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Mis en ligne le 6 Octobre 2008

Une profonde réforme des institutions belges se profile à l’horizon. Son contenu est actuellement débattu au sein de différentes instances fédérales. Sur base des déclarations médiatiques, de nombreuses pistes semblent évoquées. Parmi celles-ci, on trouve notamment l’idée de travailler à la régionalisation de l’impôt des sociétés (ISOC).

En marge de cette piste de réforme, une autre solution est récemment apparue: celle d’autoriser les pouvoirs locaux à lever une taxe additionnelle à cet impôt [1]. Cette idée est notamment défendue par la VVSG, notre association-sœur flamande et a donné lieu à une proposition de loi déposée à la Chambre [2].

Soucieux de se positionner dès à présent sur cette question, le Conseil d’administration de l’Union des Villes et Communes de Wallonie a débattu, ce 19 février dernier, des avantages et inconvénients d’une telle option.

Vous trouverez, ci-dessous, le résumé de l’analyse prospective qui a servi à alimenter ce débat et la position de notre association quant à cette possibilité.

Seront successivement présentés, la démarche de la VVSG, et le résultat de leur étude, le lien avec les demandes de régionalisation et l’avis des experts sur cette question et une étude chiffrée, en soutien à une analyse des avantages et inconvénients de cette formule pour les pouvoirs locaux wallons.

La démarche de la VVSG

La VVSG négocie actuellement un pacte fiscal avec les autorités régionales flamandes. L’association représentative des Communes flamandes désire cependant également y associer à terme le niveau fédéral.

Différents éléments sont discutés dans ce cadre.

Parmi ces éléments, l’idée d’autoriser les communes à lever un impôt additionnel à l’ISOC a été soulevée.

Notre consœur du nord du pays souligne que la régionalisation partielle de l'ISOC fera certainement partie des discussions fédérales et que le moment est opportun pour demander que les communes puissent aussi disposer d'une autonomie en la matière. Le cas allemand peut servir d'exemple pour l'établissement des enrôlements et pour la répartition de la base taxable entre les différents sièges d'exploitation de certaines sociétés.
Au nord du pays, cette idée est également soutenue par l’Unizo et le Voka (patronat flamand).
Ces trois associations ont récemment commandé une étude à une société de consultance afin d’analyser les possibilités de transposition du cas allemand dans notre pays. Les résultats de cette consultance ont fait l’objet d’un résumé présenté en Conseil d’administration de la VVSG du 12 novembre dernier.

Les principaux résultats de l’étude conjointe VVSG-UNIZO-VOKA

En Allemagne, la taxe professionnelle (Gewerbesteuer) est, de très loin, la principale source fiscale de financement des communes. Elle couvre 16 % de besoins totaux et 70 % des recettes fiscales (tableau 1). En outre, le niveau communal est le principal bénéficiaire de cette taxe: 80 % de son produit lui revient, le solde étant distribué au Bund et aux Länder. 

Tableau 1: les recettes des communes en Allemagne

Fiscalité propre

22 %

44 %

… dont taxe professionnelle

16 %

 

… dont impôt foncier

5,5 %

 

… dont autres impôts

0,5 %

 

Transferts financiers

48 %

43 %

… dont impôts partagés

19 %

 

… dont dotations et subsides

29 %

 

Autres recettes propres

24 %

4 %

Emprunts

6 %

9 %

Dexia, Les finances des collectivités locales dans les quinze pays de l'Union européenne, 2002

Cette taxe s’ajoute à l’imposition des sociétés qui est de l’ordre de 26,5 % en Allemagne et représente un surcroît d’imposition situé entre 12 et 20 %.

La base de calcul de l’impôt a évolué en 1998. Avant cette date, elle était composée de deux éléments (le bénéfice d’exploitation et le capital d’exploitation). Depuis cette date, seule l’imposition sur le bénéfice d’exploitation subsiste. Le système est donc proche d’une imposition locale sur l’ISOC.

Dans le cas de sociétés à implantations multiples, la situation est plus complexe. Une ventilation, souvent au prorata des coûts salariaux, est nécessaire.

L'Etat allemand a dû prendre un certain nombre de mesures afin de limiter la concurrence fiscale entre communes.

Un système équivalent en Belgique?

Le contexte général en Belgique concernant l’ISOC

Deux éléments importants liés au contexte général doivent être analysés pour bien comprendre les enjeux d’un impôt local sur l’ISOC: le taux d’imposition et le contexte institutionnel.
Le taux d’imposition

L’imposition des sociétés connaît une évolution marquée depuis une vingtaine d’années. Un récent communiqué de presse de la BNB (14.6.2007) résumait cette tendance en ces termes:
"L'impôt des sociétés en Belgique et dans les autres pays européens est mis sous pression par les mutations de l'environnement international. La mondialisation de l'économie et la mobilité accrue des capitaux qu'elle a entraînée peut mener à de la concurrence au niveau des taux de l'impôt des sociétés entre les différents pays de manière à attirer les investissements directs et les flux de bénéfices très mobiles. Cela est susceptible de conduire à une érosion de la base imposable dans d'autres pays, qui forcerait ces pays à abaisser à leur tour leurs taux.
Il y a en Europe une tendance manifeste à la baisse des taux nominaux de l'impôt des sociétés. Le taux nominal moyen, dans l'UE des 15, s'est en effet réduit de façon ininterrompue, revenant de 49 pour cent  en 1985 à un peu moins de 30 pour cent  en 2006".

S’ajoute à cela le fait que la Belgique est régulièrement citée parmi les pays présentant en la matière, un taux d’imposition très important [3].

Le contexte général est donc celui d’une tendance baissière des taux d’imposition. Aussi, il est difficilement envisageable, compte tenu de ce contexte, de ne pas coupler l’autorisation qui serait donnée aux communes de lever un impôt additionnel à l’ISOC sans diminuer pour une part au moins équivalente le principal de l'impôt. C'est d'ailleurs dans ce sens que travaillent la VVSG, l'Unizo et le Voka.

Les débats concernant la régionalisation

Autoriser une certaine autonomie fiscale des collectivités locales sur l’ISOC s’apparenterait très certainement à une forme détournée de régionalisation de ce dernier.
En effet, les différents rapports d’étude Dexia montrent clairement que la situation financière et les perspectives d’avenir des communes sont plus rassurantes au nord du pays (tableau 2). De plus, les marges budgétaires régionales, également supérieures au nord, offrent plus de possibilités de soutien financier de la part de l'organisme de tutelle. En témoigne la récente décision de céder aux communes, les excédents budgétaires de la Communauté flamande (quelque 600 millions d’euros) en vue de diminuer l’endettement. Il n'est pas utopique, dans ce contexte, d'émettre l'hypothèse d'un taux moyen d'imposition inférieur au nord du pays si un additionnel à l'ISOC devait naître. Aussi, les arguments favorables ou défavorables à une régionalisation partielle de l’ISOC peuvent être transposés au cas étudié dans cette note.

Tableau 2: solde à l’exercice global selon les comptes 2005

Millions d’euros

Flandre

Wallonie

Communes en excédent

+ 1.587,7

+ 488

Communes en déficit

- 2,8

-27,6

Total

+ 1.584,9

+ 460,7

Par habitant

+ 259,1

+ 134,1

Source: Dexia, Rapport Finances locales, 2007

Nous avons relevé, au travers d’une revue de presse de ces derniers mois, les éléments avancés par les acteurs francophones dans les journaux en faveur et en défaveur d’une régionalisation de l’ISOC [4].

Les avis des différents acteurs du monde patronal présentent une remarquable convergence pour s’opposer à toute forme de régionalisation de l’ISOC. La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) souhaite ainsi "maintenir l’impôt des sociétés dans le giron fédéral". L’Union des Classes moyennes (UCM) se demande si cela vaut la peine d’ouvrir "la boîte de Pandore" à l’échelle d’un si petit pays? Enfin, l’Union wallonne des Entreprises estime qu’il "vaut mieux s’atteler à une amélioration du modèle fédéral plutôt que de défendre une régionalisation de l’ISOC".

Les représentants des différentes fédérations, ainsi que les experts qui se sont exprimés sur la question pointent du doigt plusieurs arguments, parmi lesquels:
- le risque de concurrence fiscale accrue, d’autant plus important que la base d’imposition (l’ISOC, lié au siège social) est ici très mobile. Cela concerne surtout les grandes entreprises disposant de plusieurs sièges d’exploitation (0,6 % des entreprises cotisent à raison de 70 % de l’ISOC!), pour qui il serait aisé de faire glisser certains flux financiers dans la région la moins taxée. L’exemple de la Suisse est souvent avancé pour illustrer les dérives d’une autonomie en la matière;
- la complexification des procédures administratives d’établissement de l’impôt est également soulignée;
- le fait que les régions n’ont pas (encore) utilisé la liberté qui leur est accordée d’octroyer des soustractionnels à l’impôt des personnes physiques (IPP) est également avancé comme un argument contre la régionalisation: "utilisons d’abord les outils existants avant d’en prévoir de nouveaux" est ainsi le sentiment parfois exprimé.

Un additionnel local à l’impôt des sociétés? À d’autres types d’assiettes fiscales en relation avec l'activité économique?

Il est possible d'apporter aux réticences exprimées ci-dessus, certains contre-arguments qui justifient pleinement d’explorer plus avant l'option d'autoriser une taxe additionnelle à l’impôt des sociétés ou à une base d’imposition sensiblement équivalente.

Ainsi, concernant le premier point, on fera remarquer qu’une étude datée de 2005, relative à la concurrence fiscale sur les entreprises bruxelloises et de sa périphérie, avait montré que le risque d’évasion était d’autant limité que l’autonomie fiscale est faible et que l’assiette est peu mobile. Dans ce contexte, d’autres arguments, liés par exemple à l’accessibilité ou au marché foncier, interviennent préalablement dans le choix de localisation.

Par ailleurs, à l’instar de ce qui se fait à l’IPP, il n’est pas nécessaire de régionaliser les règles d’établissement de l’assiette de l’impôt: seul le taux d’imposition peut différer d’un lieu à l’autre ce qui simplifie les procédures.

Le paragraphe suivant étudie donc dans le détail l’intérêt d’un impôt additionnel local sur la performance des entreprises (ISOC ou autre).

Un impôt local sur la performance des entreprises: avantages et inconvénients

Les principaux systèmes d'imposition locale sur l'activité économique: panorama des avantages et inconvénients

Nous avons pris en considération différents systèmes de localisation d’un impôt sur les performances des entreprises. D’autres systèmes sont envisageables. Il nous semble toutefois, que les cas étudiés ici, synthétisent les principales voies qui pourraient être choisies.

Nous avons sélectionné trois bases d’imposition possibles reliées, chacune, à deux types de localisation envisageables, ce qui permet de présenter six cas différents (tableau 3).

Tableau 3: les principaux systèmes d'imposition locale sur l'activité économique envisageables

 

Au siège social

Au lieu d’activité

ISOC (impôt sur le bénéfice)

 

 

Taxe sur la valeur ajoutée

 

 

Taxe proportionnelle au nombre de travailleurs occupés

 

 

Quels sont les avantages et inconvénients de ces systèmes?

- Au niveau de la distinction entre siège social et siège d'activité, chaque système présente des avantages et des inconvénients. L'avantage du siège social est qu'il facilite les contrôles, les inconvénients se situant au niveau de la mobilité de la base taxable et de sa répartition très inégale (cf. ci-dessous) [5]. L'avantage du siège d'exploitation est une répartition spatiale de la base d'imposition plus équilibrée, l'inconvénient se situant ici au niveau des contrôles, spécialement dans le cas des sièges multiples.

- La relation avec les sources de financement existantes est également importante. Si ce type de ressources devait venir en substitution partielle ou totale d'autres financements, la remarque émise par Guihery et Werner à propos du cas allemand pourrait certainement être transposée au cas belge: "La situation financière des communes allemandes s'est considérablement détériorée ces dernières années, en partie en raison d'une baisse imposante de la taxe professionnelle, qui a été profondément modifiée pour accroître la compétitivité de l'Allemagne… Les communes allemandes ont réagi à cette situation budgétaire difficile en réduisant les investissements communaux".

On peut en déduire qu'un additionnel à l'ISOC n'aurait d'intérêt potentiel pour les communes, qu'à la condition de devenir sur le court, le moyen et le long terme, une ressource supplémentaire pour les collectivités locales.

A défaut, ce serait exposer les finances communales à des ressources qui font l'objet de très fortes pressions à la baisse (cf. les allègements fiscaux du Plan Marshall).

- Au niveau de la stabilité de la base d'imposition, il y existe un gradient d'instabilité croissante allant d'une taxation foncière, très stable, à l'ISOC très volatil, en passant successivement par la taxation sur base du nombre de travailleurs occupés, puis sur base de la valeur ajoutée.

Aussi, offrir aux communes une ressource basée sur l'ISOC rendrait plus difficile la confection des budgets et pourrait conduire à des difficultés financières en cas de résultats très en deçà des prévisions.

Ceci sera d'autant plus vrai que la commune est petite et donc dépendante des résultats de quelques entreprises uniquement.

- En dehors des mouvements conjoncturels, la taxation sur base du nombre de travailleurs défavorise les secteurs d'activité très labor-intensive (et favorise les communes qui les accueillent). A l'inverse les secteurs très rentables seront pénalisés par le système assis sur l'ISOC, bénéficiant aux communes qui les accueillent.

Un exemple chiffré: la taxation sur base de la valeur ajoutée

Nous avons choisi d'illustrer notre propos à l'aide d'informations statistiques. Au niveau national, les cas de l'ISOC et de la valeur ajoutée ont été analysés. Pour des raisons de disponibilités statistiques, le cas de la valeur ajoutée a été choisi pour illustrer la répartition intra-régionale.

Au niveau de la répartition régionale, le tableau 4 reprend, suivant différentes bases d'imposition, la part concentrée dans chaque région.

Tableau 4: parts régionales de différentes assiettes taxables

 

Population

RIG

IPP

VA
au s.s.

ISOC
au s.s.

VA
au s.e.

ISOC au s.e.

Wallonie

32,5 %

30,1 %

26,8 %

16,3%

13,6%

23,4 %

14,7%

Flandre

57,8 %

61,5 %

63,4 %

54,2 %

52,1%

57,3 %

62,8%

Bruxelles

9,7 %

8,4 %

8,5 %

29,5 %

34,3%

19,4 %

22,5%

RIG: revenu imposable globalement. Il s'agit du revenu inscrit dans les déclarations fiscales (source: INS).
IPP: impôt des personnes physiques (DGPL, ABA, Dexia). L'impôt étant progressif, il peut présenter une répartition différente du RIG. Ainsi, la Flandre disposant de plus de revenus élevés, taxés à un plus fort pourcentage, il est logique que la part IPP de la Flandre soit supérieure à sa part RIG.
VA au s.s.: valeur ajoutée produite ramenée au siège social de chaque entreprise (BNB).
VA au s.e.: estimation de la valeur ajoutée produite ramenée au siège d'exploitation (Service de Géographie Appliquée et Géomarketing, IGEAT - ULB).
ISOC au s.s. et au s.e.: les résultats sont tirés d'une publication de la FNDP.
Remarquons que, s'agissant du lieu d'exploitation, il faut se garder de conclusions hâtives, une partie des différences pouvant être liées à des options différentes dans la méthode d'estimation.

Si on analyse l'option d'une taxation sur base de l'ISOC ou de la valeur ajoutée produite, on s'aperçoit que cette assiette d'imposition propose, pour la Wallonie, une répartition moins favorable que l'impôt des personnes physiques. Autrement dit, par unité de taux, le rendement par habitant d'une taxe sur les performances économiques présentera un rendement comparé plus faible qu'un impôt additionnel à l'IPP pour les communes wallonnes. Ainsi, une taxe de 0,1 % de la valeur ajoutée établie au siège social rapporterait 44 euros/hab. à Bruxelles, 13,6 euros/hab. en Flandre et seulement 7,3 euros/hab. en Wallonie. Les observations sont globalement similaires que l'on tienne compte de l'ISOC ou de la valeur ajoutée.
Sur base du rendement de l'ISOC et des répartitions proposées ci-dessus, nous pouvons calculer le rendement théorique d'un additionnel à l'ISOC pour les communes wallonnes (tableau 5). Concernant une taxation sur base du lieu d'exploitation, nous avons repris la donnée relative à la répartition de la valeur ajoutée. Il s'agit donc d'une estimation du rendement maximal d'une telle taxe.

Tableau 5: rendement estimé d'un additionnel à l'ISOC pour les communes wallonnes

Millions d'euros

1 %

2 %

3 %

4 %

5 %

6 %

7 %

8 %

9 %

10 %

Siège social

16,2

32,3

48,5

64,7

80,8

97,0

113,2

129,4

145,5

161,7

Siège d'exploitation
(fourchette maximale)

 

27,8

 

55,6

 

83,5

 

111,3

 

139,1

 

166,9

 

194,7

 

222,6

 

250,4

 

278,2

Calculs UVCW

Ainsi, à titre d'exemple, un additionnel de 2 % établi sur l'ISOC au lieu du siège social présenterait un rendement de plus de 32 millions d'euros, soit supérieur au rendement actuel de la taxe sur les écrits publicitaires.

Observons, dans un second temps, la répartition intra-régionale wallonne.  

La graphique 1 compare le rendement de l'IPP et des deux types de taxation sur la valeur ajoutée en prenant comme base (= 100) la moyenne belge (v. cartographie infra).

Graphique 1: rendement de différentes taxes en % de la moyenne belge pour différents types de communes wallonnes

image
Source: Typologie socio-économique Dexia; données INS, BNB, IGEAT-ULB; calculs UVCW

Le "nouveau" système de taxation n'offre clairement pas de perspectives nouvelles pour le monde rural. Le rendement est en effet très faible, particulièrement lorsque l'on envisage le siège social. Une observation similaire peut être faite au niveau des communes semi-urbaines.

Le principal avantage d'un système de taxation qui s'appuie sur les activités économiques se situe au sein des complexes urbains, en offrant aux communes, centres et aux grandes villes une base de taxation qui leur est plus favorable.

La situation pour les entités dites "avec activité économique" est plus neutre. On notera que leur spécificité de localisation d'activités économiques se marque préférentiellement au niveau des sièges sociaux.

Aspects dynamiques et politiques de développement

L'analyse qui précède se base sur une situation statique. On observe les rendements sur base de la géographie actuelle de l'activité économique. Il convient cependant d'aller plus loin et de s'interroger sur la dynamique que pourrait susciter un tel type de taxation sur les logiques de localisation.

- Au niveau des acteurs économiques, nous avons déjà abordé la question de la mobilité des acteurs. Celle-ci doit être envisagée selon deux angles: la mobilité "comptable" (tentation de délocaliser fictivement l'assiette de l'impôt là où l'imposition est la plus faible) et la mobilité physique (les risques de déménagements de l'activité d'un lieu à un autre).

Rappelons d'abord que l'acuité de ces phénomènes dépendra de la part d'autonomie donnée aux pouvoirs locaux et des différentiels de taxation constatés sur le terrain. Ainsi, à titre d'exemple, la différence entre un taux d'additionnel à l'ISOC de 8 % et de 5 % représente annuellement environ 360 millions d'euros, soit 84 euros/actif occupé (sur base des données 2006).

Au niveau national, les pouvoirs locaux de Flandre semblent les mieux armés pour pratiquer une fiscalité douce, et par conséquent, pour attirer à eux, la base taxable. Certains experts estiment que, même Bruxelles, compte tenu des réalités budgétaires régionales et communales, risque d'être perdante dans un tel système malgré l'importance de sa base de taxation.

Au niveau local, la situation des communes rurales et semi-urbaines risque d'être plus compliquée encore. Particulièrement chez les secondes, la tentation de taxation forte, compte tenu de leur situation budgétaire et de la faiblesse des autres bases taxables, risque de provoquer la fuite d'activités économiques, déjà peu nombreuses.

La situation des grandes villes et des villes régionales risque d'être comparable, à l'échelle wallonne, à ce que Bruxelles connaîtrait au niveau national: une base taxable favorable dans des entités en difficultés financières. Le risque de délocalisation suite à des taux d'imposition élevés ne doit donc pas être négligé.

- Au niveau des mandataires locaux, il est indéniable que le fait d'autoriser la levée d'une taxe sur base des activités économiques élargira la plage des instruments fiscaux en soutien à une politique locale de développement. Actuellement, les deux autres taxes additionnelles importantes (fournissant 80 % des recettes fiscales) sont tournées, soit exclusivement vers la résidence (IPP), soit conjointement, et sans possibilités de nuances, sur les résidents et l'activité économique (précompte immobilier). En adjoignant un instrument fiscal généraliste touchant uniquement les activités économiques, les autorités communales pourront, plus aisément, définir la contribution respective des habitants et des acteurs économiques.  
On fera remarquer qu'un tel instrument fiscal offrirait une réponse aux préoccupations d'un certain nombre de municipalistes, inquiets de l'écart grandissant entre les coûts qu'entraîne une politique communale de soutien au développement économique et les recettes retirées de ces activités, notamment suite aux allègements fiscaux décidés dans le cadre du Plan Marshall.

Récapitulatif

Sur base du tableau 3 complété, nous présentons une synthèse des principales conclusions pour chaque système d'imposition (tableau 6).

Tableau 6: les principaux systèmes envisageables d'imposition locale sur l'activité économique - avantages et inconvénients.

 

Au siège social

Au lieu d’activité

ISOC (impôt sur le bénéfice)

- Instable,
- Très inégalement réparti,
- Facilité de contrôle.

- Instable,
- Très mobile,
- Difficulté de contrôle,
- Défavorable aux secteurs très rentables.

Taxe sur la valeur ajoutée

- Stabilité moyenne,
- Inégalement réparti,
- Facilité de contrôle,
- Une base taxable favorable aux grandes villes et aux centres urbains.

- Stabilité moyenne,
- Difficulté de contrôle,
- Mobile,
- Une base taxable très favorable aux grandes villes et aux centres urbains.

Taxe proportionnelle au nombre de travailleurs occupés

- La plus stable,
- Inégalement réparti,
- Facilité de contrôle,
- Défavorable aux secteurs labor intensive.

- La plus stable,
- Difficulté de contrôle,
- Moyennement mobile,
- Défavorable aux secteurs labor intensive.

+ tous ces systèmes présentent l'avantage d'accroître les ressources des communes s'ils ne viennent pas en substitution de sources de financement existantes.
+ tous ces instruments constituent un élargissement du panel d'outils fiscaux mis à la disposition des autorités locales et constituent un "retour sur investissement" par rapport aux frais d'une politique de soutien au développement d'activités économiques.
+ tous ces instruments fiscaux offrent des risques de délocalisation et de concurrence fiscale.

Conclusion

Notre article a pour objectif d’objectiver  les avantages et inconvénients de l'opportunité pour l’Union des Villes et Communes, de soutenir l'idée d'un impôt additionnel à l'ISOC ou à toute autre base de taxation en relation avec l'activité économique (valeur ajoutée, emplois, …).

Nous avons tout d'abord montré que, compte tenu du contexte international, il est difficile d'envisager une telle avancée sans une réduction des taux d'imposition de l'ISOC (11 milliards d'euros en 2006) pour l'échelon fédéral. Soutenir une telle démarche signifie donc affaiblir les ressources fédérales avec, indirectement (financement des polices ou des services incendies, aides aux CPAS, …) des effets possibles sur les finances communales.

La situation financière comparée des communes des trois Régions est telle qu'autoriser la perception d'un additionnel à l'ISOC (ou toute autre base d'imposition) conduirait vraisemblablement à une régionalisation indirecte de ce type d'impôt. Les acteurs politiques, économiques et scientifiques wallons semblent unanimes pour condamner cette option. Les principaux arguments concernent l'accroissement de la disparité des systèmes fiscaux, l'extrême mobilité de la base taxable et, en corolaire, les risques de concurrence fiscale ou encore l'absence d'expérience en matière de régionalisation fiscale liés à la non-activation des soustractionnels à l'IPP.

Une analyse plus pointue des avantages et inconvénients d'une délocalisation partielle de l'imposition sur base des performances économiques des entreprises conduit aux conclusions suivantes:
Au niveau des considérations générales, nous avons remarqué que:
- la base d'imposition était systématiquement plus défavorable à la Région wallonne que ne l'est actuellement l'IPP;
- une telle avancée fiscale n'aurait de sens que dans le cas d'un accroissement des ressources fiscales des communes. En effet, si, à court, moyen ou long terme, ce type d'impôt devait venir en substitution des moyens existants, cela conduirait à rendre l'évolution des finances locales dépendante d'un impôt instable et régulièrement soumis à des pressions à la baisse importantes;
- une imposition en référence au siège social, si elle présente l'avantage de faciliter les contrôles, présente le désavantage d'être assise sur une base très mobile (un simple changement d'adresse suffit). Elle est par ailleurs très inégalement répartie dans l'espace. Au contraire, une imposition sur base du lieu d'exploitation, si elle est mieux répartie dans l'espace et est moins mobile, se heurte à la question des contrôles.

Une taxe locale sur les activités économiques, présente en outre, l'avantage d'ouvrir la palette des outils fiscaux mis à disposition des communes en proposant un outil d'imposition de portée généraliste frappant uniquement les activités économiques. Il apparaît par ailleurs que ce type d'imposition est susceptible d'offrir une solution partielle aux difficultés financières des centres urbains.

A l'opposé, on constate une série de désavantages. Tout d'abord, un tel type d'imposition conduit à des recettes plus instables, rendant plus difficile la confection des budgets et la gestion financière de la commune. Les risques de délocalisation ne sont pas à exclure, même s'ils dépendent du degré d'autonomie consenti et aux disparités de taux pratiqués. A ce titre, la situation des entités semi-urbaines apparaît particulièrement délicate.

Enfin, selon que l'on choisisse comme base d'imposition, le nombre de travailleurs, la valeur ajoutée produite ou l'ISOC, on taxera préférentiellement tel ou tel type de secteur d'activité (les secteurs très labor intensive pour la taxation au prorata du nombre de travailleurs et les secteurs à rendement élevé dans le cas d'une taxation sur base de l'ISOC).

Quelle conclusion tirer de cette analyse pour la défense des intérêts des pouvoirs locaux wallons?

Nous rappelons tout d’abord que notre association appuie toute piste de réforme qui permettrait d’assurer un meilleur avenir financier aux pouvoirs locaux. Il nous semble également que la fiscalité est un levier puissant pour impulser des politiques particulières - pensons à la thématique environnementale, et qu’à ce titre, il nous semble indispensable de participer activement à tout débat qui mettrait l’arsenal fiscal en meilleure adéquation avec les défis actuels de notre société. 

Toutefois, en ce qui concerne l’impôt des sociétés, l’analyse du bilan des avantages et inconvénients d’une taxation locale basée sur l’activité économique ne nous apparaît pas positive, de sorte que nous regrettons de ne pouvoir apporter notre soutien à toute proposition allant dans ce sens.

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  1. [Remonter] Rappelons que le principe de base est l’interdiction, pour les communes notamment, d’établir des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier (CIR92, art. 464). Toutefois, une autorisation spécifique à l’IPP est prévue à l’art. 465 du CIR.
  2. [Remonter] Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 en ce qui concerne l’établissement de centimes additionnels à l’impôt des sociétés au profit des communes, déposée par D. Van der Maelen, doc 52-0550/001, 12.12.2007.
  3. [Remonter] V., par ex., Le Soir et La Libre Belgique du 20.11.2007 relatant les résultats d’une étude classant la Belgique en 154e position sur 178 pays étudiés.
  4. [Remonter] Sont ainsi repris les avis de l’UCM (Union & Actions, n° 38, 12.10.2007), de la FEB (Le Soir, 12.10.2007) et de l’UWE (La Libre, 9.10.2007 et 20.11.2007). Ces avis ont été complétés par ceux exprimés sur différents sites internet et deux exprimés par différents experts (Congrès des Economistes, FNDP, Cellule fiscale de la RW, KUL, …), également repris dans la presse. Les syndicats semblent s'être moins exprimés sur le sujet.
  5. [Remonter] Une alternative afin de contrer cette inégale répartition pourrait être de verser le produit d'une taxe additionnelle fixe (à l'instar du décime à la taxe de circulation) et d'en verser le produit dans un fonds (Fonds des communes ou autre) à redistribuer suivant des critères objectifs.

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Date de mise en ligne
6 Octobre 2008

Auteur
Olivier Dubois

Type de contenu

Matière(s)

Finances et fiscalité
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