Quelles sont les règles de TVA applicables à la vente de bois par les pouvoirs locaux ? Quelle est l’incidence de l’exercice par ceux-ci d’autres activités assujetties, en particulier la distribution d’eau ?
Les villes, communes et CPAS ne sont en principe pas assujettis à la TVA, sauf en cas de distorsion de concurrence d’une certaine importance ou d’exercice d’un certains nombres d’activités limitativement énumérées[1].
Pratiquement, l’importance de la distorsion de concurrence menant en principe à l’assujettissement à la TVA s’évalue au regard du seuil de franchise, fixé à 25.000 euros de chiffre d’affaires annuel pour l’activité concernée. Il en va ainsi de la vente de bois issu de l’exploitation forestière, par les pouvoirs locaux[2].
Le régime agricole
L’article 57 du Code de la TVA (CTVA) instaure néanmoins un régime particulier de TVA pour les exploitants agricoles. Et la sylviculture relève de celui-ci, conformément à l’article 1er, 4°, de l’arrêté royal n° 22 du 29 décembre 1992 relatif au régime particulier applicable aux exploitants agricoles en matière de taxe sur la valeur ajoutée (A.R. n° 22), notamment quand l’activité consiste en la livraison, en l'état ou après leur avoir fait subir une transformation primaire qui relève normalement des exploitations sylvicoles, des biens produits par l’exploitant (A.R. n° 22, art. 2, § 1er, 1°).
S’agissant d’un régime de TVA simplifié, les pouvoirs locaux exploitants sylvicoles qui effectuent des livraisons de produits de leur exploitation ne sont pas tenus, en ce qui concerne l'exercice de cette activité, aux obligations en matière, notamment, de déclaration et de paiement de la TVA qui incombent normalement aux assujettis (à l'exception néanmoins des obligations résultant des opérations intracommunautaires qu'ils réalisent) (CTVA, art. 57, § 1er).
Mais au contraire du régime d’assujettissement ordinaire, conduisant l’opérateur économique à déduire la TVA due en amont sur les biens et services nécessaires à l’exercice de ses activités, la TVA qui a grevé les éléments constitutifs du prix des livraisons effectuées par l'exploitant sylvicole lui est remboursée par des compensations forfaitaires (CTVA, art. 57, § 2) versées par l'acheteur, lorsque celui-ci est un assujetti (en l’occurrence un professionnel de la filière du bois). Ce pourcentage de compensation est fixé forfaitairement à 2 % de la base d'imposition en ce qui concerne les livraisons de bois (A.R. n° 22, art. 3), excluant ainsi toute autre forme de déduction dans le chef de l’exploitant.
L’exercice d’autres activités assujetties
En principe, les exploitants sylvicoles restent soumis à toutes les obligations incombant aux assujettis (et sont alors exclus du régime agricole), lorsqu'ils ont déjà la qualité d'assujetti en raison de l'exercice d'une autre activité (à moins d’être soumis, pour cette autre activité, au régime particulier de la franchise, c’est-à-dire réaliser un chiffre d’affaires n’atteignant pas 25.000 euros).
Dans ce cas, la vente de bois est alors soumise au taux réduit de TVA de 6 %[3].
Depuis le 1er janvier 2022, l’article 57, § 6, CTVA[4], ajoute néanmoins que les exploitants sylvicoles conservent le bénéfice du régime agricole, pour leur activité couverte par ce régime, lorsqu'ils réalisent par ailleurs, de manière accessoire à cette activité, des opérations pour lesquelles ils sont soumis au régime normal, qui répondent aux conditions suivantes :
1° ces opérations sont liées, par leur nature, à leur activité principale d'exploitant agricole, en l’occurrence sylvicole ; sont par exemple visées l'exécution de travaux saisonniers tels que le déneigement des routes pour le compte d'une commune, la vente d'électricité produite via l'exploitation, … (A.R. n° 22, art. 2, § 2) ;
2° et le chiffre d'affaires HTVA généré par ces opérations ne dépasse pas, au cours de l'année civile en cours et n'a pas dépassé, au cours de l'année civile qui précède, 30 % du chiffre d'affaires total des activités exercées comme exploitants agricoles ou sylvicoles.
La vente d’eau par les communes distributrices, exploitant leur propre réseau, n’est cependant – et sans doute logiquement – pas considérée comme une opération liée à l’activité agricole ou sylvicole permettant, sans préjudice du seuil de 30 %, de maintenir le bénéfice du régime agricole. Cet important rappel, qui concerne un certain nombre de communes du sud et de l’est de la Wallonie, a été apporté par le Ministre des Finances en réponse à une récente question parlementaire[5]. Cette précision nous a également été confirmée par le SPF Finances, que nous avions interrogé à la demande de plusieurs communes concernées qui ont récemment constaté la fin d’une pratique ou tolérance antérieure (mais pas non plus uniforme semble-t-il), selon laquelle ces communes appliquaient le régime agricole – et donc bénéficiaient de la compensation de 2 % – sur leurs ventes de bois, tout en appliquant le régime ordinaire à la distribution d’eau. Désormais donc, ces communes sont priées d’appliquer le régime ordinaire à l’ensemble de leurs opérations assujetties, y compris donc les ventes de bois (A.R. n° 22, art. 2, § 3), ce qui s’avère regrettable pour elles. Car en effet, dans la toute grande majorité des cas, sinon dans tous, la compensation forfaitaire de 2 % découlant du régime sylvicole s’avérait plus intéressante pour une commune que la déduction de TVA, selon le régime ordinaire, due sur les biens et services nécessaires à l’exercice de cette activité, tant ceux-ci sont limités voire quasi inexistants. |
[1] M. Lambert, « TVA et organismes de droit public : nouvelle circulaire à destination des pouvoirs locaux », Mouv. comm., 4/2016, pp. 28-31 (https://www.uvcw.be/finances/articles/art-1465).
[2] Circulaire 2017/C/91 concernant des cas d'application pratique relatifs à l'assujettissement des organismes de droit public (https://www.uvcw.be/finances/actus/art-392).
[3] A.R. n° 20 207.1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux, tabl. A, rubr. VII, 12°.
[4] Tel que remplacé par l’art. 11 de la L. 27.12.2021, M.B. 31.12.2021.
[5] Doc. parl., Ch., CRABV 55 COM 932, pp. 19-21.
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Réponse du SPF Finances
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