Nouveau décret relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique : quelles implications pour les communes ?
Le 8 mars 2023, le Parlement wallon a adopté un nouveau décret destiné à remplacer le décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets. Ce décret vise à moderniser les outils juridiques de la Région wallonne relatifs au droit des déchets et à permettre la transposition d’un grand nombre de dispositions européennes (8 directives au total), principalement en matière d’économie circulaire.
Ainsi, ce décret traduit les nouveaux objectifs et ambitions européennes en matière notamment de gestion des déchets dangereux, de prévention (quantitative et qualitative), de collecte sélective, de valorisation des déchets (préparation au réemploi et recyclage), et de responsabilité élargie des producteurs.
Mais le nouveau décret ne se limite pas à la transposition du droit européen, il vise également à traduire les ambitions affichées par la Wallonie dans le Plan wallon des déchets-ressources, la stratégie Circular Wallonia et la Déclaration de politique régionale 2019-2024, à travers notamment :
une transition renforcée vers le « zéro-déchets » (via par exemple la réduction de l’usage des plastiques à courte durée de vie, la réduction des gaspillages alimentaires et non alimentaires, le développement de la réparation, etc.);
- un renforcement de la circularité des matières (via par exemple le développement accru de l’économie de la fonctionnalité, de la préparation au réemploi et du recyclage), avec le soutien notamment du secteur de l’économie sociale;
- un renforcement des priorités de l’échelle de Lansink en matière de gestion des déchets via un accroissement du tri et des collectes sélectives de déchets ménagers, assimilés et professionnels, et une réduction des quantités de déchets valorisables incinérés et de déchets mis en décharge;
- une réforme du système de la responsabilité élargie des producteurs;
- une planification adaptée et plus intégrée des instruments de gestion des déchets;
- une contribution à l’amélioration de la propreté publique (via notamment une obligation de financement par les producteurs de la gestion de certains déchets sauvages, tels que les mégots).
Les communes sont directement impactées par plusieurs nouveautés apportées par le décret. On peut en identifier 5 essentielles :
1. La confirmation de la compétence exclusive des communes en matière de gestion des déchets ménagers
Le décret traduit légalement l’accord qui était intervenu entre l’UVCW, la Copidec et Go4 Circle (devenu DENUO) pour assurer un partage du marché des déchets (https://www.uvcw.be/environnement/articles/art-3289).
Le paragraphe 2 de l’article 53 du décret prévoit ainsi que « la commune (ou son intercommunale) est exclusivement compétente pour la collecte des déchets ménagers. Cette exclusivité concerne les déchets ménagers des personnes domiciliées ou résidant à titre principal ou secondaire sur le territoire de la commune, en ce compris dans un kot d’étudiant chez les particuliers, à l’exclusion des déchets issus des maisons de repos, des résidences-services, des prisons, des hôpitaux et des kots d’étudiants gérés par une entreprise ou une institution d’enseignement supérieur ».
Il peut toutefois être dérogé à cette exclusivité moyennant une autorisation de la commune. Le paragraphe 3 de l’article 53 prévoit que toute personne physique visée au paragraphe 2 peut transmettre une demande d’autorisation à la commune concernée permettant à ladite personne de remettre ses déchets ménagers à un tiers autre que la commune. Il est spécifiquement prévu que cette autorisation communale ne peut être octroyée que sur demande dûment motivée démontrant que le service de gestion des déchets ménagers mis en place par la commune ne peut pas répondre aux besoins ou aux contraintes de la personne physique sollicitant ladite autorisation. L’autorisation communale n’est toutefois pas requise dans plusieurs hypothèses dérogatoires qui sont visées au paragraphe 3 de l’article.
Les modalités procédurales de l’autorisation communale sont déterminées par la commune, aussi longtemps qu’un arrêté du Gouvernement wallon ne s’en sera pas chargé.
Il est important de préciser que la personne qui obtient une autorisation de la commune pour remettre ses déchets ménagers à un tiers reste tenue de se conformer au règlement communal sur la collecte des déchets ménagers et au paiement de la taxe communale sur le service de gestion des déchets ménagers.
On notera enfin que l’article 55 prévoit un autre régime d’exclusivité en spécifiant que la commune, ou l’association de communes à laquelle elle a confié un mandat exprès pour ce faire dans le cadre d’une relation « in house » au sens de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, est exclusivement compétente pour la collecte des déchets assimilés des services et établissements de la commune ou organisés par elle.
2. Les dispositions minimales du règlement communal relatif à la collecte des déchets ménagers
Le nouveau décret est plus précis que le décret de 1996 concernant les dispositions que doit contenir le règlement communal relatif à la collecte des déchets ménagers. Le paragraphe 5 de l’article 53 prévoit ainsi que la commune doit déterminer dans son règlement :
- la périodicité et les lieux de collecte par type ou sous-type de déchets collectés;
- les modalités de collecte des déchets, telles que la collecte en porte-à-porte, les conteneurs collectifs, les points d’apport volontaire ou les parcs à conteneurs;
- les conditions d’acceptation des déchets, en nature et en quantité, selon leurs modalités de collecte spécifiques;
- les modalités de collecte des déchets par les associations et les écoles;
- les mesures sociales en matière de déchets;
- les dispositions applicables aux déchets assimilés collectés concomitamment aux déchets ménagers;
- les dispositions applicables aux déchets spécifiquement générés par les médecins, les dentistes, les vétérinaires et les prestataires de soins à domicile dans l’exercice de leur activité professionnelle;
- les dispositions applicables aux évènements temporaires, tels que les marchés ou les foires;
- les dispositions visant à dissuader le mélange des ordures ménagères brutes avec d’autres types de déchets pour lesquels une collecte sélective en porte-à-porte est organisée sur son territoire communal.
Un modèle sera prochainement publié sur le site de l’UVCW afin d’aider les communes à adapter leur règlement communal au nouveau décret.
3. Une redéfinition de la notion d’abandon de déchets
L’abandon de déchets se définit maintenant au travers de deux articles, l’article 33,1° et l’article 204, 10° à 13°.
L’article 33,1° précise qu ’ « il est interdit d’abandonner, de rejeter ou de gérer un déchet en dehors des emplacements aménagés ou autorisés à cet effet par une autorité locale ou toute autre autorité compétente en matière de conservation du domaine public ou en matière de salubrité publique.
L’article 204, alinéa 1er, 10° à 13° érige en infraction de deuxième catégorie le fait :
- 10° : de ne pas respecter l’article 33,1°, dans le cadre de l’exercice habituel d’une activité.
- 11° : de ne pas respecter l’article 33,1°, d’une manière telle que l’environnement et le cas échéant la santé humaine, ont été ou sont susceptibles d’être mis en danger.
- 12° : de ne pas respecter l’article 33,1°, d’une manière telle que le bien-être animal et le cas échéant la vie de l’animal, ont été ou sont susceptibles d’être mis en danger.
- 13° : de ne pas respecter l’article 33,1°, dans un autre contexte que celui visé au 10° et d’une manière autre que celles visées au 11° et 12°.
Il y a donc 4 types d’infraction d’abandon de déchets dans le nouveau décret contre 3 dans l’actuel article 51 du décret relatif aux déchets.
Concrètement, l’abrogation du décret déchets de 1996 et la redéfinition de l’infraction d’abandon de déchets emporte deux conséquences importantes :
a) L’abandon de déchets « simple » n’est plus déclassé.
L’annexe XIX de la partie réglementaire du Code de l’environnement déclasse l’infraction visée à l’article 51, alinéa 1er, 3° du décret relatif aux déchets à savoir l’abandon de déchets qui ne s’est pas fait dans le cadre de l’exercice habituel d’une activité et sans mettre en danger l’environnement (en ce compris la santé humaine).
Cet article, comme tout le décret de 1996 va être abrogé lors de l’entrée en vigueur du nouveau décret de sorte que ce déclassement va devenir inopérant. Il faudra attendre que l’annexe XIX soit modifiée pour que le déclassement fasse référence au nouveau décret et que l’abandon de déchets « simple » soit de nouveau déclassé. Entre l’entrée en vigueur du nouveau décret et l’adaptation de l’annexe XIX de la partie réglementaire du Code de l’environnement, il conviendra de considérer qu’aucun abandon de déchets n’est déclassé et qu’ils doivent tous suivre la procédure classique (envoi du PV au Procureur du Roi qui peut décider de poursuivre).
b) Les règlements communaux doivent être adaptés
L’article D 197 du Code de l’environnement permet au Conseil communal de reprendre une série d’infractions environnementales dans un règlement communal afin de pouvoir les sanctionner au niveau communal. Les règlements communaux actuels font référence à l’article 51 du décret déchets de 1996 et doivent donc également être adaptés pour viser la nouvelle réglementation. Le modèle disponible sur le site de l’UVCW a été adapté en conséquence (https://www.uvcw.be/commune-et-uvcw/modeles/art-7380). Entre l’entrée en vigueur du nouveau décret du 8 mars 2023 et l’adaptation des règlements communaux pris sur base de l’article D 197 du Code de l’environnement il conviendra, par prudence, d’envoyer la copie du PV non plus au fonctionnaire sanctionnateur communal mais au fonctionnaire sanctionnateur régional.
Il est important de préciser que ces deux conséquences ne s’appliquent que pour les infractions constatées après l’entrée en vigueur du nouveau décret du 8 mars 2023. Pour celles constatées avant cette date une disposition transitoire a été prévue à l’article 268 dudit décret qui stipule que les recherches, les constatations, les poursuites, les répressions et les mesures de réparation relatives à des infractions prévues aux articles 51 à 55 du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets sont maintenues et continuent à produire leurs effets jusqu’à l’extinction de l’action publique judiciaire ou administrative.
4. L’obligation de collecte sélective des biodéchets
L’article 65 du nouveau décret prévoit que pour le 31 décembre 2023 au plus tard et sous réserve de la possibilité de dérogation prévue à l’article 49, paragraphe 2, les biodéchets doivent être soit triés et recyclés à la source, soit collectés sélectivement et non mélangés avec d’autres types de déchets. Il est néanmoins prévu que le Gouvernement peut autoriser la collecte conjointe des biodéchets et des déchets présentant des propriétés de biodégradabilité et de compostabilité similaires et qui sont conformes aux normes européennes pertinentes ou à toute norme régionale ou nationale équivalente, applicables aux emballages valorisables par compostage et biodégradation.
Le décret définit les biodéchets comme étant les déchets biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires.
Les communes ou leur intercommunale doivent donc prévoir, si ce n’est déjà fait, une solution de collecte sélective pour les biodéchets ménagers.
5. Le financement de la propreté publique par le biais de la responsabilité élargie des producteurs
En cohérence avec la directive single use plastics (2019/904), le décret permet au Gouvernement de rendre applicable l’obligation de financement de la propreté publique à un ou plusieurs régimes de responsabilité élargie. Dans ce cas, l’article 155 du décret prévoit que le producteur de produits concerné couvre les coûts estimés des services de collecte, en ce compris le nettoyage, des déchets visés à l’article 121, paragraphe 2, lorsque ces derniers sont sauvages, ainsi que les services de transport et de traitement ultérieurs desdits déchets sauvages, les mesures de sensibilisation, la collecte et le rapportage de données et les coûts de contribution aux frais généraux de la politique des autorités publiques en matière de déchets sauvages, en ce compris le contrôle. Il est précisé que les coûts à couvrir n’excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture des services qui y sont visés de manière rentable et sont établis de manière transparente entre les acteurs concernés.
Il s’agit d’une avancée importante pour les communes qui vont être soutenues financièrement par certains producteurs de déchets dans leur mission de maintien de la propreté publique. Cette participation financière des producteurs est actuellement concrétisée dans un projet d’accord de coopération qui prévoit que les producteurs d’emballages, de produits du tabac, de chewing-gum, de lingettes humides et de ballons de baudruche devront contribuer au maintien de la propreté publique dans le cadre de leur régime de responsabilité élargie. Cette responsabilité pourra se concrétiser de deux manières, soit par le biais d’une contribution financière simple, soit par le biais d’une participation organisationnelle et financière impliquant la conclusion de conventions avec les personnes en charge de la propreté publique soit essentiellement les communes. Le projet d’accord de coopération est annexé à la présente actualité. Vous trouverez en outre , via le lien suivant, l’avis de notre Conseil d’administration sur ce projet d’accord : https://www.uvcw.be/environnement/actus/art-8279.
Pour conclure, on signalera que le nouveau décret contient de très nombreuses habilitations gouvernementales qui vont être prochainement mises en œuvre. Ainsi, de nouveaux arrêtés ou à tout le moins de nombreuses révisions d’arrêté de Gouvernement vont sortir dans la foulée de ce décret et auront également un impact sur les communes dans leur gestion des déchets ménagers (arrêté coût-vérité, arrêté relatif aux subsides, arrêté en matière de prévention et de tri, etc.).
Ce décret relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique entrera en vigueur 10 jours après sa publication au Moniteur belge. Cette publication est a priori imminente. En attendant, il est consultable via le lien suivant : décret.
Accord de Coopération
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