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Mis en ligne le 11 Juin 2004

Bruxelles, le 22 février 2002: l'Université libre de Bruxelles invitait le grand public à participer à un colloque académique ayant pour thème Les accords du Lambermont et du Lombard: approfondissement du fédéralisme ou erreur d'aiguillage?. Louise-Marie Bataille y prenait la parole sur le thème des pouvoirs locaux. Voici la retranscription de son intervention. A découvrir comme on parcourt une carte blanche.


Dans le cadre de la courte réplique qui est sollicitée, je réagirai brièvement sur quatre points: la Constitution, la notion d'intérêt communal, le renforcement de la démocratie locale, et les structures supracommunales.

Une précision formelle s'impose toutefois au préalable: je répliquerai sous l'angle de la réalité communale wallonne, ce qui veut dire que les municipalistes bruxellois et les provincialistes pourraient ne pas trouver leur compte dans cette courte intervention. Vous comprendrez également que mon propos n'engage évidemment pas le conseil d'administration de l'Union des Villes et Communes de Wallonie.


La Constitution

Indépendamment de la querelle juridique sur la constitutionnalité des accords, et de la controverse relative à leur opportunité politique pour les communes à facilités, voire bruxelloises, la régionalisation de la loi communale - ainsi que Maître Sohier l'a souligné - s'inscrit totalement dans la logique des Etats fédéraux où les pouvoirs locaux relèvent de la compétence des entités fédérées, sous réserve de certains principes fondamentaux fixés dans la Constitution.

Ainsi, dorénavant, la Région, déjà chargée de surveiller le respect de la loi par les pouvoirs locaux, est également l'auteur de la norme qui régit ces mêmes collectivités locales.

Poursuivant une même logique de rationalisation, les Régions pourraient d'ailleurs envisager de réunir sous un même chef la tutelle sur les communes et les CPAS.

Mais revenons à notre Constitution.

La régionalisation de la loi communale s'est faite sans la révision de l'article 162 de la Constitution.

Que se serait-il passé si on l'avait révisé? Que pourrait-il se passer quand on le révisera? Le Constituant continuerait-il à réserver à notre Charte fondamentale tous les principes qu'il lui réserve aujourd'hui? Ou en ajouterait-il d'autres?

Faisons l'exercice. Ainsi, par exemple, on maintiendrait à tout le moins:

  • l'élection directe des membres des conseils communaux - principe démocratique;
  • l'attribution à ces conseils de tout ce qui est d'intérêt communal - principe d'autonomie;
  • le principe de décentralisation;
  • et la publicité des séances des conseils communaux, des budgets et des comptes (principe démocratique).

On pourrait ajouter:

  • le principe de subsidiarité: selon la définition de la Charte européenne de l'autonomie locale (art. 4.3): l'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie;
  • l'éventualité d'un recours devant une juridiction de l'ordre administratif visant à garantir l'effectivité de l'autonomie locale et de la subsidiarité.

On retirerait de la Constitution le principe de la tutelle, que l'on retrouverait, le cas échéant, dans les législations organiques régionales: soit avec le seul maintien de la tutelle de légalité, soit avec la suppression de toute tutelle, étant entendu que l'annulation d'actes des autorités communales qui violent la loi relèverait uniquement de tribunaux administratifs.

Dans le décret communal, on pourrait aussi consacrer le nouveau principe de contractualisation, pour autant bien sûr que la contractualisation ne soit pas un nouvel avatar d'une tutelle que l'on dit vouloir limiter, mais qu'elle constitue un vrai partenariat entre pouvoirs d'égale dignité, ce qui suppose que les subsides octroyés dans le cadre des programmes d'actions soient fixés sur base de critères objectifs préétablis. En effet, la concertation n'est pas l'arbitraire, et les élus locaux ne sont pas des négociateurs-quémandeurs. La Commission des 27, mise sur pied par le Gouvernement wallon pour réfléchir aux principes de la démocratie institutionnelle wallonne, retient d'ailleurs aussi bien le principe de contractualisation que celui de critères préétablis (Commission des 27, La démocratie équilibrée, adopté le 28 janvier 2002).

Compte-tenu de ce que l'autonomie fiscale des communes est garantie par l'article 170 de la Constitution, la norme régionale pourrait, plus largement, garantir l'autonomie financière des communes et ce, conformément à la Charte européenne de l'autonomie locale qui dispose (art. 9.2) que les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


La définition de la notion d'intérêt communal

Le Constituant n'a - fort heureusement - pas défini la notion d'intérêt communal.

On relèvera d'ailleurs avec intérêt que, alors que le législateur révolutionnaire avait procédé à une énumération expresse des fonctions des municipalités, le législateur fondamental hollandais et, à sa suite, le Constituant belge de 1831 y ajouteront la vocation de principe à régir l'ensemble des intérêts communaux (A. Coenen, L'évolution du contenu et des modes de gestion de l'intérêt communal, Mouv. comm., 1/1992, pp. 29-31).

En attribuant de principe la plénitude de compétence aux autorités locales sur tout ce qui est d'intérêt communal, le Constituant élabore un canevas particulièrement souple qui permet, d'une part, aux autorités municipales, de gérer les problèmes au fur et à mesure qu'ils surviennent dans la vie quotidienne de leur communauté locale et, d'autre part, au législateur, de conserver la liberté de s'approprier certaines matières pour en faire des objets d'intérêt régional.

En d'autres mots, et contrairement à l'hypothèse de Maître Sohier, nous ne pensons pas que le législateur pourrait déterminer expressément l'intérêt communal et énumérer limitativement les matières qui en relèvent (M. Nihoul, La province à venir en Région wallonne, Mouv. comm. 10/2001, p. 444).

Et pour cause, il n'y a pas d'intérêt communal dans l'absolu, il est un intérêt pluriel, fort de la richesse de la diversité des situations rencontrées dont seule la commune, par nature pouvoir de proximité, peut préciser la teneur. L'interprète direct de la notion d'intérêt communal ne peut donc être que l'autorité communale elle-même, sous réserve bien sûr du contrôle de l'autorité de tutelle. Quant au législateur régional, en définissant les ressources des communes, en réglementant telle ou telle matière, voire en la retirant et requalifiant en intérêt régional, il se révèle évidemment interprète indirect ou dérivé de l'intérêt communal (D. Déom et G. de Kerchhove, L'intérêt communal, Annales de droit de Louvain, 1980/2-3, p.165). C'est ce que confirme l'avis du Conseil d'Etat (n° 32.553/4 du 17.12.2001) sur le projet de décret organisant le partenariat et le financement général des provinces wallonnes.


Le renforcement de la démocratie locale

Si notre Constitution est muette quant au collège des bourgmestre et échevins et même quant au bourgmestre, la Charte européenne de l'autonomie locale stipule que les organes exécutifs doivent être responsables devant les assemblées délibérantes (art. 3.2).

Ainsi, la Commission prospective de l'Union des Villes et Communes de Wallonie qui a mené une réflexion sur un futur décret communal wallon, a prévu que le conseil communal pourrait, au moment de la discussion budgétaire et au terme d'un débat sur la politique générale, renverser le collège des bourgmestre et échevins par le biais d'un vote de méfiance constructive (Pour une institution communale renouvelée, Union des Villes et Communes de Wallonie, 2001 - disponible sur notre site Internet http://www.uvcw.be).

Ce qui pose d'emblée le problème de l'élection directe du bourgmestre: est-il envisageable qu'un bourgmestre doté de la légitimité d'une élection au suffrage universel puisse être démis par une majorité alternative au conseil communal? Et ensuite, par qui et comment sera désigné le nouveau bourgmestre?

Ou bien va-t-on devoir passer d'un vote de méfiance constructive à une méfiance pure et simple entraînant automatiquement le retour aux urnes pour le conseil communal et pour le bourgmestre? Cette voie, d'ailleurs rejetée pour le régional, nous semble dangereusement source d'instabilité politique dans la gestion municipale, dans la mesure où, les accords politiques communaux étant moins marqués par la structuration des partis (hormis dans les villes plus importantes), ils sont d'autant plus fragiles.

En d'autres mots, notre Commission de réflexion sur le décret communal wallon a pensé que ce qui renforcerait la démocratie locale, ce n'est pas l'élection directe du bourgmestre, mais bien le renforcement du rôle du conseil communal et ce, par le libre choix de son président et par la responsabilité politique du collège des bourgmestre et échevins devant le conseil communal.

En effet, si le citoyen, en élisant son bourgmestre, aurait davantage le sentiment de participer à la chose publique, en pratique, ce n'est pas lui, mais le conseil communal, qui est à même de contrôler efficacement la conformité des réalisations effectives avec les objectifs déclarés par le collège.

Par ailleurs, à l'intérieur même du collège des bourgmestre et échevins, l'élection directe du bourgmestre créerait un déséquilibre au sein d'un exécutif dont on voudrait, au contraire, consolider le fonctionnement collégial et ce, toujours dans le même but de renforcer la démocratie communale.

Ce qui est sûr, c'est que la nomination du bourgmestre par le Roi (sur présentation du conseil communal) est aujourd'hui obsolète, et notre commission prospective n'envisage pas que le bourgmestre soit nommé par le gouvernement régional. En effet, la lecture de la genèse de la loi communale de 1836 nous apprend que si la formule de la nomination par le Roi a été retenue, ce n'est absolument pas par nécessité de relier à l'Etat celui qui est chargé de l'exécution des lois et règlements, mais parce que Léopold 1er, voulant un Parlement plus docile, entendait disposer d'électeurs tout dévoués, en la personne des bourgmestres et échevins qu'il nommerait! Il n'obtint finalement gain de cause que pour le bourgmestre (H. Haag, Les droits de la cité, Editions universitaires - Les presses de Belgique, 1946).

En conclusion, la nomination du bourgmestre par le conseil communal nous semble la formule la plus apte à renforcer la démocratie communale.


La supracommunalité

Deux mots sur la supracommunalité, question que notre Commission Décret communal wallon a également approchée.

On relèvera d'abord la géométrie de plus en plus variable de notre Etat fédéral, puisqu'un niveau de décision intra-communal a vu le jour pour la Flandre, tandis que la Wallonie réfléchit à la gestion de certaines matières en communautés de communes.

Cette réforme de la supracommunalité ne sera efficace que si, dans une optique de simplification institutionnelle, communautés de communes et intercommunales sont les 2 branches d'un même niveau pertinent d'action. La communauté de communes constituerait une chambre de concertation et de planification stratégique dans des matières qui requièrent une approche pluricommunale et les décisions qui sortiraient de ce cénacle seraient appliquées par les supports techniques des politiques sectorielles que sont les intercommunales.

Alors que la communauté urbaine ou rurale sera l'initiateur de la politique supracommunale, l'intercommunale sera son opérateur de projet.

Dernier mot, en conclusion: à l'heure où la commune connaît un tournant dans son histoire institutionnelle, et où nous voulons que cette école de la démocratie soit rééquilibrée dans ses pouvoirs, modernisée dans sa gestion et tournée résolument vers le citoyen, la question de son refinancement sera la réelle mesure de son autonomie.

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Date de mise en ligne
11 Juin 2004

Auteur
Louise-Marie Bataille

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