L’UVCW réagit aux mesures d’économies du conclave budgétaire wallon 2026 : du bon mais aussi du très mauvais
L’Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW) a pris attentivement connaissance des mesures d’économies annoncées par le Gouvernement wallon à l’issue du conclave budgétaire 2026.
Notre Association est pleinement consciente des graves difficultés budgétaires auxquelles la Wallonie est confrontée, ainsi que de la nécessité de redresser les finances régionales. Toutefois, au regard de la situation déjà tendue des finances locales, les décisions adoptées suscitent un accueil contrasté : si certaines avancées sont saluées, d’autres décisions risquent de peser lourdement sur la santé financière des communes et des entités paralocales, au risque d’obérer l’essentiel des services publics indispensables à la population et aux forces vives du territoire wallon, lesquels dépendent avant tout de l’intervention des pouvoirs locaux.
Des avancées saluées
Tout d’abord, l’UVCW accueille favorablement la création d’une dotation spécifique de 35 millions d’euros destinée à soutenir les 9 grandes villes dans le cadre du futur Fonds extraordinaire d’investissement régional (FERI). C’est un bon début. Moyennant certaines modalités à définir ; notre Association avait d’ailleurs déjà accueilli favorablement le projet de création du FERI qui, fondé sur les réflexions de notre association en matière de structuration du soutien à l’investissement public local, constitue un véritable changement de paradigme dans la manière dont la Région sera amenée à soutenir financièrement les investissements communaux. Celui-ci occasionnera non seulement plus de transparence, de prévisibilité et de capacité opérationnelle pour les communes mais aussi une simplification administrative et davantage d’efficience, tant pour les pouvoirs locaux que pour l’administration régionale. L’attention particulière portée au financement et au développement des 9 grandes villes wallonnes, pôles structurants de notre région, nous semble par ailleurs essentielle.
L’UVCW salue également la poursuite de l’allègement, voulu total en bout de course, de la charge financière que représentent les zones de secours pour les communes, conformément à la Déclaration de politique régionale. Toutefois, la méthode retenue pose question, étant entendu que la Région a fait le choix de demander aux provinces de financer directement les zones, la nouvelle trajectoire imposant dans ce cadre aux autorités provinciales de contribuer, de manière progressive depuis 2020, au budget des zones wallonnes, et ce en remplacement, à due concurrence, du financement des communes dans ces mêmes zones. Si nous approuvons sans réserve la volonté du Gouvernement wallon de réduire le plus largement possible la charge financière des zones de secours pour les villes et communes de Wallonie, qui en ont grandement besoin, nous nous inquiétons de la perte éventuelle de responsabilité des communes en matière de contrôle des décisions budgétaires et comptables relatives aux zones de secours, et en particulier vis-à-vis de la responsabilité propre des bourgmestres en matière de sécurité publique.
Par ailleurs, l’UVCW accueille très favorablement l’annonce d’une révision de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles, mesure réclamée de longue date par notre Association. Le renforcement du principe du coût-vérité d’assainissement constitue un pas important vers une gestion durable et équitable de la ressource en eau.
Enfin, nous prenons bonne note de la volonté du Gouvernement de permettre aux communes de contrôler la vitesse sur leur réseau et de percevoir les amendes correspondantes. Si cette idée va dans le sens d’une meilleure maîtrise locale, il conviendra d’en examiner attentivement le cadre légal afin de garantir un bon équilibre entre coûts de mise en œuvre et recettes réellement perçues ; il ne s’agit toutefois pas d’une avancée financière pour les pouvoirs locaux, dans la mesure où le droit pénal n’a pas de vocation rémunératoire et que le développement des mécanismes répressifs ne peut, par principe, avoir d’objectif de rendement financier, d’autant que celui-ci, par son effet préventif, est naturellement amené à s’amenuiser avec l’adaptation du comportement des usagers.
Des mesures très préoccupantes pour les finances locales
Au rayon des mauvaises nouvelles, notre Association regrette vivement la décision du Gouvernement wallon de maintenir la suppression du pourcentage de majoration de l’indexation du Fonds des communes. Ce pourcent représente tout de même une perte directe estimée à 251 millions d’euros uniquement sur la législature régionale 2024-2029. L’amputation d’une partie de cette recette essentielle pour les communes pèsera inévitablement sur leur santé financière, avec un coût annoncé par le Gouvernement wallon de 16,1 millions en 2026, et cela sans prendre en compte l’impact de 15,7 millions que ce gel aura déjà généré comme perte pour les années 2025 et suivantes. Par conséquent, en 2026, la suppression du pourcentage de majoration coûtera donc réellement près de 32 millions d’euros aux communes wallonnes.
L’enveloppe APE dédiée aux pouvoirs locaux est également touchée. Outre le gel de l’indexation, dont l’impact cumulé atteindra 208 millions d’euros sur la législature (dont un impact direct de 10 millions supplémentaires dès 2026, qui viennent s’ajouter aux 16,2 millions d’impact en 2025, soit 26,2 millions de pertes réelles pour l’année 2026), le Gouvernement prévoit la suppression partielle ou totale des subventions APE accordées à plusieurs pouvoirs locaux. Ainsi :
- Les villes et communes perdront 17,5 millions d’euros ;
- Les zones de secours et zones de police verront leurs subventions APE purement et simplement supprimées (0,56 et 0,51 million d’euros respectivement) ;
- Les intercommunales subiront une réduction de 12,5 % (4,77 millions d’euros) ;
- Les régies communales autonomes, une réduction de 25 % (0,73 million d’euros).
Au total, la perte minimale pour les pouvoirs locaux atteindra 24 millions d’euros en 2026, auxquels s’ajoutent les 10 millions d’euros liés au gel de l’indexation en 2026, sans compter les impacts encore flous des 20 millions d’euros d’économies escomptées sur la « fin des effets d’aubaine » et des 15 millions récupérés sur des prétendument somme versées de manière indue. Ces mesures auront un impact direct sur l’emploi local et, par conséquent, sur la qualité des services rendus à la population.
A noter que le Gouvernement wallon ne « touche » pas aux APE au sein des CPAS, ce que nous accueillons avec soulagement bien entendu.
Enfin, l’une des mesures les plus inquiétantes annoncées à l’issue du conclave budgétaire est sans conteste le souhait du Gouvernement wallon de procéder dès 2026 à une économie de 45 millions d’euros sur l’enveloppe dédiée aux compensations « Plan Marshall » (complément régional), celle-ci étant désormais plafonnée à 58 millions d’euros par an. Notre Association avait déjà attiré l’attention du Gouvernement sur le fait que la révision à la baisse des compensations fiscales liées au Plan Marshall aurait des conséquences extrêmement dommageables pour les finances des communes wallonnes. Ces compensations n’ont pas été créées par hasard : elles visent à neutraliser les pertes subies par les communes lors de l’exonération de certaines taxes locales ou d’exonérations en matière de précompte immobilier sur le matériel et outillage, afin de soutenir l’activité économique. Réduire l’enveloppe dédiée à ces compensations devrait alors nécessairement conduire, comme le souligne d’ailleurs le Gouvernement wallon qui annonce que « Les communes retrouveront une responsabilité fiscale encadrée et équitable », à la suppression partielle de l’exonération de précompte immobilier (et donc d’additionnels communaux) sur le matériel et l’outillage neufs et à la réinstauration de la taxe industrielle compensatoire et de la taxe sur la force motrice sur les nouveaux moteurs, dans le respect de l’autonomie fiscale des communes, telle que garantie par la Constitution.
Il serait par ailleurs d’autant plus légitime, étant donné que les moyens consacrés au complément régional seront désormais limités, que la Région lève au plus vite le gel de l’indexation sur le précompte immobilier matériel et outillage. Nous estimons que les communes auraient pu obtenir, rien que pour l’année 2024, près de 50 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires en matière de précompte immobilier sur le matériel et outillage si ce gel de l’indexation, en vigueur depuis 2004, n’avait pas été appliqué.
Une contribution disproportionnée des pouvoirs locaux
En conclusion, si l’Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW) reconnaît certaines avancées adoptées dans le cadre de ce conclave, notre Association s’inquiète fortement des conséquences financières directes que les décisions annoncées ce 20 octobre auront sur les finances des pouvoirs locaux en 2026. Si l’on ne prend que l’impact des mesures décidées pour 2026, les mesures annoncées représentent une contribution minimale de 95 millions d’euros des pouvoirs locaux au redressement budgétaire régional, soit plus de 35 % de l’effort total de 270 millions annoncé par le Gouvernement wallon, à savoir :
- 45 millions : réduction des compensations fiscales « Plan Marshall » ;
- 24 millions : économies sur les subventions APE ;
- 16 millions : maintien de la suppression du pourcentage de majoration du Fonds des communes ;
- 10 millions : maintien du gel de l’indexation APE.
Cette estimation ne prend même pas en compte les effets cumulés des pertes infligées aux pouvoirs locaux sur l’exercice 2025 et qui continueront à sortir leurs effets sur les exercices 2026 et suivants. Il s’agit donc tout simplement d’une couche supplémentaire ajoutée aux contributions de l’échelon local à l’assainissement des finances régionales.
Les communes, soumises depuis toujours à des règles de gestion financière plus strictes que celles de la Région, leur imposant de concevoir des budgets à l’équilibre, se retrouvent donc une nouvelle fois invitées à subir financièrement une partie importante de l’effort visant à combler le déficit régional. Cette situation fait craindre que de plus en plus de communes – et, par extension, d’entités paralocales – ne se retrouvent confrontées à des difficultés financières majeures dans les années à venir et soient contraintes, sous l’effet des décisions régionales, d’assumer la responsabilité de réduire les services publics et / ou d’augmenter leurs recettes fiscales afin de compenser les pertes qu’elles auront subies de la part de la Région.