux qui continuent l’exploitation est ou sont tous des descendants ou enfants adoptifs du défunt ou de son conjoint ou des conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs ;
- Il n’y a pas d’opposition du bailleur ou, en cas d’opposition, celle-ci n’est pas déclarée valable par le juge. Le bailleur peut en effet s’opposer au renouvellement du bail, en appelant devant le juge de paix les auteurs de la notification. Cette opposition devra être réalisée conformément aux articles 36 et 37 de la loi.
Absence d’héritier
Il peut arriver que le locataire décède sans qu’aucun héritier n’existe ou n’ait accepté la succession. Dans ce cas, l’article 768 du Code civil prévoit que l’Etat peut entrer en possession des biens de la personne décédée. Il s’agit d’une possibilité, l’Etat n’y est aucunement contraint. S’il l’accepte, ce sera l’Etat qui devra être considéré comme l’héritier du preneur et donc sera tenu au respect de ses obligations (payer le fermage,…).
Enfin, lorsque l’Etat refuse la succession, on parle alors de « succession vacante ». Dans ce cas, un curateur peut être nommé par le tribunal de première instance pour liquider la succession, conformément aux articles 811 à 813 du Code civil. Ce curateur mettra donc fin au contrat de bail et, si les moyens du défunt le lui permettent, payera le retard de fermage et les éventuels dommages et intérêts dus. Selon l’article 1228 du Code judiciaire, le tribunal désignant le curateur peut être saisi sur requête de tout tiers intéressé. Le bailleur peut donc valablement introduire cette requête en désignation.
----------