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Mis en ligne le 22 Juillet 2008

Un agriculteur, titulaire d'un bail à ferme conclu avec la commune, est devenu échevin: le bail en cours peut-il perdurer?

Pour répondre à cette question, il paraît utile de refaire le point sur le régime des interdictions applicables dans la matière de la gestion du patrimoine.

En droit civil

L'article 1596 du Code civil interdit aux échevins, en leur qualité d'administrateur des biens des communes, d'en faire l'acquisition.

"CHAPITRE II. - QUI PEUT ACHETER OU VENDRE.
Art. 1594. Tous ceux auxquels la loi ne l'interdit pas peuvent acheter ou vendre.

(…)
Art. 1596. Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées.


Les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins".

Cette disposition interdit donc aux échevins, d'acheter les "biens confiés à leurs soins". "L'article 1596, al.4, ne concerne que les personnes chargées de fonctions exécutives, à l'exclusion des membres des corps délibérants - tels les conseillers communaux" (R.P.D.B., v. Vente, p. 133).

En droit communal

Le régime des interdictions est visé aux articles L1122-10 et L1125-19 du CDLD (= ex-art. 92 NLC).

L'article 1125-10 traite de l'interdiction "de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune".

Selon Ch. Havard, "la terminologie est large et vise en général tous les marchés publics de la commune. Certaines opérations avec la commune sont cependant admises", et de citer:"la possibilité pour une commune d'acheter un bien immobilier appartenant à un conseiller ou de vendre un bien immobilier communal à un conseiller ou encore de donner un bien en location à un conseiller" (Ch. Havard, Manuel pratique de droit communal, éd. La Charte, 2006, p. 150).

Dans un arrêt relativement ancien, le Conseil d'Etat a jugé que "l'article 68,2° (aujourd'hui art. L1125-10, CDLD) ne prohibe pas expressément la location de biens appartenant à la commune à un conseiller communal pour autant que l'adjudicataire ait agi ouvertement et n'ait pu, par sa position favoriser ses intérêts privés" (C.E., 16.1.1958, in Rev. Adm. 1958, p. 207).

En l'espèce, il s'agit par ailleurs de l'exécution d'un contrat préexistant à la situation actuelle, ce qui même concernant des marchés publics, est admis, pour peu qu'il s'agisse de la simple exécution de clauses préétablies. Par contre, la reconduction tacite n'est pas admise "dans l'hypothèse où un contrat est assorti d'une clause de tacite reconduction, il faut admettre que le silence, auquel les parties ont entendu donner effet à l'expiration du contrat n'est rien d'autre qu'une manifestation indirecte de volonté destinée à produire des effets de droit dont le principal est que des relations contractuelles existent entre les parties et ne peuvent d'ailleurs exister qu'ensuite à ce silence qui traduit ainsi la manifestation de volonté, laquelle est un élément constitutif de tout contrat" (Rev. Comm. 1982, p. 63).

Quant aux interdictions de siéger (visées à l'art. L1122-19), il est manifeste que l'échevin ne pourra être présent à la délibération traitant de cette convention. Il ne peut participer aux discussions et aux votes relatifs aux objets où il a un intérêt personnel direct.

A noter que dans un arrêt du 15 septembre 1999 (15.9.1999, n° 82.262,), le Conseil d'Etat a annulé une délibération du conseil à laquelle un conseiller communal avait assisté, sans prendre part au vote, alors qu'il a été considéré qu'il avait un intérêt personnel et direct à la décision. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat indique "que la violation de cette interdiction, qui vise une présence lors d’une délibération, vicie celle-ci, lors même qu’il serait établi que le membre du conseil communal concerné se serait abstenu ou n’aurait pas pris part au vote, voire même ne serait pas intervenu dans la discussion".

En droit pénal

L'article 245 du Code pénal sanctionne le fait, pour un fonctionnaire public, de favoriser ses intérêts de par sa position:
"Art. 245. Toute personne exerçant une fonction publique, qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou par actes simulés, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont elle avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, ou qui, ayant mission d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation d'une affaire, y aura pris un intérêt quelconque, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 50.000 francs ou d'une de ces peines, et pourra, en outre, être condamnée à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 33.
La disposition qui précède ne sera pas applicable à celui qui ne pouvait, en raison des circonstances, favoriser par sa position ses intérêts privés, et qui aura agi ouvertement".

En conclusion, nous ne pourrons que rappeler "que, dans toute opération admise, la prudence est de rigueur du fait de l'article 245 du Code pénal" (Ch. Havard, Manuel pratique de droit communal, éd. La Charte, 2006, p. 150).

L'auteur

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Date de mise en ligne
22 Juillet 2008

Auteur
Pascale Blondiau

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine
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