La réforme du bail à ferme
Le 30 avril 2019, le Parlement wallon a adopté la réforme sur le bail à ferme. Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020, est le fruit d’un long travail de concertation entamé il y a plus de deux ans par le Ministre wallon de l’Agriculture avec les parties concernées, dont l’Union des Villes et Communes de Wallonie.
En Région wallonne, près de 70 % des 716.000 hectares de superficie agricole utile sont exploités en mode locatif. Les pouvoirs locaux, pris dans leur ensemble, représentent le plus grand propriétaire foncier rural. Bien consciente des enjeux et crises que traverse le monde agricole, l’Union des Villes et Communes de Wallonie a partagé la volonté du Gouvernement wallon d’adapter la législation sur le bail à ferme, vieille de 50 ans. La loi du 4 novembre 1969, insérée dans le Code civil sous l’intitulé « des règles particulières aux baux à ferme », n’avait en effet connu qu’une modification à la marge en 1988, et faisait l’objet de nombreuses critiques (caractère quasi-perpétuel du bail à ferme, oralité des baux, déséquilibre entre les droits et obligations des parties, etc.).
Les objectifs qui ont guidé le travail de réflexion mené par le Gouvernement ont été défini comme suit :
- Sécuriser les agriculteurs et leur outil de travail, tout en équilibrant au mieux les droits respectifs des bailleurs et des preneurs ;
- Rendre confiance en l’institution bail à ferme, en créant des conditions plus favorables à des relations contractuelles saines et justes entre les bailleurs et les preneurs ;
- Donner aux propriétaires des outils pour une meilleure gestion de leur bien ;
- Favoriser l’installation de jeunes en agriculture en leur facilitant l’accès à la terre.
L’Union des Villes et Communes de Wallonie a d’emblée soutenu la démarche initiée par le Gouvernement et ses objectifs en la matière, tout en veillant à ce que le droit de propriété, dont celui des pouvoirs locaux, soit respecté, à permettre à ces derniers de mener à bien leurs politiques et leurs missions d’intérêt général et à prendre en considération la situation particulière qu’est celle d’un bailleur public.
Malgré l’association de l’Union des Villes et Communes de Wallonie aux travaux menés par le Ministre de l’Agriculture, nous continuerons à déplorer l’atteinte à l’autonomie des pouvoirs locaux que constitue l’insertion de critères minimaux et leur pondération que doivent respecter les bailleurs publics dans leur cahier des charges, ainsi que l’impossibilité d’insérer des clauses environnementales sur l’ensemble des parcelles publiques mises sous bail à ferme.
L’objectif de la présente contribution est de dresser les principaux traits de la réforme.
Bon à savoir
L’Union des Villes et Communes de Wallonie organise des formations intitulées « La gestion des baux à ferme » et se tient à votre disposition pour toute question relative à la réforme.
Par ailleurs, la Région wallonne consacre sur son site internet un espace entièrement consacré au bail à ferme (http://agriculture.wallonie.be). On y retrouve la nouvelle règlementation, une brochure explicative, des modèles et des outils divers.
La mise en location des biens publics [1]
L’attribution de biens ruraux par les personnes morales de droit public faisait l’objet d’une procédure particulière. Les pouvoirs locaux avaient l’obligation de procéder par voie de soumission. Compte tenu de la limitation des fermages, les candidats-locataires étaient ensuite départagés selon des critères définis dans un cahier des charges par l’autorité locale. Ces critères permettaient aux pouvoirs publics de mener une certaine politique agricole d’encouragement au travers des priorités qu’ils définissaient.
Le décret réécrit la procédure que doivent suivre les bailleurs publics pour mettre en location leurs biens ruraux en bail à ferme. Bien entendu, il appartient toujours au conseil communal [2] de décider que la commune procède à la location de tel bien et à telles conditions tandis que le collège communal désigne le futur preneur, en l'invitant à comparaître pour la passation de l'acte constatant le bail à ferme. La mise en location des biens publics s’effectue par voie d’adjudication, mais les délais et les modalités de publicité ont été définis.
De plus, le texte fixe les critères que les candidats preneurs doivent respecter. Ces critères d’exclusion sont au nombre de trois :
- La possession par les candidats d’un certificat d’études ou d’un diplôme à orientation agricole ;
- Le respect des superficies maximales de rentabilité ;
- Le respect de la législation environnementale et l’absence de dette publique dans le chef du soumissionnaire.
En plus de ces trois critères d’exclusion, la réforme du bail à ferme prévoit des critères d’attribution qui doivent figurer dans les cahiers des charges. Tout cahier des charges utilisé à l’occasion de la mise en location d’un bien doit ainsi contenir :
- L’âge du soumissionnaire ;
- La superficie agricole utilisée de l’exploitation par rapport à la superficie minimale et à la superficie maximale de rentabilité ;
- La proximité de l’exploitation par rapport au bien ;
- La superficie de terres appartenant à tout propriétaire public exploité par le soumissionnaire.
Ces critères sont pondérés selon une méthode de calcul fixée dans un arrêté du Gouvernement wallon, qui encadre par ailleurs la liberté octroyée aux pouvoirs publics d’ajouter des critères complémentaires en vue de promouvoir des projets spécifiques.
Rappelons que, dans ses avis rendus le 28 août 2018 et le 14 mai 2019, l’Union des Villes et Communes de Wallonie regrettait l’insertion de critères minimaux que le propriétaire public doit respecter lors de l’attribution, laquelle constitue une atteinte à l’autonomie des pouvoirs locaux. Si l’Union des Villes et Communes de Wallonie partage la volonté du Gouvernement de faciliter l’accès à la terre aux jeunes agriculteurs, au soumissionnaire exploitant la parcelle la moins étendue et au soumissionnaire exploitant la parcelle la plus proche par rapport au bien, nous jugeons le quatrième critère discriminatoire. En effet, deux soumissionnaires se trouvant dans une même situation (âge, superficie des parcelles exploitées, distance par rapport au bien mis en location) se voient départagés pour la simple raison que l’un exploite des terres appartenant à un propriétaire public. Cette différence de traitement eu égard au caractère public ou privé du bailleur n’est pas admissible.
En outre, lorsque des critères complémentaires sont insérés dans le cahier des charges par les pouvoirs publics, la pondération des critères minimaux représente au minimum cinquante pourcents des points à attribuer et ces critères complémentaires comptent chacun pour 20 points maximum. Or, les critères d’attribution, définis jusqu’à aujourd’hui par les communes et CPAS, tendent à la satisfaction de certains besoins locaux en matière agricole. La détermination de ces critères, élaborés dans certains cas en étroite collaboration avec les forces vives locales, offrait la possibilité d’appliquer un soutien public au plus près des enjeux et des circonstances locales.
Des outils pratiques pour les pouvoirs locaux
Pour guider et accompagner les Communes et CPAS de Wallonie, un modèle indicatif de cahier des charges [3] est prévu. De plus, les modèles de baux indicatifs comprendront des baux spécifiquement adaptés aux pouvoirs publics. Comme les autres outils, ceux-ci seront disponibles sur le site du Moniteur belge et sur le portail agriculture du Service public de Wallonie (http://agriculture.wallonie.be).
Un bail écrit [4]
La majorité des baux à ferme ont été conclus oralement, ce qui tend à fragiliser les relations contractuelles entre les preneurs et les bailleurs. Le décret wallon rend l’écrit obligatoire, en prévoyant des mentions minimales. Dorénavant, tous les baux doivent reprendre les éléments suivants :
- Les informations relatives à l’identité des parties contractantes ;
- La date de prise de cours du bail ;
- La durée du bail et le type de bail ;
- Les données cadastrales des parcelles ;
- Le revenu cadastral non-indexé des parcelles et leur région agricole.
En absence d’accord entre les parties, une action auprès du juge de paix est prévue afin de forcer à dresser, compléter ou signer un bail écrit. Outre la conclusion du bail, toute modification ou reconduction expresse doit également être établie par écrit.
Droit transitoire [5]
Afin d’intégrer la nouvelle exigence de l’écrit aux baux oraux en cours, le décret stipule que ces derniers doivent passer sous forme écrite endéans une période de 5 ans. Si l’une des parties ne respecte pas cette obligation, la partie la plus diligente pourra entreprendre une action auprès du juge de paix pour l’y contraindre. Si au terme de cette période de 5 ans le bail n’a pas été mis par écrit, il sera considéré comme un bail « classique » dont la durée déjà écoulée est de 18 ans et donc entamant une troisième période de bail de 9 ans à la date d’entrée en vigueur de la réforme, soit le 1er janvier 2020.
Cependant, si la preuve peut être apportée qu’un bail oral a été conclu depuis moins de 18 ans, le bail se poursuit pour une période égale à la différence entre la durée maximale du bail classique (36 ans) et la durée du bail écoulée avant l’entrée en vigueur de la réforme (le 1er janvier 2020).
Un état des lieux [6]
Aucun état des lieux n’était prévu dans la loi de 1969 sur le bail à ferme. Afin de fournir une protection tant au propriétaire qu’au locataire, la réforme le rend obligatoire. Désormais, les parties doivent dresser un état des lieux et l’annexer au contrat de bail lors de l’entrée en jouissance ou au plus tard dans les trois mois. Il en est de même en cas de renouvellement de bail suite à une cession privilégiée.
A l’instar du bail écrit, une série d’éléments doivent y figurer obligatoirement. L’état des lieux doit être validé par les deux parties et effectué à frais communs. Si l’une des parties refuse de dresser ce document, l’autre dispose d’une action auprès du juge de paix pour l’y contraindre. Dans l’hypothèse selon laquelle aucun état des lieux n’a été effectué, le preneur est supposé avoir reçu les biens loués dans l’état dans lequel ils se trouvent à la fin du bail.
Le contrat de bail oral et l’absence d’état des lieux d’entrée constituaient des faiblesses de la loi de 1969. L’imposition d’un contrat écrit et d’un état des lieux sont, d’après l’UVCW, des avancées tant au niveau de la charge de la preuve que de l’équilibre des intérêts des parties contractantes.
La durée et les types de baux [7]
Le bail classique
Jusqu’à présent, et sous réserve de l’exception du bail de carrière, la durée d’un contrat de bail à ferme « classique » était de minimum 9 ans, laquelle était prolongée par périodes successives de 9 ans, aussi longtemps qu’il n’y était pas mis fin valablement. La réforme stipule que le preneur ne peut désormais bénéficier que de maximum trois prolongations de 9 ans, se poursuivant, le cas échéant, d’année en année par tacite reconduction. S’il s’agit d’un progrès eu égard à la législation jusqu’ici en vigueur, remarquons que le preneur restera tout de même dans les lieux pour une durée minimale de 36 ans, à défaut de congé valablement donné par le bailleur.
Le bail de courte durée et le bail de fin de carrière
A côté du bail « classique », du bail de longue durée (d’une durée égale ou supérieure à 27 ans) et du bail de carrière (jusqu’à l’âge de la retraite), le décret établit deux nouveaux types de baux à ferme : le bail de courte durée et le bail de fin de carrière.
Le bail de courte durée donne aux pouvoirs locaux la possibilité de rendre productifs leurs biens pour une durée inférieure à cinq ans dans l’attente de l’affectation de parcelles à des fins d’intérêt général ou d’une décision définitive sur une demande d’obtention d’un permis.
Notons que pour mettre fin au bail de courte durée, il suffit au preneur ou au bailleur de notifier un congé à l’autre partie au moins six mois avant l’expiration de la durée convenue, et ce, sans motif. Ce dispositif permet de maintenir la terre disponible pour le monde agricole plutôt que de la laisser inexploitée. Il vient compléter le mécanisme des occupations précaires, auquel les communes et CPAS ont recours et qui peut, en cas de litige, être requalifié en bail à ferme par le juge.
Le décret prévoit de plus un bail de fin de carrière, qui permet aux parties à un bail classique venant à échéance de poursuivre leur relation contractuelle jusqu’à la fin de la carrière de l’agriculteur. Le bailleur bénéficie alors des mêmes droits que ceux dont il jouissait dans le cadre du bail arrivant à échéance (majoration de fermage et avantages en matière de droits de donation et de succession) tandis que le preneur poursuit son exploitation, sans cependant pouvoir invoquer le droit de préemption, la sous-location et la cession de bail.
Le fermage [8]
La réforme du bail à ferme regroupe au sein du décret du 20 octobre 2016 l’ensemble des règles concernant les majorations de fermage. Le décret veille à encourager la conclusion de baux de longues durées et de baux de carrière, via une réduction des droits de succession et de donation en faveur des propriétaires. Rappelons que les baux de longue durée et les baux de carrière étaient déjà privilégiés en bénéficiant majoration du fermage pour toute la durée du contrat. A partir de ce 1er janvier 2020, une majoration du fermage, à hauteur de 20 % ou de 35 %, peut également être demandée par les bailleurs lorsque le contrat de bail « classique » entre dans une troisième ou une quatrième période de renouvellement.
Les clauses environnementales et les clauses visant à lutter contre l’érosion [9]
Une fois le bail conclu, la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme garantissait au fermier une liberté de culture. En vertu de ce principe, toute clause conventionnelle restreignant la liberté du locataire quant au mode de culture des terres louées était réputée inexistante.
La réforme prévoit deux grands types de clauses applicables à tout contrat de bail à ferme. Les clauses pour la protection des éléments topographiques (haies, arbres, chemins…) se voient renforcées. Ces éléments doivent aussi être répertoriés dans l’état des lieux. En outre, les clauses visant à lutter contre l’érosion des sols sont rendues possibles, sous certaines conditions (voir tableau ci-dessous). Les parties au contrat ont dorénavant la possibilité d’insérer des clauses prévoyant le maintien d’un taux de matière organique suffisant, la tenue d’une couverture permanente du sol grâce aux rotations ou à l’implantation de cultures intermédiaires, la création d’une bande enherbée ou encore le maintien de la parcelle en prairie permanente.
Les pouvoirs publics et d’autres personnes morales assimilées (Natagora, Terre-en-vue, les sociétés de droit public chargées de la gestion de l’eau, etc.) peuvent par ailleurs insérer des clauses environnementales spécifiques dans leurs baux. Comme le tableau récapitulatif repris ci-dessous peut le démontrer, à l’exception de la clause prévoyant le maintien des prairies permanentes et celle obligeant le preneur à mettre en place une zone refuge, les bailleurs publics ne peuvent recourir aux autres clauses environnementales que lorsque la parcelle mise en location est reconnue comme des prairies à haute valeur biologique [10] et, le cas échéant, lorsque la parcelle se situe dans une zone de prévention []. Les pouvoirs publics ne peuvent donc recourir aux clauses environnementales que dans des zones spécifiques. Face à ce constat, dans son avis du 14 mai 2019, l’Union des Villes et Communes de Wallonie a appelé le Gouvernement wallon, en vain, à étendre la possibilité d’insérer les clauses environnementales sur l’ensemble des parcelles publiques mises sous bail à ferme et à donner la faculté aux pouvoirs publics d’introduire dans leur contrat des clauses visant l’implantation, le maintien et les modalités d’entretien de couverts spécifiques à vocation environnementale.
Tableau récapitulatif
Les clauses | Bailleurs publics |
Eléments topographiques |
|
Maintien éléments topographiques |
X |
Entretien éléments topographiques |
X |
Interdiction intervention arbres, fossés, cours d'eau, chemins |
X |
Lutte contre l’érosion due à la pente des parcelles |
|
Maintien taux matière organique (pente ≥ 10 %) |
X |
Couverture permanente du sol (pente ≥ 10 %) |
X |
Maintien bande enherbée (pente ≥ 10 %) |
X |
Maintien prairie permanente (pente ≥ 15 %) |
X |
Préservation du bien et de son environnement |
|
Maintien prairie permanente |
X |
Fauche tardive |
PHVB |
Zone refuge |
PHVB |
Pâturage à faible charge |
PHVB |
Couverts spécifiques à vocation environnementale |
|
Bandes enherbées |
|
Limitation ou interdiction de l’utilisation des fertilisants et produits phytosanitaires |
|
Limitation fertilisants |
PHVB + ZP |
Limitation phytos |
PHVB + ZP |
Limitation antiparasitaires |
PHVB |
Interdiction du drainage et autres formes d’assainissement |
|
Protection réseau hydrographique |
ZP |
Interdiction drainage |
X |
Pas d’empêchement des submersions saisonnières |
X |
Les cessions, sous-locations et échanges de cultures
L’interdiction de la cession et de la sous-location
En principe, il était interdit de céder ou de sous-louer son bail, sauf autorisation écrite préalable du bailleur. La réforme renforce cette interdiction. Désormais, le texte prévoit qu’une cession ou qu’une sous-location non autorisée expose le preneur à une résolution du bail. Le bailleur dont les terres sont cédées ou sous-louées, sans qu’il ait donné son accord préalablement, peut faire valoir ses droits devant le juge de paix.
L’autorisation de la cession et de la sous-location familiales, moyennant une notification
Si un preneur cédait ou sous-louait son bail à ses descendants, ses enfants adoptifs, aux descendants et enfants adoptifs de son conjoint ou cohabitant légal et aux conjoints ou cohabitants légaux de ces personnes, il n’était pas tenu de demander l’autorisation préalable du bailleur. Dans cette hypothèse, la réforme impose la notification de la cession ou de la sous-location par le preneur au bailleur dans un délai de trois mois à dater de la date de la cession. Si cette formalité n’est pas remplie, la cession ou la sous-location est considérée comme nulle. Cette notification vise à pallier l’incertitude dans laquelle se trouvent les bailleurs qui ne connaissent parfois plus l’identité de celui qui occupe leur terre.
Des conditions renforcées pour la cession privilégiée
Le mécanisme de la cession privilégiée permettait au preneur initial de céder son bail à un de ses descendants, lequel bénéficie d’une nouvelle et première période de 9 ans. Le mécanisme était donc particulièrement avantageux pour le nouveau preneur qui bénéficie d’un nouveau bail, au détriment du bailleur qui souhaiterait récupérer sa terre libre de jouissance.
Jusqu’à présent, les conditions de la cession privilégiée étaient les suivantes :
- La cession devait avoir lieu au profit des descendants ou enfants adoptifs de l’exploitant ou ceux de son conjoint, de son cohabitant légal ou aux conjoints ou aux cohabitants légaux de ces personnes ;
- La cession devait être notifiée au bailleur dans les 3 mois de l'entrée en jouissance du cessionnaire.
Le décret wallon introduit deux conditions supplémentaires :
- Le repreneur doit être titulaire d’un certificat ou d’un diplôme à orientation agricole, être inscrit dans un cursus en vue de l’obtenir, ou bénéficier d’une expérience suffisante ;
- Lorsque le bailleur manifeste son intention de vendre, aucune cession privilégiée ne peut avoir lieu dans les 9 mois qui suivent la notification de cette intention.
L’autorisation des échanges de cultures, moyennant une notification
Les échanges effectués entre deux preneurs étaient autorisés sans que leurs bailleurs ne doivent donner leur accord au préalable. Il en résultait qu’un locataire se voyant attribuer un lot par une commune ou un CPAS parce que les qualités de son exploitation répondaient le mieux aux critères de priorité définis dans le cadre de la politique agricole locale, ce dernier pouvait ensuite librement procéder à un échange de cultures avec un agriculteur ne répondant pas à ces critères, au détriment des autres agriculteurs qui, eux, arrivaient en ordre utile. Outre l’absolue nécessité de prévoir une notification des échanges de culture au propriétaire, il nous semblait légitime que les pouvoirs publics puissent s’opposer à ces échanges par une décision spécialement motivée.
La réforme contraint dorénavant les preneurs qui souhaitent procéder à un échange à une obligation de notification de leur intention à leur bailleur respectif. Cette notification doit avoir lieu au minimum 3 mois avant l’échange et doit contenir les informations suivantes :
- L’identité des parties ;
- La date de prise de cours des échanges et la durée ;
- La désignation cadastrale des parcelles.
Après cette notification, le bailleur dispose de 3 mois pour s’opposer aux échanges en introduisant une demande devant le juge de paix. Le bailleur devra alors invoquer des motifs légitimes, à savoir :
- Des modifications profondes intervenues dans la composition de la famille du preneur de telle sorte que les possibilités d'exploitation du bien loué soient gravement compromises ;
- La dépréciation du bien loué par le fait d'une mauvaise culture ou d'une négligence grave dans l'entretien locatif des bâtiments loués ;
- Des injures graves du preneur envers le bailleur ou ses proches ;
- Une condamnation du preneur qui empêche les rapports normaux entre les parties.
En cas d’annulation de l’échange par le juge, la location se poursuit normalement entre les parties initiales.
La résiliation du bail pour un bailleur public [13]
Les motifs de rupture unilatérale étaient limitativement énumérés par la législation de 1969 et s’avéraient, dans le chef du bailleur public, très restreints. Pour l’essentiel, un pouvoir local pouvait mettre fin au contrat lorsque le terrain était à bâtir ou à destination industrielle, le congé impliquant alors de disposer d’un permis d’urbanisme ou de lotir, ou qu’il avait été exproprié ou acquis pour cause d’utilité publique. Une personne morale de droit public pouvait également, à l’issue de chaque période de 9 ans, empêcher la prolongation du contrat si elle souhaitait affecter le bien à une fin d’intérêt général avérée.
La réforme ajoute deux possibilités de congé en faveur des bailleurs.
D’une part, le décret facilite la possibilité de résiliation du bail pour un bailleur public lorsque le preneur a atteint l’âge de la pension. Une fois que le preneur atteint l’âge de la retraite, le bailleur public peut lui demander d’apporter la preuve :
- Soit qu’il est toujours en activité et ne perçoit pas de pension ;
- Soit qu’il a un repreneur pour son activité agricole.
Si le preneur ne peut apporter aucun de ces deux éléments, le bailleur public peut lui donner congé, lequel est valable si les conditions de forme, de contenu et de délai de préavis sont respectées.
D’autre part, le bailleur peut, en vue de procéder à la vente d’une partie des parcelles mises en location, mettre fin au bail portant sur la surface des terres concernées. Il est en effet reconnu que la vente d’une terre libre d’occupation est plus aisée, voire plus avantageuse. Si cette mesure marque l’intérêt de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, nous resterons attentifs à sa mise en pratique. En effet, cette possibilité est soumise aux modalités suivantes :
- La parcelle est identifiée préalablement dans le contrat de bail ou par un avenant ;
- La superficie de la parcelle agricole récupérée est de maximum 2 hectares ou ne représente pas plus de dix pourcents d’une parcelle d’un même tenant louée par le même bailleur au même preneur ;
- Le congé doit être notifié au preneur au moins 6 mois avant la vente et contenir l’identification cadastrale de la parcelle visée ;
- Le preneur a pu exploiter le bien durant une durée minimale de 3 ans, préalablement à la notification du congé par le bailleur.
Par ailleurs, lorsqu’un bailleur remettait un congé à son preneur, l’ancienne législation prévoyait qu’il devait respecter une double formalité :
- Le preneur devait « acquiescer » le congé, c’est-à-dire qu’il devait signifier avoir pris connaissance de l’intention du bailleur de lui remettre son congé ;
- Le bailleur devait ensuite faire valider le congé auprès du juge de paix.
Ces formalités sont apparues comme particulièrement lourdes et ont donc été supprimées.
L’ensemble des actes législatifs et réglementaires
Sous le vocable « la réforme du bail à ferme » se cache en réalité un ensemble d’actes législatifs (deux décrets wallons, quatre arrêtés du Gouvernement wallon et quatre arrêtés ministériels). Il nous semble important de pointer l’ensemble de ces textes pour les lecteurs. Ces textes portent des modifications dans le texte d’origine ou des dispositions nouvelles.
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- [Remonter] V. art. 17 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme, l’A.G.W. du 20.6.2019 fixant les modalités de mise sous bail à ferme des biens ruraux appartenant à des propriétaires publics et l’A.M. du 20.6.2019 établissant un modèle-type de cahier des charges en vertu de l’art. 4 de l’A.G.W. du 20.6.2019 fixant les modalités de mise sous bail à ferme des biens ruraux appartenant à des propriétaires publics.
- [Remonter] En vertu de l'art. L1222-1 du CDLD.
- [Remonter] V. A.M. du 20.6.2019 établissant un modèle-type de cahier des charges en vertu de l’art. 4 de l’A.G.W. du 20.6.2019 fixant les modalités de mise sous bail à ferme des biens ruraux appartenant à des propriétaires publics et l’A.M. établissant les modèles-types de baux à ferme en vertu de l’art. 2 de l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme.
- [Remonter] V. l’art. 4 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme.
- [Remonter] V. art. 52 et suiv. du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme.
- [Remonter] V. art. 34 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme, l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme, l’A.M. du 20.6.2019 établissant un modèle-type d’état des lieux en vertu de l’art. 4, al. 2 de l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme et l’A.M. établissant les modèles-types de baux à ferme en vertu de l’art. 2 de l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme.
- [Remonter] Décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme.
- [Remonter] V. les art. 5 et 8 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme et le décret du 2.5.2019 modifiant le Code des droits de succession et le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe en vue de soutenir la réforme du bail à ferme.
- [Remonter] V. art. 19 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme, l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme, l’A.M. du 20.6.2019 établissant un modèle-type d’état des lieux en vertu de l’art. 4, al. 2 de l’A.G.W. du Gouvernement wallon du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme et l’A.M. établissant les modèles-types de baux à ferme en vertu de l’art. 2 de l’A.G.W. du 20.6.2019 déterminant le contenu minimal de l’état des lieux en matière de bail à ferme et précisant les clauses prévues à l’art. 24 de la loi sur le bail à ferme.
- [Remonter] Les prairies à haute valeur biologique (PHVB) sont des prairies bénéficiant d’un avis d’expert au sens de la législation relative aux aides agroenvironnementales et climatique.
- [Remonter] Les zones de prévention rapprochée et éloignée (ZP) sont définies à l’art. R.156, par. 1er, al. 2 et 3 du Livre II du Code de l’environnement constituant le Code de l’eau.
- [Remonter] V. les art. 22 à 30 du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme.
- [Remonter] V. les art. 6, 8 et 8bis du décr. du 2.5.2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme.