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Mis en ligne le 6 Avril 2010

En présence d'un immeuble insalubre, le bourgmestre peut se voir contraint d'ordonner l'expulsion de ses occupants, mais doit-il pour autant se préoccuper du sort des évincés, en veillant notamment à leur relogement?

Les impacts sociaux, économiques et politiques de cette question méritent inévitablement que l'on s'y attarde. Par soucis d'exhaustivité, nous distinguerons les différentes hypothèses d'expulsions et les obligations respectives du bourgmestre et du CPAS qui peuvent en découler.

L'obligation du bourgmestre

Une distinction doit être faite entre les expulsions résultant d'une décision de l'autorité publique et les autres hypothèses relevant généralement de la sphère privée. Les obligations qui en découlent seront différentes pour l'autorité communale.

L'absence de logement suite à une décision du bourgmestre

La question du relogement des personnes expulsées suite à un arrêté d'inhabitabilité édicté par le bourgmestre doit être distinguée, selon que l'arrêté est pris sur la base de la police administrative générale (NLC, art. 135, par. 2) ou sur la base de la police spéciale du logement (Code wallon du logement). 

Police administrative spéciale

En présence d'un logement ne répondant plus aux normes minimales de salubrité définies par le Code wallon du logement, le bourgmestre peut se voir contraint d'ordonner l'expulsion de ses occupants. Il ne pourrait cependant se contenter de vider le logement concerné sans se préoccuper du sort des expulsés. En procédant de la sorte, il agirait en contradiction avec la philosophie du code qui est d'améliorer au maximum les conditions de logement des occupants [1]. Le bourgmestre doit donc veiller à ce que les conditions de logement des occupants soient meilleures après l'éviction qu'avant. 

Le bourgmestre se devra donc de réserver l'exécution de sa décision jusqu'à l'obtention d'une certaine assurance qu'une possibilité de relogement des expulsés est possible. Ce nouveau logement devra être accessible financièrement aux évincés et devra répondre aux critères de salubrité imposés par le code [2]

Si le bourgmestre ne peut assurer le relogement, et sauf cas d'urgence, il devra laisser un laps de temps suffisant aux habitants évincés pour leur permettre de trouver un nouveau logement [3].

Pour lui permettre d'assurer cette obligation, le bourgmestre pourra utiliser tous les moyens mis à sa disposition. Il pourra mobiliser d'autres acteurs (notamment le CPAS ou la SLSP) pour la recherche de logements, se reporter à l'ensemble des logements, transitoires ou non, gérés par la commune, ou même employer son droit de gestion publique reconnu par le Code wallon du logement (art. 80 à 85).  

Police administrative générale

Les arrêtés de police pris par le bourgmestre sur base de l'article 135, par. 2, de la nouvelle loi communale lui permettent de prendre toute mesure à portée individuelle ou particulière visant à garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique de la commune.  En matière de salubrité, l'article 135, par. 2, 5°, consacre le soin de prévenir les dangers "par les précautions convenables" et faire cesser les accidents et les fléaux calamiteux "par la distribution des secours nécessaires". Aucune règle précise quant aux types de mesures qui peuvent être prises n'est éditée. Le bourgmestre dispose, dans ce domaine, d'un large pouvoir d'appréciation; il peut déclarer l'inhabitabilité d'un logement.

A priori, la prise en compte du relogement d'une personne n'est pas un préalable nécessaire à la décision du bourgmestre. Il n'est normalement pas attendu du bourgmestre - animé par le devoir prioritaire de prévenir et de faire cesser les atteintes à la salubrité publique - qu'il se préoccupe de la situation particulière des locataires [4].

En pratique, cette solution n'est pas aussi évidente. La différence de traitement entre police administrative générale et spéciale tend à s'estomper. L'expulsion des occupants sans contrepartie commence à être prohibée. Plusieurs arrêts du Conseil d'Etat ont en effet reconnu que l'expulsion pour cause d'insalubrité était constitutive d'un préjudice grave et difficilement réparable si elle ne s'accompagnait pas d'un relogement [5]. Cette obligation de relogement peut aussi se comprendre au regard de l'article 23 de la Constitution qui reconnaît à chacun le "droit à un logement décent". Pourtant dépourvue d'effet direct [6], cette disposition constitue un objectif à atteindre qui ne peut manquer d'influencer les autorités ou les juridictions dans leurs décisions. 

Cette obligation reste une obligation de moyen. Une balance des intérêts - entre le droit des locataires à un logement décent et l'obligation pour le bourgmestre d'assurer l'ordre public - devra être effectuée avant toute expulsion; mais la situation des personnes concernées ne pourra primer sur l'obligation de maintenir l'ordre public.

A l'instar de la police administrative spéciale, il pourra aussi utiliser tous les moyens mis à sa disposition. Il pourra mobiliser d'autres acteurs (notamment le CPAS, SLSP) pour la recherche de logements, se reporter à l'ensemble des logements, transitoires ou non, gérés par la commune, ou même employer son droit de gestion publique reconnu par le Code wallon du logement (art. 80 à 85).  

L'absence de logement dans les autres situations

Lorsque des citoyens se retrouvent sans toit, suite notamment à des différents familiaux ou à des problèmes locatifs, la situation relève de la sphère privée des personnes concernées. La commune n'a a priori aucune obligation d'intervenir pour assurer le relogement des sans domicile

Du moins, aussi longtemps que cette situation ne trouble pas l'ordre public, et plus particulièrement la tranquillité publique. Dans ce cas, la commune devra tout mettre en œuvre pour mettre fin à la situation. L'article 135, par. 2, 2°, de la nouvelle loi communale ne prévoit pas de liste limitative des moyens qui peuvent être mis en œuvre; dans ce cas, il semble que le relogement puisse être envisagé.

L'obligation du CPAS

L'obligation pour le CPAS de procéder au relogement des personnes sans abri n'est pas expressément inscrite dans la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'aide sociale. La jurisprudence reconnaît cependant que les CPAS ont "l'obligation d'assurer, d'une façon ou d'une autre, le logement des personnes qui sont sans ressources" [7]

Cette obligation découle de la philosophie même de la loi: l'aide sociale apportée par le CPAS doit avoir "pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine" [8]. Dans ce cadre, le CPAS est donc tenu d'assurer un droit au logement, partie du droit à l'aide sociale, et ce dans l'urgence, s'il le faut. Cette obligation est une obligation de résultat, mais elle ne doit pas nécessairement se traduire par l'octroi matériel d'un logement. Elle peut être accordée sous une forme financière (allocation loyer, constitution de la garantie locative, etc.), immatérielle (guidance budgétaire, médiation de dette, etc.) ou en nature (logement de transit, maison d'accueil, etc.).

Si cette obligation reste importante, le CPAS est libre de conditionner son aide au respect de certaines lignes de conduite, relatives notamment au coût locatif global [9].

Remarquons que le CPAS doit accorder l'aide urgente requise "lorsqu'une personne sans abri sollicite l'aide" de celui-ci [10]. Cette obligation a pour corollaire la nécessaire collaboration du demandeur pour faire connaître son état de besoin et l'étendue de celui-ci [11]. Si l'article 1er de la loi vise "toute personne", cela reste donc à la condition que cette personne requière cette aide [12]. Il en résulte que si le bourgmestre demande l'aide du CPAS, notamment pour procéder au relogement de certaines personnes qu'il aurait expulsées, le CPAS n'aura d'obligation d'intervenir que si la personne concernée confirme la demande d'aide.

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  1. [Remonter] Code wallon du logement, art. 2.
  2. [Remonter] Dans ce sens, N. Bernard, Compétences comparées de l'autorité fédérale, de la région et de la commune dans la lutte contre l'insalubrité, Le logement dans sa multidimensionnalité: une grande cause régionale, Namur, DGATLP, 2005, pp. 180 et ss.
  3. [Remonter] C.E., 28.4.1966, n° 11.779, Baetens et Beernaerts, R.A.C.E., 1966, p. 392.
  4. [Remonter] Dans ce sens, notamment, N. Bernard,  Conséquence administrative d'un arrêté d'inhabitabilité, La lutte contre les logements insalubres à Bruxelles, Bruylant, Bruxelles, 2004,p. 96.
  5. [Remonter] Notamment, C.E., 9.11.2001, n° 100.705, Kocyigit; C.E., 12.2.2003, n° 115.808, Leroy et Postiau.
  6. [Remonter] Pour un tempérament à cette affirmation, v. notamment, N. Bernard, L'effectivité du droit constitutionnel au logement, Rev. b. dr. const., 2001/2, pp. 156 et ss.
  7. [Remonter] C.E., 8.5.1981, N° 21.155, Lonnoy, R.A.C.E., 1981, p. 656.
  8. [Remonter] L.O., art. 1er.
  9. [Remonter] Pour plus de précisions v. N. Bernard, Conséquence administrative d'un arrêté d'inhabitabilité, La lutte contre les logements insalubres à Bruxelles, Bruylant, Bruxelles, 2004,pp. 107 et ss.
  10. [Remonter] L.O., art. 28.
  11. [Remonter] C.E., 2.4.1982, n° 22.175, Lonnoy, R.A.C.E., 1982, pp. 657 et ss.
  12. [Remonter] Cass., 16.6.1982, Pas., 1982, I, 211.

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Date de mise en ligne
6 Avril 2010

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Logement
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