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Mis en ligne le 11 Mars 2022

Lors d’un litige locatif conduisant à la fin du contrat de bail ou d’une occupation sans titre ni droit (squat par exemple), le juge peut autoriser l’expulsion. L’occupant de l’immeuble (appartement, maison, garage, terrain, …) est alors invité à libérer volontairement les lieux avant l’exécution de ce jugement afin d’éviter d’en supporter les frais importants.

Lorsque l’expulsion est exécutée, les lieux sont vidés et l’ensemble des effets personnels sont soit récupérés directement par l’expulsé, soit transportés à ses frais à un endroit qu’il aura préalablement indiqué. A défaut, les effets personnels sont enlevés et conservés par les services communaux. C’est ce dernier cas de figure que nous examinerons dans cet article.

Par souci de lisibilité, le présent article utilisera le terme de « meubles » pour viser l’ensemble des effets personnels de l’expulsé (mobilier, objets divers, etc.). Notons que le nouveau Code civil fait quant à lui référence aux « choses corporelles », telles que définies en son article 3.40.

Les rôle et devoirs de la commune en matière de meubles de l’expulsé reposent sur deux règlementations :

  1. Tout d’abord, la commune a l’obligation d’agir sur la base de l’article 135, par. 2 de la nouvelle loi communale. En effet, l’expulsion conduit à placer les meubles non récupérés sur la voie publique (trottoir, emplacement de stationnement, …). En tant que garante de la sécurité publique et de la commodité de passage, la commune doit intervenir et supprimer cet encombrement de la voie publique. L’article 135, par. 2 de la nouvelle loi communale fonde donc le rôle de la commune en matière d’enlèvement des meubles que l’expulsé n’aurait pas récupérés le jour de son expulsion.
  2. Ensuite, des règlementations particulières imposent aux communes une mission spécifique en matière de conservation des meubles à la suite d’une expulsion. Jusqu’il y a peu, ces règles reposaient sur la loi du 30 décembre 1975 concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur la voie publique en exécution de jugements d’expulsion. Cette loi a été abrogée le 1er septembre 2021.

Le but de cette loi était de libérer les administrations communales de l’obligation de conserver les meubles enlevés durant trente ans[1]. Cette obligation était limitée à 6 mois, avec des exceptions possibles. A l’issue de ce délai, la commune devenait pleine propriétaire et pouvait vendre, utiliser ou encore jeter les meubles.

Depuis le 1er septembre 2021, les articles 3.58 et 3.59 du nouveau Code civil sont entrés en vigueur. Ces articles maintiennent un rôle actif de la commune. Pour les meubles de l’expulsé, la commune reste chargée de leur conservation et de leur garde, aussi longtemps que le propriétaire ne les récupère pas. Cette obligation est limitée dans le temps. Des aménagements existent également en matière d’acquisition de la propriété de ces meubles.

Précisons que ces articles 3.58 et 3.59 du nouveau Code civil ont une portée assez large qui dépasse les seuls cas liés aux expulsions. Ils s’appliquent également aux véhicules abandonnés et plus largement à toutes les choses corporelles trouvées, en ce compris dans des propriétés privées. Ces deux articles régissent l’appropriation des choses perdues, cachées ou encore volontairement abandonnées par leur maître. Nous n’aborderons pas ici les spécificités concernant ces biens et renvoyons vers ces deux articles pour le surplus.

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Les articles 3.58 et 3.59 sont entrés en vigueur au 1er septembre 2021. Ils composent le livre 3 du nouveau Code civil. La loi du 4 février 2020 portant le livre 3 « les biens » du Code civil contient cependant une disposition transitoire importante. Ces nouvelles règles s’appliquent aux actes et faits juridiques qui ont lieu après leur entrée en vigueur. Les effets futurs des faits juridiques survenus avant l’entrée en vigueur restent soumis aux anciennes règlementations, sauf accord entre les parties (cet accord restant peu concevable en l’espèce).

Par conséquent, concernant le rôle des communes à la suite de l’exécution d’un jugement d’expulsion :

  • Si l’enlèvement des meubles a eu lieu avant le 1er septembre 2021, il est fait application, pour ceux-ci, de la loi du 30 décembre 1975 concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur la voie publique en exécution de jugements d’expulsion.  La procédure usitée depuis des années par les communes reste donc applicable[2].
  • Si les objets ont été enlevés à partir du 1er septembre 2021, il est fait application du livre 3 du nouveau Code civil, en particulier de ses articles 3.58 et 3.59. Ce sont ces dispositions qui seront développées dans les lignes suivantes.

La procédure prévue dans le nouveau Code civil

Les règles et procédures instituées par les articles 3.58 et 3.59 du nouveau Code civil font intervenir plusieurs protagonistes. Parmi ceux-ci, le « trouveur » (terme employé par le code) joue un rôle de premier plan. Il s’agit de celui qui trouve la chose. Un autre intervenant essentiel, cité expressément dans cette procédure, est la « commune » qui se voit confier des obligations propres dans le nouveau Code civil. Ce sont d’ailleurs les seules dispositions du livre 3 qui consacre un rôle exprès et exclusif aux autorités locales.

Avant d’aborder la procédure plus en détail, relevons que les articles 3.58 et 3.59 posent de nombreuses questions d’interprétation. Ces articles visent à appliquer une seule et même procédure pour toutes les choses corporelles trouvées – ce qui est éminemment louable – mais leur mise en pratique n’est pas exempte d’interrogations, notamment en ce qui concerne les meubles de l’expulsé. Sans les pointer toutes, nous relèverons certaines zones d’ombre tout en proposant, dans la mesure du possible, l’interprétation qui nous semble la plus appropriée.

1. Enlèvement et déclaration dans le registre

Selon l’article 3.58, par. 1er, al. 1er du nouveau Code civil :

« Celui qui trouve une chose mobilière doit raisonnablement s’efforcer d’en trouver le propriétaire. S’il ne le retrouve pas, il doit en faire la déclaration, au plus tard dans les sept jours de la découverte, auprès de la commune de son choix, qui l’enregistre dans un registre destiné à cet effet (…) ».

Dans le cadre de l’enlèvement de meubles à la suite d’une expulsion, la commune endosse selon nous le rôle « trouveur ». Les obligations pesant sur le trouveur et la commune tendent à se confondre. On déplorera toutefois la rédaction de l’article 3.58, al. 1er qui manque de précisions dans cette situation particulière et pourtant fréquente[3].

Il nous semble que la commune doive consigner une déclaration dans le registre des objets trouvés dès l’enlèvement des meubles. Comme la loi du 30 décembre 1975, le nouveau Code civil n’apporte aucune précision quant à la forme ou au contenu de ce registre. Il n’y a donc pas lieu de modifier fondamentalement le registre usité avant l’entrée en vigueur du nouveau Code civil.

Le détail des indications est à évaluer au cas par cas afin d’éviter un inventaire fastidieux de la part de l’administration. Il est important d’y préciser la date de l’enlèvement ainsi que la date de la déclaration dans le registre, si celles-ci sont différentes. Ces deux dates servent en effet de point de départ aux délais détaillés supra.

Au travers du commentaire de l’article, le législateur précise que « la police n’est pas mentionnée en tant que telle dans l’article car est visée plus généralement la commune qui organisera ce service de déclaration comme elle l’entend »[4]. Une souplesse est donc de mise dans l’organisation au sein de chaque entité locale.

Rappelons que ce registre vise toutes les « choses corporels trouvées » au sens du nouveau Code civil. Il comprend également les déclarations faites par les particuliers quant aux objets qu’ils trouvent eux-mêmes. Les particuliers ont alors sept jours pour faire leur déclaration à la commune, s’ils ne retrouvent pas le propriétaire dans l’intervalle, et peuvent décider de conserver eux-mêmes les choses trouvées. Soulignons également que « ces obligations du trouveur et de la commune ne s'appliquent pas aux biens placés en dehors d'une habitation aux fins d'enlèvement ou d'être jetés aux immondices » (art. 3.58, par. 1er, 2° du nouveau Code civil).

Quelle publicité assurer à ce registre des objets trouvés ?

La loi du 30 décembre 1975 prévoyait explicitement que ce registre pouvait être consulté par tout tiers intéressé. Selon cette loi, le propriétaire des biens enlevés pouvait aussi en obtenir un extrait avec l’indication de ses biens, à sa demande et gratuitement.

La loi de 1975 a été abrogée. Le nouveau Code civil ne prévoit aucune règle concernant la publicité à conférer à ce registre. L’accès à ce dernier nous semble toutefois devoir perdurer. L’inverse dénuerait le registre d’une partie de son utilité, à savoir d’aider les propriétaires à récupérer leurs biens.

Par ailleurs, même en l’absence de précisions dans le nouveau Code civil, la règlementation sur la transparence administrative doit être appliquée. Les règles de publicité passive consacrent le droit du citoyen de consulter un document administratif, d’obtenir des explications à son sujet et d’en recevoir une communication sous forme de copie[5].

Des exceptions existent cependant, notamment lorsque la consultation ou la communication d’une copie porte atteinte à la vie privée (sauf accord écrit et préalable de la personne concernée). Le document administratif peut alors être consulté ou une copie communiquée, le cas échéant en limitant la consultation et la communication à la partie ne portant pas atteinte à la vie privée[6]. Il s’agit évidemment d’une appréciation au cas par cas.

Par conséquent, il nous semble que le registre doit rester consultable à ceux qui en font la demande. Des copies peuvent également être communiquées moyennant, le cas échéant, le paiement d’une rétribution. Cette rétribution ne pourra excéder le prix coutant, comme le prévoit l’article L.3231-9 du CDLD.

Afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, il nous semble opportun d’anonymiser certaines informations consultables par tout citoyen, en particulier lorsque l’expulsé, propriétaire des meubles conservés, a été spécifiquement identifié (nom, domicile, etc.). Il en sera de même lors de la remise d’une copie de ce registre, demandée par une personne tierce.

2. Envoi d’un recommandé

Selon l’article 3.58, par. 1er, al. 1er du nouveau Code civil :

« (…) la commune (…), si elle connaît le propriétaire, invite ce dernier, dans le mois de la réception de la déclaration, par envoi recommandé, à venir rechercher cette chose ou le produit de vente de celle-ci. Si la chose est retrouvée dans la propriété d'autrui, le trouveur doit en informer le propriétaire dans le même délai par envoi recommandé ».

Dans le cadre d’une expulsion, le propriétaire des meubles est en principe connu en la personne de l’expulsé. Un courrier recommandé doit alors lui être envoyé dans le mois qui suit la déclaration au registre des objets trouvés.

Ce courrier devra l’inviter à venir rechercher les meubles conservés ou le produit de leur vente (v. infra, point 4). Il sera évidemment utile de rappeler le délai dans lequel le propriétaire peut récupérer ses meubles ainsi que son obligation, au préalable, de s’acquitter des frais exposés par la commune (v. infra, point 5).

Pour Nicolas Bernard, l’imprécision du libellé de l’article 3.58 peut conduire à deux interprétations concernant le délai d’un mois. La première interprétation tend à considérer que ce délai est celui dans lequel la commune doit procéder à l’envoi du recommandé (comme évoqué précédemment). La seconde interprétation estime que ce délai est celui dans lequel le propriétaire doit se manifester à dater de la réception du recommandé envoyé par la commune, ce recommandé pouvant alors être expédié à tout moment par la commune[7].

Cette seconde interprétation nous semble devoir être écartée. D’une part, le nouveau Code civil prévoit que le trouveur ou la commune ne devient propriétaire de la chose qu’après cinq années (v. infra, point 4). Si le propriétaire ne réagit pas dans le mois, resterait-il propriétaire des meubles sans pouvoir en demander la restitution ? En serait-il de même du produit de la vente des meubles qui pourtant, selon l’article 3.58, par. 3, al. 2, « est tenu à disposition du propriétaire ou ses ayants cause jusqu’à l’expiration du délai » de 5 ans ? D’autre part, l’article 3.59 prévoit que l’acquisition de la propriété par le trouveur ou la commune est conditionné au respect des obligations prévues à l’article 3.58. L’article 3.58 nous parait ainsi devoir s’interpréter comme consacrant des obligations à respecter dans le chef du trouveur et la commune uniquement.

A quelle adresse envoyer le courrier recommandé ?

La loi du 30 décembre 1975 imposait à la commune de contacter le propriétaire des meubles (ou ses ayants droit) « par lettre remise à personne ou par lettre recommandée adressée au dernier domicile connu ». L’article 3.58 du nouveau Code civil prévoit uniquement le recours à l’envoi recommandé, sans apporter de précisions quant à l’adresse du destinataire.

Dans la pratique, il n’est pas rare que le dernier domicile connu de l’expulsé corresponde précisément aux lieux desquels il a été expulsé. Dans cette hypothèse, l’envoi d’un courrier recommandé à cette adresse n’a pas réellement d’utilité.

Il n’empêche que le nouveau Code civil prévoit expressément cette obligation à charge de la commune. L’administration locale doit donc procéder à l’envoi de ce courrier recommandé.

Comme pour l’ensemble des formalités administratives, le registre de la population nous semble devoir rester la référence concernant l’adresse du destinataire de l’envoi. La résidence principale qui y est mentionnée doit normalement se fonder sur la situation de fait.

Un envoi au domicile figurant au registre de la population nous parait nécessaire et suffisant. Si dans le mois à dater de l’inscription dans le registre des objets trouvés, le registre de la population est adapté, l’envoi d’un courrier recommandé à la nouvelle adresse y figurant devrait avoir lieu.

En plus de cette obligation légale, la commune peut évidemment entreprendre d’autres démarches de manière volontaire. Citons par exemple la remise d’une information directement à la personne dans le cadre des contacts et autres démarches existants éventuellement entre l’autorité locale et l’expulsé ; Ou encore, lorsque le registre de population est adapté après ce délai d’un mois, l’envoi d’un courrier de rappel à la nouvelle adresse qui y est mentionnée.

On regrettera une fois de plus le libellé de l’article 3.58 du nouveau Code civil. Une modification législative, restaurant une alternative à l’envoi d’un courrier recommandé, nous semble opportune afin d’éviter une formalité inutile.

Signalons par ailleurs que lors de la signification du jugement d’expulsion à la suite de la rupture d’un contrat de bail de résidence principale ou d’une occupation sans titre ni droit (telle qu’un squat), l’huissier de justice doit notifier à la personne que les biens se trouvant encore dans l’habitation seront enlevés et conservés, à ses frais, par l’administration communale[8]. La formalité de l’envoi recommandé, prévue à l’article 3.58 du nouveau Code civil, semble quelque peu redondante, l’expulsé ayant déjà eu connaissance de l’implication de la commune avant son expulsion.

Que faut-il faire si le propriétaire des meubles est inconnu ?

Lorsque le propriétaire des meubles est inconnu (par exemple lors de l’enlèvement de meubles sur la voie publique suite à une expulsion sauvage[9] ou suite à l’expulsion judiciaire d’un squat), il nous semble opportun de se référer également à l’article 3.58, par. 1er, al. 1er du Code civil.

La lecture attentive du nouveau Code civil fait peser un devoir de recherche uniquement sur les épaules du trouveur. Aucune obligation similaire n’est expressément prévue dans le chef de la commune, quand bien même la déclaration lui a été faite et que les choses lui ont été remises[10].

Cette disposition interpelle toutefois. L’obligation de recherche du trouveur disparait-elle lors de la déclaration dans le registre des objets trouvés, laquelle intervient après 7 jours maximum ? Cette obligation pèse-t-elle exclusivement sur le trouveur ou bien la commune, informée lors de la déclaration, doit-elle également s’efforcer de réaliser ses propres recherches via les outils dont elle dispose (page web répertoriant les objets trouvés par exemple) ? Dans cette seconde hypothèse, l’obligation de recherche s’apprécie-t-elle avec la même intensité selon qu’il s’agisse du trouveur ou de la commune ? Les travaux parlementaires ne donnent malheureusement aucune piste de réponse. Une clarification législative est très certainement souhaitable.

Dans le cadre des meubles enlevés à la suite d’une expulsion, la commune endosse le rôle de trouveur. Il nous semble donc qu’en tant que trouveur, la commune s’efforce raisonnablement de trouver le propriétaire (pour reprendre les termes du Code civil). Dans tous les cas, on insistera sur le caractère raisonnable de ces recherches, limitant clairement le devoir du trouveur à une obligation de moyen et non de résultat.

Faut-il également informer le propriétaire de l’immeuble ?

Comme expliqué précédemment, les meubles qui se trouvent encore dans les lieux au moment de l’expulsion sont en principe placés sur la voie publique. Si ces meubles encombrent la voie publique, la commune à l’obligation d’intervenir pour assurer la sécurité publique et la commodité de passage. Elle procède donc à leur enlèvement. Par la préhension des meubles, la commune endosse alors le rôle de « trouveur » au sens du nouveau Code civil.

Dans la pratique, il arrive que les meubles ne transitent pas par la voie publique mais soient directement acheminés du lieu de l’expulsé vers l’endroit de conservation par la commune (ou par un prestataire désigné par elle). Dans une telle situation, la commune devrait-elle être considérée comme ayant trouvé les meubles dans une propriété privée et non sur la voie publique ? Cette question n’est pas dénuée de pertinence dans la mesure où l’article 3.58 du nouveau Code civil prévoit que si la chose est retrouvée dans la propriété d’autrui, le trouveur doit également informer le propriétaire de l’immeuble par envoi recommandé.

Concernant l’application de la loi du 30 décembre 1975, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser "qu’il ressort de la nature et du but de cette disposition qu’en cas d’exécution de jugements d’expulsion, les biens sont mis, en principe, sur la voie publique mais que, lorsqu’il est certain que les biens seront abandonnés par le propriétaire et que l’encombrement ou l’atteinte à l’environnement résultant de l’exécution serait de nature à porter atteinte à la bonne administration de la commune, l’huissier de justice qui procède à l’exécution peut convenir avec la commune de faire directement transporter les biens en un lieu désigné par celle-ci"[11]. Relevons que la loi du 30 décembre 1975 limitait son champ d’application aux biens « mis sur la voie publique » et « qui entravent la sécurité et la commodité de passage dans les rues, quais, places et voies publiques ».

Nous pensons devoir conclure par analogie que la commune exerce le rôle de « trouveur » des meubles de l’expulsé sur la voie publique (et non dans une propriété privée), même si ces meubles n’y ont pas été matériellement abandonnés. La commune n’aurait ainsi aucune obligation d’informer le propriétaire de l’immeuble par courrier recommandé. L’inverse n’aurait d’ailleurs aucun sens, l’information du propriétaire ayant surtout un intérêt quant aux choses cachées et trouvées dans la propriété d’autrui (et aux règles d’acquisition de la propriété de ces choses)[12].

3. La conservation des meubles et objets de l’expulsé

Selon l’article 3.58, par. 3 du nouveau Code civil :

« Six mois après la découverte, le trouveur ou la commune, selon le cas, peut disposer de la chose de bonne foi et d'une manière économiquement justifiée. Il est dérogé à ce délai dans deux cas :

 1° le trouveur ou la commune peut, sans attendre l'expiration de ce délai, disposer des choses qui sont périssables, sujettes à une dépréciation rapide ou préjudiciables à l'hygiène, à la santé ou à la sécurité publiques ;

2° le délai de conservation obligatoire des bicyclettes est de trois mois.

En cas de vente, le produit est tenu à la disposition du propriétaire ou de ses ayants cause jusqu’à l’expiration du délai nécessaire pour l’acquisition visée à l’article 3.59 ».

La commune ne peut disposer des meubles de l’expulsé durant 6 premiers mois à dater de leur « découverte » au sens du nouveau Code civil. Ce délai se compte donc, en l’espèce, à partir de leur enlèvement. Le délai est raccourci dans les cas susmentionnés. La commune peut évidemment faire appel à un garde-meuble, même géré par une société privée.

Ce n’est qu’après cette période que la commune peut disposer des meubles « de bonne foi et d’une manière économiquement justifiée ». Lorsque les biens ont encore une valeur vénale, la commune peut procéder à leur vente. S’ils n’ont aucune valeur, les meubles peuvent être cédés gratuitement, voire jeter.

Comme c’était le cas auparavant, la commune est responsable de la conservation des meubles enlevés, selon les règles du dépôt nécessaire. Rappelons à ce sujet que « la responsabilité du dépositaire doit s’apprécier en fonction de l’obligation de garde et non au-delà. Ce à quoi le dépositaire s’engage, c’est, en effet, à garder, et non à soigner, ou à améliorer, ou à gérer les intérêts du déposant relativement à la chose. Le dépositaire n ’a pas à entretenir ou réparer la chose »[13].

4. Récupération des choses enlevées et droit de propriété

Selon l’article 3.59, par. 1er du nouveau Code civil :

« La chose trouvée continue d'appartenir à son propriétaire originaire. Le propriétaire peut récupérer la chose ou son produit de vente dans les mains du trouveur ou de la commune.

(…)

Si les obligations visées à l'article 3.58 ont été respectées, le trouveur ou la commune à laquelle la chose a été remise ne devient propriétaire de cette chose que cinq ans après la mention dans le registre de la commune où la déclaration a été faite, pour autant que le propriétaire originaire ne se soit pas fait connaître. »

Il faut bien distinguer :

  • L’obligation de conserver les meubles en l’état (expliquée supra, point 3). Cette obligation empêche la commune de vendre, donner ou jeter les meubles conservés.
  • L’obligation de restituer les meubles ou le produit de leur vente, à la demande du propriétaire.

Dès le premier jour de conservation, le propriétaire des meubles peut les récupérer auprès de la commune. Il dispose de cinq années pour le faire, à compter de la mention dans le registre des objets trouvés. Trois cas de figure peuvent alors se présenter :

  • Les meubles sont encore conservés. Ils doivent être restitués.
  • Les meubles ont été vendus entre temps, en principe après les 6 premiers mois (v. supra, point 3). La commune doit restituer le produit de leur vente. L’expulsé ne peut se retourner contre l’acheteur des meubles en revendiquant leur restitution. Il s’agit d’une application du principe de la subrogation réelle dans la mesure où le produit de la vente est encore individualisé.
  • Les meubles ont été jetés ou donnés, en principe après les 6 premiers mois (v. supra, point 3), car il n’avait aucune valeur vénale. Aucune restitution, ni indemnisation ne doit avoir lieu.

Passé ce délai de 5 ans, la commune devient pleine propriétaire des meubles qu’elle aurait conservé ou du produit de leur vente. L’expulsé n’a plus aucun droit sur ceux-ci.

Lorsque les meubles sont vendus, jetés ou donnés avant l’expiration de ce délai de 5 ans, il est conseillé à la commune de se réserver la preuve de leur valeur ou de l’absence de valeur (photographies, etc.). Ceci lui permettra de se prémunir en cas de contestation future de la part de l’expulsé.

La commune peut-elle utiliser les biens de l’expulsé ?

La commune peut-elle utiliser les biens ayant une valeur vénale ou les mettre à disposition d’un tiers en meublant par exemple un de ses logements de transit ou d’urgence.

Selon les règles applicables au dépôt nécessaire, le dépositaire (en l’espèce la commune) ne peut faire usage de la chose dont il a la garde (art. 1930 du Code civil). Cette disposition permet notamment d’éviter les détériorations des biens déposés.

Durant la période de conservation (fixée à 6 mois en principe – v. supra, point 3), il est clair que la commune ne peut utiliser les meubles conservés, ni les mettre à disposition.

Après cette période de 6 mois, les articles 3.58 et 3.59 du Code civil prévoit succinctement que la commune peut « disposer de la chose de bonne foi et de la manière économiquement justifiée ». Toutefois, « le propriétaire peut récupérer la chose ou son produit de la vente » dans les mains de la commune durant cinq années.

Par conséquent, si la commune ne dispose pas des biens (via une vente, une cession gratuite ou la mise en décharge[14]), elle est tenue les restituer au propriétaire si ce dernier demande à les récupérer dans les 5 ans. Il nous semble dès lors que les règles du dépôt nécessaire restent d’application.

La commune ne pourrait donc faire usage des meubles avant l’écoulement de ces cinq années. Il s’agit ici d’une interprétation prudente des articles 3.58 et 3.59 du Code civil. Il conviendra d’être attentif à la manière avec laquelle la jurisprudence appréciera ces nouvelles dispositions.

5. Indemnisation des frais et droit de rétention

Selon l’art. 3.59, par. 1er , al. 1er du nouveau Code civil :

« (…) Le propriétaire (…) est tenu d'indemniser les frais raisonnables de conservation, de garde et de recherche. Le trouveur ou la commune a un droit de rétention tant que cette obligation n'a pas été respectée. »

Si la commune est tenue de restituer les meubles (ou le produit de leur vente) durant cinq ans, elle peut toutefois conditionner cette restitution au paiement des frais de conservation, de garde et de recherche. En outre, si le propriétaire des meubles ne se manifeste pas dans ce délai quinquennal, il n’en demeure pas moins redevable du paiement de ces frais.

Et les frais d’enlèvement ?

Le nouveau Code civil ne fait pas mention d’une indemnisation des frais d’enlèvement. Ceci s’explique sans doute dans une volonté du législateur d’édicter des dispositions applicables à l’ensemble des choses corporelles trouvées.

L’article 5 de la loi du 30 décembre 1975 (abrogée depuis) traitait explicitement du remboursement des frais exposés pour « l’enlèvement et la conservation des biens ». Par ailleurs, à la suite d’une occupation sans titre ni droit d’une habitation (squat par exemple) ou d’une rupture d’un bail de résidence principale, la signification du jugement d’expulsion doit toujours comprendre l’information selon laquelle les frais d’enlèvement sont à charge de l’expulsé[15].

Comme mentionné précédemment, l’enlèvement des meubles par la commune découle de son obligation d’assurer la sécurité publique et la commodité de passage. Dans le cadre de l’exercice de sa mission de maintien de l’ordre public, la jurisprudence admet que la commune puisse dans certains cas récupérer les frais avancés, lorsque son intervention est justifiée par la défaillance d’un tiers et par conséquent par une faute dans son chef.

La commune pourrait réclamer le remboursement des frais sur la base de la responsabilité pour faute (article 1382 du Code civil). La faute doit être appréciée au cas par cas. A l’égard des particuliers, le juge aura égard à son devoir de prudence et de diligence[16].

Dans le cadre d’une expulsion judiciaire, il appartient en principe à l’expulsé de libérer les lieux et d’évacuer ses effets personnels. C’est à défaut d’avoir adopté un tel comportement, comme l’aurait sans doute fait une personne raisonnable et prudente, que la commune est amenée à enlever les meubles de l’expulsé. Il nous semble donc qu’une faute pourrait être avancée, faute générant un préjudice dont la réparation est le remboursement des frais d’enlèvement.

Dans le cadre d’une expulsion sauvage (réalisée par le propriétaire, sans détour préalable par le juge, illégalement et de force), il nous parait difficile d’avancer et de prouver une quelconque faute de la part de l’expulsé.  Une faute pourrait toutefois être avancée vis-à-vis de l’auteur de l’expulsion, pour autant qu’elle puisse être prouvée.

En cas de contestation sur le remboursement de ces frais, il appartient dans tous les cas au juge d’apprécier souverainement le caractère fautif du comportement de l’expulsé. La faute, le préjudice et le lien de causalité ne sont jamais décrétés d’office.

Par ailleurs, un courant jurisprudentiel considère qu’aucuns frais ne peuvent être récupérés par la commune, celle-ci étant dans l’obligation d’agir en vertu de l’article 135 de la nouvelle loi communale. Cette jurisprudence n'est pas majoritaire mais représente un courant répandu.

L’incertitude demeure donc quant à l’issue que réserverait une juridiction en cas de contestation portant sur la récupération des frais d’enlèvement. Une modification législative, incluant clairement la récupération des frais d’enlèvement dans le nouveau Code civil, nous semble plus qu’opportune.

Enfin, à considérer la possibilité pour la commune de réclamer les frais d’enlèvement, celle de conditionner la restitution des meubles au remboursement de ces frais nous semble nettement moins légitime. Le droit de rétention, prévu par le législateur, n’est limité qu’aux « frais raisonnables de conservation, de garde et de recherche ».

La commune peut-elle exercer son droit de rétention sur les meubles insaisissables ?

Le nouveau Code civil n’établit aucune exception au droit de rétention. Celui-ci est supposé s’appliquer à tous les meubles.

L’article 5 de la loi du 30 décembre 1975 prévoyait le droit de rétention ne pouvait valoir pour les biens insaisissables visés à l’article 1408, par. 1er du Code judiciaire (le coucher nécessaire, vêtements et linge indispensable, machine à laver et fer à repasser, …). Cette exception au droit de rétention avait été insérée par la loi du 30 novembre 1998[17]. Les frais d’enlèvement et de conservation restaient exigibles, mais la commune ne pouvait conditionner la restitution de ces biens au paiement préalable de ces frais.

Avant l’insertion de cette exception dans la loi de 1975, la Cour d’appel de Bruxelles avait eu l’occasion de préciser que le droit de rétention ne pouvait s’appliquer aux biens considérés comme insaisissables[18]. Il résulte de cette jurisprudence que même en l’absence de précisions dans le nouveau Code civil, les biens insaisissables doivent être restitués, indépendamment du paiement préalable ou non des frais de conservation, de garde et de recherche.


[1] Suivant les délais classiques de la prescription acquisitive.
[2] V. not. concernant cette procédure : N. Frasselle, Le rôle des communes vis-à-vis des véhicules abandonnés sur la voie publique et des biens mis sur la voie publique suit à un jugement d’expulsion, Mouv. Comm, 4/2004, p. 161, inforum n° 195.341.
[3] Des éclaircissements auraient utilement pu être donnés concernant l’application ou non de ce délai de 7 jours maximum avant la déclaration dans le registre (la commune dispose-t-elle de ce même délai lorsqu’elle endosse le rôle de trouveur ?) ou encore sur l’obligation de recherches qui semblent, d’après le libellé, ne concerner que le trouveur et jusqu’à sa déclaration (la commune est-elle tenue d’effectuer des recherches ? Quid lorsque le trouveur est la commune ?).
[4] Prop. de loi portant insertion du livre 3 « Les biens » dans le nouveau Code civil, Commentaire des articles, Doc. parl., Ch. repr., sess. extr. 2019, n°0173/001, p.145.
[5] En particulier les articles L.3231-1 et suivants du CDLD ainsi que la loi du 11 avril 1994 rel. à la publicité de l’administration.
[6] L. 11.4.1994 rel. à la publicité de l’administration, art. 6, par.2, 1°.
[7] V. N. Bernard, Le droit des biens après la réforme de 2020, Anthémis, 2020, p. 377, n°813.
[8] Art. 1344quinquies et 1344undecies du Code judiciaire.
[9] A savoir une expulsion de force, sans jugement préalable et donc de manière illégale.
[10] V. contra en ce qui concerne l’acquisition des biens sans maître : N. Bernard, Le droit des biens après la réforme de 2020, Anthémis, 2020, p. 376, n°811.
[11] Cass. 23.10.2003, inforum n°207.664
[12] V. nouveau C. civil, art. 3.59, par. 3, al. 2.
[13] F. Glansdorff et E. Van den Haute, « Chapitre 2 - Le dépôt volontaire » in Tome III – Les contrats – Volume 4, 1e édition, Bruxelles, Bruylant, 2017, p. 313, n°274. Selon l’article 1951 du Code civil, une grande partie des règles qui régissent le dépôt volontaire sont applicables au dépôt nécessaire. Tel est le cas des règles régissant la responsabilité du dépositaire.
[14] Le terme « disposer » nous parait faire référence aux actes et faits juridiques qui modifient définitivement le patrimoine (par opposition aux actes d’administration notamment). On vise donc la vente, la cession gratuite, etc.
[15] Art. 1344quinquies et 1344undecies du Code judiciaire.
[16] V. A. Vassart, Le maintien de l’ordre public par les communes, éd. UVCW, 2e éd., 2021, p.41.
[17] L. modifiant certaines dispositions du Code judiciaire rel. à la procédure en matière de louage de choses et de la loi du 30 décembre 1975 concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur la voie publique en exécution de jugements d’expulsion.
[18] Bruxelles, 1.12.1998, J.T., 1989, p.76 ; V. également, J.-L. Ledoux, Chronique de jurisprudence – les sûretés réelles et la publicité foncière (1987-1993), J.T., 1994, p.338, n°95.

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Date de mise en ligne
11 Mars 2022

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine Logement Police administrative
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