Appels à projets: l’UVCW et la Fédération des CPAS revendiquent un changement de cap vers le droit de tirage
L’UVCW et la Fédération des CPAS ont récemment fait part à la Région wallonne de leurs constats en matière d’appels à projets et ont revendiqué un changement de cap en faveur du droit de tirage.
La problématique des subventions et des appels à projets n’est pas neuve. Depuis de nombreuses années, des dysfonctionnements sont relevés dans la manière dont sont attribuées les subventions régionales, comme en témoignait déjà en 2011 un rapport de la Cour des comptes consacré au subventionnement régional des investissements communaux. Ces dernières années, la problématique est revenue au-devant de la scène avec d’autant plus d’acuité que les appels à projets se sont multipliés tous azimuts, notamment dans le cadre du Plan de relance. Rappelons-le, ces derniers ont pour caractéristique commune qu’ils ne garantissent pas à ceux qui décident d’y participer d’obtenir automatiquement le financement sollicité et ce, même s’ils répondent aux conditions d’éligibilité. Seules les candidatures retenues par le comité de sélection de l’appel à projets seront financées.
S’ils permettent à la Région d’implémenter sa politique publique à l’échelon local tout en faisant bénéficier les pouvoirs locaux d’un financement régional partiel, le système des appels à projets tel qu’il est appliqué actuellement engendre des impacts négatifs, non seulement sur les pouvoirs locaux mais aussi pour l’administration régionale.
Parmi les principaux griefs émis à leur encontre, on retiendra qu’ils sont vus comme:
- chronophages pour tous les acteurs, tant pour les pouvoirs locaux qui sont amenés à constituer de nombreux dossiers de candidature en se conformant aux critères propres de chaque appel à projets que pour l’administration wallonne qui croule sous les questions et les projets introduits, sans compter les bureaux d’études qui n’arrivent plus à suivre les demandes;
- coûteux en ressources humaines mais aussi en moyens financiers au vu du temps qui y est consacré et des frais d’études qui doivent être engagés déjà au stade de la candidature alors que les pouvoirs locaux n’ont encore aucune garantie que le financement escompté sera bien obtenu;
- engendrant des effets d’aubaine qui poussent les communes et les CPAS à s’écarter de leur Programme stratégique transversal, entraînant des incohérences dans les projets menés et l’incompréhension des citoyens confrontés à des travaux parfois jugés inutiles;
- manquant d’efficacité et de planification, sans vision d’ensemble et de coordination entre la multitude des appels à projets, entraînant une perte d’efficience de l’utilisation des moyens régionaux et venant bousculer l’agenda local construit sur base des priorités communales;
- manquant de transparence et d’impartialité, les appels à projets ne faisant pas obligatoirement l’objet d’une information claire en amont et fonctionnant sur base de comités de sélection dont l’impartialité peut être mise en doute, certains d’entre eux limitant par ailleurs le choix des prestataires;
- manquant de prévisibilité financière puisque le financement ne peut être garanti, sans compter qu’il est souvent confirmé avec retard et que le montant attribué n’est pas augmenté en cas de hausse de prix;
- complexes, irréalistes et parfois à contretemps: les critères de candidatures ou de mise en œuvre des projets sont exigeants et dans certains cas irréalistes, tandis que les dossiers de candidature sont généralement complexes et doivent être introduits dans un délai parfois très court ;
- générant de la concurrence entre pouvoirs locaux plutôt qu’un esprit de collaboration et poussant la Région à se positionner comme arbitre plutôt que comme conseiller;
- étant une source potentielle de démotivation pour les agents et les mandataires locaux, notamment quand la candidature n’est pas retenue ou relève plutôt de l’effet d’aubaine ou quand les exigences de mise en oeuvre sont démesurées.
Au vu de ces constats et avant toute chose, il est selon nous indispensable de se poser la question suivante : « le soutien financier que la Région wallonne souhaite mettre en place envers les pouvoirs locaux doit-il se faire via un appel à projets ? ». Il est en effet désormais grand temps de changer de cap et de se diriger vers un droit de tirage qui reprendrait la majeure partie des subventions régionales. Certes, des premières avancées ont été engrangées à travers la mise en place du Fonds régional pour les investissements communaux, puis d’autres initiatives prises sous cette législature comme le PIMACI. Mais il convient d’aller encore beaucoup plus loin et de passer à la vitesse supérieure, en impliquant l’ensemble des Ministres régionaux afin de couvrir tous les domaines d’investissement concernant les pouvoirs locaux.
Ce droit de tirage généralisé pour la grande majorité des investissements communaux pourrait prendre la forme d’un Fonds des communes extraordinaire. A l’instar du Fonds des communes mis en place au service ordinaire, il permettrait d’en avoir tous les avantages (montant déterminé sur base de critères préétablis, versement automatique des moyens) tout en veillant tout particulièrement à utiliser des critères simples à appréhender, pertinents et équitables à l’égard de l’ensemble des communes et induisant une prévisibilité aisée des montants.
Selon nous, les appels à projet doivent donc se limiter strictement au financement des projets pilotes qui, s’ils s’avèrent pertinents et répondent à des besoins récurrents, pourront être ensuite pérennisés sous forme de droit de tirage.
Dans ce cadre strictement défini, afin d’atténuer point par point les effets négatifs induits par les appels à projets tels qu’ils sont menés actuellement, nous estimons que sept grands champs d’action pourraient être mis en œuvre, à savoir:
- simplifier la procédure administrative liée aux appels à projets en instaurant un cadre régional contraignant et standardisé pour les appels à projets à toutes les étapes de la procédure en prévoyant des canaux de communication obligatoires, une structure commune des appels à projets, un canevas standardisé de candidature, un dossier administratif en tronc commun, un délai maximum de retour vers les communes, une diminution du nombre d’étapes de validation et des exigences de mise en oeuvre et de reporting, une harmonisation des modalités de mise en oeuvre, de contrôle et de paiement, et une communication améliorée des paiements;
- favoriser la planification, la cohérence et la prévisibilité financière des investissements communaux en mettant en place et en communiquant un calendrier coordonné (pluri)annuel des appels à projets, en calibrant judicieusement les délais pour chaque étape de l’appel à projets et en tenant notamment compte des vacances d’été et des périodes de fin d’année, en introduisant un délai de rigueur pour annoncer les candidatures retenues et en prévoyant le versement systématique d’avances;
- renforcer la transparence des appels à projets à toutes les étapes de la procédure afin de garantir leur impartialité en instaurant un mode de publication officiel de l’appel, en publiant la liste des candidats à l’appel à projets, la liste des candidats retenus ainsi que les résultats de la mise en oeuvre de l’appel à projets (notamment l’utilisation réelle des deniers régionaux par rapport aux montants annoncés comme mis à disposition au moment de l’appel) et en garantissant l’ouverture des appels à projets en termes de prestataires privés et aux projets de mutualisation publics;
- augmenter la cohérence et la pertinence des appels à projets en améliorant la concertation et la coordination entre les Ministres mais aussi entre les cabinets et les administrations, en définissant des objectifs et des moyens pour l’ensemble de la législature et en tenant compte des besoins et des difficultés rencontrées sur le terrain;
- financer en suffisance les appels à projets en subventionnant les frais d’étude, en décloisonnant les lignes budgétaires dédiées aux appels à projets et en prévoyant un taux de subsidiation attractif ainsi qu’une partie de financement pour les frais de fonctionnement et en évitant que des dépenses soient nécessaires au stade de la candidature;
- renforcer le support régional pour aider les pouvoirs locaux à répondre aux appels à projets en disposant d’une cellule d’appui technique et juridique au niveau du SPW à destination des communes et CPAS, en mettant en place une veille des appels à projets, une boîte à outils, des formations à l’élaboration et au suivi de projets ainsi qu’un outil de monitoring qui permettrait de visualiser l’évolution du projet et de faire son suivi;
- mutualiser les appels à projets en les regroupant entre eux et en élargissant leur champ d’action ou en permettant de mutualiser les ressources de plusieurs communes pour y répondre.
Rappelons que ces différentes pistes qui permettent de rationaliser et d’harmoniser les appels à projets doivent impérativement s’inscrire dans un cadre où le principe premier reste l’instauration d’un droit de tirage généralisé et où les appels à projets viennent en complément, à titre très résiduaire et temporaire pour des projets pilotes.
Vous trouverez en annexe de cette actualité une note détaillée explicitant davantage nos propos.