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Mis en ligne le 8 Mai 2023

Pour répondre à cette question, il convient de se rapporter à l’ancienne notion d’affouage et sa reconnaissance dans le Code forestier. Il importe également de s’intéresser aux règles d’égalité et de non-discrimination.

 Le droit à l’affouage

Issu du droit coutumier, l'affouage est défini comme le droit, d'origine immémoriale, de prendre du bois de chauffage, de construction ou de clôture dans une forêt communale. Il est réservé à l’ensemble des habitants de la commune ou partie de commune (la distinction entre ‘commune’ et ‘partie de commune’ dépend des coutumes locales). Il s'acquiert et se perd par le domicile.

Ce droit était réglé par l’article 47 de l’ancien Code forestier du 19 décembre 1854. Celui-ci stipulait que "les conseils communaux et les administrations des établissements publics décident si les coupes doivent être délivrées en nature pour l’affouage des habitants et le service des établissements, ou si elles doivent être vendues, soit en partie, soit en totalité".

En outre, l’article 69 du Code précisait que "le partage et la distribution des bois d’affouage, de construction et d’agriculture entre les habitants sont réglés par le conseil communal, d’après le nombre de feux, c’est-à-dire des chefs de famille tenant ménage à part et domiciliés, depuis un an au moins, dans la commune propriétaire". La règle était donc que chaque habitant, pour autant qu’il remplisse les conditions, bénéficiait d’un droit ‘égal’ à disposer du bois de chauffage en forêt.

Toutefois, depuis de nombreuses années, le droit à l’affouage est devenu en quelque sorte un vestige du passé. Ainsi, s’il était justifié à l’époque qu'un tel droit soit reconnu à l'ensemble des chefs de ménage habitant une commune, cette option ne semble plus s'imposer aujourd'hui compte tenu de la diversité des moyens de chauffage. En outre, comme le précisait le Ministre wallon en charge de la Forêt, "les lots d’affouage réservés aux habitants des communes étaient généralement payants et vendus de gré à gré"[1], rendant ainsi la distinction entre l’affouage et la vente assez floue. Depuis plusieurs années, certains auteurs de doctrine plaidaient d’ailleurs pour sa disparition[2].

La reconnaissance de l’affouage dans le Code forestier actuel

Le Code forestier, applicable actuellement, a vu le jour en 2008. Le législateur y a substitué l’affouage par la vente de bois de chauffage réservée aux habitants (art.74, 8°).

On peut d’ailleurs lire, à propos de cette option, le passage suivant dans les travaux préparatoires du Code forestier : "Parmi les hypothèses dans lesquelles une vente de coupes, d'arbres ou de produits de la forêt peut être effectuée de gré à gré et non par voie d'adjudication publique, figure l'hypothèse des coupes de bois de chauffage réservées aux habitants d'une commune. Cette notion est destinée à recouvrir, notamment, l'ancienne notion d'affouage. En pratique en effet, il a été constaté que l'affouage donnait souvent lieu à un paiement. Dès lors, afin de mieux faire correspondre les dispositions juridiques à la réalité, il a été décidé de faire rentrer les affouages dans le champ d'application des ventes de gré à gré"[3].

La vente de bois est dorénavant réglée par les articles 72 et suivants du Code forestier actuel. Elle implique, en principe, en ce qui concerne les bois et forêts des personnes morales de droit public, une adjudication publique. Toutefois, l’article 74, 8° du Code forestier autorise les ventes de gré à gré pour "les coupes de bois de chauffage réservées aux habitants d’une commune".

Ces ventes devront cependant se faire conformément au modèle de cahier des charges arrêté par le Gouvernement wallon. Ce modèle est contenu à l’annexe 5 de l’arrêté du Gouvernement wallon exécutant le Code forestier[4]. L’article 50 de ce cahier des charges précise qu’il s’applique bien à ces ventes de gré à gré, pour autant qu’il en soit soustrait certaines dispositions.

Le risque d’une potentielle discrimination

Le Code forestier, de nature législative, permet donc la vente réservée aux habitants de la commune.

On peut toutefois s’interroger sur la compatibilité de cette possibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution d’où découle les principes d’égalité et de non-discrimination. Rappelons que la hiérarchie des normes fait primer la Constitution sur une règle de nature législative (comme celle reprise dans le Code forestier).

On rappellera qu’il est toujours possible de prévoir des critères d’attribution limitant une vente à certaines catégories d’individus. Cette différence de traitement doit se fonder sur un critère objectif, poursuivant un but légitime. Il doit en outre exister une proportion raisonnable entre le but légitime et la différence de traitement.

Le choix de tout critère impliquera une juste motivation de la décision de l’autorité. Nous renvoyons à ce sujet à un article déjà écrit à ce propos (Conditions d’attribution en matière de vente).

Par ailleurs, outre une violation potentielle des principes constitutionnels, il existe aussi un risque de violation du droit européen. Le droit européen sera d’application lorsque l’opération concernée comprend un intérêt transfrontalier certain. Tel nous parait pouvoir être le cas pour les communes frontalières par exemple, dans la mesure où la réservation de la vente à leurs habitants, exclura de facto les ressortissants du pays limitrophe qui auraient peut-être été intéressés à l’acquisition.

Après recherches, nous n’avons trouvé aucune jurisprudence en la matière. De même, l’avis de la section législation du Conseil d’Etat, sur le projet de Code forestier adopté en 2008, n’a pas abordé ce point.

Conclusion

Même si elle est autorisée par le Code forestier, la décision de vendre du bois à couper aux seuls habitants de la commune devra être bien motivée. Vu la grande difficulté de bien motiver ce type de décisions au regard des principes constitutionnels (et du droit européen), la prudence recommande sans doute de ne pas avoir recours à un tel critère d’attribution.

S’il est toutefois fait le choix de réserver la vente aux seuls habitants de la commune, le modèle de cahier des charges régional devra être utilisé, même si certaines de ses dispositions ne s'appliqueront pas. Découlant du droit à l’affouage, il nous semble que les lots acquis par ce biais par chaque habitant devront à tout le moins rester raisonnables, liés au besoin de chauffage d’un ménage moyen.

 


[1] P.W., session 2007-2008, question écrite du 5.5.2008, n° 302.

[2] V. à ce sujet P. Schreder, A propos des droits d’usage, Mouv. Comm., 1979, p.52

[3] Commentaire des articles précédant le projet de décret rel. au Code forestier, Parl. w., sess. ord. 2007-2008, doc. 806, n°1, p. 16.

[4] A.G.W. du 27.5.2009 rel. à l’entrée en vigueur et à l’exécution du décr. du 15.7.2008 rel. au Code forestier, M.B. 4.9.2009, inforum 241.152.

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Date de mise en ligne
8 Mai 2023

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine Environnement
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