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Mis en ligne le 26 Février 2019

Introduction

Les jeux de hasard intéressent les communes qui sont souvent sollicitées par les organisateurs de tombolas et bingos, en vue de l’obtention d’autorisations, ou encore par la Commission des jeux de hasard dans le cadre de l’exploitation de jeux dans les débits de boissons.

La matière a évolué à tel point qu’aujourd’hui la notion de jeux de hasard et de loteries n’est plus claire dans l’esprit des agents communaux en charge de ces demandes. Nous proposons un tour d’horizon afin de rappeler aux communes dans quelle mesure elles devront intervenir et surtout, quelle règlementation elles devront appliquer pour traiter et classer les multiples demandes.

Les jeux de hasard

Définition

Depuis déjà quelques années, une législation concernant les jeux de hasard régit la matière. Depuis 1999, cette loi définit précisément ce que le législateur entend par « jeu de hasard ».

Le jeu de hasard est défini comme « tout jeu pour lequel un enjeu de nature quelconque est engagé, ayant pour conséquence soit la perte de l'enjeu par au moins un des joueurs, soit le gain de quelque nature qu'il soit, au profit d'au moins un des joueurs, ou organisateurs du jeu et pour lequel le hasard est un élément, même accessoire, pour le déroulement du jeu, la détermination du vainqueur ou la fixation du gain »

La doctrine dégage une série d’éléments indispensables à la classification d’une activité sous cet acronyme[1]. Ainsi, il est indispensable qu’un enjeu soit identifié, à savoir une mise engagée par le joueur. Cet enjeu peut être de valeur patrimoniale, il ne doit pas nécessairement correspondre à une somme d’argent, mais doit au moins être susceptible de transfert. Il ne peut s’agir d’un intérêt purement moral par exemple[2].

Ensuite, il est nécessaire qu’une perte ou un gain découle du jeu. Il s’agit du résultat direct corollaire au résultat du jeu pour l’autre partie (gain et perte)[3]. Une soirée de black jack gratuite n’est par exemple pas considérée comme un jeu de hasard[4].

Le hasard est enfin déterminant. Il importe que le hasard soit prépondérant dans la détermination du résultat du jeu pour que ce dernier soit considéré comme un jeu de hasard. C’est sur cette dernière notion que la controverse est née concernant le jeu de bingo. Nous y reviendrons par la suite.

Exceptions

Dans la catégorie large des jeux de hasard définie par la loi, une série d’exceptions sont identifiées. Dans la mesure où les jeux de hasard sont interdits sans licence, il est évident que cette liste reste essentielle sous peine de voir un grand nombre d’activités interdites ou soumises à l’accord de la Commission des jeux de hasard.

L’article 3 de la loi nous indique que ne sont pas soumis à la règlementation :

-  L’exercice des sports

Les travaux parlementaires[5] nous éclairent toutefois en ces termes « Le sport doit à cet égard être défini comme une activité physique exercée à titre de détente ou professionnel, comportant un aspect de jeu ou de compétition, qui exige ou stimule la condition physique et l’adresse et pour laquelle des règles déterminées s’appliquent. La commission des jeux de hasard apprécie elle-même, sur la base de critères objectifs, quand une activité peut être considérée comme un sport. Pour ce faire, elle se basera principalement sur la liste des fédérations sportives agréées bien qu’elle n’y soit pas tenue. L’exercice des sports ne peut être considéré comme un jeu de hasard bien que la condition de hasard joue également ainsi que les éventuelles primes en cas de victoire. »

Les jeux offrant au joueur ou au parieur comme seul enjeu le droit de poursuivre le jeu gratuitement, et ce cinq fois au maximum

-  Enfin viennent « les jeux de cartes ou de société pratiqués en dehors des établissements de jeux de hasard de classe I et II, à l'exception des jeux de cartes ou de société, pratiqués dans des établissements de jeu de hasard de classe III qui utilisent un appareil,  les jeux exploités dans des parcs d'attractions ou par des industriels forains à l'occasions de kermesses, de foires commerciales ou autres et en des occasions analogues, ainsi que les jeux organisés occasionnellement et tout au plus quatre fois par an par une association locale à l'occasion d'un événement particulier ou par une association de fait à but social ou philanthropique ou par une association sans but lucratif au bénéfice d'une oeuvre sociale ou philanthropique, et ne nécessitant qu'un enjeu très limité et qui ne peuvent procurer, au joueur ou au parieur, qu'un avantage matériel de faible valeur. »[6]

À nouveau, la lecture des commentaires du législateur nous confirme que « L’avant-projet de loi entend également apporter une plus grande clarté concernant un certain nombre d’activités réalisées dans le cadre de la vie associative ou qui poursuivent un but purement social. Plus précisément, il est prévu que les jeux de hasard qui se déroulent de manière occasionnelle et qui sont organisés par une association de fait à finalité sociale ou philanthropique ou une association sans but lucratif au bénéfice d’une œuvre sociale ou philanthropique, tombent en dehors du champ d’application de la loi. »[7]

« Par ”occasionnelle”, on entend juridiquement maximum quatre fois par an. Cette exception vise dès lors uniquement les organisations d’amateurs dans le cadre d’événements particuliers et non les organisations structurées d’événements. Pensons à titre d’illustration à des événements particuliers comme les courses d’ânes, les concours d’oiseaux chanteurs, les colombophiles qui engagent des paris sur leurs propres pigeons. Cette forme de plaisir populaire doit continuer à exister. »[8]  

Le principe : une interdiction

La loi sur les jeux de hasard semble a priori claire. Pas question d’exploiter ou d’organiser un jeu répondant à la définition précitée, en dehors des exceptions que nous venons d’énumérer, sans recevoir une licence de la Commission des jeux de hasard.

On distingue 9 licences différentes pour 4 classes d’établissements[9].

Ainsi on retrouve :

-        les licences en vue d’exploiter des casinos (établissements de classe I)

-        les licences en vue d’exploiter des salles de jeux (établissements de classe II)

-        les licences en vue d’exploiter des jeux dans les débits de boissons (établissements de classe III)

-        et enfin, les licences en vue d’exploiter des lieux de paris (établissements de classe IV).

La Commission des jeux de hasard est quant à elle un organe installé auprès du Service public fédéral Justice. Il s’agit d’un organisme d'avis, de décision et de contrôle en matière de jeux de hasard.

Elle est composée de 12 membres et comprend  - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre de la Justice - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre des Finances - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre des Affaires éconoarmiques - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre de l'Intérieur  - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre de la Santé publique - un représentant francophone et un représentant néerlandophone du ministre qui a la Loterie Nationale dans ses attributions.

Elle dispose d’un secrétariat dont les membres ont la qualité d'officier de police judiciaire, en vue de la recherche et de la constatation des infractions à la loi sur les jeux.  Ces agents disposent d’une série de pouvoir d’enquête et peuvent notamment pénétrer à toute heure du jour ou de la nuit dans les établissements, espaces, endroits où se trouvent des éléments du système informatique utilisés pour l'exploitation de jeux de hasard, saisir tous les objets, et plus particulièrement les documents, les pièces, les livres et les jeux de hasard qui peuvent servir de pièce à conviction concernant une infraction à la loi[10].

À défaut de poursuite pénales, des amendes administratives pourront être infligées également par la Commission des jeux.

Les loteries

Les loteries sont-elles des jeux de hasard au sens de loi ?

Une difficulté surgit quand il s’agit de qualifier les loteries. En effet, il existe également un régime juridique (la loi sur les loteries[11]) propre à ces dernières. La qualification est donc essentielle pour déterminer le régime juridique applicable.

Rappelons tout d’abord que la loi sur les jeux de hasard excepte de son champ d’application les jeux organisés occasionnellement par une association locale à l'occasion d'un événement particulier ou par une association de fait à but social ou philanthropique ou par une association sans but lucratif au bénéfice d'une œuvre sociale ou philanthropique, d’enjeu faible.

Dans le cadre de cette exception, le législateur a pris le soin de préciser dans son commentaire le plus récent de la loi que « Les limitations introduites dans cet article n’ont évidemment pas trait aux différentes formes de loterie organisées par des associations diverses (on songe ici à une tombola au sein d’une école). En effet, conformément à l’article 3bis de la loi du 7 mai 1999, ces loteries tombent hors du champ d’application des jeux de hasard et sont encore toujours réglementées par la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries et par les articles 301, 302, 303 et 304 du Code pénal. Les loteries au sens strict du terme ne sont pas considérées comme des jeux de hasard. »[12]

Selon le législateur toujours, « La différence pratique entre un jeu de hasard et une loterie consiste en le fait qu’un jeu de hasard requiert la collaboration effective des participants tandis que, pour une loterie, le participant se borne à acheter un billet de loterie et à vérifier par après s’il a gagné ou perdu.[13] La participation du joueur serait donc le critère déterminant.

Le législateur est cohérent jusqu’ici puisque l’une des premières versions de la loi de 1999 prévoyait jusqu’en 2010, en son article 3 « Ne sont pas des jeux de hasard au sens de la présente loi :  … 4. Les loteries au sens de la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries, de la loi du 22 juillet 1991 relative à la Loterie nationale et des articles 301, 302, 303 et 304 du Code pénal. »

Le Conseil d’état avait, quant à lui, rendu un avis un peu différent sur la loi de 1999 considérant que « Telle qu’elle est formulée, la définition du jeu de hasard donnée par cette disposition comprend également les loteries. Celles-ci font cependant l’objet d’autres dispositions légales que la présente proposition ne tend pas à modifier ou à abroger. »[14]

L’article 3bis de la loi sur les jeux de hasard, introduit en 2002, rappelle que la loi ne s'applique pas aux loteries au sens de la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries et des articles 301 et suivants du Code pénal, ni aux loteries publiques et concours[15].

En suivant cet article, le législateur semble revenir sur son avis global et aller dans le sens du Conseil d’état considérant que la loterie entre en réalité dans la définition du jeu de hasard. La distinction entre les deux notions est toutefois très fictive[16]. Cependant, si les loteries n’étaient pas des jeux, il était alors inutile de prévoir expressément l’exception en l’article 3bis de la loi[17]. La version ancienne de l’article semblait plus cohérente avec le discours du législateur.

Bref, à la question « La loterie est-elle un jeu de hasard à régime spécifique ou n’est-elle simplement pas un jeu de hasard au vu de la présumée passivité du joueur ? », nous ne pouvons répondre que par un malheureux « oui, non, peut-être ». Voyons en pratique, s’il faut donner tant d’importance que cela à la controverse.

Qu’est-ce qu’une loterie ?

Quelle que soit l’option prise, tout le monde semble à tout le moins d’accord sur le fait que la loterie fait l’objet d’un régime dérogatoire, contenu à la fois dans le code pénal et dans la loi sur les loteries du 31 décembre 1851[18].

Commençons donc par les définir. Selon le code pénal, « Sont réputées loteries, toutes opérations offertes au public et destinées à procurer un gain par la voie du sort. »[19]

Il faut donc commencer par identifier une opération, une organisation, accompagnée de publicité et concrétisée par un tirage pour considérer que l’on se trouve bien face à une loterie[20].

L’opération en question doit ensuite être offerte au public. Ne sont pas visées, les organisations propres à la famille ou en cercle très restreint et non public. Attention toutefois, l’accès à la loterie sera considéré comme public même s’il existe une série de conditions pour bénéficier du droit d’entrée[21].

Enfin, un gain doit ici aussi être prévu (en argent, en bons d’achat, en produits, en services, etc.), et ce dernier doit intervenir par la seule voie du sort[22]. Dans une loterie, le gagnant est uniquement désigné par le sort et aucune action ou collaboration de sa part n’est requise. Cela implique en pratique l’absence de toute influence des aptitudes personnelles du participant dans la détermination du résultat[23].

Qu’elles soient gratuites ou payantes importe peu car la loi ne précise rien sur ce point. La définition de la loterie, à la différence des jeux de hasard ne requiert pas l’exigence d’un enjeu, donc d’un risque ou d’une perte[24].

Régime juridique applicable aux loteries ?

Le principe en matière de loterie est ici aussi simplement celui de l’interdiction[25]. Le code pénal est par ailleurs assez strict puisqu’il prévoit que les auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés ou agents de loteries non autorisées légalement, seront punis d'un emprisonnement et d’une amende[26]. Il en va de même pour « ceux qui auront placé, colporté ou distribué des billets de loteries non autorisées légalement ; ou qui par des avis, annonces, affiches ou par tout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence de ces loteries ou facilité l'émission de leurs billets. »

Si les loteries sont prohibées, il n’en reste pas moins que l’article 7 de la loi de 1851 sur les loteries (précitée) prévoit un régime d’exception.

Ainsi, le législateur tolère l’organisation d’une série de loteries. Il s’agit de celles exclusivement destinées à des actes de piété ou de bienfaisance, à l'encouragement de l'industrie ou des arts, ou à tout autre but d'utilité publique. Toutefois, ces loteries doivent faire l’objet d’une autorisation délivrée par le collège communal, si l'émission des billets n'est faite et annoncée que dans la commune, et n'est publiée que dans les journaux qui s'y impriment.

Par contre, si la loterie se déroule dans plusieurs communes, il sera fait appel au collège provincial et enfin, si plusieurs provinces sont concernées, c’est au Gouvernement qu’il reviendra de l’autoriser.

Type de loterie spécifique : la tombola

La tombola est définie par le dictionnaire Larousse comme une « loterie où chaque gagnant reçoit un lot en nature. » Les tombolas sont donc des loteries dans tous les sens du termes et sont soumises à la loi de 1851 et au régime juridique des loteries tel qu’énoncé juste avant.

Les demandes d’organisation des tombolas sont fréquentes dans les communes wallonnes. Nous savons que la tombola peut être autorisée par la commune si elle est destinée à des actes de piété ou de bienfaisance, à l'encouragement de l'industrie ou des arts, ou à tout autre but d'utilité publique. Comment définir toutefois ces exceptions ?

Une circulaire du 31 octobre 1996, relative aux bingos, et malheureusement abrogée entièrement, nous éclairait sur la manière d’apprécier l’exception prévue par la loi. Dans le point suivant, nous comprendrons mieux pourquoi le législateur a remplacé et abrogé sa circulaire mais, pour ce qu’elle prévoyait concernant l’application de la loi sur les loteries, elle pourrait à notre sens continuer de nous aiguiller.

Ainsi, la circulaire recommandait aux communes de ne considérer que les demandes qui émanent d’asbl ou d’établissements d’utilité publique, dont le statut est publié depuis minimum 5 ans dans les Annexes du Moniteur belge ou approuvés par Arrêté royal depuis au moins ce même délai.  Les firmes commerciales sont donc exclues d’office de l’exception.

La circulaire nous donne ensuite une liste de documents devant faire partie du dossier demande, et pouvant donc légitimement être exigés par les communes ou les provinces délivrant une autorisation. Il s’agit notamment :

-        des statuts de l’association

-     d’une déclaration signée d’un mandataire certifiant que les bénéfices de la tombola seront affectés exclusivement au but poursuivi

-        des bilans comptables et des comptes de résultats des deux années précédant la demande

-        de l’estimation des frais et des bénéfices de la tombola

-        des résultats de la tombola précédente, si elle a eu lieu

-        du but et de la durée de la tombola.

Cette liste reste parfaitement indicative et la commune ou la province reste bien entendu libre d’être moins exigeante, d’autant plus que, pour rappel, la circulaire a été abrogée faute de ne viser que l’organisation des bingos.

Enfin, l’ancienne circulaire insistait sur l’importance d’une organisation propre de la tombola par l’association demanderesse, et ce assez logiquement afin d‘éviter de délivrer des autorisations à de simples promoteurs. Il nous semble que ces critères restent applicables malgré l’abrogation de la circulaire, à tout le moins pour l’application du régime général des loteries et tombolas « classiques ». Voyons en quoi ce régime pose problème, s’agissant d’organiser des jeux de bingo.

Le cas particulier des bingos

Le bingo peut tout d’abord être considéré comme une machine à sous. Il s’agit souvent du jeu de flipper mis à disposition dans les débits de boissons. Dans cette première acception, il s’agit uniquement d’un jeu de hasard. Une licence devra donc être délivrée par la Commission des jeux vers qui la commune renverra systématiquement les demandes[27].

Ces derniers temps, certaines communes ont également vu fleurir des demandes concernant l’organisation de jeu de bingo « à l’américaine », à savoir le jeu apparenté à un loto dans lequel les joueurs notent une série de numéros tirés au sort sur des cartes spécialement imprimées à cet effet. Dans ce jeu, le premier joueur à obtenir un schéma précis sur l'une de ces cartes est le gagnant et crie le mot « Bingo ! ».

Entendu dans ce deuxième sens, le bingo pose beaucoup de questions. À nouveau, il doit être qualifié afin de connaître le régime juridique qui s’y applique. Depuis longtemps considéré comme une tombola par la Cour de cassation, le bingo était soumis au régime juridique de la loi de 1851 développé ci-avant et, dès lors, son organisation devait faire l’objet d’une autorisation communale.

Rappelons-nous que pour le législateur la participation du joueur semble être le critère déterminant pour qualifier un jeu de jeu de hasard plutôt que de loterie.[28]

Dans son arrêt du 3 mai 1993[29], la Cour de cassation a estimé que la collaboration du joueur pour faire reconnaître sa désignation en tant que gagnant, alors que cette désignation est bien le fait du hasard, n’enlève pas au bingo les caractères d’une loterie, à savoir l’absence de participation et l’unique effet du sort comme détermination du gagnant. La Cour de cassation estime donc que le hasard est déterminant et suffit à considérer que le bingo est une loterie.

L’ancienne circulaire du 31 octobre 1996 précitée, et relative au bingo, va dans ce sens. Elle rappelle même aux communes dans quelle mesure il convient de classer les demandes et d’accorder les autorisations, comme nous l’avons vu au point précédent.

La doctrine est venue contrarier un rien l’édifice ainsi construit en considérant que « L’ancienne thèse de droit pénal qui considérait les lotos comme des loteries ne vaut plus » Selon certains auteurs donc, le loto est un jeu de hasard et, par conséquent, le bingo aussi.[30]

Le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, a récemment abondé dans ce sens, décidant d’abroger l’ancienne circulaire de 1996 sur les bingos le 5 décembre 2017[31].

La circulaire, après avoir rappelé les conditions de qualification propres à un jeu de hasard et propres à une loterie vues ci-avant[32], considère que le bingo ne peut en principe être proposé qu'avec une autorisation ou une permission valable issue de la Commission des jeux de hasard.

Les organisateurs de bingos doivent donc, pour rester conforme à la légalité, soit disposer d’une licence délivrée par la Commission des jeux de hasard, soit se prévaloir auprès de cette même Commission de l’exception prévue à l’article 3.3 de la loi et vue ci-avant, cette même exception considérée par le législateur comme ne visant pas les loteries soumises à la loi de 1851.

La commune n’est donc plus censée intervenir dans ce type de demandes, contrairement aux cas des demandes portant sur les tombolas. Les demandes d’organisation de bingo sont à renvoyer vers la Commission des jeux de hasard.

Qu’en est-il des concours ?

Qu’est-ce qu’un concours ?

Le concours se distingue encore des loteries et des jeux de hasards. Il s’agit d’un jeu ou d’une opération aléatoire certes, mais dont les participants sont en mesure d’influencer les résultats par leurs capacités artistiques, physiques ou intellectuelles, sans que soit nécessairement exclue une part de hasard[33].

Dans le cadre d’un concours, la part de hasard ou d’aléa doit rester très accessoire. Il revient exclusivement à la Commission des jeux de hasard et au juge de l’évaluer et de requalifier, le cas échéant, le concours en jeu.

La jurisprudence tolère toutefois qu’un jeu soit qualifié de concours, alors qu’une intervention du joueur très limitée est prévue. Ainsi, il y aurait bien concours chaque fois que la réponse correcte à une question n’est pas certaine à 100 %, même si elle est empreinte d’un degré de facilité important[34].

De même, le recours au hasard est admis pour évaluer les participants. Les concours pourvus de questions subsidiaires du type « à combien estimez-vous le nombre de participants aux concours ? » sont admises pour autant que les autres questions permettent de réaliser une première sélection significative[35].

Les concours sont autorisés

La qualification d’un jeu en concours est essentielle dans la mesure où la grande différence entre les concours, les jeux de hasard ou les loteries réside dans la légalité et la liberté des concours.

Ainsi, aucune autorisation n’est nécessaire en vue d’organiser un concours qui répond bien à la définition exposée au point précédent[36].

Avis du bourgmestre et débit de boisson

Le principe d’un avis du bourgmestre pour l’exploitation de certains jeux de hasard

L'arrêté royal du 22 décembre 2000 relatif au fonctionnement et à l'administration des établissements de jeux de hasard de classe III - à savoir les débits de boissons -, aux modalités des demandes et à la forme de la licence de classe C[37], précisait en son article premier que la demande de licence de classe C est introduite via un formulaire spécifique.

C'est dans le modèle de formulaire de demande d'autorisation annexé à l'arrêté royal précité qu'il était indiqué que « en annexe (de la demande), il convient de joindre un avis du bourgmestre de la commune/ville où l'établissement de jeux de hasard est exploité, disposant que toutes les conditions légales sont remplies au niveau de l'exploitation du débit de boissons. » 

Depuis le 10 novembre 2018, la demande d'une licence de classe C doit être accompagnée du document-type "Avis du bourgmestre sur les établissements de jeux de hasard de classe III ", complété et signé dans une nouvelle forme. Cette mention intervient directement dans le texte de l’arrêté royal précité. Le mécanisme est désormais bien établi et prévu légalement, et le demandeur de licence ne pourra donc plus se dispenser de demander un avis positif du bourgmestre auprès de la commune. 

En l'absence d'avis dans un délai de deux mois à compter de la date de l'envoi ou de la date de l'accusé de réception par la commune, l'avis de la commune est réputé positif et la procédure peut être poursuivie. Dans ce cas, il revient au demandeur de joindre cette demande d'avis à la demande de licence, ainsi que la preuve de la date d'introduction de la demande d'avis. 

Le texte de l’arrêté royal modificatif paru le 31 octobre 2018 prévoit que « Si la commune a des objections motivées concernant le placement de maximum deux jeux de hasard automatiques et deux jeux de hasard automatiques avec mise limitée sur la base des procès-verbaux visés dans le document-type joint en annexe III, la Commission des jeux de hasard ne peut délivrer de licence de classe C. » 

Quel type d'avis doit être remis ?

L’ancien modèle prévu par arrêté royal était très limité. La Commission nous précisait dès lors que ne devaient y être référencées que les questions liées à la personne du demandeur.

La Commission prend en compte un avis faisant état de l'existence de procès-verbaux établis par la police pour l'un ou l'autre fait punissable administrativement ou pénalement, par exemple. D'autre part, elle prendra en compte les avis portant sur les compétences de la commune.

L'on vise alors tout ce qui concerne les conditions de moralité et d'hygiène contenues dans les dispositions légales concernant les débits de boissons fermentées, coordonnées le 3 avril 1953 et dans la loi du 28 décembre 1983 sur la patente pour le débit de boissons spiritueuses, mais également tout ce qui concerne les autorisations et réglementations communales en matière de sécurité incendie.

Le nouveau modèle fait état de ces mentions mais omet toutefois d’inclure les constats dressés par les agents constatateurs. Dès lors, on peut considérer que la Commission des jeux ne prendra en compte que les infractions les plus graves ayant fait l’objet de PV policiers uniquement. La commune peut toujours, dans le respect du RGPD, aller plus loin dans son analyse de la situation, afin d’informer l’instance d’éventuels éléments complémentaires de nature à l’éclairer sur la situation du demandeur.[38]

Résumé

Résumé


[1] Voyez, D., Philippe, J-F., Libert et L-A., Nyssen, « les jeux de hasard en droit belge » in, Droit des jeux de hasard, Bruxelles, Larcier, 2018 p. 73 et s.

[2] L., Georgis, « Loteries, jeux de hasard et concours, Etat de la question », in Retail, aperçu juridique, hommage à André Lombart, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 174.

[3] D., Philippe, J-F., Libert et L-A., Nyssen, Ibid., p. 79.

[4] Commission des jeux de hasard, FAQ, « Puis-je organiser un bingo ? ».

[5] Projet de loi portant modification de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, 15.5.2009, doc n°1992/001.

[6] Article 3.3 de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, M.B., 30.12.1999

[7] Projet de loi portant modification de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, 15.5.2009, doc n°1992/001, p.13.

[8] Idem.

[9] Pour un aperçu complet des licences voyez : D., Philippe, J-F., Libert et L-A., Nyssen, « les jeux de hasard en droit belge » in, Droit des jeux de hasard, Bruxelles, Larcier, 2018 p. 73 et s.

[10] Articles 9 à 24 de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, op. cit.

[11] Voir ci-après

[12] Projet de loi portant modification de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, 15.5.2009, doc n°1992/001, p. 17.

[13] Idem.

[14] CE, avis sur doc. Sénat, (1995-1996), nº 1-419/1, 15 janvier 1997.

[15] Art. 39 de la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie nationale modifiant la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, M.B., 4.52002.

[16] La participation du joueur serait le seul point d’accroche pour distinguer les deux notions. Pour un avis, voyez D., Philippe, J-F., Libert et L-A., Nyssen, « Les jeux de hasard en droit belge » in, Droit des jeux de hasard, Bruxelles, Larcier, 2018 p. 93.

[17] K., Andries, N., Carette, N., Hoekx, Les jeux et paris, Bruxelles, Larcier, 2008 p. 134.

[18] M.B., 7.1.1852.

[19] Article 301.

[20] Cass., 13.3.1939 et L., Georgis, « Loterie, jeux de hasard et concours, état de la question », in Retail, aperçu juridique, hommage à André Lombart, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 171.

[21] Cass., 4.3.2003, Pas. 2003 p. 448.

[22] Cass 30.9.1988, Pas. 1988, p. 113.

[23] L., Georgis, Op. Cit., p. 172.

[24] Idem.

[25] D., Philippe, J-F., Libert et L-A., Nyssen, « Les jeux de hasard en droit belge », Op. Cit, p. 94.

[26] Art. 302.

[27] Voyez toutefois l’un des points suivants concernant le rôle de la commune dans l’octroi de cette licence

[28] « La différence pratique entre un jeu de hasard et une loterie consiste en le fait qu’un jeu de hasard requiert la collaboration effective des participants tandis que, pour une loterie, le participant se borne à acheter un billet de loterie et à vérifier par après s’il a gagné ou perdu. » ; Projet de loi portant modification de la loi du 7.5.1999 sur les jeux de hasard, 15.5.2009, doc n°1992/001, p. 17.

[29] Pas., 1993, I, p. 427.

[30] K., Andries, N., Carette, N., Hoekx, Les jeux et paris, Op. Cit., p. 138.

[31] Circulaire bingo : Compétence de la Commission des jeux de Hasard, 5.12.2017.

[32] L’absence d’enjeu est admise pour les loteries et la seule voie du sort détermine le gain sans participation active du joueur.

[33] L., Georgis, Op. Cit., p. 189.

[34] Idem.

[35] Gand 8.2.2001, ann. Prat. Comm., 2001, p. 414.

[36] Sous réserve de l’application de législation spécifique concernant les médias de radio et télévision et, notamment, la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques et de l’arrêté royal du 9 février 2011 établissant le Code d’éthique pour les télécommunications.

[37] M.B.,

[38] www.uvcw.behttp://www.uvcw.be/articles/33,196,41,41,5827.htm

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Date de mise en ligne
26 Février 2019

Auteur
Ambre Vassart

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Police administrative
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