Décret FRIC: l’UVCW interpelle le Parlement
Le 9 juillet 2018, a été déposé au Parlement de Wallonie un projet de décret modifiant les dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation relatives aux subventions à certains investissements d'intérêt public. L’Union des Villes et Communes de Wallonie a été sollicitée en avril 2018 pour remettre un avis sur l’avant-projet de décret, mais elle vient, en outre, de faire part de certaines remarques, toujours d’actualité, aux membres de la Commission des Pouvoirs locaux du Parlement wallon.
Globalement, l’UVCW attend et réclame deux grandes lignes directrices à cette réforme du Fonds régional pour les investissements communaux (FRIC) : d’une part, le refinancement à la hausse du fonds et d’autre part, une simplification administrative liée à son fonctionnement.
En ce qui concerne le refinancement, l’UVCW se réjouit de constater que ses revendications sur ce plan ont été entendues à travers la hausse du taux de subvention, passant de 50 % à 60 %, et l’annonce dans le cadre du Plan wallon des investissements de l’octroi d’un montant complémentaire annuel de 20 millions d’euros pour la période 2019-2024. Il est toutefois regrettable que la hauteur du montant complémentaire accordé n’ait pas été inscrite explicitement dans le projet de décret, ce qui aurait permis de pérenniser ce montant complémentaire au-delà de 2024.
Cependant, en matière de simplification administrative, l’UVCW constate et regrette le manque d’avancées dans ce domaine. Plutôt que d’introduire des simplifications, les dispositions prévues dans le projet vont sans aucun doute renforcer cette lourdeur administrative, en augmentant les formalités, les justifications, les approbations et les conditions à remplir. L’autonomie des pouvoirs locaux semble indéniablement menacée et risque d’induire un effet opposé à celui souhaité, à savoir de ralentir le traitement des dossiers, tant au niveau communal que régional.
Outre les éléments évoqués ci-dessus, les autres principaux changements à attendre par rapport au mode de fonctionnement actuel du Fonds régional pour les investissements communaux sont les suivants :
- insertion obligatoire de clauses environnementales, sociales et éthiques visant à lutter contre le dumping social dans les documents de marché ;
- révision des périodes de programmation (deux fois 3 ans au lieu d’une période de 4 ans suivie d’une période de deux ans) et insertion de ces dernières dans le programme stratégique transversal (PST) ;
- l’inexécuté profitera à l’ensemble des communes et non plus uniquement à celles qui avaient utilisé l’entièreté de leur enveloppe ;
- la réunion plénière d’avant-projet sera dorénavant obligatoire ;
- le champ d’application de la tutelle d’approbation repris dans le décret sera étendu ;
- la commune devra présenter un PIC comprenant des projets pour un montant subsidiable compris entre 150 et 200 % du montant de l’enveloppe qui lui sera attribué ;
- la commune devra préciser dans son PIC en quelle année de la programmation elle envisage de réaliser chacun des projets qui y sont repris.
LES INVESTISSEMENTS ELIGIBLES
En regard de l’imposition de clauses environnementales, sociales et éthiques, l’UVCW prend acte de la volonté de la Wallonie de généraliser celles-ci et de la compétence dont se voit pourvu le Gouvernement pour fixer les modalités et les éventuels seuils d’application. L’UVCW accorde une attention particulière à la praticabilité de telles clauses, qui ne sont guère aisées à manier et qui ne peuvent certainement pas être généralisées à tous les marchés concernés. Autrement dit, l’UVCW souhaite que raison soit gardée sur l’application généralisée de ces clauses et que ses membres ne soient pas inquiétés en cas d’inadéquation ou de non-exécution d’une telle clause. Aussi, l’UVCW regrette de ne pas avoir été associée dans les réflexions permettant de fixer les modalités et les seuils d’application, et ce en vue d’atteindre un équilibre favorable à la meilleure exécution de ces clauses, au profit tant des autorités subsidiantes que celles subsidiées, des adjudicataires ou encore des bénéficiaires de ces clauses.
Par ailleurs, l’UVCW a souhaité rappeler que, si les pouvoirs locaux entendent participer à la lutte contre le dumping social et souhaitent rendre leurs marchés publics plus responsables, cela ne doit pas occulter le fait qu’il existe des organes de contrôle compétents pour veiller au respect des législations sociales idoines et qu’il n’appartient pas aux donneurs d’ordre de se substituer à eux. Il est donc impératif de rappeler à l’autorité fédérale que ce respect lui incombe en premier lieu et qu’il ne sera efficacement et principalement obtenu que par des contrôles effectués par elle, et non par des contrôles des donneurs d’ordre sur une base contractuelle. L’exemplarité dont doivent, certes, faire preuve les pouvoirs locaux en matière de commande publique, n’élude pas la compétence de l’autorité fédérale à veiller au respect de ses lois.
MOYENS FINANCIERS
L’UVCW se réjouit de l’annonce de l’octroi de 20 millions d’euros annuels complémentaires accordés par la Wallonie pour la programmation 2019-2024 et elle sera attentive à ce que cet engagement se concrétise en temps et en heure. A ce stade, le projet de décret rend possible l’octroi d’un montant complémentaire mais ne pérennise pas ces 20 millions au-delà de cet effet d’annonce.
L’UVCW estime qu’il aurait été préférable de revoir le montant annuel de 45 millions d’euros actuellement repris dans la législation pour le porter à 65 millions, ce qui permettait également de prendre en compte ce montant complémentaire pour l’indexation du Fonds. Cette démarche aurait permis de réellement pérenniser ce retour à l’enveloppe allouée annuellement à l’époque des plans triennaux, ce que l’UVCW réclamait. L’UVCW salue par ailleurs le retour à un taux de subventionnement de 60%.
L’UVCW souligne positivement la volonté de la Ministre de clarifier la procédure de réattribution de l’inexécuté. Bien que la clôture des comptes des projets ne peut être réalisée que parfois plusieurs années après la fin de la programmation concernée, il semble raisonnable que le montant de l’inexécuté soit arrêté dans les mois qui suivent la fin de celle-ci. L’UVCW salue qu’une date soit fixée pour ce faire.
LE PLAN D’INVESTISSEMENT COMMUNAL (PIC)
L’UVCW comprend l’intérêt qu’il y a pour les communes de prévoir obligatoirement dès le départ des projets pour un montant supérieur à l’enveloppe individuelle qui leur sera attribuée (>150%). L’UVCW perçoit cependant moins l’intérêt de fixer un plafond maximum à ce montant (200%). Il revient à l’UVCW, par ailleurs, que le CRAC demanderait aux communes sous plan de gestion de reprendre l’ensemble des projets inscrits dans leur PIC dans leurs projections pluriannuelles et non pas uniquement le montant de l’enveloppe qui leur est attribuée. Il conviendra donc d’adapter cette exigence afin que l’obligation de remettre un PIC comportant des projets pour un montant compris entre 150 et 200 % de l’enveloppe ne vienne mettre en difficulté ces communes dans le cadre de leurs projections pluriannuelles.
Enfin, l’UVCW regrette les exigences nouvellement imposées aux communes, notamment en termes de planification annuelle. Elles seront en effet désormais tenues de préciser au cours de quelle année de la programmation elles envisagent de réaliser les projets contenus dans leur PIC, pour ensuite choisir, parmi les dossiers inscrits pour l’année en cours dans leur plan d’investissement, les projets qu’elles entendront réaliser. La planification stratégique est encouragée par la corrélation du PIC avec le programme stratégique transversal, ce qui semble une imposition suffisante pour permettre un meilleur lissage de la réalisation des travaux. L’UVCW rappelle que cela n’exclut pas la possibilité de nombreux paramètres de perturber la bonne tenue d’un planning envisagé par une commune. Etablir, plusieurs années en amont, un planning précis des investissements année par année et pouvoir faire en sorte que ce planning soit in fine respecté reste un exercice très complexe à réaliser. L’UVCW s’interroge en outre sur les conséquences de ces éventuels retards : qu’adviendra-t-il des dossiers qui n’ont pu être traités l’année prévue par la commune ? Seront-ils exclus de leur PIC ?
LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE
Si l’UVCW se réjouit de la simplification administrative que représente la transmission des dossiers via le guichet électronique, il pourrait paraître prématuré d’en imposer l’exclusivité sans connaître la capacité des communes à s’y conformer. Celles-ci ne peuvent utiliser ce système que depuis la dernière programmation et nombreuses sont celles qui doivent encore s’y atteler. Une période transitoire semble plus pertinente à ce stade, ainsi qu’une communication adaptée pour les encourager à l’utiliser.
Actuellement l’acquisition de biens immobiliers par les communes ne nécessite pas d’approbation ou d’autorisation. L’UVCW est surprise de constater la volonté de soumettre à l’approbation du Gouvernement les dossiers d’acquisition du PIC, qui traduit un net retour en arrière par rapport à la logique du droit de tirage.
De même, l’UVCW constate avec regret que les décisions d’attribution devront être désormais toutes soumises à la tutelle d’approbation, quel que soit le montant du marché concerné. Même pour les plus petits marchés, toutes les communes devront désormais attendre l’approbation de la décision d’attribution par la Région, retardant d’autant la mise en œuvre des investissements concernés. L’UVCW doute de la réelle plus-value de cette mesure.
CONCLUSIONS
D’une manière générale, l’UVCW rejoint l’avis de la Wallonie de voir les investissements communaux se lisser sur la durée des programmations. L’UVCW a relevé, à l’issue de la première programmation sous le régime du décret FRIC, de nombreux paramètres qui ont impacté les délais de traitement des dossiers, que ce soit au niveau des communes, du SPW, des auteurs de projets, des entrepreneurs, et du Cabinet.
Un aspect important relevé par les pouvoirs locaux est la lourdeur et les délais des procédures, qui conduisent les communes à financer certains projets, pourtant éligibles au FRIC, sur fonds propre plutôt que de l’inscrire au PIC. L’UVCW espérait donc grandement de cette réforme annoncée qu’elle puisse mettre en œuvre une réelle simplification administrative. Or, elle craint des dispositions prévues par le projet de décret qu’elles ne renforcent cette lourdeur administrative, en augmentant les formalités, les justifications, les approbations et les conditions à remplir. L’autonomie des pouvoirs locaux semble indéniablement menacée et risque d’induire un effet opposé à celui souhaité, à savoir de ralentir le traitement des dossiers, tant au niveau communal que régional.
Les communes semblent, par ce projet de décret, pénalisées pour les « déboires » de la programmation 2013-2016 alors qu’elles n’en portaient pas la totale responsabilité, comme les raisons évoquées étaient variées et pour bon nombre d’entre elles indépendantes de leur volonté. L’UVCW souligne néanmoins que plusieurs de ses revendications ont été prises en compte, à savoir d’une part l’intégration des PIC au PST et d’autre part, le renforcement des moyens financiers dévolus au FRIC. Rappelons qu’au-delà de l’augmentation du taux de subvention, passant de 50 % à 60 %, 20 millions d’euros complémentaires seront, selon l’annonce faite par le Gouvernement wallon dans le cadre du Plan Wallon d’Investissements, ajoutés annuellement à la mandature 2019-2024. Au-delà de cette période, ce financement restera soumis au bon vouloir du Gouvernement suivant.
Voirie/travaux : Marie-Sophie Burton - Emmanuelle Jouniaux - Frédérique Witters