Intégrer les principes et règles de l’e-Gouvernement
1. De l’e-Gouvernement en Belgique…
Le recours, de plus en plus intensif, aux technologies de l’information et de la communication s’est imposé dans tous les secteurs, y compris le secteur public. Il s’est généralisé au travers de ce que l’on appelle l’e-gouvernement ou le gouvernement électronique. Ces termes désignent « l’usage des technologies dans l’administration »[1]. De manière plus complète, « [u]n e-gouvernement intégré est un ensemble d'administrations interconnectées et utilisant les technologies de l'information et de la communication afin de réaliser leurs missions et d'offrir, de manière transparente (à travers les différentes administrations concernées), sécurisée et accessible (depuis différents supports - multicanaux) à tous les types d'usagers :
- des informations ;
- la possibilité de procéder à des transactions complètes (de bout en bout ou ‘end-to-end’) ;
- la possibilité de recevoir des droits de manière automatique sans avoir à les demander (attribution automatique de droits) »[2].
L’e-gouvernement n’a donc pas simplement consisté à remplacer les fichiers papier en fichiers électroniques. Il a transformé la manière dont les services publics locaux sont rendus, contrôlés et évalués. L’e-gouvernement permet la simplification des démarches administratives non seulement en faveur des citoyens et des entreprises, mais il doit aussi le faire - c’est important de le dire - en faveur des autorités publiques elles-mêmes. Il faut donc penser et concevoir l’e-gouvernement de manière à ce qu’il profite à tous, y compris aux autorités publiques locales.
Le développement de l’e-gouvernement s’est fait au gré des évolutions technologiques et dans le respect des règles relatives à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel. Comme le dit très clairement Madame Degrave, « longtemps, l’administration était structurée en silos. Les institutions publiques œuvraient de manière cloisonnée, collectaient auprès des citoyens les informations dont elles avaient besoin pour l’exécution de leurs propres missions et ne les partageaient pas ensuite. Il en résultait une perte de temps et d’argent pour l’administration, qui devait contacter chaque personne pour chaque information nécessaire, attendre sa réponse, réclamer éventuellement des précisions, mais aussi pour le citoyen qui était contraint de communiquer de multiples fois la même information aux institutions gérant un dossier à son sujet, d’effectuer des démarches administratives qui impliquaient d’identifier l’administration compétente, de se déplacer, de respecter des horaires stricts et de prendre patience dans les files d’attente. Avec l’apparition de l’informatique, on constate que les administrations peuvent désormais collaborer efficacement. (...) L’informatique rend aisé et rapide l’échange des informations relatives aux citoyens. (...) Pour mettre en œuvre efficacement l’échange des informations entre administrations, la Belgique [s’est engagée] (...) dans un modèle d’organisation administrative (...) [consistant] à mettre en place des réseaux d’administrations au sein desquels un intégrateur de services assure l’échange des données entre les administrations concernées »[3].
Cette manière de concevoir l’e-gouvernement en Belgique entraîne des conséquences au niveau organisationnel et au niveau juridique.
A. D’un point de vue organisationnel
Elle suppose la mise en place d’une part de “sources authentiques” et d’autre part, d’intégrateurs de services. Développons quelque peu ces notions.
Les sources authentiques sont des bases de données regroupées par thématique et dont les données sont considérées comme officielles. Elles sont déjà nombreuses et sont appelées à se développer avec l’intérêt croissant pour les données. L’on citera notamment le registre national, la documentation patrimoniale, la DIV, ICAR, le fichier central de la délinquance environnementale, la Banque-Carrefour des entreprises. Toutes ces sources authentiques constituent autant de données auxquelles il apparaît nécessaire que les communes accèdent pour améliorer la qualité et l’efficacité des services publics locaux.
Les intégrateurs de services sont des entités permettant l’échange de ces données. Ils sont, de manière imagée, des sortes d’autoroutes d’échange de données. Ce sont des prestataires de services informatiques, techniques et organisationnels, institués par les différents niveaux de pouvoirs publics : d’une part, ceux dits « verticaux » ou « sectoriels » comme la Banque-Carrefour de la sécurité sociale, lesquels fonctionnent dans un secteur déterminé pour l’ensemble des autorités ou organismes concernés par ce secteur ; d’autre part, ceux dits « horizontaux », lesquels œuvrent pour des acteurs déterminés. L’on constatera que les premiers intégrateurs de services verticaux ont été créés au début des années nonante alors que les intégrateurs de services horizontaux sont plus récents : 2012 pour l’intégrateur de services flamand[4] et 2013 pour celui wallon[5].
B. D’un point de vue juridique
Ces échanges de données (dont la presque totalité ont un caractère personnel) doivent être encadrés et respecter scrupuleusement les règles relatives à la protection des données à caractère personnel[6]. Le lecteur intéressé consultera utilement la fiche consacrée au RGPD.
Même si la mise en place et le maintien des accès aux sources authentiques paraissent fastidieux et complexes, ils en valent bien la peine. Car de ces accès dépendent l’exercice des missions de services publics des communes et leur efficacité. Plus fondamentalement, le management des données de manière stratégique et optimale est une question de souveraineté. Au 21e siècle, sans les données, il n’est plus possible de gouverner ni de justifier ses missions.
2. … aux concepts de services de confiance[7]
S’il est impératif que la commune ait accès aux sources authentiques et à leurs données pour accomplir ses missions, il est tout aussi primordial que, dans ses relations avec les citoyens et les entreprises, et ce, en vue de proposer des services publics locaux dématérialisés, elle recoure à ce que l’on appelle les services de confiance. Dans le monde physique, la confiance naît des relations humaines vécues en vrai. Dans le monde numérique, cette confiance doit se construire grâce à des services numériques techniquement sûrs et juridiquement garantis. C’est ce que permettent les services de confiance, lesquels ont été encadrés par un règlement européen, le règlement “e-IDAS”[8]. L’objectif principal de ce règlement est de fixer un cadre juridique strict permettant des relations électroniques sûres. Les services de confiance sont la signature électronique, le cachet électronique, l’horodatage électronique, l’envoi recommandé électronique et l’authentification de site internet. Ces services reçoivent ainsi un cadre juridique commun à travers toute l’Union européenne, ce qui devrait faciliter les échanges intra-européens.
Ce cadre juridique européen a été complété en Belgique par le “digital act” intégré dans le Code de droit économique[9]. La Belgique a également prévu des règles également en matière d’archivage électronique[10].
Notons que ce cadre est amené à évoluer puisque durant l’année 2024, l’Europe a adopté un règlement (« e-IDAS 2 ») qui, modifiant le règlement initial, intègre l’obligation pour les Etats membres de proposer un portefeuille d’identité numérique et prévoit de nouveaux services de confiance (attribution électronique d’attributs, archivage et registre électroniques)[11].
Que retenir du règlement e-IDAS?
A. Services de confiance qualifiés et non qualifiés
Il existe plusieurs types de services de confiance qui ont des effets juridiques différents. Retenons que les services qualifiés sont les plus sûrs techniquement et donc également juridiquement parce qu’ils sont très peu contestables. Les services non qualifiés (simples ou avancés) ne sont pas pour autant non validés. Ils ne peuvent en effet être discriminés du fait qu’ils ne sont pas qualifiés ou simplement du fait qu’ils sont électroniques. Mais ces services non qualifiés sont plus facilement contestables, car la charge de la preuve reposera sur celui qui se prévaut des services de confiance non qualifiés.
Le recours à tels services qualifiés ou à tels services non qualifiés dépendra d’une part, d’une éventuelle imposition légale ou réglementaire[12] exigeant le recours aux services de confiance qualifiés, d’autre part d’un choix pris en termes de gestion des risques et des conséquences et de coûts. En effet, les services de confiance qualifiés sont plus onéreux que les non qualifiés tandis que certains actes juridiques supportent plus ou moins la prise de risque. Un pouvoir local qui souhaiterait ou devrait avoir recours aux services électroniques ne manquera pas de faire une analyse des contraintes légales et organisationnelles, des risques juridiques et des impacts financiers.
B. Principe de non-discrimination et clause d’assimilation
Les services de confiance prestés électroniquement ne peuvent être discriminés par rapport à ceux non électroniques ; de même les services de confiance non qualifiés ne peuvent pas être rejetés du fait qu’ils ne sont pas qualifiés.
Il est à noter que ce n’est pas le règlement e-IDAS qui impose quand, par exemple, une signature est obligatoire. Par contre, lorsqu’une réglementation prévoit une signature, le règlement e-IDAS prévoit les exigences de la signature électronique.
C. E-box
Le règlement e-IDAS permet la mise en place d’un régime optionnel pour les systèmes fermés[13]. Le pouvoir fédéral en a fait usage en déployant l’e-box, accessible aux pouvoirs locaux. Il faut constater que le succès de l’e-box auprès des pouvoirs locaux est davantage rencontré en Flandre qu’en Wallonie[14] mais il s’y développe. Ce succès tient pour beaucoup au nombre d’utilisateurs. Plus les administrations y recourent et plus les citoyens/entreprises y adhèrent, plus nombreux seront ses utilisateurs et plus intéressant cela sera pour les administrations d’y recourir. En effet, si, au sein de la population concernée, le taux d’adhésion à l’e-box n’est pas suffisant, il est parfois plus coûteux d’y recourir tout en maintenant un processus papier pour ceux qui n’auraient pas adhéré à l’e-box. Il est à noter que le fédéral entend imposer le recours à l’e-box pour une grande majorité des entreprises dès janvier 2025[15]. Ainsi, l’e-box apparaît incontournable dans les prochaines années.
[1] E. Degrave, “L’intégrateur de services fédéral au coeur de la simplification administrative”, Adm. publ., A.P.T., 2014/4, p. 518.
[2] Art. 2 de l’accord de coopération du 26.8.2013 entre les administrations fédérales, régionales et communautaires afin d'harmoniser et aligner les initiatives visant à réaliser un e-gouvernement intégré, M.B., 8.10.2013.
[3] E. Degrave, ibid., pp. 518-519.
[4] Décr. 13.7.2012 portant création et organisation d’un intégrateur de services flamand, M.B., 1.8.2012.
[5] Décr. 4.7.2013 portant assentiment de l’accord de coopération entre la Région wallonne et la Communauté française portant sur le développement d’une initiative commune en matière de partage de données et sur la gestion conjointe de cette initiative, M.B., 23.7.2013.
[6] Règl./CE 2016/679 27.4.2016 rel. à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE, J.O.U.E., 4.5.2016, ci-après le RGPD.
[7] Le lecteur intéressé par ces questions est invité à lire les excellentes contributions du SPF Economie: https://economie.fgov.be/fr/themes/line/commerce-electronique/signature-electronique-et.
[8] Règl. (UE) n° 910/2014 23 ;7 ;2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, J.O.U.E., 28.8.2014 ; ce règlement vient d’être modifié : Règlement (UE) 2024/1183 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 en ce qui concerne l’établissement du cadre européen relatif à une identité numérique, J.O.U.E., 30.4.2024.
[9] Code de droit économique, art. XII.24 et s.
[10] Code de droit économique, art. XII.27 et s.
[11] Règlement (UE) 2024/1183 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 en ce qui concerne l’établissement du cadre européen relatif à une identité numérique, J.O.U.E., 30.4.2024.
[12] Certaines réglementations imposent ainsi le recours aux services de confiance qualifiés. A titre d’exemple, la réglementation relative aux marchés publics impose dans de nombreux cas l’utilisation d’une signature électronique qualifiée sur le rapport de dépôt de l’offre : A.R. 18.4.2017 rel. à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques, art. 43, M.B., 9.5.2017.
[13] Règl. e-IDAS, art. 2, § 2 ; Code de droit économique, art. XII.24, § 3 ; L. 27.2.2019 rel. à l'échange électronique de messages par le biais de l'eBox, M.B., 15.3.2019.
[14] https://myebox.be/fr/faq/qui-met-a-disposition-des-documents-dans-my-ebox.
[15] L. 26.1.2021 sur la dématérialisation des relations entre le Service public fédéral Finances et modifiant différents codes fiscaux et lois fiscales, M.B., 10.2.2021.

Focus sur la commune
Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil réalisé en collaboration avec la DG05 pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent contribuer de façon active à la gestion de leur commune.
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