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Mis en ligne le 20 Janvier 2005

Que peut faire l'autorité communale pour lutter contre le danger que représente la présence de certains chiens sur le territoire communal?

Après avoir rappelé l'avantage d'une réglementation communale en la matière, nous aborderons les éventuels mesures qu'une commune pourrait appliquer à tous sur son territoire avant d'examiner ses possibilités d'agir pour un cas particulier, nous terminerons par le contrôle et les sanctions.

1. Avantages d'une réglementation communale

Contrairement à une norme supérieure qui risquerait d'imposer des règles assez strictes à tous les chiens du royaume, les réglementations communales permettent de conserver une certaine souplesse qui est en lien avec leurs spécificités locales. En effet, toutes les communes wallonnes ne sont pas confrontées à la problématique des chiens dits dangereux ou le sont de manière différente. Ce serait donc une bien triste solution que d'appliquer des règles strictes à tous les chiens dans toutes les communes belges. Or, l'adoption d'une norme supérieure en matière de "chiens dangereux" risquerait de supprimer cette souplesse.

Par ailleurs, les règlements communaux peuvent être modifiés plus facilement qu'une norme supérieure; ainsi, une commune pourrait modifier son règlement après avoir constaté que les mesures qui y étaient prévues ne sont pas adéquates à la situation, ou encore intégrer à son règlement des bonnes pratiques émanant d'autres communes.

En outre, la police administrative générale permet déjà aux bourgmestres de prendre des mesures applicables à des cas particuliers. Ainsi, lorsqu'un bourgmestre est averti, suite à des plaintes de riverains ou à des PV, de l'éventuelle dangerosité d'un chien, celui-ci peut prendre toutes mesures qu'il juge utiles afin d'y mettre fin.

2. Mesures applicables à tous sur le territoire communal

Pour rappel, le conseil communal est seul compétent pour prendre des règlements de portée générale, qui s'appliqueront:

-   à tous les citoyens, ou à certaines catégories d'entre eux;
-   sur tout le territoire de la commune, ou dans certaines parties de celle-ci;
-   et pour une durée indéterminée (ou pour des situations périodiques).

L'action du conseil communal se fera sous la forme de règlements que la loi désigne par les termes "ordonnances de police" (art. 119 de la nouvelle loi communale, ci-après NLC); ainsi, l'ordonnance sera basée sur les articles 135, par. 2 et 119 NLC.

Que pourrait prévoir un règlement communal en matière de chiens dits dangereux?

2.1. Mesures d'interdiction?

L'interdiction de certaines races sur le territoire communal est-elle envisageable?

Pour rappel, l'arrêté ministériel du 21 octobre 1998 obligeant les responsables de certaines races de chiens à les faire identifier et enregistrer a été annulé par le Conseil d'Etat pour vice de procédure .

Ainsi, depuis l'annulation de cet arrêté par le Conseil d'Etat, nous sommes face à un vide juridique qui offre la possibilité aux conseils communaux de réglementer la matière. Les communes ont donc la possibilité sur la base de leur pouvoir de police administrative générale de prendre des mesures afin d'assurer le maintien de l'ordre public défini par l'article 135, par. 2 NLC comme comprenant la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques.

A titre exemplatif, nous vous faisons part de l'expérience de la commune de Büllingen (Bullange).

La Commune de Büllingen a adopté, dans le courant de l'année 2000, un règlement interdisant l'élevage et la détention de certaines races de chiens dits dangereux. Ce règlement a été annulé par l'autorité de tutelle et la commune a introduit un recours devant le Conseil d'Etat contre cette décision du Gouverneur. Saisi de ce recours, le Conseil d'Etat a ordonné la suspension de l'exécution de la décision du Gouverneur.

Selon le Conseil d'Etat, la commune pouvait prendre un tel règlement dans la mesure où il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire en ce domaine .

Ainsi, certaines communes ont décidé de reprendre la liste des treize chiens qui avait été intégrée à l'arrêté ministériel annulé par le Conseil d'Etat. De nombreuses critiques ont été émises à propos de cette liste de chiens dits dangereux: certains chiens de cette liste ne sont pas présents sur le territoire belge, tous les chiens de ces races ne sont pas dangereux, des chiens d'autres races peuvent être dangereux, etc. En outre, l'interdiction purement et simplement de certaines races pourrait être confrontée au problème de non-respect du principe de proportionnalité. Cette mesure, en effet, est-elle proportionnée par rapport au but recherché?

Outre les problèmes de proportionnalité, les mesures d'interdiction de certaines races posent une autre question: celle de l'égalité devant la loi; n'y a-t-il pas une discrimination à réglementer la possession de certaines races de chiens et pas d'autres?

Comme pour toute question d'égalité, il s'agit de déterminer si la mesure discriminatoire est fondée sur un critère objectif et raisonnable. Le caractère objectif est évident, c'est la race du chien; quant au caractère raisonnable, il semble renvoyer au même problème que celui de la proportionnalité: il implique une certaine forme d'appréciation.

Savoir si la distinction selon la race respecte ou non le principe d'égalité revient donc à savoir s'il est raisonnable de considérer une race comme plus dangereuse qu'une autre. C'est tout le problème.

Les mêmes critiques peuvent être apportées à une réglementation communale qui imposerait l'interdiction de certains chiens en ne se basant que sur le poids ou la taille de l'animal.

Dès lors, il nous semble important de trouver d'autres solutions. On pourrait ainsi imaginer l'interdiction sur le territoire communal de tous les chiens potentiellement dangereux et de définir ce qu'on entend par "chiens potentiellement dangereux". Dans ce cas, la difficulté réside dans la définition de cette catégorie de chiens. Certaines définitions pourraient recouvrir une portée floue ou trop large. En effet, sur base de certaines définitions, tous les chiens pourraient rentrer dans la définition, ce qui serait contraire au principe de proportionnalité. Pour d'autres définitions, ce ne sera qu'après avoir "agressé" un humain ou un autre animal domestique que le chien sera considéré comme dangereux, et donc cela n'aurait aucun but préventif.

Une autre possibilité serait d'interdire les chiens dressés à l'attaque, à l'exception des chiens policiers, des chiens des agents de gardiennage, etc. en activité ou à la "pension". Cette solution permettrait de ne pas appliquer la liste des chiens dits dangereux, liste qui ne semble pas adéquate à la situation et cela permettrait aussi de ne pas prendre des mesures disproportionnées, telles que l'interdiction de tous les chiens sur le territoire communal.

2.2. Mesures autres que l'interdiction

Pour plus de garanties de proportionnalité, la commune pourrait imposer d'autres mesures que l'interdiction à l'encontre de certains chiens.

On pourrait ainsi envisager, comme de nombreuses communes l'ont déjà prévu dans leur règlement communal, d'imposer, en agglomération et hors agglomération lorsque des rassemblements de personnes se déroulent à la suite d'évènements folkloriques ou festifs, la laisse à tous les chiens et le port de la muselière pour les chiens dits dangereux. Sur ce point, nous attirons votre attention sur le fait qu'imposer la laisse dans tous les lieux publics quels qu'ils soient et où qu'ils se situent nous semble poser une question particulière de proportionnalité. En effet, une telle disposition ne permettrait pas de modaliser la possibilité d'assurer aux chiens dont la constitution l'exige, un exercice physique suffisant. Par ailleurs, pour certains chiens, des exercices se déroulent dans des lieux accessibles au public et éventuellement, pour certains sur la voie publique et ce, le cas échéant, sur la base de lois spécifiques; on pense ici aux exercices pour les chiens de sauvetage, les chiens pisteurs ou encore les chiens de chasse.

Il serait également possible de prévoir dans un règlement communal qu'à tout le moins tout détenteur d'un chien dit dangereux doit clôturer son jardin en fonction de la taille et de la force de son chien. Remarquons que cette disposition ne pourra pas être contraire aux éventuelles prescriptions urbanistiques.

2.3. Règles à respecter lors de l'adoption d'un règlement communal

Nous insistons sur le fait que les mesures qui seront ainsi prévues dans le règlement communal devront:

- être prises pour mettre fin à un (risque de) trouble à l'ordre public et donc à la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publiques; ainsi, imposer dans un règlement communal à tout détenteur de chiens de souscrire une assurance responsabilité civile n'est pas envisageable;

- respecter le principe de proportionnalité. Selon le principe de proportionnalité, toute mesure de police, c'est-à-dire toute mesure portant des limitations aux droits et libertés, doit être proportionnée au trouble effectivement constaté ou au risque de trouble raisonnablement apprécié. Ainsi, imposer le port de la muselière à tous les chiens serait disproportionné ou encore imposer à tout détenteur de chiens d'aller à des cours d'obéissance.

3. Mesures applicables au cas par cas

Pour rappel, le bourgmestre dispose d'une compétence de police administrative générale qui est quasiment toujours de portée individuelle. Cela signifie qu'il ne peut prendre que des mesures ponctuelles, et donc applicables:

-   à une seule personne, ou à un nombre très restreint de personnes;
-   en un endroit bien précis de la commune, endroit où le trouble se produit ou peut se produire;
-   et pour une durée déterminée ou déterminable.

L'action du bourgmestre se traduira par l'adoption d'"arrêtés de police". Ces termes ne sont pas repris dans la loi elle-même - l'article 133, al. 2 NLC ne parle que d'un pouvoir d'"exécution" - mais ressortent d'une doctrine et d'une jurisprudence constante. Les arrêtés viseront les articles 135, par. 2 et 133, al. 2 NLC. Le cas échéant, le bourgmestre pourra se baser également sur un règlement de police du conseil communal.

Ainsi, il est possible qu'un bourgmestre prenne, par arrêté de police, toute mesure qu'il juge nécessaire pour s'assurer que tel ou tel chien en particulier, dont on a constaté qu'il présentait un danger en raison de son comportement agressif, soit rendu inoffensif. Sur ce point, nous attirons votre attention sur le fait que la loi du 14 août 1986 en son article 1er interdit les actes "qui ont pour but de faire périr inutilement un animal". Ainsi, imposer l'euthanasie d'un chien pour la simple raison que celui-ci aboie la journée, serait une mesure disproportionnée et par ailleurs contraire à la loi de 1986.

A titre exemplatif, mais rappelons que cela se fera au cas par cas, on pourrait imaginer un arrêté de police qui impose au détenteur de tel chien en particulier de veiller à le maintenir en lieux clos et de ne le promener qu'attaché en laisse et muni d'une muselière. Une autre mesure qui pourrait être envisagée serait l'imposition d'une clôture adaptée à la taille et à la force du chien. Dans certains cas, il pourrait également être imposé le recours à des cours de dressage ou encore à présenter le chien à un vétérinaire ou comportementaliste afin de trouver une solution adéquate pour ce chien.

Afin d'être complet, nous vous rappelons la procédure à suivre pour l'adoption d'un tel arrêté de police:

1. constatation du danger et de l'étendue du (risque de) trouble, par le bourgmestre personnellement, ou sur base d'un rapport des services de police, ou sur base de plaintes concordantes du voisinage;

2. prise de contact avec le propriétaire du chien afin de lui permettre de faire valoir ses moyens de défense et de se concerter sur les possibilités de mettre fin au problème "à l'amiable" (cette étape de la procédure peut être omise en cas d'impérieuse urgence);

3. si les contacts préalables avec l'intéressé ne donnent pas de résultats satisfaisants, le bourgmestre prend un arrêté de police donnant ordre aux personnes concernées de prendre, dans un délai qu'il juge raisonnable, les mesures utiles pour faire cesser le trouble constaté. Nous conseillons au bourgmestre de déjà régler dans son arrêté la suite de la procédure et spécifier que si la situation perdure à l'issue du délai déterminé, les mesures prévues seront prises à l'initiative de l'autorité communale, même contre le gré de l'intéressé. Cette manière de faire évitera au bourgmestre de devoir prendre un second arrêté réglant l'exécution du premier;

4. l'arrêté de police doit être notifié à l'intéressé.

4. Contrôle et sanctions

4.1. Des règlements

Deux catégories de personnes sont compétentes pour constater les infractions au règlement de police, à savoir:

- les services police;
- les agents constatateurs (si la commune a décidé d'appliquer le système des sanctions administratives communales).

Les communes ont la possibilité d'assortir leurs règlements de police:

- soit de peines de police (pour rappel, les peines de police prendront la forme d'une amende de maximum 125 euros - C. pén., art. 38 - ainsi que celle d'une peine d'emprisonnement d'un à sept jours - C. pén., art. 28. Il convient de rappeler que la constatation d'une peine de police se fera par les services de police, que les poursuites seront faites par le parquet et que le jugement de l'affaire sera confié au juge de police);

- soit de sanctions administratives (pour rappel, la loi prévoit quatre types de sanctions administratives: l'amende administrative, la suspension administrative d'une autorisation ou d'une permission délivrée par la commune, le retrait administratif d'une autorisation ou d'une permission délivrée par la commune et la fermeture administrative d'un établissement à titre temporaire ou définitif). En l'espèce ce sera l'amende administrative qui sera appliquée.

4.2. Des arrêtés de police

Aucune sanction ne peut être prévue en cas de non-respect de mesures imposées par un arrêté de police. Néanmoins, il peut être prévu qu'en cas d'inaction de l'intéressé la commune agira en lieu et place de celui-ci et aux frais de celui-ci.

Sur ce point, rappelons que le pouvoir de l'autorité communale de procéder d'office en cas d'inaction de la personne requise n'est pas contesté, mais il convient de rappeler que le remboursement des frais à charge de la personne concernée n'est pas garanti. En effet, en cas de refus de payement, les communes peuvent décider de poursuivre en justice la récupération des sommes. La jurisprudence en cette matière est variable, certains juges estiment que la commune ne peut obtenir remboursement parce qu'en agissant en lieu et place d'une personne défaillante, elle ne fait que mettre en oeuvre sa mission de police administrative, laquelle doit être financée par le budget communal.

Remarquons que seuls les frais exposés par la commune peuvent être mis à charge de la personne concernée. Prévoir que ces frais seront majorés d'un pourcentage destinés à couvrir les frais administratifs est, selon nous, illégal.

5. La saisie administrative d'un chien

La question que l'on pourrait se poser est de savoir si la saisie administrative d'un animal est envisageable à titre de sanction d'une infraction au règlement de police.

En vertu de l'article 119bis de la nouvelle loi communale, le conseil communal ne peut assortir ses règlements que de peine de police ou d'une des sanctions administratives que cet article énumère (en l'occurrence, l'amende administrative) et donc pas de la saisie de l'animal.

Néanmoins, nous attirons votre attention sur l'article 30 de la loi sur la fonction de police qui permet la saisie administrative, par un fonctionnaire de police, dans les lieux accessibles au public, de tout objet ou animal qui présente un danger pour la vie et l'intégrité physique des personnes et la sécurité des biens.

Ainsi, la saisie administrative constitue une mesure de police et non une sanction.

En outre, dans le cadre de sa mission de maintien de l'ordre public, la commune a le pouvoir de prendre, sur base de l'article 135 NLC, toute mesure quelle qu'elle soit de nature à faire cesser le (risque de) trouble à l'ordre public.

Dès lors, un règlement communal pourrait prévoir la possibilité à titre de mesure de police, de saisir, tout animal présentant des signes d'agressivité.

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  1. Arrêt du 31.5.1999, n° 80.521.
  2. C.E., 8.5.2001, n°95.192.
  3. American Staffordshire Terrier, English Terrier, Pitbull Terrier, Fila Braziliero, Tosa Inu, Akita Inu, Dogo Argentino, Bull Terrier, Mastiff, Ridgeback Rhodesian, Dogue de Bordeaux, Band Dog, Rottweiler.
  4. L. 14.8.1986 rel. à la protection et au bien-être des animaux (M.B. 3.12.1986).

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Date de mise en ligne
20 Janvier 2005

Auteur
Sylvie Smoos

Type de contenu

Matière(s)

Police administrative
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