Les opérations immobilières et mobilières
La commune est amenée à réaliser diverses opérations patrimoniales, indispensables à l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. Ces opérations peuvent revêtir des formes variées : mise en location de biens communaux, acquisition d’une parcelle, vente d’un véhicule communal, octroi d’une concession domaniale, ou encore mise à disposition d’un terrain via un droit de superficie.
On précisera d’emblée que l’acquisition et la prise en location de meubles (véhicules, matériel informatique et de bureaux, ouvrages, …) n’est pas visée dans cette fiche. Ces opérations constituent en effet un marché public de fourniture, obéissant à des règles strictes. Nous renvoyons donc le lecteur aux différentes fiches consacrées aux marchés publics qui compose le présent ouvrage.
Depuis le 1er septembre 2024[1], de nouvelles dispositions ont été introduites dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) pour encadrer ces opérations. Elles se répartissent en deux catégories :
- les premières précisent les compétences des organes communaux en matière d’attribution et d’exécution des conventions (v. point 2 de cette fiche) ;
- les secondes régissent la mise en concurrence et l’estimation préalable qui doit être menée lors de la procédure d’attribution des contrats (v. point 3 de cette fiche).
Nous reviendrons sur ces deux ensembles de règles, dont les champs d’application diffèrent. Relevons par ailleurs que l’autorité régionale a pris une circulaire explicative le 20 juin 2024, dont certains éléments sont repris dans la présente fiche. Nous renvoyons à la circulaire pour le surplus[2].
1. Choix de la procédure et des critères d’attribution
Sauf dans les matières spécifiquement réglementées (comme les baux à ferme ou la vente mobilière de bois, par exemple), les pouvoirs locaux bénéficient d’une certaine autonomie dans le choix de la procédure d’attribution.
Par exemple, pour une vente, l'autorité peut choisir entre une vente publique (enchères) ou une vente de gré à gré, sans avoir à justifier ce choix. Cependant, comme nous le verrons plus loin, même dans le cas d'une vente de gré à gré, une publicité appropriée doit être réalisée, sauf exception motivée.
L'autorité publique peut également orienter l’opération patrimoniale pour mieux servir l’intérêt général. Par exemple : elle peut vendre un immeuble avec des charges[3], en imposant la création d’une maison médicale ou d’un certain nombre de logements ; lorsqu’elle met des logements en location, elle peut accorder une priorité aux ménages à faible revenu ; etc.
Deux types de critères peuvent être utilisés dans une procédure d’attribution :
- des critères d’admission : Si ces critères ne sont pas respectés, l’offre n’est pas retenue ;
- des critères de priorité : Si plusieurs offres admissibles sont reçues, ces critères aident à les départager.
Ces critères établissent une différence de traitement entre les candidats potentiels. Cette différence est autorisée si elle repose sur un critère objectif et poursuit un but légitime, tout en ayant une proportion raisonnable entre ce but légitime et la différence de traitement. Cette dernière condition est souvent la plus difficile à appréhender. Il est donc essentiel de bien motiver la décision de l'organe compétent qui fixe ces critères d’admission et de priorité[4].
De plus, il est crucial de prendre en considération le risque d’une requalification de l’opération en marché public ou en concession si l’autorité publique impose, à titre de charges, certains travaux et/ou des services à son cocontractant. Par exemple, la conclusion d’un bail de rénovation sur un bâtiment public, impliquant la réalisation de travaux précis par le locataire, peut présenter ce risque. Si ce risque est réel, les procédures de passation de marchés publics ou de concessions devront être respectées.
2. Compétences des organes communaux
A. Champ d’application
Les articles L.1222-1 à L1222-1quinquies du CDLD ont un champ d'application assez large.
Dans le domaine immobilier, ils concernent un ensemble d'opérations patrimoniales qui aboutissent à la conclusion d'un contrat, comme la vente ou l'achat de biens immobiliers, l'octroi de droits d'emphytéose ou de superficie, la conclusion de baux ou de conventions d'occupation précaire, les concessions domaniales, etc.
En ce qui concerne les opérations mobilières, seuls les ventes et contrats de mise à disposition de meubles corporels appartenant à la commune sont concernés.
Il convient de souligner que ces règles ne s’appliquent qu’aux opérations, portant sur des biens meubles ou immeubles, débouchant sur la conclusion d’un contrat. Elles ne trouvent pas à s’appliquer aux autorisations que l'autorité délivre de manière unilatérale aux particuliers, comme c'est souvent le cas pour l'occupation du domaine public (terrasses de cafés ou restaurants sur les trottoirs, cabanons de chantier installés sur des places de stationnement…). Pour plus d'informations sur ces autorisations unilatérales, vous pouvez consulter notre fiche dédiée (fiche « Mobilité - Les occupations privatives de la voie publique »).
Par ailleurs, ces règles ne s'appliquent pas lorsqu'une disposition légale spécifique est prévue ou lorsque l’opération concerne à la fois l'attribution d'un contrat et l'application d'un règlement-redevance (règlement fixant les conditions et tarifs pour l'occupation d'une salle communale par exemple).
B. Autorités compétentes
1. Compétence de principe
Le conseil communal est compétent pour décider de l’opération. Il fixe les conditions et modalités de la procédure d’attribution du contrat et adopte les conditions contractuelles qui régissent l’opération.
Le collège intervient, quant à lui, en amont pour préparer la décision, conformément à l'article L1122-12 du CDLD. Il intervient également en aval pour engager la procédure, attribuer le contrat et assurer le suivi de son exécution, sur la base de l'article L1222-1bis ou L1222-1quater du même code.
2. Exception à la compétence de principe : la délégation
Depuis le 1er septembre 2024, le conseil communal peut déléguer ses compétences au collège communal.
Cette délégation n’est possible que pour les opérations dont la valeur estimée ne dépasse pas un certain plafond. Ce plafond varie selon le nombre d’habitants de la commune. Ainsi :
- Pour les communes de moins de 15 000 habitants : ce plafond est de 30 000 euros ;
- Pour les communes de 15 000 à 49 999 habitants : il est de 60 000 euros ;
- Pour les communes de 50 000 habitants et plus : il est de 120 000 euros.
Quelques points importants sont à noter à ce sujet.
a. Délégation de compétences
La délégation de compétence couvre l'ensemble des opérations futures à passer, dans les limites fixées par la décision de délégation du conseil, laquelle devra respecter le prescrit légal (dont le montant plafond). Le conseil peut restreindre la délégation, en fixant un seuil maximal inférieur au plafond légal ou encore en limitant la délégation à certaines opérations spécifiques.
b. Compétence conservée par le Conseil
La circulaire 20 juin 2024 précise que la délégation ne s’apparente pas en un transfert de compétence. Le conseil peut toujours exercer les compétences qu’il a délégué, sans pour autant pouvoir revenir sur une décision déjà prise par le collège dans le cadre de la délégation.
c. Détermination de la valeur de l’opération
La connaissance de la valeur de l’opération est donc centrale. La valeur du bien ou du droit consenti est déterminée au travers d’une estimation. Comme nous le verrons plus loin, cette estimation est imposée et doit être récente pour un grand nombre d’opérations.
Le terme « opération » désigne chaque opération débouchant sur un contrat spécifique. Pour une mise en location de plusieurs lots, par exemple, chaque lot est évalué et considéré séparément pour déterminer le respect ou non du seuil maximal.
Lorsqu'une opération est effectuée par prestations successives, étalées sur plusieurs années, le législateur précise que la valeur vénale estimée de l'opération doit être multipliée, le cas échéant, par la durée du contrat. Si le contrat peut être reconduit ou prolongé et que la durée totale peut dépasser dix ans, la valeur de l'opération est calculée en multipliant la valeur annuelle estimée du contrat par dix, sans que cette somme soit inférieure au montant estimé pour la durée initiale minimale du contrat. Par exemple, pour un bail à ferme de 9 ans avec 3 prolongations possibles de 9 années chacune, la valeur prise en compte sera celle correspondant à 10 années de fermage. Nous renvoyons vers la circulaire du 20 juin 2024 pour d’autres exemples.
d. Nombre d’habitants
Pour déterminer le nombre d'habitants, on se base sur les dernières données disponibles et mises à jour au moment de la délibération du conseil de la délégation. Les fluctuations futures ne sont donc pas prises en compte, sauf si une nouvelle délibération de délégation est adoptée.
e. Durée de la délégation
Le conseil peut décider de mettre fin à la délégation.
En tout état de cause, la délégation prend fin automatiquement le dernier jour du quatrième mois suivant l’installation du nouveau conseil communal après les prochaines élections locales.
C. Procédure proprement dite
1. Désaffectation éventuelle du bien
Certaines propriétés communales font partie du domaine public (voirie, parc public, parking, piscine…). Ces biens bénéficient d'un régime de protection particulier qui les rend inaliénables. Ainsi, une opération telle que la vente ne peut avoir lieu qu’après une désaffectation préalable du bien, c'est-à-dire son retrait du domaine public. Dans ce cas, l’organe compétent doit d'abord adopter une décision expresse et distincte de désaffectation, mettant fin à l'affectation du bien à l'usage public ou constatant la cessation de cet usage. Cette décision doit évidemment être suivie d’effet. L’affectation doit donc cesser.
La tenue d'une enquête publique n'est pas obligatoire dans ce cadre, bien qu'elle puisse être utile.
L’organe compétent pour désaffecter est en principe la même instance que celle compétente pour les aliénations[5]. Il s’agit donc selon nous du conseil communal ou, en cas de délégation dans les limites énoncées précédemment, du collège communal.
Des règles particulières peuvent toutefois trouver à s’appliquer. Ainsi, si le bien en question constitue une voirie communale, il est nécessaire de respecter les dispositions particulières du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale. Ces dispositions imposent notamment la tenue d’une enquête publique et attribuent la compétence exclusivement au conseil communal, sans possibilité de délégation.
Lorsque le bien est affecté au logement et aux fonctions d’un ministre d’un culte reconnu, la circulaire du 20 juin 2024 recommande de consulter l'organe représentatif agréé du culte concerné quant à la désaffectation. Précisons en effet que des règles spécifiques encadrent l’occupation des presbytères[6].
2. Décision de principe sur l’opération
Dans la pratique, la procédure débute souvent par une estimation du bien, sollicitée par le collège communal.
Le conseil communal (ou le collège en cas de délégation) délibère ensuite sur le principe de l’opération. Il fixe les conditions et modalités de la procédure d’attribution et adopte les conditions contractuelles. Par exemple, en matière de vente immobilière, il décide :
- du recours au gré à gré ou à la vente publique ;
- des conditions essentielles et éventuellement substantielles de la vente ;
- du prix minimum de l’opération, en tenant compte de l’estimation du bien ;
- des modalités de la procédure d’attribution ;
- de l'utilisation de la somme obtenue conformément à la circulaire budgétaire et au plan de gestion éventuel ;
- le cas échéant, du caractère d'utilité publique de l’acquisition immobilière ; l'article 161, 2°, du Code des droits d'enregistrement prévoit en effet la gratuité des droits pour les cessions amiables d'immeubles pour cause d'utilité publique aux communes ;
- etc.
3. Engagement de la procédure et attribution du contrat
Sauf disposition légale spécifique, le collège communal engage la procédure, attribue le contrat et assure le suivi de son exécution. Lorsque des négociations sont permises avec les candidats, il appartient au collège d'approuver celles-ci. Ces négociations doivent se dérouler dans le strict respect des principes d'égalité.
Le collège doit notamment :
- procéder aux mesures de publicité adéquates, conformément aux modalités arrêtées par le conseil (ou, si délégation, collège) ;
- examiner l’admissibilité des candidatures et des offres ;
- approuver le résultat des négociations ;
- en cas de gré à gré, établir une analyse comparative des offres dans un rapport motivé ;
- attribuer le contrat et, dans la limite des conditions fixées initialement par l’organe compétent, approuver le prix final de l’opération, le cocontractant, ainsi que le projet d’acte ou de contrat à conclure ;
- le cas échéant, renoncer à attribuer le contrat.
La décision d’attribution doit être motivée de manière formelle.
4. Signature du contrat
a. Sous seing privé
La signature des contrats sous seing privé se fait selon les règles habituelles : le contrat est signé par le Bourgmestre et contresigné par le Directeur général, conformément à l'article L1132-3 du CDLD.
Le Bourgmestre peut déléguer par écrit la signature à un ou plusieurs membres du collège. Cette délégation est révocable à tout moment.
Le Directeur général peut également être autorisé par le collège à déléguer le contreseing de certains documents à un ou plusieurs fonctionnaires communaux. La délégation doit être effectuée par écrit et le conseil communal doit en être informé lors de sa plus prochaine séance.
b. Acte authentique
Certains contrats doivent être transcrits au bureau de la Sécurité juridique (anciennement « bureau des hypothèques ») pour être opposables aux tiers[7]. C’est le cas des contrats de vente ou d’acquisition immobilière, des actes portant sur la constitution d’un droit de superficie, des contrats établissant une servitude, des conventions de location de plus de neuf ans, etc.
Pour être transcrit, l’acte amiable doit être établi sous forme authentique. Ce sont généralement le notaire et le comité d’acquisition qui confèrent l’authenticité à l’acte. Certains reconnaissent également une compétence du Bourgmestre en la matière.
Devant notaire, la signature du contrat se fait selon les règles habituelles, comme pour les conventions sous seing privé.
Lorsque le notaire détenteur de la minute est désigné par le cocontractant de la commune, il peut arriver que son étude soit à grande distance du territoire communal. Dans ce cas, une réception des actes par visioconférence peut s'avérer utile.
L’article L1132-8 du CDLD permet au Bourgmestre de déléguer la signature des actes authentiques à un collaborateur d’une étude notariale. Le collège peut également autoriser le Directeur général et le directeur financier à en faire de même. Ces délégations doivent être effectuées par acte authentique et visent uniquement les actes notariés reçus par visioconférence. En procédant de la sorte, les représentants communaux peuvent donc se rendre auprès du notaire de la commune, plutôt que de se déplacer à l’étude du notaire détenteur de la minute. La réception de l’acte authentique se fera alors à distance.
Précisons que, si le recours aux services d’un notaire est soumis au respect de la réglementation des marchés publics[8], celle-ci prévoit néanmoins une exclusion en ce qui concerne certains de ces services : ceux relatifs à la certification et à l'authentification de documents… et eux seuls (donc notamment pas l’estimation, mais pas non plus la recherche d’un acquéreur). Cela dit, bien que ces services soient exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas pour autant dispensés d’appliquer le droit primaire européen (les traités), ce qui implique donc de respecter les règles d’égalité, de non-discrimination et de transparence, aboutissant ainsi à une mise en concurrence. Autrement dit, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de mettre en place une procédure concurrentielle d’attribution de ces services.
Lorsque le comité d’acquisition authentifie un acte pour une commune, ses agents la représentent de plein droit lors de la signature de l’acte, sans devoir justifié d’un mandat spécial.
Enfin, concernant la passation des actes authentiques auxquelles une commune est partie, il nous paraît important d'aborder la question du « bourgmestre-notaire ».
Il est de pratique courante que le bourgmestre, en sa qualité d'officier public, confère valeur authentique aux actes intervenant en matière immobilière auxquels sa commune est partie.
Pour certains auteurs, le bourgmestre ne peut conférer valeur authentique aux actes que pour autant que la loi lui en ait donné cette qualité. Pour d'autres, le bourgmestre assure dans tous les cas l'authenticité aux actes passés par-devant lui. Notons que la jurisprudence qui a admis ce rôle ne porte que sur des cas d’aliénations immobilières (vente) de bien appartenant au patrimoine communal. Soulignons enfin que selon nous, le Bourgmestre engage sa responsabilité comme le ferait un notaire[9].
5. Modification du contrat en cours et résiliation
Selon le dernier alinéa de l’article L1222-1bis et L1222quater du CDLD, les modifications non substantielles du contrat en cours relèvent de la compétence du collège communal. En revanche, les modifications substantielles[10] nécessitent la conclusion d'un nouveau contrat et donc la relance de la procédure.
La résiliation unilatérale du contrat en cours est également de la compétence du collège communal. Il est donc compétent pour congédier un locataire.
3. Mise en concurrence et estimation préalable
Le décret du 28 mars 2024[11] a inscrit dans le CDLD de nouvelles dispositions applicables à certaines opérations patrimoniales. Celles-ci comprennent l’obligation d’une mise en concurrence et d’une estimation préalable.
A. Champ d’application
Les articles L3511-1 et suivants du CDLD s’appliquent aux opérations passées par contrat portant sur des biens appartenant en propriété à l’autorité. Selon la circulaire du 20 juin 2024, ces articles s'appliquent aux biens propriété de la commune, mais également ceux sur lesquels le pouvoir local détient un droit réel ou personnel (en tant que locataire par exemple).
Plus spécifiquement, ces dispositions s’appliquent aux attributions de contrats suivantes :
- Pour les biens immobiliers : la vente, l’échange, le droit de superficie et d’emphytéose, la mise en location, le droit de chasse et de pêche, la concession domaniale et le contrat d’occupation précaire portant sur un bien immeuble appartenant au pouvoir local ;
- Pour les biens meubles : la vente et la mise à disposition de biens meubles appartenant au pouvoir local.
Il est à noter que ces règles ne s’appliquent pas aux opérations portant à la fois sur un contrat relatif à une opération mobilière ou immobilière et l’une des opérations suivantes :
- Attribution d’un marché public ou d’une de concession de travaux ou de services.
- L’octroi d’une subvention. On vise par exemple la mise à disposition « gratuite » d’un bien à une association locale, comme un club sportif, à des fins d’intérêt public.
- L’application d’un règlement-redevance (prêt de livre d’une bibliothèque par exemple).
Pour ces opérations, l’attribution du contrat sera soumise aux règles spécifiques applicables à l’opération concernée (marché public, subvention…).
Il convient de préciser que les opérations exclues restent néanmoins soumises aux principes généraux de transparence, d'égalité de traitement, de minutie, et de bonne administration. Ainsi, la circulaire recommande, pour les acquisitions immobilières ou les droits de superficie et d’emphytéose au profit de la commune, pourtant exclus du champ d’application des articles L3511-1 et suivants du CDLD, de disposer d’une estimation récente réalisée par un expert indépendant.
B. Transparence et mise en concurrence
1. Principe
Les pouvoirs locaux ont l’obligation d’agir de manière transparente. Pour ce faire, ils sont en principe tenu de procéder à des mesures de publicité.
L’objectif de ces mesures de publicité est double. D’abord, il vise à assurer le respect de l’intérêt général, et l’intérêt financier de l’autorité, en permettant d'obtenir le meilleur contrat possible. Ensuite, il permet de se prémunir contre d'éventuelles réclamations.
La règle est donc la mise en œuvre des mesures de publicité adéquates. L'absence de publicité est l'exception et doit être dûment motivée par les circonstances du cas d’espèce (ou par l’application d’une disposition légale spécifique).
En matière d’opérations immobilières, le législateur cite une dérogation admissible. Il s’agit d’un contrat conclu avec un autre pouvoir public, dans le cadre de la réalisation d’un projet poursuivant un but d’intérêt général et pour autant que la contrepartie corresponde au prix estimé (sauf exception motivée ou disposition spécifique). La circulaire cite également le cas de la vente d’un excédent de voirie au riverain, lorsque seul ce dernier peut être intéressé par l’opération. D’autres dérogations, à justifier au cas par cas, sont possibles.
2. Caractère adéquat de la publicité
La publicité doit être adaptée au cas d'espèce. Le choix de la durée et des vecteurs de diffusion de la publicité dépendront de l’intérêt que peut susciter l’opération. Par exemple, la vente d’un petit terrain de faible valeur ne nécessitera pas les mêmes mesures de publicité que l’octroi d’un droit de superficie pour l’installation d’un parc éolien sur un terrain communal.
À ce sujet, il est important de rappeler que la publicité doit être suffisamment complète et durer assez longtemps pour que les candidats potentiels puissent raisonnablement en prendre connaissance de manière effective. Ils doivent avoir le temps de décider, après mûre réflexion, s'ils souhaitent ou non manifester leur intérêt en fonction de cette publicité[12].
C. Estimation
Les entités doivent disposer d’une estimation récente de la valeur du bien ou du droit consenti sur celui-ci, sauf justification appropriée ou disposition légale spécifique.
L’objectif de l’estimation est d’éclairer l'organe compétent sur la valeur de l'opération qu'il s'apprête à conclure. Précisons qu’il est possible de réaliser une opération à un prix inférieur à l’estimation, mais cela devra être dûment justifié.
Il est possible de déroger expressément à l’obligation de précéder à l’estimation préalable. La décision devra alors motiver adéquatement cette dérogation. Cela peut être le cas lorsque l’opération est difficile à estimer (comme l’occupation d’une place publique par exemple).
Lorsque l’estimation est effectuée, elle doit être réalisée par un expert externe.
- Pour les opérations immobilières : il peut s'agir d’un expert indépendant (comme le DNF pour estimer la valeur d’une parcelle forestière par exemple), d’un commissaire du comité d’acquisition, d’un notaire, d’un géomètre-expert immobilier inscrit au tableau tenu par le Conseil fédéral des géomètres-experts, d’un expert immobilier inscrit au tableau visé à l’article 3 de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, ou d’un architecte inscrit à l'Ordre des architectes. Le recours à un notaire, un géomètre-expert, un expert immobilier ou un architecte constitue un marché de services au sens de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, loi qu'il convient donc de respecter dans ce contexte.
Des exceptions sont possibles si elles sont dûment motivées. Par exemple, le recours à la grille indicative des loyers[13] pour la mise en location d’un logement peut permettre de ne pas devoir faire appel à un expert externe. Ces exceptions devront être bien motivées.
- Pour les opérations mobilières : on fera appel à un expert indépendant, externe à la commune. Le pouvoir local peut également déroger à cette règle, sous réserve de bien motiver sa décision. Citons le cas où aucun expert ne serait capable d'estimer le bien ou encore lorsque le coût de l’estimation dépasse manifestement le bénéfice financier escompté de l’opération.
L’estimation doit être récente. Le commentaire des articles ainsi que la circulaire de 2024 précisent que les estimations datant de moins d’un an peuvent être considérées comme récentes.
4. Éventuels conflits d’intérêt des membres des organes communaux
Plusieurs dispositions encadrent les éventuels conflits d’intérêts des membres des organes communaux dans le cadre des opérations immobilières et mobilières à passer.
- Dans le cas de la vente de biens communaux, l’article 1596 de l’ancien Code civil précise : « Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : … les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins (…) ».
Cette disposition interdit donc aux membres du collège (et eux seuls) d'acheter les « biens confiés à leurs soins ». Cette disposition est de stricte interprétation. Elle ne vise que la vente de biens communaux, qu’ils s’agissent de meubles ou d’immeubles. La sanction est la nullité de la vente[14].
- Plus largement, l’article L.1125-10, 1°, du CDLD, interdit à tout membre du collège ou du conseil « de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune ». Cet article, d’interprétation restrictive, n’est pas applicable en matière d’acquisition, d’aliénation immobilière, de location[15]. Cette disposition trouve surtout à s’appliquer dans le domaine des marchés publics.
- L’article L1122-19 du CDLD interdit à un membre du conseil ou du collège de prendre part à la délibération et au vote relatifs aux objets où il a un intérêt direct, soit lui-même, soit ses proches (parents ou alliés jusqu’au 4e degré). Cet intérêt doit être direct et personnel. Cette interdiction vise également la présence du membre de conseil ou du collège lorsque celui-ci a un intérêt en tant que chargé d’affaires pour une personne morale.
- Enfin, l’article 245 du Code pénal institue comme infraction pénale, le fait d’user de sa fonction publique pour en retirer un intérêt quelconque. Il s’agira ici d’une appréciation au cas par cas de l’ingérence commise par la personne incriminée, à savoir l’accomplissement volontaire d’un acte qui lui offre la possibilité de favoriser ses intérêts personnels au moyen de sa position officielle. L’existence de cette infraction sera donc fonction des circonstances de l’espèce.
Pour le surplus sur le sujet, nous renvoyons le lecteur à la fiche du présent ouvrage : « Fonctionnement communal - Le conseil communal - Les droits et devoirs du conseiller communal ».
[1] Décr. 28.3.2024 mod. le CDLD en vue de simplifier le fonctionnement et l’organisation des organes communaux et provinciaux, M.B., 18.6.2024.
[2] Circ. 20.6.2024 rel. aux opérations patrimoniales des pouvoirs locaux.
[3] A distinguer des charges et conditions d’urbanisme, imposées dans le cadre du permis.
[4] Voy. A. Ponchaut, Conditions d’attribution en matière de vente, 2020, https://www.uvcw.be/patrimoine/vosquestions/art-3540.
[5] Voy. D. Déom, « Les opérations immobilières des personnes de droit public », in La vente immobilière – Hommage au professeur Nicole Verheyden-Jeanmart, Larcier, 2005, p. 272 ; F. Moïses, J.-F. Jaminet et A. Vandeburie, Promotion immobilière publique – Partenariats public-privé en Région wallonne et en Communauté française, larcier, 2009, p.330.
[6] P. Blondiau, Gestion du patrimoine : le régime juridique des presbytères, 2001, https://www.uvcw.be/patrimoine/vos-questions/art-2983.
[7] C. Civ., art. 3.30.
[8] La procédure à suivre en vue de la désignation du notaire se fondera donc sur les articles L1222-3 et L1222-4 du CDLD.
[9] Pour de plus longs développements sur la question, lire notamment P. Blondiau, Le bourgmestre-notaire, Mouv. comm., 12/1999, et A. Ponchaut, « Le Bourgmestre Notaire », in Les missions du Bourgmestre, 2e éd, 2024, p. 144.
[10] Le caractère substantiel des conditions s’analyse au cas par cas. Sur cette notion, relevons cette définition de la Cour de justice de l’Union européenne portant sur un contrat de concession de service : il y a modification substantielle « lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure d’attribution initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue » (C.J.C.E., 13.4.2010, Wall AG, C-91/08).
[11] Décr. 28.3.2024 mod. le C.D.L.D. en vue de simplifier le fonctionnement et l’organisation des organes communaux et provinciaux, M.B., 18.6.2024.
[12] Voy. C.E., 23.12.2015, Kinepolis Mega, n°233.355. Dans cette affaire, le droit primaire européen était d’application.
[13] Disponible ici : https://loyerswallonie.be/
[14] V. A. Ponchaut, Vente à des élus locaux, 2020, https://www.uvcw.be/patrimoine/vos-questions/art-3529
[15] C.E. 16.1.1958, Thiran, n°5969 ; V. A. Ponchaut, Location à un conseiller communal, 2017, https://www.uvcw.be/patrimoine/vos-questions/art-1248

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