Quelle est la procédure de modification des limites territoriales entre communes?
La question de la modification des limites territoriales communales ne s'est, à notre connaissance, posée qu'une seule fois en Région wallonne depuis que celle-ci est compétente en cette matière.
Ce premier cas de modification des limites territoriales des communes par la Région wallonne s'est, semble-t-il, vu appliquer la procédure antérieure de modification. Néanmoins, si les demandes devaient se multiplier, il n'est pas exclu que le Ministre en charge des Pouvoirs locaux prenne une circulaire établissant la procédure qui serait désormais celle observée en Région wallonne. En outre, la pratique qui pourrait se développer en cette matière pourrait également apporter des précisions sur le déroulement concret de cette procédure de modification.
Compétence régionale
Conformément à l'article 7 de la Constitution, "les limites […] des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu'en vertu d'une loi". L'article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés (M.B. 3.8.2001) a cependant modifié l'article 6, VIII, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, faisant entrer dans les compétences des Régions "en ce qui concerne les pouvoirs subordonnés: […] 2° le changement ou la rectification des limites des provinces et des communes […]". C'est donc par décret que les limites territoriales des communes peuvent être modifiées.
Procédures
Modification des limites territoriales
De nos jours, en dehors des procédures antérieures de fusion de communes (et des corrections qui ont suivi jusqu'en 1982), l'initiative de modifier les limites territoriales entre deux communes proviendra des communes concernées elles-mêmes, qui adresseront leurs demandes au Gouvernement. C'est lui qui déposera au Parlement un projet de décret de modification.
A défaut de directives ministérielles plus récentes, l'on peut se référer à la circulaire du 17 janvier 1957 du Ministre de l'Intérieur, qui a coordonné et complété différentes instructions administratives antérieures. Celle-ci indique les formalités à accomplir préalablement au dépôt éventuel d'un projet de loi - aujourd'hui, de décret - et les modalités de présentation des dossiers.
Après délibération des conseils communaux concernés sur le principe-même de demander la modification des limites territoriales [1], ceux-ci déposeront au Gouvernement un dossier qui comprendra un rapport préliminaire examinant l'opportunité de la modification sous tous ses aspects, "également sur le plan psychologique, en ce qui concerne l'accueil favorable ou défavorable et les réactions auxquelles il faut s'attendre". Un plan indiquant les nouvelles limites envisagées sera joint au dossier.
Le Ministre pourra alors examiner l'opportunité d'entamer la procédure en vue du dépôt d'un projet de décret. Si, selon lui, les limites territoriales des communes peuvent a priori faire l'objet de modifications, la procédure pourra être poursuivie.
Chaque commune procédera alors à une enquête publique. Après la clôture de celle-ci, le conseil communal de chaque commune intéressée sera à nouveau réuni, pour émettre un avis sur la modification des limites territoriales envisagée, compte tenu des résultats de l'enquête.
Un dossier complet pourra alors être transmis au Gouvernement, comportant les délibérations des conseils communaux, les pièces relatives à l'enquête, y compris les réclamations éventuellement déposées, les plans nécessaires et plus généralement toute pièce utile.
Si le Gouvernement estime que l'opportunité de modifier les limites territoriales est confirmée, il déposera au Parlement un projet de décret qui suivra le parcours législatif habituel. Ce n'est qu'une fois le décret adopté par le Parlement que les limites territoriales des communes concernées seront modifiées.
Conséquences de la modification pour les communes
Conformément aux articles L1112-1 et L1112-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (anciens art. 272 et 273 NLC), si les modifications territoriales emportent des changements de populations tels que la composition des organes communaux doit également être modifiée, un arrêté du Gouvernement ordonnera la convocation des électeurs et règlera tout ce qui est relatif à la première élection.
Les mêmes dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation prévoient que les conseils communaux règlent de commun accord le partage des biens communaux. Ils règlent également ce qui concerne les dettes et les archives.
Il est de doctrine et de jurisprudence constante que les biens du domaine public demeurent affectés à l'usage de la partie de territoire sur laquelle ils sont situés; ils suivent donc la partie de commune désormais annexée à la commune voisine [2]. En réalité, c'est parce qu'ils sont hors commerce que ces biens échappent au partage, seuls les biens patrimoniaux étant soumis à celui-ci [3].
Quant au partage des biens patrimoniaux (et des dettes), les communes doivent s'inspirer des principes d'équité et tenir compte des circonstances propres à chaque cas. Par exemple, à propos de la modification récemment envisagée par deux communes, la première céderait 106,83 ha à la seconde et recevrait 57,96 ha en retour. La question du paiement d'éventuelles indemnités d'une commune à l'autre relève de ce partage [4]. A cet égard, compte tenu des circonstances particulières de chaque espèce, le législateur régional pourrait prévoir de telles indemnités par le décret portant modification des limites.
En cas de dissentiments entre les conseils communaux sur ce partage, le différend est tranché par le Conseil d'Etat (CDLD, art. 1112-1, al. 3). En revanche - et conformément à l'article 144 de la Constitution -, les contestations relatives aux droits résultant de titres ou de possession sont du ressort des tribunaux civils (CDLD, art. 1112-1, al. 4).
Motivations
Aucune disposition légale en vigueur aujourd'hui n'indique quels sont les motifs pouvant conduire à la modification des limites territoriales des communes. Ces motifs seront appréciés par le Gouvernement wallon, qui décidera de déposer ou non un projet de décret selon la procédure décrite plus haut.
L'on peut néanmoins noter que la loi du 23 juillet 1971 concernant la fusion des communes et la modification de leurs limites prévoyait que les opérations de modification devaient être justifiées par des considérations d'ordre géographique, économique, social, culturel ou financier [5].
A l'occasion de la procédure de modification des limites entamée récemment par deux communes wallonnes, il apparaît que l'objectif poursuivi par la première est de développer une zone d'activités économiques, alors que l'annexion d'une rue de la première à la seconde commune doit permettre, après réfection, la constitution d'un axe de passage et d'entrée dans la seconde, où sont prévus des projets de revitalisation. Enfin, certaines modifications sont conçues pour un agencement territorial en adéquation avec les axes routiers, la voie ferrée et un cours d'eau.
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- [Remonter] Ces délibérations seront distinctes, conformément à l'art. 162, dernier al., Const., selon lequel "[…] il ne peut être permis […] à plusieurs conseils communaux de délibérer en commun".
- [Remonter] R. Costard, P. Schreider, R. Dupont, Modification des limites, in Droit communal - Commentaire permanent, Courtrai, UGA, rubr. 032, p. 21 (m.à.j. 6.12.1973).
- [Remonter] Civ. Neufchâteau, 19.2.1903, Rev. Adm., 1903, p. 215; Liège, 14.12.1904, Pas., 1906, II, p. 348.
- [Remonter] R. Costard, P. Schreider, R. Dupont, op. cit., p. 27 (m.à.j. 6.12.1973).
- [Remonter] Ibid., p. 6 (m.à.j. 1.3.1985).