Cour de Justice de l’Union européenne et pompiers volontaires : le régime des gardes à domicile n’est pas remis en cause - L’Union recadre, nuance et rassure
Ce 21 février, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt suite à 4 questions préjudicielles posées par la Cour du travail de Bruxelles concernant les gardes à domicile des pompiers volontaires. Bien que cet arrêt vienne préciser la jurisprudence européenne en la matière, l’Union estime qu’il ne remet pas fondamentalement en cause l’organisation des zones de secours et le recours aux pompiers volontaires.
Le contexte de l’affaire
L’affaire concerne une trentaine de pompiers volontaires de Nivelles qui réclamaient le paiement de leurs gardes à domicile au même titre que du temps de travail. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si les heures passées par ces pompiers volontaires à vaquer à leurs occupations à domicile, voire à dormir lors de gardes de nuit, selon des contraintes a priori connues et acceptées lorsqu’ils se sont engagés comme pompiers volontaires, doivent être rémunérées comme des prestations effectives en intervention.
Ce contentieux se rapporte, rappelons-le, à des faits antérieurs à l’opérationnalisation de la réforme de la sécurité civile (entrée en vigueur au 1er janvier 2015), notamment sur le plan du régime des volontaires, ainsi qu’à des cas propres au service d’incendie de Nivelles tel qu’il était organisé avant la création des zones de secours.
L’Union a analysé l’arrêt sous l’angle des possibles conséquences de l’arrêt sur le régime des pompiers volontaires, qu’elle considère comme essentiel à l’organisation de la sécurité civile en Wallonie. Rappelons que de nombreux services de secours européens, notamment en France, en Allemagne, et aux Pays-Bas, reposent également largement sur le régime des volontaires, et sont tout autant concernés par cette jurisprudence.
Risques pour le service public de la sécurité civile
Si les gardes à domicile devaient être, par principe, considérées comme du temps de travail et rémunérées au même titre que les prestations, cela remettrait effectivement en question la possibilité d’organiser de telles gardes et in fine, le recours même aux pompiers volontaires, alors que la professionnalisation intégrale des services d’intervention n’est pas justifiée sur la majorité du territoire.
Pour rappel, en 2011, l’Union estimait que l’abandon du système et la professionnalisation généralisée des pompiers volontaires impliqueraient, rien que pour la Wallonie, un surcoût annuel de 200 millions € pour les pouvoirs publics, et donc le contribuable.
Position de la Cour de Justice
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait déjà, par le passé, élaboré une jurisprudence relative aux gardes. Selon cette jurisprudence, les gardes sur le lieu de travail doivent être comptabilisées comme temps de travail, à l’inverse des gardes à domicile qui ne sont pas considérées comme temps de travail, à l’exception des périodes de prestations effectives (arrêt Simap).
La Cour de justice a, cette fois, été amenée à déterminer si les contraintes s’imposant aux pompiers volontaires de Nivelles, lors de leurs gardes à domicile, à l’époque des faits litigieux, ne doivent pas amener à considérer que les heures de gardes en question s’apparentent à des prestations effectives et constituent dès lors du temps de travail au sens de la directive européenne.
Elle a pour cela défini comme critère l’importance des limitations aux possibilités d’avoir d’autres activités découlant de ces contraintes, et non la simple existence de telles limitations.
La Cour a considéré que l’obligation pour le travailleur de rester à son domicile pendant le rôle de garde qui lui est attribué, d’y répondre aux appels de son employeur et de rejoindre son lieu de travail dans un délai de 8 minutes restreint très significativement les possibilités d’avoir d’autres activités, au point de devoir considérer le temps de garde ainsi contraint comme du temps de travail.
Cependant, la Cour de justice n’a pas déterminé si, dans les cas spécifiques qui lui sont soumis par les anciens pompiers volontaires de Nivelles, ces contraintes étaient bien présentes au point de devoir considérer les gardes comme du temps de travail. Elle renvoie l’affaire au juge national qui devra vérifier in concreto, dans les hypothèses nivelloises concernées, si les intéressés doivent être considérés comme des travailleurs au sens de la directive et si les gardes effectuées constituent bien du temps de travail.
Notre lecture de l’arrêt
Sans se positionner quant au statut des gardes effectuées par les pompiers volontaires de Nivelles, l’Union tient à préciser que cet arrêt a été rendu dans le cadre d’une affaire bien précise et sous l’empire de lois et règlements, propres à l’ancien service incendie de Nivelles, qui ne sont plus en vigueur à l’heure actuelle.
En effet, les services d’incendie sont passés d’une gestion communale à une gestion par les zones de secours. À l’occasion de cette réforme, la loi sur le temps de travail applicable aux pompiers a été revue, le statut des pompiers a été uniformisé et revu.
Concrètement, les pompiers volontaires ne sont pas tenus de prester leurs gardes à leur domicile. De plus, dans le régime actuel, les pompiers volontaires ne sont plus tenus à des gardes planifiées, mais se déclarent disponibles, volontairement, pour des prestations en temps réel.
Un tel système permet à un pompier d’assurer une garde, mais de l’interrompre pour se déplacer ou pour se livrer à une activité qui le rendrait indisponible pour effectuer une prestation pour le compte de la zone.
L’Union en conclut que l’arrêt ne remet pas en question le système actuel de garde des pompiers volontaires.
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