Les possibilités de dérogation prévues par l’article 15 de l’AGW Terres
L’article 15 de l’AGW Terres permet de valoriser, sur des sites de type d’usage I, II ou IV, des terres dont les concentrations dépassent les conditions d’utilisation prévues par l’article 14 de l’AGW (80% des valeurs seuils selon l'usage du site récepteur ou de la parcelle concernée du site récepteur), moyennant le respect de certaines conditions. Le recours à une telle procédure mérite d’être analysée afin d’envisager d’autres options de valorisation de terres.
1. Les conditions à respecter
Les conditions à respecter sont les suivantes :
1° Le site récepteur est un site d’usage I, II ou IV qui n’est pas repris en zone d'extraction et en zone de dépendance d'extraction au sens du Code du Développement Territorial.
Ainsi, ne sont pas concernés par cette possibilité de dérogation :
- Les sites de type d’usage III (résidentiel) : En effet, il ne peut être envisagé de déroger aux normes environnementales en zone résidentielle ;
- Les sites de type d’usage V (industriel) : Une telle exclusion est logique en ce que l’AGW prévoit, expressément, comme condition au recours à cette procédure, le fait que les terres ne peuvent pas dépasser les valeurs figurant à l'article 14 applicables pour une utilisation sur un site récepteur de type d'usage V. Si les valeurs rencontrées sont équivalentes à celles applicables pour un site récepteur de type V, les terres seront valorisées en type V, sans application d’une procédure dérogatoire ;
- Les sites repris en zone d'extraction et en zone de dépendance d'extraction au sens du Code du Développement Territorial: En effet, les carrières sont considérées comme des lieux favorables au développement de la biodiversité et sont, en outre, dans certains cas des milieux sensibles quant aux eaux souterraines.
2° Les terres ne dépassent pas les valeurs figurant à l'article 14 applicables pour une utilisation sur un site récepteur de type d'usage V.
Les terres dépassant les valeurs applicables pour une utilisation sur un site récepteur de type d'usage V doivent, conformément à l’AGW Terres, faire l’objet d’un traitement (ou d’une élimination) et ne peuvent être valorisées directement.
3° Un permis d'environnement autorise spécifiquement la valorisation de terres en dérogation au type d'usage conformément à l'AGW Terres.
Deux types de permis d'environnement peuvent être délivrés dans ce cadre :
- Un permis de classe 2 lorsque le volume total des terres de déblais est inférieur ou égal à 100.000 m3 (Rubrique 90.28.02.01 de l’AGW du 4 juillet 2002 arrêtant la liste des projets soumis à études d’incidences et des installations classées). Ce type de demande sera soumis à l’avis du Département du Sol et des Déchets du SPW (DSD);
- Un permis de classe 1 lorsque le remblai est effectué en tout ou en partie sous le niveau naturel de la nappe phréatique, sauf dans le cadre d'actes et de travaux d'assainissement, ou excède 100.000 m³ (Rubrique 90.28.02.02). Ce type de demande sera soumis à l’avis du DSD, de l’Agence Wallonne de l’Air et du Climat (AWAC), de la Direction des Eaux Souterraines du SPW (DESO) et du Département de la Nature et des Forêts du SPW (DNF).
Le demandeur devra solliciter, en réalité, un permis unique puisqu'un permis d’urbanisme sera, en principe, également requis dans la mesure où l’apport de terres sur un terrain entrainera une modification sensible du relief du sol (Article D.IV.4, 9° et R.IV.4-3 du CoDT).
Pour que l’administration octroie le permis relatif à l’apport de terres de déblais sur un site, il faut, à l’heure actuelle et en principe, qu’un projet d’aménagement du site soit envisagé, après lesdits apports de terres. En effet, les rubriques liées aux activités de remblais impliquent que les terres soient utilisées dans le cadre d’une opération de valorisation. Il en découle que le projet d’aménagement doit apporter une plus-value pour le site (économique, environnementale, sécuritaire). Si tel n’est pas le cas, le remblai de terres sera considéré comme un dépôt de déchets ou un CET (centre d’enfouissement technique).
4° La couche finale de terre est conforme aux valeurs applicables au type d'usage en application de l'article 14, § 1er, 1° de l'AGW Terres. L'épaisseur est déterminée par le permis tenant compte de l'usage futur du terrain.
L’article 15 précise également que, pour la réalisation de la couche de terre de revêtement d'un CET de classe 2, il peut être dérogé aux valeurs mentionnées à l'article 14 pour le type d'usage projeté, aux conditions suivantes :
- Les terres de seconde catégorie, au sens de l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 février 2003 fixant les conditions sectorielles d'exploitation des centres d'enfouissement technique, respectent les valeurs figurant à l'article 14 applicables pour une utilisation sur un site récepteur de type d'usage V ou un type d'usage inférieur ;
- La couche finale de terre d'une épaisseur minimum de 30 cm est conforme aux valeurs applicables au type d'usage projeté, en application de l'article 14, § 1er, alinéa 1er, 1°.
Le Guide de Référence relatif à la Gestion des Terres (GRGT) précise que la couche finale de terre est disposée en surface au terme du remblayage. Sa mise en place et ses caractéristiques doivent être intégrées à la demande de permis.
Si la durée du remblayage est étalée sur plusieurs années, des moyens doivent être mis en œuvre (remblayage par phase/cellule, recouvrement intermédiaires, …) pour limiter l’envol de particules des terres de remblais localisée sous la future couche finale de terre.
Les prescriptions techniques des couches de terre à mettre en place au terme du remblayage sont spécifiques au type d’usage du terrain récepteur.
- Type d'usage I: Naturel. La couche de couverture doit faire minimum 1 m d’épaisseur et doit être composée de terres répondant aux critères de valorisation en type d’usage I et de typologie identique au milieu naturel avant la phase de remblayage. Afin de répondre à ce dernier point, il est recommandé de procéder au décaissage de terres sur un mètre d’épaisseur préalablement aux travaux de remblayage afin de pouvoir les réutiliser en guise de terres de couverture.
- Type d'usage II: Agricole. La couche de couverture doit faire minimum 1 m d’épaisseur et doit être composée de terres répondant aux critères de valorisation en type d’usage II. La qualité des terres et la structuration des horizons de sols de la couche supérieure doit par ailleurs permettre à la parcelle de retrouver pleinement un usage agricole au terme du remblayage, quel que soit l’usage effectif du terrain. Étant donné l’importance de la microstructure du sol pour garantir un rendement agricole acceptable, une mise en jachère du site de remblayage peut s’avérer nécessaire. Ces aspects doivent être largement détaillés dans la demande de permis encadrant l’activité de remblayage.
- Type d'usage IV: Commercial/récréatif. La couche de couverture doit faire minimum 1 m d’épaisseur et doit être composée de terres répondant aux critères de valorisation en type d’usage IV.
Remarque importante : L’épaisseur minimale de la couche de couverture peut être adaptée au cas par cas pour autant que la démarche soit justifiée techniquement dans la demande de permis et validée par les autorités compétentes. En effet, l’épaisseur de la couche finale peut parfois rendre le projet inopérant d’un point de vue financier.
D’un point de vue pratique, il importe de prévoir, dans le cadre du permis unique qui sera délivré, la possibilité de stocker temporairement certaines terres sur site, sur un espace dédié à cet effet. De fait, les terres provenant de chantiers externes qui seront apportées sur le site récepteur et qui correspondront au type d’usage requis pour réaliser la couche finale devront être stockées temporairement sur le site (par exemple : sur le côté, en merlons) dans l’attente de la réalisation de ladite couche finale.
Par ailleurs, le permis unique imposera le non-remaniement des terres afin d’éviter que des terres non conformes au type d’usage du site récepteur soient remises en surface.
5° Une étude de risques annexée à la demande de permis d'environnement démontre que les valeurs dérogatoires ne présentent pas de risque pour le site récepteur.
Dans le cadre d’un permis classe 1, cette étude sera intégrée dans l’étude d’incidence. Elle proposera des Concentrations Maximales Admissibles (CMA) adaptées ne dépassant pas les valeurs plafonds consignées dans l’Annexe 3 du GRGT.
Le GRGT rappelle qu’une étude de risques au sens du Décret Sols se divise en 3 volets : santé humaine, eaux souterraines et écosystèmes. Dans le cadre de l’application de l’article 15, ces trois volets sont traités séparément.
- Santé humaine: Les risques pour la santé humaine sont maitrisés via le respect des valeurs plafonds détaillées à l’Annexe 3 au sein des lots de terres qui sont importés sur le site récepteur. Aucune évaluation des risques pour la santé humaine ne doit donc être réalisée dans le cadre de l’application de l’article 15 de l’AGW.
- Eaux souterraines: Les risques pour les eaux souterraines sont tributaires d’une part de la qualité des terres enfouies et d’autre part du contexte hydrogéologique local du terrain récepteur. L’étude de risque volet « eaux souterraines » doit être réalisée selon la méthodologie prévue par le Code Wallon de Bonnes Pratiques qui accompagne le Décret Sols. L’objectif de cette évaluation est de proposer des CMA pour les terres de remblais propres au site récepteur. Ces CMA doivent être calculées de manière à ce que le lessivage des terres d’apport au terme des travaux n’impacte pas la qualité des éventuelles eaux souterraines sous-jacentes. Pour rappel les CMA proposées au terme de l’étude ne peuvent pas dépasser les valeurs consignées dans l’Annexe 3.
- Ecosystèmes: Etant donné l’obligation d’une couche de couverture constituée de minimum 1m de terres conformes au type d’usage et compte-tenu des prescriptions détaillées au point 2.7.2 du GRGT, les risques pour les écosystèmes sont considérés comme de facto maitrisés au terme du remblaiement. Aucune action spécifique n’est à entreprendre concernant ce volet.
L’étude de risques se contentera donc, en réalité, d’aborder la question des eaux souterraines.
Attention : Si une procédure Décret Sols est enclenchée (sur base des articles 23 à 27 du Décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l’assainissement des sols), les trois volets seront étudiés dans le cadre de l’étude d’orientation. Il est alors intéressant de rajouter à cette étude d’orientation, l’étude de risque prévue par l’article 15 de l’AGW Terres afin de combiner les deux et de diminuer les coûts y relatifs.
6° Parallèlement aux contrôles réalisés par l'ASBL Walterre, le valorisateur met en place un contrôle systématique du respect des normes établies afin de vérifier, préalablement à leur transport vers le site récepteur, que, conformément à l'alinéa 1er, 2°, les terres respectent bien les valeurs reprises dans son permis unique. Cela implique que tous les lots de terres acceptés sur le site doivent faire l’objet d’un contrôle qualité visé à l’article 6 de l’AGW terres.
2. Avantages et inconvénients de recourir à cette procédure
Une fois les autorisations obtenues, le site pourra être déclaré comme site récepteur sur le site de l'ASBL Walterre, ce qui est intéressant d’un point de vue économique puisque des terres provenant d’autres chantiers pourront y être réceptionnées, moyennant le paiement d’un certain prix.
Il convient donc de toujours réfléchir à la rentabilité du projet. En effet, le recours à la procédure prévue par l’article 15 de l’AGW Terres implique un certain coût (experts, analyse, collaboration avec des professionnels gestionnaires de sites récepteurs, préparation des demandes d’autorisations, etc), mais l’apport de terres peut compenser voire dépasser ce coût. Néanmoins, il est certain que ce type de procédure n’est intéressant que pour des projets de grandes envergures, d’autant plus qu’il faut prendre en compte les délais nécessaires pour obtenir les autorisations nécessaires pour ce type de projet, qui peuvent être considérables.
Le recours à une telle procédure permet également de disposer de sites récepteurs à proximité de certains chantiers et de répondre à la problématique actuelle de manque de sites récepteurs.
Précisons que la gestion d’un site récepteur demande des compétences professionnelles spécifiques. Il convient donc de se faire aider dans ce cadre par des acteurs du terrain.
Lire aussi en Environnement
Formations - Environnement
- Clés pour comprendre le décret sols
- Clés pour comprendre le permis d’environnement
- La formation des agents constatateurs et des fonctionnaires sanctionnateurs en environnement (2)
- Le développement durable
- Participation citoyenne et résilience
- La formation des agents constatateurs et des fonctionnaires sanctionnateurs en environnement (1)
- La gestion des terres excavées de vos chantiers en voirie : communes rurales
- La gestion des terres excavées de vos chantiers en voirie : communes urbaines
- La publicité administrative en matière d'urbanisme et d'environnement
- Le permis d’environnement en pratique
- La gestion des sols et des terres excavées