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Mis en ligne le 19 Mars 2007

Beckerich, petite commune du Grand Duché de Luxembourg, s'est imposée, depuis de nombreuses années, comme l'exemple à suivre en matière de développement durable. Et ce, bien au-delà des frontières grâce à des choix radicaux et concrets en matière de développement durable: économies et productions alternatives d'énergie, valorisation des ressources locales, mobilité intégrée, démocratie participative approfondie, rénovation rurale... Très bientôt, nos communes devraient aller vérifier ce constat sur place, dans le cadre d'une visite organisée dans le cadre du projet Sus-cit. Rencontre avec le Bourgmestre, Camille Gira.

Beckerich, en quelques mots

La Commune de Beckerich est une des 116 communes luxembourgeoises dans le canton de Redange, district de Diekirch. D'une surface totale de 2841 ha, elle compte actuellement 2.172 habitants. Le village de Beckerich possède un centre complètement renové, ce qui a été récompensé par le prix européen du développement rural en 1996. La localité est surtout connue pour son eau minérale. La région, proche de la grande forteresse antique d’Arlon, est parsemée de vestiges de l’époque romaine.

Jusqu'à la fin du 19ème siècle, la localité regroupait une population avant tout agraire. Dans le sillon de la révolution française, Beckerich devient une commune en 1795, regroupant bientôt les localités de Noerdange, Huttange, Schweich, Elvange, Hovelange, Oberpallen et Levelange. A partir de 1860, cependant, Beckerich perd son caractère exclusivement rural et fait place à d'autres industries telles que les carrières et la vannerie relayées plus tard par celle du chemin de fer. C'est ainsi que Beckerich a fait son entrée dans le 20ème siècle.

A la tête de la majorité écolo de Beckerich: Camille Gira, Bourgmestre écolo déterminé. Dès son entrée au conseil communal en 1982, à 23 ans, l’homme essaye d’introduire ses idées ambitieuses auprès d’un conseil qu'il dit plutôt conservateur. Pour commencer, il s’attelle à des actions ponctuelles, des classiques, comme la gestion des déchets. En 1990, élu bourgmestre, il couche sur papier le premier programme de développement écologique de la commune. Le processus est enclenché, le conseil étant depuis acquis à sa cause.

Pour Camille Gira, l’énergie est la pièce-clé du développement durable. En 1995, à côté d’autres communes européennes, Beckerich adhère à l’Alliance du climat, s’engageant à réduire ses émissions de CO2 de 50 % à l’horizon 2010. Première action d’envergure: réduire la consommation d’énergie dans la commune. Profitant d’une campagne régionale sur les économies d’énergie adressée aux citoyens, une asbl est créée, avec un conseiller énergie à plein-temps, chargée de porter la bonne parole et de conseiller les habitants des dix communes voisines. Au bout de trois années, la consommation d’énergie de ces habitants a baissé de 4%, alors que la tendance au niveau luxembourgeois est une augmentation de 1 à 2 %. Un premier pari qui fut donc vite remporté.

Pour rester dans cette logique de développement durable, la panacée semble se trouver, à Beckerich, dans les énergies renouvelables. Bientôt, le biogaz des vaches de Beckerich fournira de l’électricité à 700 ménages. Quant à la chaleur, les citoyens qui en font la demande pourront être raccordés au réseau de distribution de chaleur. C’est déjà le cas du hall sportif flambant neuf, du nouveau centre pour autistes et de la société d’eau minérale de la commune.

Parmi les projets, on peut ainsi citer, notamment, un projet de 4 éoliennes de 1,8 Mw chacune. Ce site éolien est initié par une société anonyme dont les actionnaires sont les habitants de la commune et des environs. Par ailleurs, 10 % des ménages de la commune ont investi dans l’énergie solaire. Les toits de bâtiments communaux ont été mis gratuitement à la disposition de citoyens organisés en copropriété pour y installer des panneaux solaires. De nombreuses maisons individuelles et des hangars agricoles complètent le parc. Actuellement, 5 % de la consommation électrique globale des ménages y est assurée par le solaire photovoltaïque.

Enfin, et non des moindres, Beckerich dispose d’un potentiel forestier de 700 ha de forêts, 300 ha appartenant à la commune et 400 ha à des privés. Actuellement, le projet d’un chauffage collectif aux copeaux de bois est en veille en raison du morcellement des forêts privées. Mais le bourgmestre Camille Gira ne perd pas courage et voit dans le "bois-énergie" un complément idéal aux unités de biométhanisation existantes.

La Commune de Beckerich vise donc l’autonomie énergétique d’ici 2020-2025. Concrètement, cela signifie que la quantité d’énergie produite à partir des ressources naturelles renouvelables locales sera égale à celle consommée par les habitants, les entreprises et les bâtiments publics. Beckerich, la championne des énergies renouvelables? C'est en tout cas ce que nous livre un Camille Gira affable dans l'interview qui suit.

M.C.: Le développement durable à Beckerich est sans doute le fruit d'un travail de longue haleine?

Camille Gira: Le travail sur le cadre de vie s'est, en effet, fait progressivement dans notre commune depuis les années 80. L'idée d'un développement durable intégré s'y est introduite petit à petit. Peu à peu, on s'est dit qu'il fallait tenir en équilibre le social, l'économique et l'écologique. Mais c'est surtout en matière d'énergie qu'on a des choses à montrer, bien que le domaine social soit également un de nos points forts. En tant que commune rurale, on a ainsi très tôt réagi aux changements sociaux. J'ai, en effet, parfois l'impression que les responsables de communes rurales pensent que les problèmes sociaux naissent surtout en ville. Mais, ce n'est malheureusement pas vrai.

Vous vous étiez fixés comme but la réduction des émissions de CO2 à 50 %. C'est énorme…

En effet. Mais, pour réussir ce but ambitieux, on a établi en 1997 un concept énergétique qui englobe toute la population, services publics et habitants compris. D'un côté, on réduit au maximum la consommation d'électricité et de chaleur, et de l'autre, on utilise nos potentiels en ce qui concerne la fabrication d'énergie renouvelable. Il existe ainsi, chez nous, une installation de biogaz chez un fermier qui produit de l'électricité pour 35 ménages. Depuis 2004, presque tous les agriculteurs de la commune se sont associés dans une coopérative agricole et produisent l'électricité pour nos 700 ménages. En ce qui concerne la chaleur, c'est 120 ménages qui sont servis. La commune achète la chaleur lorsqu'elle sort du système de biogaz, on l'amène aux bâtiments publics et on la revend à nos clients. Avec la différence de prix, on finance le réseau de chaleur.

Les communes wallonnes bientôt en visite à Beckerich

Invité à partager son expérience le 11 septembre dernier lors du séminaire SUS-CIT "Urbanisme et logement durable en villes et communes: concepts, outils de management et expériences", organisé par la Région wallonne et sa Direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme, Camille Gira a séduit les participants par son intervention sur l’expérience de la Ville de Beckerich. Suite à cet enthousiasme et dans l’optique de partager avec les élus locaux wallons l’expérience luxembourgeoise, la DAU organise pour ceux-ci une visite de la Ville de Bekerich guidée par Camille Gira. Celle-ci se tiendra dans le courant du premier trimestre 2007. Les détails pratiques de cette journée vous seront communiqués dans le prochain numéro du Mouvement communal.

C'était suffisant?

En ce qui concerne les raccordements basse tension, on est à 80 % autonome. Etant donné que la chaleur venue des agriculteurs ne suffit plus, on a décidé de construire un grand chauffage aux copeaux de bois. On est alors à 40% de fourniture de la chaleur pour les ménages.

Et le citoyen, dans tout cela? Il a sans doute fallu l'impliquer de manière assez forte…

Une des conditions pour que l'application concrète d'un développement durable puisse se faire, c'est la participation active des citoyens. Depuis les années 80, on a mis en place un système de participation citoyenne au sein de commissions consultatives. On en a une douzaine où 80 citoyens travaillent de concert avec les 9 permanents. La concertation est donc grande. C'est essentiel pour faire aboutir des projets durables comme les nôtres.

Vous n'avez pas l'impression que c'est plus facile parce que vous gérez une petite commune rurale?

C'est, de fait, plus facile dans une petite commune. Il faut des moyens largement plus importants dans les grandes villes. Mais je pense néanmoins que ce qui compte, c'est la volonté politique d'y arriver.

Vous pouvez m'expliquer comment vous êtes arrivés à valoriser vos ressources locales?

L'emploi manquait chez nous, et nous avons décidé d'exploiter une eau minérale locale. On a trouvé un investisseur français pour la commercialiser et donc créer 65 emplois. On a cependant insisté pour rester propriétaires des sources, à rester à 15 % actionnaires… On touche une certaine redevance par mètre cube commercialisés. Je peux vous assurer que le revenu que l'on tire de ce procédé est très appréciable pour une petite commune comme la nôtre. On est donc moins dépendants des subsides de l'Etat central. C'est, pour moi, très important pour le développement durable tel qu'on l'imagine chez nous.

En matière d'énergie renouvelable, vous semblez prendre des options diversifiées. C'est assez étonnant, vu de l'extérieur…

Pour que le pari "énergie renouvelable" fonctionne, il faut exploiter toutes les possibilités offertes. On a donc fait un mix chez nous et rien n'est à proscrire pour le bien-être futur: éolien, solaire ou autre.

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Date de mise en ligne
19 Mars 2007

Auteur
Alain Depret

Type de contenu

Matière(s)

Environnement
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