Pourquoi est-il nécessaire de limiter l’élimination des terres en CET ?
- Qu’est-ce qu’un centre d’enfouissement technique ?[1]
Le Centre d’Enfouissement Technique est destiné, en principe, à recevoir les déchets ultimes. Il s’agit de déchets qui ne peuvent entrer dans une filière de recyclage ou de valorisation.
Le décret du 9 mars 2023 relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique (ci-après « décret déchets ») définit le « centre d’enfouissement technique » comme :
« Le site d'élimination des déchets par dépôt des déchets sur ou dans le sol (y compris en sous-sol), y compris :
- les sites internes, c'est-à-dire les sites au sein desquels un producteur de déchets procède lui-même à l'élimination des déchets sur le lieu de production, et;
- les sites permanents, c'est-à-dire pour une durée supérieure à un an, utilisé pour stocker temporairement les déchets; »
Il est précisé plus loin que « Concernant le paragraphe 1er, 58°, la définition du " centre d'enfouissement technique " exclut :
- les installations où les déchets sont déchargés afin de permettre leur préparation à un transport ultérieur en vue d'une valorisation, d'un traitement ou d'une élimination en un endroit différent, et;
- le stockage des déchets avant valorisation ou traitement pour une durée inférieure à trois ans en règle générale, ou;
- le stockage des déchets avant élimination pour une durée inférieure à un an. »[2]
Les centres d’enfouissement technique sont classés par le Gouvernement en fonction de l’origine et des caractéristiques des déchets. Le Gouvernement peut déterminer plusieurs catégories ou sous-catégories de centres d'enfouissement technique en fonction du ou des types de déchets admis[3].
Il existe donc cinq catégories différentes de CET[4], en fonction du type de déchets qu’ils peuvent accueillir :
- La classe 1 correspond aux CET qui accueillent des déchets dangereux ;
- La classe 2, des déchets industriels non dangereux et des déchets ménagers et assimilés ;
- La classe 3, des déchets inertes ;
- La classe 4, des déchets issus des travaux de curage et de dragage ;
- Les CET de classe 5 sont réservés à l’usage exclusif du producteur de déchets.
Tout déchet peut être enfoui dans un CET s'il répond aux critères d'admission définis à l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 mars 2004 interdisant la mise en centre d'enfouissement technique de certains déchets et fixant les critères d'admission des déchets en centre d'enfouissement technique, sauf si les caractéristiques techniques du site justifient une limitation de la nature des déchets admissibles[5].
2. Quel est le régime prévu pour les terres excavées ?
L’AGW du 18 mars 2004 précité n’interdit pas la mise en CET de terres reprises sous le code déchet 170504[6]. Toutefois, comme nous le verrons plus bas, vu les capacités restreintes encore disponibles en CET, dans la mesure du possible, il est préférable de suivre la filière de valorisation des terres.
L’AGW du 5 juillet 2018 relatif à la gestion et à la traçabilité des terres et modifiant diverses dispositions en la matière (ci-après « AGW Terres ») prévoit que les mouvements de terres vers un CET doivent faire l’objet d’une notification de mouvement de terres laquelle comprend la désignation du CET vers lesquelles les terres sont dirigées.
A cet égard, il est précisé, sur le site de l’asbl Walterre (rubrique FAQ), que « oui, les terres évacuées vers les CET dans le but de les éliminer doivent être tracées. Un Document de Transport doit être demandé à l’ASBL Walterre entre le chantier ou l’installation autorisée et le CET. Un Certificat de contrôle de Qualité des terres n’est pas obligatoire dans ce cas mais les analyses relatives à la mise en CET doivent être respectées et contrôlées par le CET. »[7]
Les terres peuvent être envoyées en CET de classe 2 ou 3. En effet, les déchets admissibles dans un CET de classe 3 doivent pouvoir être admis dans tout CET de classe 2, dans le respect des règles de compatibilité entre déchets[8].
3. Pourquoi est-il nécessaire de limiter au maximum la mise en CET de terres excavées ?
L’exposé des motifs du décret déchets indique que :
- La gestion des déchets est un problème environnemental majeur qui nécessite la mise en place d’une politique globale et cohérente sur la prévention de la production et le recyclage des déchets ;
- Il convient d’envisager chaque déchet non seulement comme une source de pollution à réduire, mais également comme une ressource potentielle à exploiter.
- Une combinaison de mesures visant à promouvoir la prévention, le recyclage et la réutilisation des déchets sera nécessaire en vue de réduire au mieux les impacts cumulés au cours du cycle de vie des ressources.
Le décret déchets prévoit, à son article 40, §2, que le Gouvernement peut adopter une liste de déchets dont la mise en centre d’enfouissement technique est interdite, notamment en raison du fait qu’ils sont susceptibles d’être valorisés.
L’article 41 du décret rajoute que :
« § 1er. Le Gouvernement prend les mesures nécessaires pour que, d'ici à 2030, aucun des déchets susceptibles d'être recyclés ou valorisés, en particulier les déchets municipaux, ne soient admis dans un centre d'enfouissement technique, à l'exception des déchets dont la mise en centre d'enfouissement technique produit le meilleur résultat sur le plan de l'environnement conformément à l'article 6.
§ 2. Le Gouvernement prend les mesures nécessaires pour que, d'ici à 2035, la quantité de déchets municipaux mis en centre d'enfouissement technique soit inférieure à dix pour cent ou moins de la quantité totale de déchets municipaux produite (en poids). »
L’exposé des motifs du décret rappelle que cette disposition transpose les objectifs européens visant à limiter la mise en décharge afin de mieux refléter l’ambition de l’Union d’effectuer une transition vers l’économie circulaire, notamment. Il convient de souligner que le paragraphe 2 est maintenu pour les seuls besoins formels de la transposition européenne. En effet, cet objectif est déjà atteint depuis plusieurs années en Région wallonne.
A ce jour, l’AGW du 18 mars 2004 n’envisage pas les terres excavées sous cet angle puisque celles-ci ne sont pas reprises dans la liste d’interdiction de mise en CET fixée par cet arrêté.
Pourtant, les terres excavées sont des matières pouvant être valorisées, par deux biais :
- Valorisation sur un site récepteur d’un type d’usage équivalent ou moins sensible que celui des terres à valoriser. Le cas échéant, les terres peuvent faire l’objet d’un traitement avant leur valorisation ;
- Valorisation comme matériau de construction : par la technologie du lavage physico-chimique, le traitement des terres permet la production de granulats (sables et graviers lavés) bénéficiant de la certification « End of waste »[9].
Malgré cela, des flux importants de terres sont aujourd’hui encore envoyées en CET de classe 2 ou 3. Ainsi, en 2023, 63.000 m³ de terres étaient envoyées d’un site d’origine vers un CET de classe 3, tandis que 8.400 m³ de terres étaient envoyées d’un site d’origine vers un CET de classe 2. Sur ces 72.400 m³ de terres, seulement 21.500 m³ de terres étaient non valorisables en l’état (dont les 8.400 m³ envoyés en CET de classe 2). A noter également que 15.000 m³ ont été envoyés au départ d’un site d’origine en CET sans qu’aucune analyse au sens de l’AGW Terres n’ait été réalisée.
Toujours en 2023, 205.000 m³ de terres étaient envoyées d’une installation autorisée vers un CET de classe 3, tandis que 14.000 m³ de terres étaient envoyées d’une installation autorisée vers un CET de classe 2. Sur ces 219.000 m³ de terres, seulement 115.000 m³ de terres étaient non valorisables en l’état. A noter également que 72.000 m³ au départ des installations autorisées ont été envoyés en CET sans qu’aucune analyse au sens de l’AGW Terres n’ait été réalisée.
Si l’on constate une légère diminution du volume de terres envoyé d’un site d’origine vers un CET par rapport à 2022, tel n’est pas le cas du volume de terres envoyé d’une installation autorisée vers un CET. En effet, ce volume est deux fois supérieur en 2023 à ce qui avait été mesuré en 2022.
Sur 5.3 millions de m³ de terres déplacées en 2023, 291.000 m³ ont été envoyés vers des CET.[10]
La raison de ces envois de terres valorisables en CET est principalement économique. En effet, les coûts globaux d’une élimination en CET sont parfois moins élevés que les coûts globaux de valorisation ou de traitement des terres, en raison des coûts de transport (si le CET est plus proche qu’un site récepteur) et des coûts relatifs aux contrôles de qualité des terres, lesquels ne sont pas les mêmes pour une élimination en CET que pour une valorisation sur un site récepteur. Attention : il importe de préciser que l’élimination en CET ne sera pas toujours la solution la plus avantageuse financièrement parlant. En effet, les circonstances de l’espèce peuvent impliquer qu’une telle élimination coûte plus chère qu’une valorisation ou qu’un traitement. Comme indiqué précédemment, le coût du transport des terres aura une influence importante à cet égard.
Un tel constat est regrettable d’un point de vue environnemental.
En effet, ce mode de fonctionnement ne répond pas à la volonté européenne de favoriser l’économie circulaire.
Par ailleurs, il convient de ne pas perdre de vue l’incertitude relative à la capacité d’accueil des déchets en CET de classe 2 et 3, cette capacité d’accueil étant limitée.
A cet égard, il importe de préciser qu’il a été décidé de ne plus créer de nouveaux CET de classe 3 ou d’autoriser des demandes d’extension de leur capacité. Le total des capacités encore disponibles en CET de classe 3 est inférieur à 500.000 m³.
Une saturation des CET de classe 2 serait problématique en ce que ces CET sont aptes à recevoir les déchets réellement ultimes provenant des opérations d’abattement des pollutions effectuées en installations de traitement, comme le lavage physico-chimique.
Or, l’accélération de la saturation des CET de classe 2 en Wallonie par des déchets non ultimes inquiète, à juste titre, certains acteurs de la filière[11]. La mise en CET des résidus de traitement de terres, dans lesquels sont concentrés les polluants, représente en effet une partie importante des coûts de traitement des terres polluées. Une diminution de la capacité d’accueil de ces déchets en CET aura pour effet d’occasionner une augmentation des coûts de traitement. Il convient de n’envoyer en CET que les déchets pour lesquels aucune autre solution n’est envisageable afin de soulager le secteur et limiter la pression sur les prix.
Afin de dissuader et de limiter l’envoi de terres valorisables en CET, il conviendrait, à notre sens, de supprimer certains avantages fiscaux prévus par l’article 6 du décret fiscal du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne[12]. Cet article prévoit, entre autres, une réduction du montant de la taxe imposée aux CET dans l’hypothèse de terres admissibles en CET de classe 3 ou de classe 5.3[13].
[1] Pour une vision plus « technique » et « pratique » des CET, nous vous invitons à lire la brochure réalisée par Intradel sur les CET, téléchargeable sous le lien suivant : https://www.intradel.be/qui-sommes-nous/les-outils/les-centres-d-enfouissement-technique.htm?lng=fr.
[2] Article 5, 58° du décret déchets.
[3] Article 79 du décret déchets.
[4] Article 3 de l’AGW du 27 février 2003 fixant les conditions sectorielles d'exploitation des centres d'enfouissement technique.
[5] Article 4, §1er de l’AGW du 27 février 2003 précité.
[6] Selon l’AGW du 10 juillet 1997 établissant un catalogue des déchets.
[7] https://walterre.be/f-a-q/.
[8] Article 4, §2 de l’AGW du 27 février 2003 précité.
[9] AGW du 28 février 2019 portant exécution de la procédure de sortie du statut de déchet prévue à l'article 4ter du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets et modifiant l'arrêté du Gouvernement wallon du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de certains déchets.
[10] L’ensemble de ces données ont été transmises par l’asbl Walterre. Elles ont été arrondies pour en faciliter la lecture.
[11] Voy. notamment le mémorandum 2024 d’Adepol, Association regroupant les entreprises wallonnes actives dans la dépollution des sols et des eaux souterraines.
[12] et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes.
[13] Article 6, §1er, 10° du décret fiscal.
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