L’habitat en Wallonie : le permis de location
Toute habitation doit, en Wallonie, répondre aux exigences de salubrité, de sécurité et d’habitabilité définies par le Code wallon de l’habitation durable (CWHD). Le permis de location permet de contrôler de manière préventive ces exigences pour des biens considérés « à risques » et où logent, généralement, les personnes les plus précarisées.
Le permis de location constitue une réelle autorisation administrative communale destinée à contrôler la mise en location de certains biens immobiliers, et, depuis peu, mobiliers. Il s’inscrit dans la concrétisation de l’article 23 de la Constitution et de l’article 2 du CWHD qui prônent la mise en œuvre du droit à un logement décent en tant que lieu de vie, d’émancipation et d’épanouissement des individus et des familles.
Le champ d’application
Seuls certains biens, strictement listés à l’article 9 du CWHD, sont donc soumis à l’obligation de disposer d’une autorisation de mise en location préalable. Il s’agit :
- Des « petits logements individuels », c’est-à-dire les logements dont les pièces d’habitation et les locaux sanitaires (les W.-C., salles de bains et salles d’eau) sont réservés à l’usage individuel d’un seul ménage et dont la superficie habitable[1] ne dépasse pas 28 m².
- Des « logements collectifs », qui sont les logements dont au moins une pièce d’habitation (la cuisine, le séjour, le local TV, etc.) ou un local sanitaire (les W.-C., salles de bain et salles d’eau) est utilisé par plusieurs personnes majeures ne constituant pas un seul et même ménage[2]. Les meublés sont visés par cette définition.
- Des « habitations légères » qui sont celles qui ne répondent pas à la définition de logement, mais qui satisfont à au moins trois des caractéristiques suivantes : « démontable, déplaçable, d’un volume réduit, d’un faible poids, ayant une emprise au sol limitée, auto-construite, sans étage, sans fondations, qui n’est pas raccordée aux impétrants ». Sont donc notamment concernés : les yourtes, les caravanes, les kerters ou encore, les roulottes.
Ces biens doivent, de surcroit, être mis en location ou loués à titre de résidence principale[3] ou avec la vocation principale d’hébergement d’étudiants.
Il existe deux exceptions à l’application du permis de location (CWHD, art. 9) destinées notamment à favoriser certaines colocations :
- La première prévoit qu’un permis de location n’est pas requis lorsque les logements sont situés dans le bâtiment où le bailleur a établi sa résidence principale pour autant qu’ils soient loués ou mis en location à deux ménages au plus et que le nombre total d’occupants des biens loués ne dépasse pas quatre personnes.
- La seconde exception concerne les « logements de type unifamilial occupés par moins de 5 personnes majeures ne constituant pas un seul et même ménage au sens de l’article 1er, 28° du présent Code, liées par un contrat de colocation »[4]. La notion de contrat de colocation semble faire référence au « bail de colocation » règlementé tel que consacré par le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation. Quatre conditions doivent être cumulées pour constater l’existence d’un tel bail[5] : être face à une habitation partagée par plusieurs preneurs, la conclusion d’un bail unique entre le bailleur et plusieurs colocataires, la signature d’un « pacte de colocation »[6] et la mention de ce pacte dans le bail de colocation[7].
Les exceptions s’appliquent aux « logements » et non aux « habitations légères ». Pour ces dernières, un régime transitoire spécifique a cependant été consacré. Le permis de location est requis pour toutes les habitations légères qui font l’objet d’une première occupation à partir du 1er décembre 2021, qu’elles aient été construites ou installées avant ou après cette date. Les habitations légères existantes et données en location avant le 1er décembre 2021 ne devront disposer d’un permis de location qu’à partir du 1er juin 2023.
Les exigences à respecter
Le permis de location n’est délivré qu’après la vérification de la conformité du bien aux exigences reprises à l'article 10 (applicable aux « logements ») ou 10bis (applicable aux « habitations légères ») du CWHD. Ces exigences portent essentiellement sur le respect de critères de salubrité mais plus seulement. Au fil des réformes, les exigences à respecter se sont considérablement développées pour s'intéresser également à la règlementation urbanistique ou énergétique. Elles peuvent, de surcroit, varier entre communes suivant l’existence ou non d’un règlement communal spécifique portant sur la prévention incendie ou la salubrité.
Au total, huit catégories[8] d'exigences distinctes, comprenant chacune des critères spécifiques, doivent être respectées pour qu’un logement obtienne son permis de location :
- Les critères de salubrité du CWHD ;
- L’équipement en matière de détecteurs d’incendie ;
- Les règlements communaux en matière de salubrité ;
- Les règlements communaux en matière de sécurité incendie ;
- Les garanties de l’inviolabilité du domicile et du respect de la vie privés ;
- Les exigences en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme ;
- Le certificat de performance énergétique ;
- Le contrôle des installations de chauffage.
Le permis de location transcende donc la police du logement pour examiner le respect d’exigences découlant d’autres polices administratives indissociables de cette politique : urbanisme, sécurité incendie, performance énergétique du bâti, installations de chauffage, etc. Par cette approche transversale, assez atypique, le permis de location permet à la commune, mais également aux bailleurs et locataires, de disposer d’un « bilan de santé » relativement fiable des habitations considérées les plus à risques.
La procédure d’octroi[9]
Le permis de location est délivré par le collège communal territorialement compétent sur présentation, par le bailleur, d’un dossier de demande comportant notamment une attestation de conformité relative aux critères de salubrité et délivrée par un enquêteur agréé[10].
La procédure est a priori identique que l’on soit face à un logement ou face à une habitation légère. Pour ces dernières cependant, le rapport de visite, et l’attestation de conformité qui en découle, ne peuvent être rédigés que par des enquêteurs régionaux. La compétence des enquêteurs privés agréés reste limitée aux logements collectifs et individuels.
Concrètement, dans un premier temps, et comme le prévoit la règlementation, le bailleur se met en contact avec un enquêteur agréé, qui, après une visite des lieux, complète le rapport d’enquête ad hoc. Si ce rapport conclu au respect des exigences fixées par la règlementation, l'enquêteur établit « l'attestation de conformité ». Dans le cas contraire, l'enquêteur complète, dans le rapport, la liste des manquements ainsi que la liste des travaux à réaliser pour que l’habitation puisse être considérée comme conforme. L'enquêteur transmet à la commune et à l'administration régionale copie du rapport d'enquête pour qu’elles puissent, le cas échéant, assurer le suivi nécessaire[11]. Le bailleur envoie ensuite cette attestation, accompagnée du rapport de visite, d’une déclaration de (mise en) location et, s’il s’agit d’un logement, d’une copie du certificat PEB et de la preuve du contrôle des installations de chauffage, au service logement de la commune compétente. Après l’examen de complétude du dossier, si la commune dispose d’un règlement communal en matière de sécurité incendie et/ou de salubrité, elle initie une seconde visite de l’habitation par les services compétents (souvent, la zone de secours). En parallèle, le service urbanisme analyse le respect des exigences relatives à la règlementation urbanistique sur la base, le cas échéant, des éléments probants apportés par le bailleur.
A partir du moment où l’ensemble des documents requis confirment le respect des exigences, le collège communal notifie le permis au demandeur[12]. Le collège ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. Face à un dossier complet, des raisons d’opportunité ne peuvent conduire à un refus de permis de location[13].
Le permis de location est valable cinq ans à dater de sa délivrance. La procédure d'application pour l'octroi d'un permis de location est applicable à son renouvellement.
Le suivi du permis de location dans le temps
Au cours de l’occupation de l’habitation, des contrôles à l'initiative de l'administration régionale, de la commune ou à la suite de plaintes peuvent être effectués sur toute habitation ayant un permis de location ou supposée devoir en détenir un. En cas de non-respect avéré des exigences imposées par le CWHD, différentes mesures peuvent être prises par les autorités communales, spécialement en présence de défauts graves : retrait du permis de location[14], fermeture de l’habitation, sanctions pénales et/ou des amendes administratives[15]. En cas d’évacuation des occupants, le relogement est à charge des autorités communales[16]. Le non-respect de la règlementation impacte directement la validité du bail[17].
[1] La superficie habitable se distingue de la superficie « plancher ». La superficie habitable est la superficie mesurée entre les parois intérieures des pièces d’habitation multipliée par un coefficient de hauteur et par un coefficient d’éclairage (CWHD, art. 1er, 21°bis). L’A.G.W. 30.8.2007 déterminant les critères minimaux de salubrité, les critères de surpeuplement et portant les définitions visées à l’article 1er, 19° à 22°bis, du Code wallon de l’habitation durable, définit les critères applicables au calcul de ces coefficients (pour exemple : la hauteur sous plafond requise et les « malus » applicables en cas de non-respect de ces exigences).
[2] Le ménage vise « la personne seule ou plusieurs personnes unies ou non par des liens de parenté et qui vivent habituellement ensemble au sens de l'article 3 de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques » (CWHD, art. 1er, 28°).
[3] Par « résidence principale » on entend le lieu où le ménage habite effectivement durant la plus grande partie de l’année sans nécessairement que celui-ci soit effectivement domicilié à cette adresse ('A.G.W. 3.6.2004 rel. au permis de location, art. 1er, 6°)
[4] La notion de contrat de colocation semble faire référence au « bail de colocation » règlementé tel que consacré par le décr. 15.3.2018 rel. au bail d’habitation.
[5] Le bail de colocation est « la location d’un même bien par plusieurs colocataires ayant signé un pacte de colocation au plus tard à la signature du contrat de bail et dont la date de signature est reprise dans le contrat de bail. Il est formalisé par la conclusion d’un contrat unique entre les colocataires et le bailleur. L’habitation prise en location comprend au minimum une pièce d’habitation ou un local sanitaire commun à tous les colocataires » (décr. 15.3.2018 rel. au bail d’habitation, art. 2, 2°).
[6] Le pacte de colocation fixe à tout le moins : « la répartition du loyer entre colocataires lorsque celle-ci n’est pas prévue par le contrat de bail; la répartition des charges communes, privatives, forfaitaires ou provisionnelles entre colocataires; l’inventaire des biens meubles précisant leur propriétaire; les modalités de conclusion des contrats d’approvisionnement relatifs aux charges; les modalités de conclusion des contrats d’assurance relatifs au bien loué; les modalités d’arrivée, de départ et de remplacement d’un colocataire; les conditions de constitution et de libération de la garantie locative; les modalités de résolution des conflits entre les colocataires » (décr. 15.3.2018 rel. au bail d’habitation, art. 72).
[7] Il existe actuellement de nombreux débats sur l’application du permis de location aux nouvelles formes d’habiter, comme certaines colocations ou co-living. La question reste délicate. A ce sujet, v. T. CEDER, Logements et habitations légères, tout savoir sur le permis de location, Les essentiels des pouvoirs locaux, UVCW, 2022, pp. 32 et ss. et C. Thiebaut et L. Tholome, « Colocation, permis de location et permis d’urbanisme font-ils bon ménage », Rev dr. Com., 2021/3, pp. 6 et 7.
[8] Ces exigences sont réduites à cinq pour les habitations légères, en raison de leurs spécificités intrinsèques, les exigences relatives au respect de la vie privée, à la PEB et aux installations de chauffage ne leur sont pas applicables.
[9] La procédure est détaillée dans l'A.G.W. 3.6.2004 rel. au permis de location.
[10] Le cout, hors TVA, d’un tel contrôle ne peut excéder pour 2022: 170 euros en cas de logement individuel ; 170 euros à majorer de 34 euros par pièce d'habitation à usage individuel, en cas de logement collectif. Ce coût est à charge du bailleur. Aucune rétribution ne peut être exigée de l'occupant du logement (art. 5 de l’AGW du 3 juin 2004).
[11] Le permis de location ne pourra donc être délivré tant que les travaux n’ont pas été réalisé et tant qu’une nouvelle attestation de conformité n’a pas été fournée. Un permis de location provisoire peut cependant être envisagé (art. 12 du CWHD). Le bailleur peut proposer à la commune que les actes et travaux soient réalisés par le locataire au travers d’un « bail de rénovation ». Le collège communal coulera sa décision au sein d’un permis provisoire après avoir constaté que le bail envisagé rencontre les manquements mis en évidence dans les rapports préalables. Pour des commentaires critiques sur ce type de permis, v. T. Ceder, Le permis de location, 20 ans de jurisprudence et pratique, Les essentiels des pouvoirs locaux, UVCW, 2016.
[12] Le collège dispose normalement de 15 jours à partir de l’accusé de réception du caractère complet de la demande pour procéder à cette notification.
[13] En l'absence de décision du collège dans un délai de 15 jours après la réception des documents, le bailleur peut notifier à la commune une mise en demeure. Le silence de la commune dans le mois suivant l'expédition de cette mise en demeure est réputé constituer une décision d'octroi (A.G.W. 3.6.2004, art. 11). Cet octroi tacite, dont la légalité peut poser question, ne préjudicie pas de la possibilité pour la commune de prendre par la suite les mesures nécessaires pour faire respecter les conditions des articles 10 ou 10bis du CWHD.
[14] Formellement, en cas de non-respect des exigences fixées aux art. 10 et 10bis du CWHD, le bailleur peut être mis en demeure par le collège communal de la commune où est situé l’habitation (et, en cas d’inaction du collège, le Gouvernement) de prendre, dans un délai de quarante-huit heures à six mois, les mesures nécessaires pour respecter les exigences précitées. En cas d’inaction du bailleur dans un délai de vingt jours à dater de l’expiration de la mise en demeure, le collège (ou, en cas d’inaction de ce dernier dans un délai de trente jours, le Gouvernement) peut retirer le permis de location (CWHD, art. 13).
[15] CWHD, art. 13ter et 200bis.
[16] CWHD, art. 13.
[17] La règlementation relative au permis de location se voit assigner un caractère d’ordre public. Le contrat de bail conclu sans permis de location est donc traditionnellement frappé de nullité.
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