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Mis en ligne le 24 Janvier 2019

Le droit des cours d’eau non navigables vient de faire l’objet d’une profonde réforme par le décret du 4 octobre 2018, modifiant divers textes relatifs aux cours d’eau. La loi du 28 décembre 1967 est abrogée et c’est désormais dans le code de l’eau qu’il faudra se plonger pour trouver les dispositions régissant cette matière. Le décret est entré en vigueur le 15 décembre 2018.

La réforme s’est donnée pour but de transposer un cadre juridique dans le Code de l’Eau (ci-après « le code »), visant à assurer une gestion intégrée des cours d’eau (gestion intégrant 4 enjeux : hydraulique, écologique, économique et socio-culturel), et ce afin de rencontrer au mieux les objectifs environnementaux fixés par les plans de gestion de la Directive-cadre sur l’Eau, en cohérence avec les futurs plans de gestion de la Directive Inondations et les futurs Programmes d’Actions sur les Rivières par une approche Intégrée et Sectorisée (PARIS).

Les communes sont directement concernées par ces modifications en tant que gestionnaires des cours d’eau non navigables de troisième catégorie (voir article D35 du code). Elles devront donc ainsi participer à l’élaboration des PARIS, assurer les travaux d’entretien sur ces cours d’eau et accorder les autorisations y relatives.

1.        Élaboration des PARIS

L’article D33/3 du code stipule qu’en vue d’atteindre les objectifs environnementaux relatifs à l’hydromorphologie du cours d’eau et les objectifs appropriés en matière de gestion des risques d’inondation, un programme d’actions sur les rivières, par une approche intégrée et sectorisée (PARIS) doit être établi pour chaque sous-bassin hydrographique wallon.

Chaque PARIS doit contenir au minimum :

-          la sectorisation du cours d’eau et un état des lieux cartographique de chaque secteur ;

-          la détermination et la hiérarchisation des enjeux de chaque secteur de la rivière : écologique, hydraulique, socio-économique et socio-culturel ;

-          la fixation d’objectifs de gestion de chaque secteur, en fonction des enjeux identifiés ;

-          le rappel des mesures relatives à l’hydromorphologie du cours d’eau contenues dans les plans de gestion de bassin hydrographique et les plans de gestion des risques d’inondation ;

-          le rappel des objectifs, des interdictions et des mesures applicables dans les zones protégées en vertu de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature ;

-          la planification dans le temps et dans l’espace des actions permettant d’atteindre les objectifs de gestion assignés à chaque secteur ;

-          l’évaluation des moyens financiers à affecter aux travaux à réaliser pour chaque secteur.

Le projet de PARIS est élaboré par les gestionnaires des voies hydrauliques et les gestionnaires des cours d’eau non navigables du sous-bassin hydrographique concerné, ainsi que par les wateringues. Il doit être adopté par le Gouvernement wallon au plus tard un an après l’adoption des plans de gestion de bassin hydrographique et des plans de gestion des risques d’inondation après une phase d’enquête publique et de consultations.  Les PARIS doivent être réexaminé tous les 6 ans et le cas échéant, mis à jour.

Les PARIS n’ont pas valeur réglementaire puisqu’il est précisé dans le code de l’eau que les dispositions prescriptives des PARIS ont valeur indicative, et que les autres dispositions des PARIS ont valeur descriptive. Il est également prévu que lorsque des circonstances extraordinaires et urgentes nécessitent la mise en œuvre d’actions non prévues dans le PARIS, pour prévenir des désastres ou en diminuer les effets, le gestionnaire concerné doit les entreprendre après avoir averti préalablement tout autre service public concerné.

2.        Exécution des travaux d’entretien

Les travaux d’entretien et de petite réparation sur les cours d’eau non navigables doivent toujours être exécutés par leur gestionnaire et donc par les communes sur les cours d’eau de troisième catégorie. Ces travaux sont définis à l’article D37 du code qui précise que les travaux d’entretien et de petite réparation correspondent aux travaux qui se reproduisent à intervalle régulier afin d’assurer les objectifs hydrauliques, écologiques, socio-économiques et socio-culturels assignés aux cours d’eau non navigables.

Sont ainsi visés :

1°      le nettoyage des cours d’eau non navigables, y compris dans les parties voutées, et notamment le curage, la remise sous profils ainsi que la collecte de débris, de branchages, d’embâcles et de matériaux encombrants ;

2°      l’entretien et la petite réparation des ouvrages appartenant aux gestionnaires qui sont situés dans les cours d’eau non navigables, en ce compris la consolidation des berges affaissées au droit de ces ouvrages et l’enlèvement des atterrissements liés à ces ouvrages ;

3°      l’entretien et l’élimination de la végétation située sur les berges des cours d’eau non navigables, notamment par débroussaillage, abattage, débardage, recépage, ébranchage, déchiquetage, dessouchage, plantation, échardonnage, faucardage, et la destruction des plantes invasives ;

4°      la petite réparation et le renforcement des digues qui existent le long des cours d’eau non navigables et l’enlèvement de tout ce qui s’y trouve, que ces digues appartiennent à des personnes de droit privé ou public ;

5°      l’entretien, la petite réparation et les mesures propres à assurer le fonctionnement normal des stations de pompage en lien avec les cours d’eau non navigables, que celles-ci appartiennent à des personnes de droit privé ou public.

Même si on peut remarquer plusieurs différences avec la définition de ces travaux qui figurait dans la loi relative aux cours d’eau non navigables cette mission des gestionnaires n’est pas fondamentalement modifiée. On précisera que la commune doit solliciter l’avis du Collège provincial avant d’exécuter ces travaux d’entretien et de réparation, cet avis n’étant toutefois pas contraignant.

Le code précise encore que les étangs, les plans d’eau et les réservoirs de barrage qui sont traversés par un cours d’eau non navigable doivent être entretenus et réparés par ceux à qui ils appartiennent, à défaut de quoi le gestionnaire du cours d’eau non navigable peut mettre en demeure le propriétaire d’exécuter les travaux d’entretien et de petite réparation endéans un délai déterminé. De manière générale, tous les ouvrages qui n’appartiennent pas aux gestionnaires, présents sous, dans ou au-dessus du lit mineur, doivent être entretenus et réparés par ceux à qui ils appartiennent, à défaut de quoi le gestionnaire du cours d’eau non navigable peut mettre en demeure le propriétaire d’exécuter les travaux d’entretien et de réparation dans un délai déterminé.

Par ailleurs, certains travaux d’entretien et de petite réparation arrêtés par le Gouvernement peuvent être exécutés par d’autres personnes que les gestionnaires, après avoir fait l’objet d’une déclaration préalable.

Comme le prévoyait la loi relative aux cours d’eau non navigables, les frais occasionnés par les travaux d’entretien et de petite réparation sont supportés par ceux qui en ont pris l’initiative, avec la possibilité toutefois de mettre une part contributive dans ces frais à charge des personnes de droit privé ou public qui font usage du cours d’eau ou qui sont propriétaires d’un ouvrage, au prorata de l’aggravation des frais provoquée par l’usage du cours d’eau ou par l’existence de l’ouvrage.

3.        Nouveau régime d’autorisation

L’article D 34 du code consacre expressément que le lit mineur d’un cours d’eau non navigable est présumé appartenir à son gestionnaire et relève du domaine public. Le lit mineur d’un cours d’eau est défini comme étant la surface du territoire, artificialisée ou non, occupée par les plus hautes eaux d’un cours d’eau avant débordement, comprenant le chenal ordinaire d’écoulement et les berges jusqu’à la crête de berge. Ainsi donc, le lit mineur des cours d’eau de troisième catégorie fait partie du domaine public communal.  En corollaire à ce principe, plusieurs pouvoirs sont octroyés au gestionnaire.

a.       L’autorisation domaniale

L’article D 40 du code énonce que tous travaux tels qu’approfondissement, élargissement, rectification et généralement toutes modifications sous, dans ou au-dessus du lit mineur du cours d’eau non navigable ou des ouvrages y établis, ainsi que la suppression ou la création de tels cours d’eau sont soumis à autorisation domaniale délivrée par le gestionnaire concerné. Il s’agit d’une nouveauté importante dans la mesure où auparavant les travaux extraordinaires sur les cours d’eau de troisième catégorie étaient autorisés par le Collège provincial.

Le gestionnaire peut accorder son autorisation domaniale sous la forme d’un acte unilatéral ou sous celle d’un contrat, pour une durée déterminée ou indéterminée, et le cas échéant moyennant le respect de certaines conditions. L’autorisation domaniale délivrée sous la forme d’un acte unilatéral est toujours accordée à titre précaire, elle peut être retirée, modifiée ou suspendue, sans indemnité au profit du titulaire. Le contrat offre une plus grande stabilité, même s’il est également par nature précaire. Le gestionnaire peut toujours unilatéralement augmenter ou diminuer les charges du concessionnaire, voire mettre fin prématurément au contrat, et ce pour des motifs d’intérêt général. Toutefois, contrairement aux autorisations unilatérales, le concessionnaire bénéficie d’un droit à une indemnisation, sauf si l’acte de concession prévoit expressément que l’indemnité n’est pas due. Cette indemnisation constitue le gage de stabilité caractérisant les concessions domaniales[1].

Au niveau procédural, le code prévoit que le gestionnaire doit envoyer sa décision au demandeur dans les cent vingt jours à partir du premier jour suivant la réception de la demande d’autorisation domaniale unilatérale. Il est important de signaler que ces autorisations domaniales ne doivent pas faire l’objet d’une procédure d’enquête publique, alors que c’était le cas des autorisations relatives aux travaux extraordinaires sur les cours d’eau. Le reste de la procédure est à fixer dans un arrêté du Gouvernement wallon.

Dans la délivrance des autorisations domaniales, quelle que soit leur forme, le gestionnaire devra être attentif à ne pas être en contradiction avec le PARIS régissant le sous-bassin hydrographique concerné, mais également avec les prescriptions décrétales relatives aux cours d’eau telles que l’interdiction de créer tout nouvel obstacle[2] dans le lit mineur d’un cours d’eau, sans prévoir une solution garantissant la libre circulation des espèces visées à l’article D33/7 du code.

On soulignera que l’autorisation domaniale n’exonère en rien le demandeur de solliciter également le permis d’urbanisme ou unique éventuellement requis.

Les frais occasionnés par ces travaux nécessitant une autorisation domaniale doivent logiquement être supportés par ceux qui en ont pris l’initiative. Lorsque ces travaux sont exécutés par le gestionnaire du cours d’eau non navigable[3], ce dernier peut toutefois mettre une partie de la dépense à charge des personnes de droit privé ou public qui bénéficient de ces travaux ou qui les ont rendus nécessaires. Certains de ces travaux peuvent également faire l’objet d’un subventionnement conformément à l’article D54/1 du code. Sont notamment visés la construction, le renforcement et le rehaussement de digues le long de voies hydrauliques ou de cours d’eau non navigables, ainsi que l’amélioration hydraulique et la restauration hydromorphologique des cours d’eau non navigables.

b.    Sort des ouvrages existants

Pour ce qui concerne les ouvrages ayant été autorisés avant l’entrée en vigueur du décret du 4 octobre 2018, l’article D45 du code prévoit que le gestionnaire du cours d’eau non navigable peut solliciter de leur propriétaire le respect de certaines conditions, l’exécution de travaux ou à défaut la suppression de ces ouvrages, lorsque ceux-ci présentent une menace grave :

-          pour la sécurité publique ou pour prévenir le risque d’inondations ;

-          pour le milieu aquatique, et notamment lorsque celui-ci est soumis à des conditions hydromorphologiques critiques incompatibles avec sa protection, son amélioration ou sa restauration.

Sauf urgence spécialement motivée, le gestionnaire doit donner, à chacun des propriétaires des ouvrages concernés, la possibilité de faire valoir ses observations.

c.     Pouvoirs de contrainte

Le gestionnaire de cours d’eau dispose de pouvoirs de contrainte qui sont repris aux articles D41/2 et D45 du code, respectivement en cas de travaux effectués sans autorisation domaniale ou non conformément à celle-ci et en cas de non-respect de l’ordre relatif aux ouvrages existants.

On notera également que la commune est compétente pour constater (via l’agent constatateur communal ou la police locale), voire même sanctionner[4]( via le fonctionnaire sanctionnateur communal ou provincial), les infractions au code de l’eau et donc notamment toutes les infractions relatives aux cours d’eau non navigables.


[1] http://www.uvcw.be/articles/33,101,37,37,3341.htm

[2] Tout ouvrage qui entrave la libre circulation des poissons latéralement ou de l’aval vers l’amont du cours d’eau et vice-versa

[3] Il va de soi que le gestionnaire de cours d’eau ne devra pas solliciter d’autorisation domaniale pour effectuer les travaux visés à l’article D40 du code sur les cours d’eau dont il a la gestion et qui font donc partie de son domaine public.

[4] Conformément à l’article D167 du code de l’environnement.

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Date de mise en ligne
24 Janvier 2019

Auteur
Arnaud Ransy

Type de contenu

Matière(s)

Environnement
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