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Mis en ligne le 11 Mai 2016

Suite à l'entrée en vigueur du Livre 3 "Les biens" du Code civil (information ici), le 1er septembre 2021, certains éléments figurant dans cet article ne sont plus à jour.  

 

 Dans le cadre de la vente d’un terrain communal, nous nous apercevons que le propriétaire de la parcelle voisine occupe depuis des dizaines d’années une partie de celui-ci. En est-il devenu propriétaire ?

Notre système juridique reconnaît effectivement le mécanisme de prescription acquisitive. Celui-ci permet d’acquérir la propriété d’un terrain après l’avoir possédé durant une certaine période.

Conditions à remplir pour la prescription acquisitive

Pour être régulière, la prescription requiert une possession utile, c’est-à-dire une possession « continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et ce, pendant une certaine durée.

Voyons ces conditions plus en détail.

  • La continuité de la possession consiste dans la régularité de l’accomplissement des actes de jouissance et d’usage. La mainmise ne doit pas être constante et sans intermittence. Il s’agit avant tout d’une possession exercée dans toutes les occasions et à tous les moments où elle doit l’être (tonte de l’herbe, entretiens divers de la bande de terrain, etc.). Tel ne serait par contre pas le cas si la commune a, à un certain moment, repris possession du bien (pour réaliser elle-même certains entretiens par exemple).
  • La possession paisible s’oppose à celle entachée de violence. Généralement, ce critère est rencontré. Il ne le serait toutefois pas si laprise de possession s’est faite sous la contrainte.
  • La publicité de la possession implique que le possesseur agisse au grand jour, ouvertement. En matière immobilière, à de rares exceptions près, la possession clandestine n’existe pas. Le caractère public de la possession sera renforcé si la personne qui prescrit a clôturé son fond en englobant la parcelle communale par exemple.
  • Quant au caractère équivoque, il consiste en un doute sur la mainmise matérielle exercée sur le bien à prescrire. Pour reprendre les termes de la Cour de cassation, la possession sera équivoque « lorsque les actes qui constitueraient la possession peuvent être la manifestation d'un droit autre que celui qui fait l'objet de la prétention du possesseur » (Cass., 3.5.1984, Pas., p.1079). Dans le cadre d'un bien en indivision par exemple, la possession sera équivoque lorsque les actes posés par un des propriétaires indivis, qui prétend prescrire à titre exclusif, ne sont pas incompatibles avec sa qualité de copropriétaire. Dans ce cas, le doute serait en effet permis quant à savoir si le copropriétaire entend prescrire acquisivement un droit exclusif ou s'il agit simplement dans les limites de son droit de copropriété.
  • La personne qui prescrit la propriété doit agir comme si elle était propriétaire de la bande de terrain en question. Cette condition pourrait ne pas être rencontrée si, à un moment donné, elle a reconnu la propriété de la commune (par exemple : en envoyant des courriers demandant à la commune d’entretenir la bande de terrain en question ou par lesquels le particulier demande à avoir la jouissance du bien, reconnaissant ainsi la propriété de la commune).  
  • Enfin, cette possession continue, paisible, publique et non équivoque doit avoir lieu pendant une certaine durée (voir ci-dessous). Ce délai débutera le jour qui suit celui de la prise de possession répondant aux conditions énoncées ci-avant. Notons qu’en cas de possesseurs successifs, on joindra leur possession. Ainsi, si le particulier possède utilement la bande de terrain depuis 11 ans et, juste avant lui, l’ancien propriétaire l’a possédé utilement pendant 4 ans, la possession utile aura duré 15 ans.

Quelle durée pour la prescription acquisitive d’immeubles ?

De manière générale, la durée pour prescrire est de trente années .

Toutefois, l’article 2265 du Code civil prévoit un délai de prescription abrégé de dix années si le possesseur dispose d’un juste titre et est de bonne foi.

Le « juste titre » est l’acte juridique (acte de vente, testament, etc.) qui aurait effectivement transféré la propriété du bien, s’il émanait du véritable propriétaire du bien. Tel sera le cas par exemple d’un testament qui prévoirait que la bande de terrain (appartenant en principe à la commune) est cédée au particulier. Quant à la bonne foi, il s’agit de l’ignorance du possesseur actuel quant à la valeur juridique du titre qui lui donne possession du bien.

Si ces cinq conditions sont rencontrées, que se passe-t-il concrètement ?

Lorsque les conditions sont remplies – possession utile pendant trente ou dix ans –, la prescription ne jouera pas de plein droit (déduit de l’article 2223 du C. civ.). Le particulier qui souhaite l’acquisition de la bande de terrain devra s’en prévaloir à l’encontre de la commune. Cette règle concorde avec le fait qu’il est toujours possible à celui qui prescrit de renoncer à la prescription.  

En pratique, la prescription acquisitive ne pourra résulter que de trois façons:

  • soit d’un jugement,
  • soit d’un acte amiable entre la commune et le particulier,
  • soit d’une déclaration unilatérale émanant de la commune et invoquée par le particulier.

Un détour devant le juge n’est donc pas obligatoire lorsque les parties s’entendent sur l’existence du transfert de propriété par prescription.

Par conséquent, il convient d’examiner si, en l’espèce, les conditions de la possession utile sont remplies depuis au moins trente ans ou dix ans (si le possesseur dispose d’un juste titre et est de bonne foi). A noter qu’il appartient au particulier d’apporter la preuve d’une telle possession. Si tel est le cas, soit la commune reconnait la possession, soit elle refuse et seul un juge pourrait confirmer ou non l’acquisition de la bande de terrain par le possesseur.

Si les conditions ne sont pas réunies (notamment parce que la durée de la possession n’est pas encore suffisante), la commune peut agir pour interrompre la prescription en cours et récupérer la pleine jouissance de son bien.


[1] C. civ., art. 2229; v. J. Hansenne, Les biens – Précis, T. I, Ed. collection scientifique de la faculté de droit de Liège, 1996, p. 171 et s.

[2] C. Civ., art. 2262

Auteur Conseiller(e) / personne de contact
Gestion du patrimoine : Alexandre Ponchaut
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Assemblée générale UVCW 2025

Date de mise en ligne
11 Mai 2016

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine
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