Ce document, imprimé le 26-05-2025, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
Les textes, illustrations, données, bases de données, logiciels, noms, appellations commerciales et noms de domaines, marques et logos sont protégés par des droits de propriété intellectuelles.
Plus d'informations à l'adresse www.uvcw.be/info/politique-confidentialite
Mis en ligne le 20 Janvier 2005

Une question revient régulièrement dans les communes: le Bourgmestre peut-il apposer, ou faire apposer des scellés, sur un immeuble pour en empêcher l'accès, en raison de son état d'insécurité ou d'insalubrité?

Quels sont la légalité et les effets de tels scellés administratifs?

I. Rappel des principes

Avant de répondre à la question susvisée, un petit rappel des principes régissant la matière des scellés s'impose.

Qui peut apposer des scellés?

L'apposition de scellés est avant tout une mesure judiciaire .

Devant les juridictions civiles, l'apposition de scellés est régie par les articles 1148 et suivants du Code judiciaire. Il s'agit d'une compétence exclusive du Juge de Paix, qui peut, sur requête, ordonner l'apposition de scellés sur les objets dépendant du patrimoine commun des époux, d'une succession ou d'une indivision.

En procédure pénale, c'est le Juge d'instruction (et, en cas de flagrant délit, le Procureur du Roi et les officiers de police judiciaire) qui est compétent pour apposer les scellés, et ce en vertu des articles 35 à 39, et 89 du Code d'instruction criminel. L'objectif est ici de s'assurer que les preuves d'une infraction ne soient dissimulées ou détruites.

Néanmoins, certaines dispositions légales ou réglementaires attribuent le pouvoir d'apposer des scellés à d'autres autorités, administratives cette fois.

Dans ce cas il s'agira le plus souvent d'un fonctionnaire .

On citera à titre d'exemple:

  • l'article 70 du CWATUP, qui confie à différents types de fonctionnaires qu'il énumère le pouvoir de recourir, le cas échéant, aux scellés pour assurer l'interruption des travaux non conformes au permis ou exécutés sans permis;
  • l'article 12 de la loi du 4 février 1987 relative à l'établissement d'élevages industriels (M.B. 4.4.1987), qui attribue aux fonctionnaires et agents délégués par le Ministre de l'Agriculture le pouvoir d'apposer des scellés sur les exploitations non conformes aux dispositions de la même loi;
  • l'article 7, 7°, de la loi du 22 janvier 1945 sur la réglementation économique et les prix (M.B. 24.1.1945), qui permet à différents fonctionnaires limitativement énumérés de mettre sous scellés les objets saisis en vertu de cette loi.

Par ailleurs, certaines dispositions légales habilitent le Bourgmestre à apposer des scellés.

Ces hypothèses sont cependant rares.

Nous n'avons, en effet, recensé que les cas suivants:

  • les articles 42 et 47 du décret du 21 juin 1996 relatif aux déchets (M.B. 2.8.1996), qui permettent, dans certaines conditions, au Bourgmestre d'apposer les scellés sur les machines et installations dans des entreprises présentant un certain danger;
  • l'article 61 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement (M.B. 8.6.1999), qui habilite le Bourgmestre à mettre sous scellés les établissements ou installations susceptibles d'avoir servi à commettre une infraction au sens du décret;
  • l'article 21 du décret du 30 avril 1990 relatif à la protection et à l'exploitation des eaux souterraines et potabilisables (M.B. 30.6.1990), lequel dispose que, lorsqu'il a été dressé procès-verbal d'une infraction au décret, le Bourgmestre peut, afin d'éviter ou de réduire les dangers, nuisances et inconvénients visés à l'article 2 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement ou y remédier, mettre les appareils sous scellés, et, au besoin, procéder à la fermeture provisoire immédiate de l'établissement.

Quand peut-on apposer des scellés?

Les scellés peuvent être apposés toutes les fois où une disposition légale ou réglementaire le prescrit.

Par ailleurs, la Cour de Cassation a décidé, dans un arrêt déjà fort ancien il est vrai, que ces dispositions n'étaient pas limitatives et qu'il était permis de recourir à l'apposition des scellés, comme mesure conservatoire, "chaque fois qu'un intérêt supérieur l'exige" (Cass., 24 mars 1881, Pas., I, 170).

La Cour de Cassation ne définit pas la notion "d'intérêt supérieur". Toutefois, l'utilisation du verbe "exiger" semble signifier qu'il ne faut recourir aux scellés que lorsque la mesure est indispensable pour atteindre l'objectif recherché.

Cet arrêt traite des scellés ayant pour but de protéger des droits dont l'exercice et la réalisation serait sans cela compromise. La Cour de cassation analyse des situations où il convient de veiller à la conservation de biens appartenant à des personnes qui ne sont pas, ou plus, en mesure d'en assurer la surveillance (conservation des biens d'une personne décédée ou disparue, faillite d'un débiteur, etc.).

Dans le cas qui nous occupe, les scellés auraient un but autre, à savoir celui d'interdire de pénétrer dans un immeuble.

La jurisprudence précitée n'est donc pas comme telle transposable au cas qui nous occupe.

Néanmoins, nous pensons pouvoir en tirer argument pour soutenir que l'apposition de scellés non prescrits par une disposition légale ou réglementaire doit être réservée aux situations où cette mesure apparaît indispensable pour atteindre l'objectif recherché.

En effet, on n'aperçoit pas ce qui justifierait d'opérer une distinction entre différents types de scellés en fonction de l'intérêt ou du droit qu'ils visent à protéger.

Un autre argument est à tirer de l'article 1148 du Code judiciaire. Celui-ci précise que l'apposition de scellés peut être requise dans les matières énumérées dans cet article (voyez point I a) supra) auprès du Juge de Paix "chaque fois qu'un intérêt sérieux l'exige".

Si l'existence d'un intérêt sérieux est exigé pour l'apposition de scellés prévus par la loi, nous pensons, qu'à fortiori, cette restriction doit valoir pour les scellés apposés en dehors de tout cadre légal ou réglementaire.

Conséquences du bris de scellés

Le bris de scellé est érigé en sanction pénale par l'article 283 du Code pénal.

Cependant, l'article 283 précité ne s'applique qu'au bris de scellés apposés par l'autorité publique , en vertu d'une disposition légale ou réglementaire d'autorisation ou de prescription (I. Delbrouck, "Qualification et jurisprudence pénales", Bris de scellés, III., 2002).

Le bris des scellés apposés dans les cas non prévus par une disposition légale ou réglementaire ne pourra donc donner lieu, comme tel, à aucune sanction pénale.

II. Conclusion: le Bourgmestre a-t-il le pouvoir d'apposer des scellés?

La réponse doit donc être nuancée: l'article 135 de la nouvelle loi communale n'habilite pas le Bourgmestre à apposer les scellés sur un immeuble pour en empêcher l'accès en raison de l'état d'insécurité ou d'insalubrité qu'il présente.

Comme on l'a vu, le Bourgmestre ne peut apposer des scellés "protégés" par l'article 283 du Code pénal (cf. supra) que dans les cas où une disposition légale ou réglementaire spécifique l'y habilite.

Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit au Bourgmestre d'apposer ou de faire apposer des scellés dans les autres hypothèses, et en l'occurrence dans l'hypothèse d'un immeuble insalubre et/ou présentant un danger.

Bien que ne pouvant pas, dans ces cas, donner lieu à des poursuites pénales, le bris de tels scellés permettrait à tout le moins au Bourgmestre de savoir que quelqu'un a pénétré dans l'immeuble dont il avait interdit l'accès.

Pour terminer, notons la circulaire ministérielle du 1 er novembre 2000 relative aux communes concernées par l'apposition de scellés administratifs par les autorités communales (M.A.P. 2001: Br. W, 1; Lux., 6; Ht, 190; Nam., 246).

Cette circulaire a été rédigée suite à une pratique répandue dans certaines communes d'imposer par règlement communal l'apposition de scellés sur les cercueils comme preuve de paiement de la taxe communale par les proches. Le ministre souligne que ces scellés provoque une confusion dans l'esprit des proches et précise que: "La pratique de l'apposition des scellés devrait être réservée aux autorités judiciaires".

Il nous semble que, bien que non interdits, le recours à l'apposition de scellés administratifs "non protégés" par l'article 283 du Code pénal doit rester exceptionnel.

En conclusion, dans la mesure où la seule utilité de pareils scellés est de savoir que l'interdiction de pénétration ordonnée par le Bourgmestre a été transgressée, nous pensons qu'il serait préférable, pour éviter toute confusion avec les scellés "protégés" pénalement, de recourir à une autre forme d'interdiction d'accès à un immeuble tel que le clouage de planches, ou le placement de chaînes cadenassées.

Voir le catalogue complet
Assemblée générale UVCW 2025

Date de mise en ligne
20 Janvier 2005

Type de contenu

Matière(s)

Police administrative
Activez les notifications

Soyez notifié de toutes les nouveautés dans la matière Police administrative