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Mis en ligne le 26 Mai 2015

Le 21 mai 2015, l'Union des Villes et Communes de Wallonie a été sollicitée pour évoquer avec le Parlement l’opportunité d’une interdiction de la publicité présente sur le domaine public. En effet, suite à l'initiative de la Ville de Grenoble, il est apparu important de pouvoir réfléchir plus avant à une législation contraignante en ce sens pour les pouvoirs locaux.

L’UVCW a donc réaffirmé, au vu du cadre juridique existant, l'atteinte aux droits et libertés individuels qu'occasionnerait une décision régionale en la matière, et l'atteinte à l'autonomie locale sans précédent qui surviendrait alors. L’UVCW exigerait, dès lors, une compensation complète et dynamique des pertes et manques à gagner au niveau local. L’UVCW estime ainsi que les communes doivent pouvoir continuer, en fonction de leurs situations propres, à gérer, dans le cadre juridique existant, l'affichage publicitaire dans l'espace public.

Pour l’UVCW, il était important avant tout de souligner que la publicité dans l'espace public prend des formes multiples. Elle peut tout d'abord être mobile, via des véhicules ou des véhicules publicitaires ou des chevalets posés sur l'espace public. Elle peut être fixe, et prendre place sur des supports privés, comme c'est le cas des enseignes ou des dispositifs de publicité protégeant les chantiers ou des dispositifs d'affichage de grande superficie. Elle peut également être fixe et prendre place sur des supports publics. C'est le cas des sucettes, colonnes (quasi absentes de l'espace public wallon) ou d'éléments de mobilier urbain, essentiellement les abribus, mis en place par les villes et communes, dans le cadre essentiellement de concessions. C'est dans cette catégorie que l'on retrouve également la signalisation directionnelle d'entreprises et d'établissements de tous ordres, participant à la promotion de l'activité locale.

L'espace public constitue, à n'en pas douter, un support efficace pour une enseigne ou un dispositif de publicité en ce qu’il permet de viser le plus grand nombre de citoyens. Cette utilisation de l'espace public participe de la sorte, d'une part à la poursuite du droit constitutionnel qu'est la liberté de commerce, mais également à la fourniture de services aux citoyens.

L’UVCW a également précisé d'emblée que le placement de publicité est déjà règlementé, tant dans ses aspects sécurité, que dans ses aspects urbanistiques. L'utilisation du domaine public est en outre encadrée par les règles de la domanialité publique. L’affichage est la plupart du temps soumis à permis d’urbanisme. Le permis est requis lorsque l’affichage concerne le placement d’enseignes ou de dispositifs de publicité à fixer sur un bien immobilier ou à ancrer dans le sol de telle manière qu’ils soient visibles depuis la voie publique.

Le Cwatupe prévoit par exemple que les enseignes et les dispositifs de publicité sont interdits sur les édifices publics affectés à l'exercice du culte, de même dans les zones forestières, d’espaces verts, de parc et naturelles. Elles sont interdites sur les bâtiments classés et une série d’exceptions sont également prévues. Le législateur s'est penché, dans le cadre de la mise en place de cet encadrement, sur les différents éléments à prendre en compte et sur la balance des intérêts en présence.

Il permet, en outre, à la commune d'analyser au cas par cas, dans le cadre de la demande de permis, cette même balance d'intérêts et de l'appliquer au contexte local et aux circonstances. De manière complémentaire, dans le cadre de la délivrance d’un permis de construction ou rénovation, l’autorité communale pourrait imposer un affichage destiné à masquer un chantier d’ampleur ou l’interdire.

Complémentairement et conformément aux dispositions des règlements régionaux, chaque commune peut par ailleurs établir un règlement communal pouvant contenir des prescriptions relatives aux enseignes et procédés de publicité. Ainsi, si les villes et communes le souhaitent, elles peuvent se doter de prescriptions soit plus contraignantes ou soit plus spécifiques afin, notamment, de préserver un cadre bâti, un site d’exception ou une zone patrimoniale intéressante.

Le cas des installations qui seraient posées sur le domaine public communal fait l’objet d’une autorisation complémentaire liée à l’occupation du domaine public. En vertu du principe du cumul des polices, le permis d’urbanisme, s’il est nécessaire, ne se suffit donc pas. Ainsi, tout affichage sur le domaine public doit faire l’objet d’une autorisation délivrée par le Bourgmestre. Il s’agit d’une occupation privative du domaine public. Cette autorisation peut être refusée ou retirée chaque fois que la tranquillité, la salubrité, mais ici surtout la sécurité publique est affectée. La commune, spécifiquement le Bourgmestre, est garante de ces trois composantes de l’ordre public en vertu de l’article 135, par. 2, de la nouvelle loi communale et des affichages troublant l'une ou plusieurs de ces composantes doivent faire l'objet d'une action du Bourgmestre pour remédier au trouble constaté.

Ensuite, bien que cette jurisprudence n’ait pas été confirmée, le Conseil d’Etat a même admis en 1989 dans le cadre d’un refus de permission de voirie pour des motifs esthétiques que «le pouvoir d’accorder des permissions précaires d’installer de la publicité sur le domaine public (de l’autorité qui a statué) (...) peut s’exercer en interdisant la publicité et en la soumettant à des conditions qui peuvent s’inspirer notamment des considérations esthétiques; qu’il ne trouve de limites que dans la sauvegarde des libertés constitutionnelles».

Enfin, il faut également noter pour que l’état juridique des lieux soit complet que le Code de la route prévoit dans tous les cas qu’il est interdit d'établir sur la voie publique des panneaux publicitaires, enseignes ou autres dispositifs qui éblouissent les conducteurs, qui les induisent en erreur, représentent ou imitent même partiellement des signaux routiers, se confondent à distance avec des signaux ou nuisent de toute autre manière à l'efficacité des signaux réglementaires.

Ce même code prévoit une signalisation spécifique permettant d’indiquer les noms de restaurants, hôtels ou établissement d’intérêt à la demande de ces derniers. L’autorité communale peut alors percevoir une redevance pour ces signalisations spécifiques et décide ici encore de leur placement.

Eu égard à ces différents éléments, l'encadrement prévu et relativement complet en matière d'affichage publicitaire laisse à penser que l'autorité locale dispose déjà des outils pour assurer un bon équilibre entre l'utilisation du domaine public, la protection du cadre de vie et l'exercice du commerce, dont la publicité est un accessoire.

A cet égard, il semble qu’une interdiction pure et simple de la publicité sur le domaine public ne puisse être envisagée simplement, eu égard à la liberté de commerce et d’industrie, consacrée par le décret d'Allarde dont l’article 7 dispose: "Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'il trouvera bon" et que "chacun est autorisé à exercer librement le commerce de son choix sous la seule condition de se conformer aux règlements de police".

La référence à la liberté de commerce et d'industrie a été intégrée dans l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles à l'occasion du transfert aux Régions de la politique économique:" En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux."

Cette disposition est considérée comme consacrant d’une part expressément la liberté d'entreprendre c'est-à-dire la liberté de choisir son activité professionnelle ainsi que les moyens de l'accomplir. Cette dimension se retrouve dans l'article 23, alinéa 3, 1° de la Constitution. D’autre part, elle constitue un frein aux obstacles d'ordre administratif ou corporatif susceptibles d'entraver la liberté d'entreprendre.

Bien sûr, il est admis que la liberté de commerce et d'industrie n’est pas une liberté absolue ou illimitée, en ce sens qu'elle n'empêche pas l'autorité publique de soumettre l'exercice des activités économiques à des régimes de contrôles et d'autorisations administratives telle l'obtention préalable d'une autorisation ou d'un permis. De même, la liberté d'entreprendre ne fait pas non plus obstacle à l'édiction de mesures de police administrative.

Toutefois, de telles restrictions ne sont admissibles que pour autant qu'elles ne remettent pas fondamentalement en cause le principe même de cette liberté. Elles doivent se fonder sur un critère objectif, poursuivre un but légitime, être nécessaires au regard de l'objectif poursuivi et ne pas être manifestement disproportionnées avec le but recherché. Ne répondent pas, en principe, à ces critères, des mesures qui interdisent de manière générale et permanente l'exercice d'une activité économique ou qui ont pour effet de rendre celle-ci impraticable.

Cette situation peut être comparée à celle de l’interdiction de la distribution des tracts publicitaires sur la voie publique. Lorsque les autorités locales se sont posées cette question et ont pris des mesures, la jurisprudence a été amenée à trancher et à considérer qu’interdire ou soumettre à autorisation la distribution de tracts constituait une mesure disproportionnée au regard de l’objectif de salubrité et de tranquillité publique poursuivi. La seule voie envisageable était donc de règlementer la manière dont cette distribution pouvait s’opérer.

Il convient donc de se demander dans quelle mesure l’atteinte contenue dans une interdiction totale de publicité sur le domaine public ne violerait-elle pas le principe même de la liberté d’une manière disproportionnée eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur. Il semble à cet égard que la publicité aide les entrepreneurs à se créer une clientèle et que l'espace public constitue un moyen efficace de toucher le plus grand nombre de personnes dans ce cadre. L’UVCW a souligné, en outre, que l'interdiction grenobloise ne concerne aucunement l'ensemble des dispositifs de publicité, mais bien des dispositifs volumineux ou particulièrement encombrant au niveau de l'espace public.

Eu égard à ces éléments, il apparait que les communes disposent déjà actuellement des moyens adéquats pour réguler la présence de publicité dans les espaces publics, et pour assurer le respect de l'ordre public. Tous les actes posés par les communes en cette matière sont par ailleurs soumis à l’appréciation en proportionnalité du Conseil d’État. L’UVCW part, à cet égard, du constat que, dans le cadre d'une régulation locale exercée par les communes, le développement publicitaire en Région wallonne n’apparait aucunement problématique et nous n'avons pas vu survenir de débats locaux témoignant de difficultés majeures ou particulières en la matière. Une interdiction ou une modération des capacités d'action des communes par la Région apparaît à ces égards superflue et largement attentatoire à l'autonomie communale.

Si d'aventure le Gouvernement ou le Parlement souhaitait intervenir plus avant dans l'encadrement de ces matières, il conviendra donc d'examiner les répercussions financières d’une telle mesure et d'assurer la compensation dynamique des pertes réelles effectives, mais également le manque à gagner potentiel d'une interdiction pour les pouvoirs locaux. L’UVCW a en effet souligné que certains dispositifs permettent aux communes de réaliser de substantielles économies dans la fourniture de services aux citoyens.

En effet, l’affichage particulier sur les abribus, sur le mobilier urbain ou encore sur les bornes des vélos en libre-service découle de marchés publics ou de concessions de services passés par la commune. Pour les communes, cette pratique est essentielle afin de permettre de donner accès à coût modéré à certains services agrémentant nettement la vie citoyenne. La contrepartie financière engendrée par la publicité est souvent le seul moyen d’y parvenir. Si celle-ci devait être supprimée, l’on se trouverait face à une situation catastrophique pour les finances des pouvoirs publics locaux que la Wallonie se devrait alors de compenser en vertu de son engagement à la neutralité budgétaire pour les pouvoirs locaux.

Il est en effet question de financer via les dispositifs publicitaires, l’installation de stations vélo pour les vélos en libre-service, mais également de leur entretien et de leur maintenance. On parle également de l’installation, de l’entretien, des réparations et de la maintenance de centaines d’abris de bus pour les communes d’une certaine ampleur. Ces contrats permettent l’entretien et les réparations pour plusieurs années. Ces deux exemples représentent un coût de plusieurs millions d’euros qui serait impossible à assumer pour les pouvoirs locaux dans un contexte d'investissement local limité.

Par ailleurs, l’affiche publicitaire fait, comme mentionné précédemment, la plupart du temps l’objet de contrats en cours. Dans ce cadre, l’interdiction obligerait les pouvoirs publics à rompre de nombreux contrats, ce qui aurait ici encore un coût non négligeable également, que la Wallonie devrait s’engager à supporter si elle en prenait la décision.

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Date de mise en ligne
26 Mai 2015

Auteur
Ambre Vassart

Type de contenu

Matière(s)

Police administrative
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