Nombreux changements en matière d’évaluation des incidences
Le décret du 11 avril 2024 modifiant le Code de l’environnement et le Code du développement territorial a été publié au Moniteur belge du 25 juillet dernier et est entré en vigueur en partie le 4 août 2024.
Ce décret a pour vocation première d’assurer la mise en conformité de la législation wallonne avec la directive 2011/92/UE et la directive 2014/52/UE en ce qui concerne l’évaluation des incidences à la suite d’une mise en demeure adressée par la Commission européenne. Il a également pour objet d’améliorer la procédure de consultation transfrontière pour les projets ayant été identifiés comme susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement dans un contexte transfrontière. Enfin, plusieurs coquilles figurant dans le Code de l’environnement ou le CoDT se voient corrigées.
Ce décret est exécuté par l’arrêté du Gouvernement wallon du 23 mai 2024 modifiant la partie réglementaire du livre Ier du Code de l’environnement qui a été publié au Moniteur belge du 23 octobre 2024 et entrera en vigueur le 2 novembre 2024.
Tant le décret que l’arrêté apportent des nouveautés procédurales importantes en matière d’évaluation des incidences.
Réunion d’information préalable
On retiendra ainsi que la procédure de réunion d’information préalable telle qu’organisée par l’article D 29-5 du Code de l’environnement est modifiée sur plusieurs points. Il est notamment prévu que l’avis relatif à la tenue de la réunion d’information doit être publié par les communes concernées sur leur site internet. Il est également prévu que la réunion doit être filmée par le demandeur et que la vidéo de la réunion doit être mise à disposition à la commune et à distance.
Cet enregistrement doit comporter :
- une captation audio et vidéo des interventions :
a) du demandeur;
b) des représentants de la commune sur le territoire de laquelle le projet est envisagé et des conseillers en environnement.
- une captation audio de toutes les autres interventions.
La vidéo de la réunion et les documents et supports utilisés lors de celle-ci doivent être consultables à la commune sur rendez-vous et à distance, à partir du surlendemain de la réunion et jusqu'à l'échéance d'un délai de quinze jours. La vidéo doit être détruite au terme de ce délai par le responsable du traitement des données à caractère personnel (le demandeur).
L’arrêté du 23 mai 2024 vient préciser que le demandeur filme la réunion d'information préalable avec enregistrement vidéo, conformément à l'article D.29-5, paragraphe 5 et que l’avis relatif à la réunion d’information préalable doit mentionner l'adresse internet où sera hébergé l'enregistrement vidéo. L’arrêté ne précise pas sur quelle adresse internet la vidéo doit être hébergée, mais il nous semble que cette adresse doit relever du demandeur puisqu’il est responsable du traitement de l’enregistrement. Le commentaire des articles du décret stipulait d’ailleurs à cet égard que « Les modalités de mise en ligne seront définies dans la partie réglementaire (ce qui ne semble pas avoir été fait complètement) mais, pour éviter une charge importante aux communes, il pourrait être envisagé que le demandeur soit tenu d’héberger la vidéo sur un site lui appartenant, l’autorité communale sur le territoire de laquelle s’implanterait le projet se contentant, elle, d’introduire un lien sur son propre site communal vers le site hébergeant la vidéo. C’est en outre le demandeur qui fixe les modalités particulières de consultation à distance de la vidéo de la réunion et des documents et supports utilisés lors de celle-ci.
L’arrêté précise également que si les moyens techniques de communication électronique ne permettent pas de réaliser la vidéoconférence simultanément à la tenue de la réunion physique ou en l'absence de réunion physique, la réunion d'information préalable doit être enregistrée et le demandeur doit proposer au public un lien Internet lui permettant d'assister, de façon différée, à cette réunion. Il ne faut pas se méprendre sur la portée de cet article, l’enregistrement de la réunion et la mise à disposition de cet enregistrement pendant 15 jours à dater du surlendemain de la tenue de la réunion sont obligatoires en toutes circonstances. En outre, les termes vidéoconférence laissent à penser que la réunion d’information préalable doit également être diffusée en direct vidéo, ce que le décret et les travaux préparatoires démentent.
En effet, l’article D 29-5, paragraphe 5, alinéa 4 prévoit expressément que « l'enregistrement et sa consultation possible ont pour finalité d'assurer une publicité active maximale en accroissant le niveau de participation du public, en lui permettant de s'informer et d'émettre des observations, en consultant ultérieurement la vidéo de la réunion d'information préalable. Dans le commentaire des articles du décret, on peut lire ceci : « La solution d’une vidéoconférence diffusée en streaming n’est finalement pas retenue. Une retransmission en direct de la réunion a un intérêt moindre que la solution proposée. Tout d’abord, elle pourrait emporter un plus grand risque d’insécurité juridique. Les aléas d’une retransmission en direct qui pourrait être perturbée par des éléments totalement étrangers au porteur de projet pourraient entacher la légalité de tout le processus décisionnel. Ensuite, une retransmission en direct contraindrait le public à suivre la réunion au moment où elle se déroule, alors que la solution proposée lui permet de consulter la vidéo lorsque la personne intéressée en a l’occasion. Enfin, une retransmission en direct n’empêcherait pas les risques d’enregistrement sauvage, voire les encouragent vu ses limites exposées ci-dessus. De tels enregistrements, réalisés en dehors de tout cadre légal, représenteraient un risque encore plus grand au regard de la protection des données à caractère personnel ».
Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la réunion d’information préalable ne doit pas être diffusée en direct, mais bien enregistrée par le demandeur pour une consultation a posteriori de la vidéo.
L’arrêté prévoit expressément que le défaut de réunion d'information préalable par vidéoconférence ne peut pas vicier la procédure d'évaluation environnementale ou celle de demande de permis, que ce défaut soit volontaire ou involontaire, notamment en raison de problèmes techniques affectant totalement ou partiellement sa tenue, sauf lorsque des circonstances exceptionnelles motivées imposent le recours aux seuls moyens de communications électroniques. Là aussi, l’article est source de méprise et l’on renvoie à ce qui est exposé plus haut. Est-ce que le Gouvernement a voulu dire par là que l’absence d’enregistrement vidéo et de mise à disposition de celui-ci ne peut pas vicier la procédure ? On renverra plutôt à la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle il n’y a de vice que si une partie parvient à démontrer un préjudice : voir :
Juridiction du C.E. ou Juridiction du C.E. 2
Pour la tenue de la réunion en tant que telle, il est prévu que si la commune où se situe la plus grande superficie occupée par le projet ne dispose pas d'une salle assez grande pour accueillir le public attendu, le demandeur doit organiser, soit :
- plusieurs réunions d'information dans ladite commune (dans ce cas, il n’est pas imposé à notre sens que toutes les réunions soient enregistrées) ;
- une seule réunion d'information dans une autre commune concernée ou une commune limitrophe dotée d'une salle suffisamment grande pour accueillir le public attendu.
L’article D 29-6 du Code de l’environnement a été complété pour prévoir que le représentant de la commune chargé du secrétariat de la réunion doit établir une attestation de ce que la vidéo comporte bien les éléments visés à l'article D.29-5, paragraphe 5, alinéa 5 du Code de l’environnement (voir ci-dessus). Le contenu minimal de cette attestation est déterminé à l'annexe IV/1 de la partie réglementaire du Code de l’environnement qui prévoit que ladite attestation doit au moins renseigner que :
- l'enregistrement comporte une captation audio et vidéo des interventions :
a) du demandeur;
b) des représentants de la commune sur le territoire de laquelle le projet est envisagé et des conseillers en environnement.
- l'enregistrement comporte une captation audio de toutes les autres interventions.
Consultations transfrontières :
Des modifications sont apportées aux règles qui s’appliquent lorsque le projet est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement d'une autre Région, d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à la Convention d'Espoo du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière. Ces obligations concernent directement les communes lorsqu’elles sont compétentes pour déclarer la demande complète et recevable tant au stade de la réunion d’information (art. R 41-1, al. 2, 2° et R.41-3. par. 1er, al. 3, 6° du Code de l’environnement) qu’au moment où la demande a été déclarée complète et recevable (art. D 29-24-4, par. 2 ; D 29-24-5 et 6 et R 41-9, par. 2 et suivants du Code de l’environnement).
Avis sur les informations à fournir dans l’étude d’incidences
Lorsque le demandeur sollicite l’avis de l’autorité chargée d'apprécier le caractère complet ou recevable du dossier de demande sur le champ d'application et le niveau de détail des informations devant figurer dans l'étude d'incidences (art. D 69 du Code) il est désormais prévu que cette autorité doit transmettre son avis, outre au demandeur, à toute autorité ou instance consultée dans le cadre de la remise de cet avis. Dans le cadre de la participation du public et des consultations réalisées à la suite de l'introduction de la demande de permis, cette autorité doit également transmettre cet avis, ainsi que l'étude d'incidences à toute autorité qu'elle consulte (art. R 57 du code). Par ailleurs, les services ou commissions consultés dans le cadre de la remise d’avis sur le champ d'application et le niveau de détail des informations devant figurer dans l'étude d'incidences doivent également être consultés sur le projet (art. R 82 du code).
Décision d’imposer ou non une étude d’incidences
On peut souligner la modification apportée à l’article D 65 du Code de l’environnement pour prévoir que le délai de 90 jours endéans lequel l’autorité chargée d'apprécier le caractère complet ou recevable du dossier de demande doit se prononcer sur la nécessité ou non d’imposer une étude d’incidences court à dater du dépôt de la demande ou, lorsque l'autorité chargée d'apprécier le caractère complet et recevable de celle-ci a demandé des compléments d'information, à dater du dépôt de ces compléments (et non plus à dater du lendemain du jour de l'expiration du délai imparti à l'autorité chargée d'apprécier le caractère complet et recevable). La possibilité de ne pas respecter ce délai moyennant envoi d’une justification au demandeur et en statuant sur la nécessité ou non de réaliser une étude d’incidences dans la décision finale est maintenue.
Voir :
Notices inforum

11.04.2024 Déc. mod. le Livre Ier du Code de l'Environnement et le Code du Développement territorial

23.05.2024 AGW mod. la partie réglementaire du Livre Ier du Code de l'Environnement
Environnement : Marie-Sophie Burton - Emmanuelle Jouniaux - Frédérique Witters - Matteo Gastout - Arnaud Ransy - Christel Termol
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