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Mis en ligne le 14 Avril 2017

Notre commune souhaite procéder à une vente d’herbe. Y a-t-il un risque de requalification du contrat en bail à ferme ? Faut-il passer un marché public ? 

Rappelons tout d’abord qu’il y a bail à ferme lorsque, cumulativement, il y a bail sur un immeuble, bâti ou non, et que cet immeuble est affecté principalement à une exploitation agricole, exercée de manière professionnelle. La première de ces conditions (le bail) implique donc de conférer un droit de jouissance du bien au fermier.

La question de l’application de la loi sur le bail à ferme n’est pas dénuée d’intérêt. En effet, une requalification du contrat en bail à ferme entrainerait, par voie de conséquence, l’encadrement très stricte de la relation entre les parties (durée, possibilité de résiliation très réduite dans le chef de la commune, indemnités de rupture,…).

Vente d’herbe au sens strict

La vente d’herbe « au sens strict » n’est pas un bail dans la mesure où elle n’implique pas l’octroi de ce droit de jouissance. Elle n’autorise en effet l’accès au bien que pour la prise de l’herbe sur pied une ou deux fois par an, sans possibilité pour le fermier d’utiliser le bien à d’autres fins. La récolte de l’herbe doit donc se réaliser par fenaison exclusivement et non par « broutage ».

La question se pose toutefois de savoir si un tel contrat est un contrat de vente ou un marché public. En effet, même s’il n’y a pas le paiement d’une contrepartie, le contrat peut être qualifié de « contrat à titre onéreux » au sens de la loi sur les marchés publics et ce, même si le prix est négatif (paiement par l’adjudicataire)[1] et ce d’autant plus si l’on considère qu’il y a prestation de services au profit de l’administration (fauchage d’un terrain appartenant à la commune).

S. Seys et L. Billiet résument la situation comme ceci, en ce qui concerne la vente de matériaux de construction, opération incluant la nécessité pour l’acquéreur d’extraire lui-même les matériaux. Pour ces auteurs, il y aura « contrat de vente lorsque :

  1. le Maître d’ouvrage public ne rémunère pas la main d’œuvre de l’opérateur par un prix en argent ; et que
  2. la valeur des matériaux est nettement plus importante que la valeur de la main d’œuvre ; et que
  3. les actes de démontage et d’enlèvement ne sont pas adaptés de manière spécifique aux besoins du Maître d’ouvrage public et ils ne sont pas décrits dans les documents du marché ; et que
  4. l’opérateur paie un prix en argent au Maître d’ouvrage public en échange de la disposition des matériaux »[2].

Par conséquent, appliqué par analogie à un contrat de vente d’herbe sur pied, il convient surtout d’examiner si la valeur de l’herbe est nettement plus importante que le coût du fauchage. Ce critère pouvant être défini par le prix escompté de la vente (cf. condition n° 2).

Si les quatre conditions ci-dessus sont rencontrées, il y aura vente. Il n’y a pas réellement de législation spécifique encadrant celle-ci. Evidemment, les principes de bonne administration, d’égalité de traitement des usagers et de transparence devront être respectés dans le cadre de la conclusion du contrat.

Si par contre une de ces quatre conditions n’est pas rencontrée, il pourrait s’agir alors d’un marché public.

Vente d’herbe avec droit de jouissance

Par contre, dans l’hypothèse où la vente d’herbe consiste à octroyer un droit de jouissance sur la parcelle (le fermier y place du bétail durant la bonne saison,…), la loi sur le bail à ferme trouvera à s’appliquer. Il existe toutefois plusieurs exceptions à son application.

L’une d’elle est ce que l’on appelle les « contrats saisonniers ». Ainsi, les conventions dont l’objet implique une durée d’occupation inférieure à un an sont exclues de l’application de la loi pour autant que « l'exploitant de terres et de pâturages, après avoir effectué les travaux de préparation et de fumure, en accorde, contre paiement, la jouissance à un tiers pour une culture déterminée » (art. 2, 2° de la loi sur le bail à ferme).

Partant, pour l’application de cette exception, il faut que :

  1. le concédant soit un exploitant de terres et pâturages. D’après les discussions au Parlement, il doit s’agir d’un agriculteur. La doctrine semble également unanime à ce sujet. Notons toutefois que la Cour d’appel de Liège a pris un arrêt précisant qu’il pouvait s’agir d’un exploitant non agricole[3]. Il s’agit toutefois d’une décision judiciaire isolée et contraire à l’ensemble de la doctrine et la jurisprudence existantes sur ce sujet. Il est donc risqué de se fonder sur cette jurisprudence pour dire que cette condition est remplie ;
  2. le concédant ait effectué ou fait effectuer, sous sa responsabilité, des travaux de préparation et de fumure. Ce serait donc à la commune de les réaliser ;
  3. le concédant ait accordé la jouissance du bien à un tiers pour une culture déterminée.

Par conséquent, la « vente d’herbe » avec un droit de jouissance, même temporaire, risque d’être requalifiée en bail à ferme compte tenu de l’obligation de respecter les conditions susmentionnées pour y échapper. Or, rappelons que pour une commune comme tout autre établissement public, l’octroi d’un bail à ferme implique l’élaboration d’un cahier des charges et le recours à une procédure d’adjudication.

Notons enfin que s’il est prévu de valoriser prochainement le terrain en question (projet de vente ou de construction sur le fonds), il pourra être conféré une occupation précaire sur celui-ci qui permettra d’échapper à la règlementation sur le bail à ferme. Un modèle de contrat est d'ailleurs disponible sur notre site internet.


[1] v. C. Dubois et I. Van Kruchten, « La notion de titre onéreux – essai d’analyse du parent pauvre de la définition du marché public », Chronique des marchés publics, EBP, 2009-2010 p.232 et 233.

[2] S. Seys et L. Billiet, « Extraire les matériaux réutilisables de bâtiments publics », A.P.T., 2016/1, p.9.

[3] Dans l’affaire en question, il s’agissait d’un boucher retraité (Liège, 2.4.1998, R.G.D.C., 2000, p. 302).

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Date de mise en ligne
14 Avril 2017

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine
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