Annulation par la Cour constitutionnelle d’un article de la loi sur la police des chemins de fer relatif à la nouvelle procédure applicable en cas de suppression des passages à niveau
Dans le cadre d’un article publié sur notre site internet en juin 2023, nous vous présentions la nouvelle procédure applicable en cas de suppression d’un passage à niveau, telle que prévue par les nouveaux articles 19 et 19/1 de la loi du 27 avril 2018 sur la police des chemins de fer (LPCF), modifiée en ce sens par la loi du 6 décembre 2022.
Plusieurs recours en annulation ont été introduit auprès de la Cour constitutionnelle à l’encontre de la loi du 6 décembre 2022 précitée et de la nouvelle procédure qu’elle prévoit.
Ces recours reprochaient, notamment, aux nouvelles dispositions :
- De porter atteinte au principe de l’autonomie communale en ce que la réforme aurait supprimé la participation des autorités locales dans la prise des décisions relatives à la suppression des passages à niveau, ce qui violerait non seulement le principe de l’autonomie locale, mais également l’obligation de standstill découlant de l’article 23 de la Constitution.
- D’être discriminatoire quant aux possibilités de recours prévues en ce que le recours institué dans le cadre de la réforme n’est ouvert qu’à (1) la commune sur le territoire de laquelle le passage à niveau concerné est situé et au (2) gestionnaire de voirie de la liaison routière qui serait coupée en raison de la suppression du passage à niveau et en ce que ledit recours n’est, en revanche, pas ouvert aux « autres personnes intéressées ».
Dans son arrêt n°104/2024 du 3 octobre 2024, la Cour constitutionnelle s’est positionnée comme suit :
1° En ce qui concerne l’atteinte au principe d’autonomie communale : Selon la Cour, pour que l’atteinte au principe d’autonomie communale soit inconstitutionnelle, il faut qu’elle soit disproportionnée. Tel serait le cas, par exemple, si elle aboutissait à priver les communes de tout ou de l’essentiel de leurs compétences ou si la limitation de la compétence ne pouvait être justifiée par le fait que celle-ci serait mieux gérée à un autre niveau de pouvoir.
En l’espèce, la Cour considère que le législateur a pu raisonnablement estimer que la réglementation du processus décisionnel administratif relatif à la suppression des passages à niveau serait mieux servie à un niveau d’intervention plus général que le niveau local, dès lors qu’à défaut d’intervention de l’État fédéral, les communes auraient été amenées, chacune pour ce qui les concerne, à régler cette matière elles-mêmes, ce qui compliquerait considérablement la mission d’intérêt général d’Infrabel, qui consiste en la gestion de l’infrastructure ferroviaire sur l’ensemble du territoire (article 199 de la loi du 21 mars 1991 « portant réforme de certaines entreprises publiques économiques »). Par ailleurs, le régime attaqué permet aux communes soit de donner un avis sur la suppression envisagée d’un passage à niveau (si celui-ci est situé sur leur territoire), soit de formuler des observations ou des objections dans le cadre d’une enquête publique, ouverte à tout le monde. Par conséquent, les communes peuvent continuer à remplir leur rôle de défense de l’intérêt communal au cours du processus décisionnel administratif.
Eu égard à cela, la Cour estime que la disposition attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au principe de l’autonomie locale.
2° En ce qui concerne le caractère discriminatoire du recours institué : Selon la Cour, les « principes » visés à l’article 19 concernent la fonction actuelle du passage à niveau, la sécurité routière, les répercussions sur la mobilité, les besoins spatiaux des différentes activités sociales ainsi que le désenclavement des parcelles adjacentes, dans une perspective dépassant les limites communales ou non. Sur base de cela, elle estime que, dès lors que ces « principes », en particulier ceux qui visent la sécurité routière, la mobilité et la propriété, sont relatifs à des préoccupations qui concernent tant les communes et gestionnaires de voirie que les autres personnes intéressées, il n’est pas raisonnablement justifié de réserver le recours administratif aux premiers et, partant, d’en exclure ces dernières.
La Cour considère dès lors que l’article 19/1, § 1er, de la loi du 27 avril 2018, tel qu’il a été inséré par l’article 3 de la loi du 6 décembre 2022, viole les articles 10 et 11 de la Constitution et l’annule en conséquence.
Rappelons que les arrêts d’annulation de la Cour constitutionnelle sont revêtus de l’autorité absolue de chose jugée. Il en est ainsi à partir de leur publication au Moniteur belge. La disparition de la norme vaut à l’égard de tous et remonte au jour de son adoption. L’annulation est ainsi générale et rétroactive.
En l’espèce, l’arrêt n°104/2024 a été publié au Moniteur belge ce 5 novembre dernier.
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