Les pièges à l’emploi ont la vie dure et touchent désormais aussi les travailleurs à temps plein
En ce mois de janvier 2022, la Fédération des CPAS de Wallonie (UVCW) vient de réaliser une étude relative aux pièges à l’emploi.[1] Cette analyse met en lumière un phénomène totalement inédit : le travail à temps plein ne permet plus une émancipation systématique du CPAS. La Fédération des CPAS propose dès lors 4 mesures pour mettre fin à ce mécanisme pervers, dont une indispensable revalorisation des salaires les plus faibles.
«Le travail ne protège pas nécessairement de la pauvreté, c’est un triste constat, étayé par de nombreuses études[2]. Jusqu’il y a peu, ces compléments d’un revenu du travail concernaient toujours un emploi à temps partiel. Dès demain, des travailleurs à temps plein seront aidés par le CPAS, en raison d’une évolution trop lente des bas salaires », résume Marie CASTAIGNE, Conseillère à la Fédération des CPAS wallons et auteure de l’étude.
« Depuis plusieurs années, l’écart se réduit entre le salaire minimum et les allocations sociales. Ainsi, si en 2005 le salaire minimum brut (Revenu Mensuel Minimum Moyen Garanti) valait 148% du revenu d’intégration de catégorie 3 (taux « famille à charge »), il s’établit aujourd’hui à 119% de cette même allocation ».
Un effet pervers de la (nécessaire) hausse des allocations
« Même si les montants restent insuffisants à ce jour pour franchir le seuil de pauvreté, l’augmentation du niveau des allocations sociales va évidemment dans le bon sens. C’est d’ailleurs une demande récurrente de la Fédération des CPAS. Toutefois, force est de constater que cette évolution accentue le phénomène des pièges à l’emploi, c’est-à-dire le manque d’incitants (financiers dans ce cas) pour les personnes sans emploi à se tourner vers le marché du travail ».
« En effet, le différentiel entre les salaires et les allocations devient tellement faible que, dans toute une série de situations, notamment celles des familles monoparentales, travailler coûte plus cher au ménage que ne pas travailler. Pire : le travail à temps plein ne protège plus nécessairement contre la pauvreté ».
La solution passe par l’augmentation des bas salaires
L’augmentation des bas salaires est un refrain chantonné depuis longtemps, qui peine à montrer ses effets.
La Fédération des CPAS wallons insiste vivement pour un travail sur 4 axes, afin de permettre aux personnes souhaitant s’insérer par l’emploi d'opérer ce changement sans compliquer la situation financière du ménage :
- Relever le montant des bas salaires (en privilégiant une hausse du revenu minimum, ou en transformant les réductions fiscales pour enfants à charge en crédits d’impôts entièrement et immédiatement remboursables) ;
- Accorder les aides en fonction des revenus et non d’un statut (comme c’est le cas pour les allocations familiales, le statut BIM ou la plupart des aides énergie). A cet égard, la Fédération des CPAS continue à plaider pour une accessibilité définitive (et non plus temporaire) du tarif social énergie aux Bénéficiaires de l’Intervention Majorée (BIM), et en faveur d’une aide énergie établie en fonction du niveau de revenu, quel que soit le combustible utilisé ;
- Accorder au maximum ces aides de manière automatique, pour éviter le non-recours ;
- A défaut, communiquer largement pour que les personnes concernées puissent bien en bénéficier et, en particulier, les travailleurs pauvres. (Si ceux-ci ne sont pas ou plus aidés par le CPAS, il est possible qu’ils passent à côté de certaines aides).
Non, l’emploi n’est pas à portée de tous
Et LUC VAN DORMAEL, le Président de la Fédération des CPAS de conclure : « Nous invitons chacun.e à prendre en compte le contexte socio-économique dans lequel se place notre analyse : l’emploi n’est pas à la portée de tous. Les discours récurrents sur les métiers en pénurie laissent parfois penser qu’il suffit de tendre la main pour décrocher un emploi. La réalité est bien différente et il n’est plus possible d’imaginer les bénéficiaires du RI comme de sombres calculateurs, qui évaluent au centime près l’opportunité ou non d’aller travailler ».
« Se permettre d’aller travailler est une chose, décrocher un emploi en est une autre, et la responsabilisation d’une mise à l’emploi ne doit pas être portée par l’individu seul, ses caractéristiques, ses forces et ses faiblesses éventuelles, mais bien comprise dans un contexte plus large, qui offre peu de perspectives à l’heure actuelle ».
Contact : Marie CASTAIGNE, Conseillère à la Fédération des CPAS de Wallonie (081/240 659 – mca@uvcw.be )
[1] Marie CASTAIGNE, « Les pièges à l’emploi : quand travailler coûte - Analyse d’une remise à l’emploi pas toujours simple pour les bénéficiaires du revenu d’intégration », Fédération des CPAS de Wallonie (UVCW), janvier 2022.
[2] L’enquête SILC le montre chaque année, et la Radioscopie de l’insertion de la Fédération des CPAS met systématiquement en lumière le nombre de personnes bénéficiant d’un RI en complément d’un revenu du travail.
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