Gestion du patrimoine: des anciens droits d'usage
Nous avons sur le territoire communal des terres, anciennes "aisances communales". Peut-on vendre ces parcelles?
Celles-ci doivent être considérées comme faisant partie des biens communaux, lesquels entrent dans le patrimoine privé de la commune.
1. Biens communaux
Les biens communaux sont visés par l'article 542 du Code civil, lequel dispose: "les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont un droit acquis".
La Cour d'Arbitrage a rappelé dans son arrêt du 20 avril 1999 que "l'article 542 du Code civil n'a pas pour effet d'accorder aux habitants d'une commune, à titre personnel, un droit de propriété ou un droit de jouissance. Les biens communaux sont en réalité la propriété des communes ( )." (C.A., n° 44/99, 20.4.1999, M.B. 3.9.1999).
Il s'agit donc de biens dont une commune est la propriétaire et jouit par l'intermédiaire de ses habitants. Tels sont les droits d'affouage, c'est-à-dire le droit de bénéficier de coupes de bois dans les forêts communales, les droits de pacage ou encore les aisances. Ces biens révèlent ainsi une forme de jouissance communiste, vestige de l'ancienne propriété de village (M.A. Flamme, Droit administratif, T. II, Bruylant, Bruxelles, 1989, p. 1058). Ces droits remontent à la nuit des temps. "Aisances" ou "aisements" sont des termes fort anciens. Ils désignent les droits d'usage exercés par les membres d'une communauté rurale sur les parties du terroir appartenant à la collectivité; il s'agissait sans doute à l'origine de tout ce qui n'était pas habituellement mis en culture (Ph. Godding, note ss Civ. Liège, 23.1.1989, J.T., 1989, p. 735).
En général, on oppose ces biens aux biens dits patrimoniaux de la commune, lesquels relèvent également de son patrimoine privé.
L'article 77, 2°, de l'ancienne loi communale confiait
au conseil communal le soin de régler l'usage de ces
biens. Ainsi, leur répartition était-elle réglée
par les règlements communaux.
La jouissance de ces biens était attribuée périodiquement
aux habitants d'une commune par voie de tirage au sort ou
d'adjudication. Cette décision de répartition
était d'ailleurs soumise à l'approbation de
la députation permanente (art. 77, 2°, de l'ancienne
loi communale).
Selon la Cour de Cassation, la répartition des sarts
communaux, sur la base du cahier des charges dressé
par le conseil communal, est une opération sui generis
et échappe à l'application de la loi sur les
baux à ferme (Cass. 16 mai 1974, Pas., 1974, I, 961).
Ce mode de jouissance est réglé par le droit
administratif. Il s'agit d'une "concession" au sens
de l'article 7 de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages.
Cet article prévoit que ces dispositions s'appliquent
"aux redevances dues du chef de concessions consenties
par les pouvoirs publics et ayant pour objet la jouissance
ou l'exploitation d'un bien rural".
2. Peut-on vendre des biens communaux?
L'article 542 ne donne pas beaucoup d'éléments à cet égard. Il s'agit en fait plus d'une définition que de l'organisation d'un régime juridique spécial [1].
Dans ses conclusions précédant l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 mai 1974, le Procureur général Ganshof Van der Meersch soulignait que "le fait que la commune puisse concéder sur les sarts communaux certains droits ne permet pas de déduire que ces biens soient soumis au même régime de droit civil que les autres biens du domaine privé"; il relevait ainsi dans ses conclusions que ces biens sont "imprescriptibles et inaliénables" (Pas., 1974, I, 958 et 959).
Ainsi, si les biens en cause peuvent encore actuellement être considérés comme des biens communaux, il semblerait que l'on doive considérer qu'ils sont inaliénables. A cet égard, il a été jugé qu'"en principe, à défaut de preuve contraire, par titre notamment, les biens d'une commune sont des biens patrimoniaux dont elle tire des revenus comme un simple particulier" (J.P. Nandrin, 28.6.1960, commune de T./C., inédit, cité par V. Renier, op. cit., p. 536).
En présence de biens communaux, il conviendrait dès lors que le conseil communal décide de les "convertir" en biens patrimoniaux. En effet, l'ancienne loi communale permettait aux communes de convertir des biens communaux en biens patrimoniaux après une enquête et moyennant l'approbation de la députation permanente (V. Renier, Les baux, Rép. not., T. VII, Larcier, Bruxelles, 1992, p. 536). Ces dispositions ont été abrogées.
Aujourd'hui, c'est sur base de l'article 117, alinéa 1er, de la nouvelle loi communale que le conseil communal pourrait se prononcer dans ce sens, tout en tenant compte, bien évidemment, des éventuels droits d'usage concédés.
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- [remonter] Aucun texte légal n'en organise le régime; voy. E. Beguin, Biens communaux et fusion de communes, Rev. Dr. rur., 1990, pp. 174-178.