A propos de l'éthique dans la gestion publique locale
La révélation des affaires et la tourmente médiatique
La fin de l’été 2005 aura été marquée par la retentissante révélation de comportements qui, s’ils sont établis par la justice, traduisent une inquiétante malgouvernance dans quelques-unes des sociétés qui gèrent le logement social en Wallonie. Au nombre d’une septantaine, les sociétés de logement de service public sont juridiquement liées aux communes, qui souscrivent à leur capital et y envoient des représentants, tant à l’assemblée générale qu’au conseil d’administration [1]. Eu égard à ces liens institutionnels, l’opprobre a alors été étendu - parfois sans nuance - à l’ensemble de la gestion publique locale.
La mise à jour d’agissements indécents - et en totale contradiction avec la mission sociale des sociétés - a suscité une indignation bien compréhensible. Et il convient à cet égard d’être très clair: de telles dérives devaient à coup sûr être dénoncées. Ce n’est évidemment pas le fait de les révéler, quelles que soient les motivations des révélateurs, mais celui de les commettre qui est de nature à alimenter des tentations dangereuses dans l’électorat. Fort heureusement, le temps n’est plus à la mise à mort des porteurs de mauvaise nouvelle ou à l’exécution de celui qui a dit la vérité.
Les réactions ont donc fusé de toutes parts, dans une véritable efflorescence de discours et d’articles centrés sur le thème de l’éthique qu’on est légitimement en droit d’attendre des mandataires politiques locaux. Et comme c’est souvent le cas, les analyses les plus sereines et les plus fiables ont côtoyé les attaques les plus sensationnalistes, les plus approximatives, voire les plus poujadistes.
Or, il faut être conscient du fait que certaines présentations médiatiques portent en elles des dangers. Le premier est celui du tous pourris qui, dans son simplisme, est de nature à entraîner l’adhésion des esprits les moins critiques et à amorcer des aventures démagogiques dont on ne sait jamais où elles peuvent mener.
Un deuxième danger est celui de l’approximation. Dans la chaleur de l’actualité, les concepts sont utilisés à la diable, parfois sans le moindre souci de précision ou de cohérence. J’ai ainsi tout lu et entendu sur les incompatibilités, les conflits d’intérêts, les empêchements ou encore les cumuls. J’ai même entendu dire que, pour éviter la répétition d’affaires, un code wallon de la démocratie locale allait être mis en œuvre, comme s’il n’existait pas encore et allait voir le jour pour servir de rempart aux dérives.
Bien loin des grands frissons recherchés par certains medias, l’objectif poursuivi par mon article est double. Il s’agira, d’une part, de repréciser sommairement les contours d’un certain nombre de concepts - incompatibilités, conflits d’intérêts, cumuls, … - souvent utilisés à l’emporte-pièce dans les commentaires à chaud. D’autre part, je tenterai de montrer que, depuis une quinzaine d’années, les différents législateurs ne sont pas restés inactifs et que de nombreux garde-fous juridiques ont été posés pour rendre les dérives plus malaisées. Certes, des brèches doivent encore être colmatées dans les lois et décrets mais il serait naïf d’imaginer que les meilleurs textes puissent empêcher tout dérapage. Il n’est d’ailleurs pas de code pénal, si précis et draconien fût-il, qui ait jamais empêché tout crime ou délit.
Même si cela risque de passer pour ringard en ce début de XXIème siècle, il faut inlassablement rappeler que si la divulgation médiatique des prévarications est vitale pour la démocratie, encore faut-il qu’elle se fasse en respectant un certain nombre de précautions déontologiques. La vérification et le recoupement des sources, la sobriété dans la présentation ainsi que le souci d’utiliser les concepts à bon escient en font assurément partie. A l’opposé, l’articulation du sensationnalisme et de l’approximation conceptuelle peut constituer un cocktail démocratiquement explosif.
L'éligibilité et l'accès aux mandats dérivés
L’éligibilité au conseil communal
Il n’est pas inutile de rappeler cette évidence: l’accès aux mandats dérivés, qui sont actuellement montrés du doigt, passe par l’élection au mandat démocratique de base, qui est celui de conseiller communal.
Pour les citoyens belges, le principe est celui du parallélisme entre le droit de voter et celui d’être élu. Les conditions d’éligibilité sont donc identiques à celles qui doivent être réunies pour pouvoir voter. Cette équation est posée dans l’article L4125-1 du Code wallon: "pour pouvoir être élu et rester conseiller communal, il faut être électeur et conserver les conditions de l’électorat visées à l’article L4121-1 ou 1bis de la loi électorale communale" [2]. Rappelons brièvement ces conditions:
- être belge ou citoyen d’un des Etats de l’Union européenne;
- avoir dix-huit ans accomplis le jour des élections;
- être inscrit au registre de la population de la commune à la date à laquelle est établie la liste des électeurs, en principe le premier août de l’année électorale communale;
- ne pas se trouver dans un cas d’exclusion du droit de vote, ce qui est le cas des personnes condamnées à une peine criminelle;
- ne pas se trouver dans un cas de suspension du droit de vote, ce qui est notamment le cas des personnes condamnées à des peines de plus de quatre mois [3], des interdits judiciaires, des mineurs prolongés, des personnes internées sur base de la loi de défense sociale.
Tel qu’il vient d’être modifié [4], l’article L4125-1 du Code wallon a ajouté des cas d’inéligibilité pour les personnes qui ont été condamnées pour avoir commis des infractions visées par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme, l’antisémitisme ou la xénophobie ou par la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la deuxième guerre mondiale. Comme le Code électoral prévoyait déjà une suspension pour toutes les personnes ayant été condamnées à un emprisonnement correctionnel de quatre mois, ces ajouts n’ont un sens que s’ils concernent aussi les peines inférieures à un emprisonnement de quatre mois.
Le binôme électorat-éligibilité est découplé pour les citoyens qui n’ont pas la nationalité d’un des vingt-cinq pays de l’Union européenne. S’ils pourront voter aux élections communales - pas provinciales - de 2006, ils ne pourront cependant devenir conseillers communaux ni, a fortiori, échevins ou bourgmestres [5].
Le découplage est moins aigu pour les citoyens non-belges de l’Union européenne. En 2000, ils ont pu voter aux élections communales - pas provinciales - et être élus conseillers communaux. En 2006, ils pourront toujours voter et devenir conseillers communaux mais, en plus, leur accession à un échevinat sera possible. Le maïorat ne leur sera toutefois pas accessible.
Les mandats dérivés de celui de conseiller communal
L’éligibilité au conseil communal conditionne tout d’abord la possibilité d’accéder à l’exécutif communal et de devenir échevin et bourgmestre. Ce principe ne souffre des exceptions que dans des cas tout à fait particuliers: celui du bourgmestre choisi en dehors du conseil jusque 2006 et, bientôt, celui de l’échevin(e) désigné(e) en dehors du conseil pour satisfaire à l’exigence constitutionnelle de présence de représentants des deux sexes dans l’exécutif communal [6].
La possession de la qualité de conseiller communal est par ailleurs un préalable obligé pour accéder à des mandats dérivés dans certaines entités juridiquement distinctes mais dépendantes de la commune. C’est le cas pour les conseillers de la zone pluricommunale de police [7] et pour les représentants de la commune dans les organes de gestion et de contrôle des intercommunales, qu’il s’agisse de l’assemblée générale, du conseil d’administration, du collège des commissaires [8] ou du comité de surveillance [9].
En ce qui concerne les sociétés de logement de service public, l’article 146 du Code wallon du logement précise que les représentants de la commune à l’assemblée générale sont désignés par le conseil communal parmi les conseillers, échevins et bourgmestre et ce, proportionnellement à la composition du conseil communal. Quant aux représentants au conseil d’administration de ces sociétés, ils sont désignés à la proportionnelle des conseils communaux, conformément aux articles 167 et 168 du Code électoral, ceux-là mêmes qui établissent la méthode des plus forts quotients, mieux connue sous l’appellation clef D’hondt. L’article 148 du Code wallon du logement a été modifié en ce sens par un décret du 20 juillet 2005; il n’y est cependant pas précisé que les représentants des communes doivent être des conseillers communaux.
Pour les régies communales autonomes, l’article L1231-5 du Code wallon prévoit qu’une majorité du conseil d’administration doit être composée de membres du conseil communal. L’article L1231-6 ajoute que les commissaires - le commissaire-réviseur excepté - doivent être des conseillers communaux. En ce qui concerne le comité de direction, l’article L1231-5 se contente de prévoir que ses membres sont élus par le conseil d’administration.
L’accès au mandat de conseiller du centre public d’action sociale ne présuppose pas la qualité de conseiller communal; celle-ci est même un obstacle dans deux tiers des cas [10].
Des non-conseillers communaux peuvent représenter la commune dans les organes des asbl communales.
Une triple évolution
Une première évolution intéressante me paraît résider dans le surcroît d’importance accordé à la qualité de conseiller communal, devenue condition sine qua nonpour l’accession à la plupart des mandats dérivés dans les intercommunales, les régies communales autonomes et les sociétés de logement de service public. Il faut savoir que, jusqu’au milieu des années quatre-vingt, des non-conseillers pouvaient représenter la commune dans les organes des intercommunales. Or, quelles que fussent les qualités morales et techniques de ces représentants extérieurs, ils n’étaient pas des élus responsables devant les électeurs et les organes communaux.
Une deuxième évolution dans le bon sens résulte de l’introduction puis de la généralisation d’une représentation proportionnelle aux forces politiques présentes dans le conseil communal. La proportionnalité concerne les CPAS et les zones de police bien sûr, mais aussi les intercommunales, les régies communales et les sociétés de logement de service public.
Il est regrettable - mais c’est peut-être une concession inévitable à l’efficacité - que le système proportionnel ne soit pas applicable aux organes restreints de gestion qui sont parfois issus du conseil d’administration. Ainsi, pour les intercommunales, l’article L1526-2 du Code wallon ne rend pas applicable, à ces organes, l’article L1523-1, par. 2 qui prévoit la proportionnalité au conseil d’administration. Sauf erreur, le raisonnement peut être étendu au secteur du logement de service public.
L’approfondissement constant de la transparence constitue la troisième évolution appréciable. C’est notamment le cas dans les intercommunales où la glasnost a été mise en place tant à l’égard des citoyens que des conseillers des communes membres [11].
Il semble que les asbl communales échappent encore largement à la triple évolution qui vient d’être caractérisée. Je rappellerai toutefois que la proportionnalité par rapport à l’assemblée de base - en l’occurrence le conseil communal - resurgit du fait de l’application du pacte culturel lorsque les associations agissent dans le domaine de la culture ou du sport. Par ailleurs, une préfiguration de leur évolution est peut-être à chercher du côté des asbl provinciales. Celles-ci sont non seulement soumises au pacte culturel mais aussi à des règles qui, dans le Code wallon, prévoient la représentation proportionnelle et obligent le collège à présenter, chaque année au conseil provincial, un rapport d’évaluation sur l’exécution du contrat de gestion qui lie la province à asbl [12].
Les avancées de ces dernières années |
Ce qui pourrait encore être fait |
- La qualité de conseiller communal est |
- Etendre l’obligation de proportionnalité ou |
- La représentation proportionnelle aux forces en présence au conseil communal est progressivement généralisée dans les organes des "para-communaux". |
- Etendre l’obligation de proportionnalité aux asbl communales comme le Code wallon l’a fait pour les asbl provinciales. |
- La mise en place de la transparence, par exemple celle des intercommunales à l’égard des citoyens et des communes-membres. |
- Etendre le concept de contrat de gestion et de rapport annuel d’évaluation aux asbl communales comme le Code wallon l’a fait pour les asbl provinciales. |
La clarification de la compétition électorale
Le financement public des partis politiques
Dans les années mil neuf cent nonante, quelques affaires politico-judiciaires ont mis en lumière l’existence de relations financières potentiellement dangereuses entre les partis politiques et le monde des sociétés industrielles et commerciales. C’est pour sortir de cette atmosphère glauque qu’un système de financement public des partis politiques a été mis en place par la loi du 4 juillet 1989, modifiée par celle du 19 mai 1994.
Cette loi concerne notamment le financement et la comptabilité ouverte des partis politiques. Son article 15 prévoit que la Chambre des Représentants et le Sénat accordent une dotation publique à chaque parti politique qui est représenté dans les deux assemblées par au moins un parlementaire. Les articles 15bis et 15ter subordonnent la dotation à la conformité des statuts et du programme du parti aux dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les partis doivent ainsi s’engager à faire respecter ces valeurs par leurs organes et leurs mandataires élus.
Le montant de la dotation est déterminé par l’article 16: outre un forfait de 125.000 euros, le parti bénéficie de 1,25 euro par vote - de liste ou nominatif - obtenu lors des dernières élections législatives.
La limitation des dépenses électorales
Parallèlement au financement public, et dans le même souci de clarification et d’équité, le législateur a mis en place un système de limitation des dépenses consenties par les partis et les candidats dans la compétition électorale.
Pour les élections aux niveaux provincial et communal, les dispositions se trouvent dans une loi du 7 juillet 1994 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des conseils provinciaux, communaux, de district et pour l’élection directe des conseils de l’aide sociale [13]. Cette loi prévoit des plafonds de dépenses de propagande électorale applicables respectivement:
- aux partis politiques ayant obtenu un numéro de liste national, pour la propagande menée au niveau national;
- aux listes qui se présentent dans la commune, pour la propagande menée dans la commune;
- aux candidats, pour leur propre propagande.
Les dépenses de propagande visées sont celles qui se matérialisent dans des messages écrits, verbaux, sonores et visuels "destinés à influencer favorablement le résultat d’un parti, d’une liste ou d’un candidat et émis pendant les trois mois qui précèdent les élections provinciales et communales" [14].
Pendant cette même période suspecte de trois mois, les partis, listes et candidats ne peuvent vendre ou distribuer des cadeaux ou gadgets, organiser des campagnes par téléphone, diffuser des spots publicitaires à la radio ou à la télévision, utiliser des panneaux ou affiches à caractère commercial. Seuls des panneaux ou affiches à caractère commercial de quatre mètres carrés maximum sont encore admis [15].
Notons qu’en ce qui concerne deux catégories - les listes communales et les candidats - le montant plafonné décroît en fonction du nombre d’électeurs inscrits dans la commune. Ainsi, pour un candidat, le montant maximum est de 3 francs [16] par électeur jusque 50.000 électeurs inscrits; ce montant n’est plus que d’1 franc par électeur pour la tranche 50.001 à 100.000 électeurs puis de 0,5 franc pour la tranche 100.001 électeurs et plus.
Les partis politiques doivent s’engager à déposer une déclaration de dépenses électorales et à mentionner l’origine des fonds. La déclaration doit être déposée auprès du président du tribunal de première instance dans les trente jours qui suivent les élections. Le président va alors établir un rapport qui, après avoir été mis à la disposition des électeurs pendant quinze jours au greffe, sera transmis à la Commission de Contrôle des dépenses électorales.
Les sanctions prévues par la loi de 1994 sont tout sauf symboliques puisque, outre des condamnations pénales, elles peuvent aller jusqu’à la suspension de la dotation publique d’un parti politique.
La loi de 1994 prévoit par ailleurs que seules des personnes physiques peuvent faire des dons aux partis politiques, aux listes ou aux candidats. De plus, l’identité de ces donateurs doit pouvoir être établie.
Les avancées de ces dernières années |
Ce qui pourrait encore être fait |
- Le financement public des partis politiques. |
- Une plus grande fermeté à l’égard des partis politiques dont le programme comporte des éléments contraires aux droits et libertés fondamentales. |
- La limitation des dépenses électorales. |
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Les incompatibilités
Nous avons vu que l’absence d’une condition d’éligibilité empêchait de prendre part à la compétition électorale communale, de devenir conseiller communal et, en conséquence, d’accéder aux mandats dérivés. L’existence d’une incompatibilité, elle, n’empêche pas de se présenter sur une liste mais elle place l’élu devant un choix: soit il décide d’exercer le mandat fraîchement conquis et il devra alors renoncer à la fonction incompatible, soit il préfère conserver la fonction incompatible et il renonce à l’exercice de son mandat de conseiller communal.
Un agent communal peut ainsi figurer sur une liste lors des élections dans sa commune, mais élu, il ne pourra être installé que s’il se met en congé de sa fonction d’agent communal. S’il veut conserver son emploi, il devra renoncer au mandat de conseiller.
Les incompatibilités sont fonctionnelles ou familiales. Elles reposent sur plusieurs impératifs: le souci d’assurer la disponibilité de l’élu mais aussi celui de lui éviter des situations quasiment schizophréniques, dans lesquelles il deviendrait à la fois une chose et son contraire. Imaginons un député provincial qui approuverait les actes fondamentaux de la commune dont il serait conseiller, voire un agent communal qui voterait, en qualité de conseiller, le statut administratif ou pécuniaire qui lui serait par ailleurs applicable!
Les incompatibilités fonctionnelles interdisent d’exercer simultanément un mandat communal et telle ou telle autre fonction. Elles résultent essentiellement de l’article L1125-1 du Code wallon mais on en trouve ailleurs, par exemple dans la loi sur la police intégrée, dans le Code judiciaire ou dans les lois organiques du Conseil d’Etat et de la Cour d’Arbitrage.
Les incompatibilités fonctionnelles sont prévues à deux niveaux, en cascade. L’article L1125-1 établit des incompatibilités avec le mandat de conseiller communal. L’article L1125-2 établit, lui, des incompatibilités avec le mandat de bourgmestre ou d’échevin. C’est ainsi, par exemple, qu’un Ministre d’un culte peut devenir conseiller communal mais il ne peut "monter" à l’exécutif communal.
Parmi les incompatibilités fonctionnelles, rappelons cette incompatibilité partielle entre le mandat de conseiller communal et celui de conseiller de l’aide sociale: "le conseil de l’aide sociale ne peut comporter plus d’un tiers de conseillers communaux" [17]. Ainsi, dans un conseil de l’aide sociale de neuf personnes, trois seulement peuvent être revêtues de la double casquette.
Quant aux incompatibilités familiales, elles constituent des remparts contre le népotisme et les velléités de transformer des conseils communaux en conseils de famille; un danger qui fut et reste peut-être tout sauf illusoire, particulièrement dans des petites communes. L’article L1125-3 du Code wallon prévoit ainsi que des personnes unies par le mariage ou par des liens de parenté ou d’alliance, au premier ou au deuxième degré, ne peuvent siéger simultanément dans des conseils communaux. Le Parlement wallon vient d’assimiler les cohabitants légaux aux conjoints.
Au collège des bourgmestre et échevins, l’incompatibilité familiale est étendue jusqu’au troisième degré [18].
Les empêchements
Poursuivons l’analyse toujours plus en aval de l’élection. Les conditions d’éligibilité ont été réunies et il n’y a pas d’incompatibilité familiale ou fonctionnelle. Il peut cependant arriver qu’une situation particulière provoque un empêchement en ce qu’elle ne permet plus à l’élu communal de consacrer le temps nécessaire à l’exercice de son mandat.
Pour les conseillers communaux, je ne connais que l’empêchement - devenu plus virtuel que réel et bientôt supprimé - de l’accomplissement du service militaire ou civil [19]. Les articles L1123-4 et L1123-11 du Code wallon évoquent le même empêchement militaire ou civil pour le bourgmestre et les échevins.
Beaucoup plus réel est l’empêchement qui survient lorsque les membres de l’exécutif communal deviennent Ministres, dans un Gouvernement fédéral, régional ou communautaire. Ils deviennent alors des bourgmestres ou échevins empêchés et sont remplacés dans une fonction qu’ils délaissent ainsi provisoirement et dont ils ne perçoivent plus la rémunération. Ils restent cependant conseillers communaux.
Le remplacement du bourgmestre est alors assuré par un échevin de nationalité belge: le premier en rang à moins que le bourgmestre empêché n’ait délégué un autre échevin de nationalité belge [20].
Remarquons que l’empêchement concerne les mandats exécutifs fédéraux et fédérés mais pas les mandats législatifs. Le bourgmestre ou l’échevin peut donc être, en même temps, député fédéral, sénateur ou membre d’un parlement régional.
Les avancées de ces dernières années |
Ce qui pourrait encore être fait |
- L’empêchement résultant de l’accession des bourgmestres et échevins à un poste de Ministre ne date que de la loi du 21 mars 1991 modifiant la nouvelle loi communale en ce qui concerne les absences et empêchements des mandataires. |
- Prévoir un empêchement pour le bourgmestre ou l’échevin d’une grande commune (seuil à fixer) qui devient député fédéral ou régional. |
Les conflits d'intérêts
Les conflits d’intérêts peuvent être regardés comme des incompatibilités ponctuelles. Ils concernent des mandataires qui ont été élus, qui ont ensuite été installés parce qu’ils ne se trouvaient pas dans une situation légale d’incompatibilité et qui ne sont pas empêchés. Un risque subsiste encore: celui de les voir pris en tenaille entre leur intérêt personnel et l’intérêt général que les communes, comme les autres autorités publiques, sont censées incarner. C’est ce qu’on appelle le conflit d’intérêts.
Pour ne pas tenter le diable et éviter des situations cornéliennes, potentiellement dangereuses, le Code wallon prévoit des interdictions de siéger, d’une part, et des interdictions de prendre part à certaines opérations pour le compte de la commune, d’autre part.
Les interdictions de siéger
Les articles L1122-19 et L1123-22 du Code wallon interdisent respectivement aux conseillers communaux et aux membres du collège d’être présents lors des discussions et des votes qui concernent des affaires auxquelles eux-mêmes ou leurs parents, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ont un intérêt direct. Il est précisé que l’interdiction concerne aussi les situations qui ont pris naissance avant les élections.
Remarquons que le conflit d’intérêts s’étend deux degrés de parenté plus loin que l’incompatibilité familiale au conseil et un degré plus loin que l’incompatibilité familiale au collège [21]. La prohibition s’arrête toutefois au deuxième degré - comme l’incompatibilité familiale au conseil - lorsqu’il s’agit de présenter des candidats, de nommer dans des emplois ou d’intenter des poursuites disciplinaires.
Les conseillers ne peuvent par ailleurs pas assister à l‘examen des comptes des administrations publiques subordonnées - CPAS, fabriques d’église, asbl communales - dont ils sont membres.
Les interdictions de prendre part à certaines opérations des communes
Pour éviter les mêmes tentations schizophréniques, l’article L1125-10 du Code wallon interdit aux conseillers communaux - mais aussi aux membres du collège et au secrétaire communal - de fournirdes biens ou de prester des services - ingénierie, architecture, contrôle financier, … - pour le compte de la commune.
De plus, l’article 1596 du Code civil prévoit que les administrateurs des communes ne peuvent se rendre adjudicataires, en fait acquéreurs, des biens des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins. A propos de cet article 1596, l‘encyclopédie du droit civil belge de Beltjens définit remarquablement ce qu’on a voulu éviter: "la prohibition de l’article 1596 du Code civil est motivée sur ce que la loi n’a pas voulu mettre l’intérêt personnel aux prises avec le devoir, qu’elle a craint que, dans ce conflit, le devoir ne fût sacrifié à l’intérêt" [22]. En fonction de cet impératif et du fait que le Code civil a été élaboré en 1808 , il nous semble que l’on doit entendre le terme administrateur dans une acception générale, celle qui vise toute personne chargée de la gestion de la commune, y compris les conseillers communaux. L’encyclopédie fait d’ailleurs expressément allusion au cas d’un conseiller communal qui peut acquérir une partie d’un chemin vicinal supprimé parce que "l’article 29 de la loi de 1841 sur la voirie vicinale déroge, sous ce rapport, à l’article 1596 du code civil" [23].
L’article L1125-10 du Code wallon interdit également aux conseillers communaux, échevins et bourgmestres d’intervenir en qualité d’avocat ou de notaire pour la commune, sinon gratuitement.
De manière on ne peut plus logique, le même article prévoit qu’un conseiller communal, échevin ou bourgmestre - donc un membre d’un organe de gestion de l’employeur - ne peut agir en qualité de conseil d’un agent de la commune poursuivi dans le cadre d’une action disciplinaire. Il ne peut non plus intervenir comme délégué ou technicien d’une organisation syndicale dans le comité de négociation ou de concertation de la commune.
Les conflits d’intérêts au sein des centres publics d’action sociale
L’article 37 de la loi organique des CPAS reproduit presqu’intégralement les dispositions des articles L1122-9 et L1125-10 du Code wallon qui posent, pour les conseillers communaux, des interdictions de siéger, de prendre part à certaines opérations et d’intervenir comme avocat ou notaire, sinon gratuitement. A noter cette nuance dans la formulation de l’interdiction de fournir biens et services: l’article 37, 2° précise que cette interdiction s’applique aux sociétés commerciales dans lesquelles le membre du conseil, le bourgmestre ou son délégué est associé gérant, administrateur ou mandataire.
L’article 37 s’applique aux membres du conseil mais aussi aux personnes - c’est le cas du bourgmestre ou d’un échevin désigné par le collège [24] - qui peuvent assister aux séances. Il concerne aussi les comités de gestion qui pourraient être créés en vertu de l’article 94 de la loi organique; il s’agit notamment des comités de gestion des hôpitaux qui dépendent du CPAS. Je n’ai par contre pas trouvé d’extension des dispositions de l’article 37 au bureau permanent, qui est l’organe exécutif du centre public d’action sociale, ou au secrétaire du CPAS.
L’article 1596 du Code civil, qui interdit aux mandataires des communes et des établissements publics de devenir acquéreurs des biens de la commune ou de l’établissement s’applique-t-il aux centres publics d’action sociale? Je pencherai pour l’affirmative. D’une part, parce que, dans la terminologie juridique actuelle, les CPAS sont des établissements publics. D’autre part parce que, sous une autre appellation - les bureaux de bienfaisance et les commissions des hospices civils - les établissements chargés de soulager la misère existaient déjà, dans l’orbite des municipalités, au tout début du dix-neuvième siècle. Il en résulte, à mon sens, que les conseillers de l’aide sociale et les personnes qui peuvent assister au conseil - notamment le bourgmestre - ne peuvent acquérir des biens qui appartiennent au centre. Quoi qu’il en soit, des précisions seraient les bienvenues dans la loi organique; elles pourraient y être apportées par un décret de la Région wallonne ou de la Communauté germanophone.
Les conflits d’intérêts au sein des zones pluricommunales de police
L’article 27 de la loi sur la police intégrée rend applicable, aux réunions du conseil de police, l’article 92 de la loi communale, intégré depuis dans les articles L1122-19 et L1125-10 du Code wallon. Il s’agit des interdictions de siéger et de prendre part à certaines opérations pour la zone de police.
L’article 28, qui concerne le collège de police, n’a pas importé l’article 92 de la loi communale. Faut-il considérer qu’il n’y a pas d’interdiction de siéger, même si l’objet de la délibération concerne le membre du collège ou un proche parent de celui-ci? Suivant l’expression consacrée, une précision serait la bienvenue…
L’article 1596 du Code civil, qui interdit aux mandataires des communes et des établissements publics de devenir acquéreurs des biens de la commune ou de l’établissement s’applique-t-il aux zones pluricommunales de police? Je pencherai pour l’affirmative. D’une part, parce que les zones, si elles intègrent plusieurs anciens corps de police et de gendarmerie, n’en constituent pas moins des établissements publics, dans la typologie juridique. D’autre part, parce qu’elles assurent, sous des formes modernisées, une des missions séculaires des communes: assurer aux citoyens les avantages d’une bonne police [25]. Il en résulte, à mon sens, que les conseillers de police ne peuvent acquérir des biens qui appartiennent à la zone. Quoi qu’il en soit, des précisions ne seraient pas superflues dans la loi fédérale organisant la police intégrée.
Les conflits d’intérêts au sein des intercommunales
Des conflits d’intérêts peuvent aussi exister au sein des intercommunales. C’est pourquoi l’article L1525-2 du Code wallon interdit aux administrateurs d’être présents lors des discussions et délibérations qui ont pour objet des affaires auxquelles eux-mêmes ou des parents, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ont intérêt. La prohibition s’arrête au deuxième degré pour les présentations de candidats, nominations, révocations ou suspensions. Le même article leur interdit également de prendre part à des marchés passés avec l’intercommunale et d’intervenir comme avocat, notaire ou homme d’affaires pour l’intercommunale.
Le Code wallon ne parle expressément que des administrateurs. Faut-il en déduire que les membres de l’assemblée générale, du collège des commissaires ou du comité de surveillance ne sont pas visés par les interdictions et que, par exemple, ils pourraient prendre part aux marchés passés par l’intercommunale? Une précision ne serait pas inutile.
Autre remarque: alors que les conseillers communaux peuvent intervenir en qualité d’avocat ou de notaire de la commune pourvu qu’ils le fassent gratuitement, la même possibilité ne semble pas avoir été prévue pour les administrateurs des intercommunales.
C’est vraisemblablement un oubli mais rien, dans les textes actuels, n’interdit aux administrateurs d’intervenir en qualité de conseil d’un agent de l’intercommunale poursuivi dans le cadre d’une action disciplinaire ou de devenir délégué ou technicien d’une organisation syndicale dans les organes de négociation ou de concertation de l’intercommunale. Une précision est demandée.
L’article 1596 du Code civil, qui interdit aux mandataires des communes et des établissements publics de devenir acquéreurs des biens de la commune ou de l’établissement s’applique-t-il aux intercommunales? Dans la terminologie juridique actuelle, celles-ci constituent des associations de droit public et non des établissements publics. Il faut cependant répéter que le Code civil date de 1808 et que, dans son article 1596 - situé dans le titre consacré au contrat de vente - il a manifestement tenté de prévenir toute catégorie de conflit d’intérêts. La question mériterait d’être précisée.
Sous réserve des trois souhaits de précisions qui viennent d’être formulés, les interdictions posées par l’article L1525-2 du Code wallon sont calquées sur celles qui visent les conseillers communaux. Les articles L1525-1 et L1525-2, par. 3, 4 et 5 y ont cependant ajouté un certain nombre de précisions. Ainsi:
- un conseiller communal ne peut représenter sa commune dans une intercommunale lorsqu’il est par ailleurs membre d’un organe de la société gestionnaire ou concessionnaire de l’activité de l’intercommunale;
- un conseiller communal ne peut devenir administrateur ou commissaire d’une intercommunale s’il exerce un mandat dans un organe de gestion ou de contrôle d’une société privée qui a pour objet une activité similaire à celle de l’intercommunale, ce qui pourrait engendrer un conflit d’intérêts direct et permanent;
- un conseiller communal qui est réviseur d’entreprise ne peut devenir commissaire-réviseur d’une intercommunale dont sa commune fait partie;
- un conseiller communal d’une commune associée ne peut devenir administrateur d’une intercommunale s’il est membre du personnel de celle-ci.
Remarquons quelques nuances dans ces dispositions supplémentaires. Au fil des alinéas, la formule est plus ou moins large, depuis l’interdiction de représenter sa commune - ce qui semble viser tout mandat dans l’intercommunale - jusqu’à une interdiction de devenir administrateur, en passant par une interdiction de devenir administrateur ou commissaire. Ainsi, prise au pied de la lettre, l’interdiction de devenir administrateur lorsqu’on est membre du personnel de l’intercommunale [26] laisse a contrario, au même membre du personnel, la possibilité de devenir membre de l’assemblée générale, commissaire ou membre du comité de surveillance!
Les conflits d’intérêts au sein des régies communales autonomes
Les régies communales autonomes sont réglées par les articles L1231-4 à L1231-11 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation. Je n’y ai pas trouvé de disposition spécifique qui interdirait aux membres du conseil d’administration ou du comité de direction de participer à certaines opérations de la régie ou de siéger lorsque des affaires qui les concernent - eux-mêmes ou leurs parents - font l’objet de discussions et de votes.
L’article L1231-8 prévoit bien que les membres du conseil communal qui siègent comme administrateurs ou commissaires dans les organes de la régie ne peuvent détenir aucun mandat rémunéré d’administrateur ou de commissaire ni exercer aucune activité salariée dans une filiale de cette régie.
Par ailleurs, l’article L1231-10 rend applicables, aux régies communales autonomes, les articles du Code des sociétés qu’il énumère: 63, 130 à 144, 165 à 167, 517 à 530, 538, 540, 561 à 567. Certaines de ces dispositions tendent effectivement à prévenir les risques de conflits d’intérêts. C’est le cas de l’article 133, qui rappelle qu’un commissaire ne peut jamais se trouver "dans des conditions susceptibles de mettre en cause l’indépendance de l’exercice de sa fonction", ou des articles 523 et 524ter, qui visent les administrateurs et les membres du comité de direction qui auraient "directement ou indirectement un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou une opération relevant du conseil d’administration ou du comité".
Il est toujours délicat de légiférer par référence, a fortiorilorsqu’il s’agit d’appliquer, à un établissement public créé unilatéralement par la commune, des règles qui ont été conçues pour s’appliquer à des sociétés, c’est-à-dire à des structures multilatérales regroupant des associés ou des actionnaires, parfois en grand nombre. En tout état de cause, il serait judicieux d’insérer, dans le Code wallon, les interdictions classiques de siéger et d’être partie à certains actes juridiques de la régie.
Les conflits d’intérêts au sein des sociétés de logement de service public
Les conflits d’intérêts sont aussi pris en compte dans le domaine du logement social puisque, précise l’article 149 du Code wallon du logement, les administrateurs ne peuvent être présents lors des discussions et des votes relatifs à des objets à propos desquels eux ou leurs parents ou alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ont un intérêt personnel et direct. Par ailleurs, ils ne peuvent prendre part directement ou indirectement à des marchés passés avec la société.
La formulation de l’article 149 est restrictive par rapport à l’article qui, dans le Code wallon de la démocratie locale, concerne les communes. On n’y trouve pas trace de l’interdiction d’intervenir, sinon gratuitement, comme avocat ou notaire pour la société.
Je n’ai par ailleurs pas trouvé trace d’une interdiction de siéger à l’assemblée générale.
L’article 1596 du Code civil, qui interdit aux mandataires des communes et des établissements publics de devenir acquéreurs des biens de la commune ou de l’établissement s’applique-t-il aux sociétés de logement de service public? Il semble hasardeux de s’aventurer dans une tentative d’interprétation dans la mesure où ces sociétés constituent des associations de droit public et n’existaient évidemment pas à l’époque où le Code civil a été mis en chantier. De plus, elles assurent une mission qui, au début du dix-neuvième siècle, ne faisait pas encore expressément partie des tâches dévolues à la puissance publique. Il n’empêche que les liens que les sociétés de logement entretiennent avec les communes devraient inciter à dire que les administrateurs, mais aussi les membres de l’assemblée générale, ne peuvent acquérir des biens qui appartiennent à la société de logement. Quoi qu’il en soit, des précisions seraient les bienvenues dans le décret régional qui institue le Code wallon du logement.
Les conflits d’intérêts croisés
Même si le système est perfectible et si des précisions doivent encore être apportées, on peut considérer que le problème des conflits d’intérêts au sein d’une institution - la commune ou un de ses satellites - est globalement rencontré. Ainsi, les conseillers communaux ne peuvent prendre part aux marchés de la commune. S’ils deviennent administrateurs d’une intercommunale ou d’une société de logement, l’interdiction s’étend aux marchés de l’intercommunale ou de la société.
Mais quid des conflits d’intérêts lorsqu’un conseiller communal n’est pas représentant de la commune dans une intercommunale ou une société de logements dont sa commune fait partie? Alors même que les relations peuvent être étroites avec le "para-communal", il peut participer aux marchés qu’elle organise. Sous réserve d’éventuelles incompatibilités ponctuelles énoncées par l’une ou l’autre loi - je pense aux lois qui organisent certaines professions - il peut en être l’avocat, le notaire, l’architecte, l’ingénieur ou le réviseur. Ne faudrait-il pas que le décret prenne en compte ces conflits d’intérêts potentiels? C’est ce qu’on peut appeler des les conflits d’intérêts croisés.
Sauf erreur de ma part, le conseiller communal qui n’est pas, en plus, conseiller de l’aide sociale peut prendre part aux marchés organisés par le CPAS; il peut aussi intervenir en qualité d’avocat ou de notaire du centre.
Ce qui pourrait encore être fait |
1. Pour les communes - Actualiser la formulation des actes interdits aux conseillers communaux, bourgmestres, échevins et secrétaires communaux par les articles L1125-10 du Code wallon et 1596 du Code civil. |
2. Pour les CPAS - Les interdictions de siéger et de prendre part à certaines opérations sont applicables aux conseillers, aux bourgmestres ou à leurs délégués, aux membres des comités de gestion. La loi ne prévoit rien pour le bureau permanent et le secrétaire du CPAS. |
3. Pour les zones de police - Les interdictions de siéger et de prendre part à certaines opérations sont applicables aux conseillers de police. La loi ne prévoit rien pour le collège de police et le chef de zone. |
4. Pour les intercommunales - Les conflits d’intérêts n’ont été pris en considération par le Code wallon que pour les administrateurs. Quid des représentants à l’assemblée générale, au collège des commissaires ou au comité de surveillance, voire du secrétaire général? |
5. Pour les régies communales autonomes - Insérer, dans le Code wallon, les interdictions de siéger et de prendre part à certains actes juridiques de la régie qui s’appliquent aux administrateurs et aux membres du comité de direction. |
6. Pour les sociétés de logement de service public - Les interdictions de siéger et de prendre part aux marchés de la société sont applicables aux administrateurs. Quid des représentants à l’assemblée générale et du directeur gérant? |
7. Les conflits d'intérêts croisés - Les interdictions de prendre part aux marchés des intercommunales, des sociétés de logement, voire des CPAS, ne sont pas applicables aux conseillers communaux qui n’ont pas été désignés dans ces institutions. Sous réserve de quelques dispositions spécifiques, ils peuvent en devenir les avocats, notaires, conseillers, … Ne conviendrait-il pas de colmater cette brèche? |
Les limitations de cumuls
La limitation des émoluments
L’article L1123-17 du code wallon porte que "la somme du traitement du bourgmestre ou d’échevin et des indemnités, traitements et jetons de présence perçus par le bourgmestre ou l’échevin en rétribution d’activités exercées en dehors de son mandat est égale ou inférieure à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire perçue par les membres de la Chambre des représentants ou du Sénat". L’article 38, par. 2 de la loi organique des CPAS du 8 juillet 1976 prévoit la même limitation de rémunération pour le président.
Cette limitation chiffrée est apparue en 2001, dans l’article 20bis de la loi communale, devenu depuis l’article L1123-17 du Code wallon; en janvier 2003, le plafond représentait 138.636,06 euros [27].Le même article précise que sont pris en considération: les indemnités, traitements ou jetons de présence découlant de l’exercice d’un mandat, d’une fonction ou d’une charge publique d’ordre politique. On pense ainsi à des mandats parlementaires ou à ceux qui sont exercés dans une intercommunale ou une société de logement de service public.
Il convient d’énoncer deux remarques à propos de cet article L1123-7. D’abord, il ne limite en rien des cumuls avec des rémunérations non afférentes à des mandats politiques, qu’elles soient perçues dans le secteur public ou le secteur privé. Jusqu’aux dernières modifications du Code wallon [28], il ne concernait pas les simples conseillers communaux qui pourraient donc légalement cumuler leurs - il est vrai, modiques - jetons de présence communaux avec d’autres traitements "politiques", sans plafonnement. Cette brèche a été colmatée dans l’article L1122-7 du Code wallon de la démocratie locale.
Autre interpellation sur le sujet: les jetons de présence des conseillers communaux ainsi que les rémunérations des bourgmestres, échevins et secrétaires communaux sont fixés en toute transparence par le Code wallon de la démocratie locale. Le même principe vaut pour les provinces et les centres publics d’action sociale. Pourquoi cette limpidité légale ne pourrait-elle pas exister pour les intercommunales et les sociétés de logement? Resterait encore à aborder la très délicate question des frais de représentation, qui a d’ailleurs déclenché la tempête médiatique de l’été 2005.
La limitation du nombre de mandats
Les dispositions restent peu nombreuses. Citons l’article L1525-2 du Code wallon, qui interdit à un membre d’un conseil communal d’exercer plus de trois mandats exécutifs dans les intercommunales auxquelles sa commune est associée. Cette limitation ne concerne toutefois que les intercommunales et elle n’interdit pas à un bourgmestre ou à un échevin d’être à la fois administrateur ou commissaire dans trois intercommunales et dans une ou plusieurs sociétés de logements sociaux - certaines villes ou communes étant desservies par plusieurs de ces sociétés - pour autant que le total des rémunérations ne dépasse pas la limite fixée à une fois et demie l’indemnité parlementaire.
Je n’ai pas trouvé trace de cette limitation à trois mandats exécutifs dans les intercommunales pour le président et les conseillers du CPAS.
Les avancées de ces dernières années |
Ce qui pourrait encore être fait |
- La limitation des émoluments "politiques" des bourgmestres et échevins à une fois et demie l’indemnité parlementaire date de 2001. |
- Prévoir une limitation générale à un certain nombre de mandats rémunérés, qu’ils soient exercés dans une intercommunale ou dans une autre institution. |
- L’interdiction faite à tout conseiller communal d’exercer plus de trois mandats exécutifs dans les intercommunales n’est apparue que dans le décret wallon du 5 décembre 1996 relatif aux intercommunales. |
- Fixer, dans les décrets, les rémunérations accordées dans les intercommunales et les sociétés de logement. |
- Le code wallon vient d’être modifié pour étendre le plafonnement des émoluments politiques aux conseillers communaux. |
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La déclaration de mandats et de patrimoine
Une loi du 2 mai 1995 oblige les mandataires publics à déposer une liste des mandats, fonctions et professions ainsi qu’une déclaration de patrimoine [29]. Elle est notamment applicable aux bourgmestres, aux échevins, aux présidents des conseils publics d’aide sociale mais aussi aux membres des conseils d’administration et des comités de direction des intercommunales. Restée lettre morte pendant neuf ans, cette loi a été réactivée par la loi du 26 juin 2004 [30]. Les premières déclarations ont ainsi été transmises à la Cour des Comptes en 2005, à l’initiative de l’informateur institutionnel qui, pour la commune, est le secrétaire communal.
L’obligation de déclaration concerne les mandats publics et privés, qu’ils soient ou non rémunérés. Elle s’applique chaque année. La déclaration de patrimoine, elle, n’intervient qu’au début et à la fin de l’exercice d’un mandat.
Les modifications récentes du Code wallon prévoient désormais d’autres obligations de déclaration, auprès du secrétaire communal et du Gouvernement wallon. L’obligation est par ailleurs étendue aux conseillers communaux.
Conclusions
Même s’il reste des brèches à colmater dans les lois et décrets, il semble difficile de contester le fait que de nombreuses balises ont été posées depuis une quinzaine d’années. Je mentionnerai notamment: l’obligation d’être conseiller communal pour représenter la commune dans la plupart des institutions para-communales, la généralisation de la représentation proportionnelle dans les organes de ces mêmes institutions, l’instauration de la transparence de la gestion, le financement public des partis politiques, la limitation des dépenses électorales, la situation d’empêchement pour les bourgmestres et échevins qui deviennent Ministres, la prévention de beaucoup de conflits d’intérêts potentiels, la limitation des émoluments politiques des bourgmestres et échevins, la limitation du nombre de mandats dans les intercommunales.
Le système se transforme manifestement - quoique parfois trop lentement - dans le bon sens, celui qui rend les dérives plus malaisées, à défaut de pouvoir jamais les rendre impossibles.
Il serait toutefois ridicule de nier que des comportements déviants persistent et que, suivant l’excellente formule de Marc Uyttendaele, des "caciques locaux continuent à se servir avant de servir" [31]. Il est hors de doute que ces agissements doivent être dénoncés puis condamnés avec la plus grande fermeté. D’abord parce qu’ils heurtent les principes fondamentaux qui doivent régir la gestion publique mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’ils font courir un danger mortel à la démocratie.
Quand un système démocratique est parasité par des comportements pervers, c’est à ceux-ci et non à celui-là qu’il convient de s’attaquer.
Les lois du commerce mondial, édictées par ceux que Jean Ziegler appelle "les prédateurs et leurs mercenaires" [32], laissent de moins en moins de place à ce qui n’est pas directement "profitable au profit" [33]. Il ne faut dès lors pas s’étonner que le service public soit de plus en plus souvent l’objet d’attaques de nature idéologique. Pour les hérauts de la pensée unique, il serait au mieux ringard, au pire nuisible.
Le service public a assez d’ennemis extérieurs pour se permettre de tolérer, en plus, des ennemis intérieurs. Or, parmi ces derniers, les auteurs présumés des comportements révélés depuis quelques mois rejoignent assurément les dinosaures qui perpétuent la bureaucratie et la "maladministration" [34].
Ceux qui servent l’intérêt général par la qualité de leurs prestations et l’intégrité de leur gestion - et ils constituent une très large majorité - ne méritent vraiment pas le surcroît d’indignité qui résulte des tirs croisés de leurs adversaires extérieurs et intérieurs.
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[Remonter] Code wallon du logement, art. 130 et 146.- [Remonter] Cet art. concerne les conditions dans lesquelles les citoyens des pays de l’Union européenne peuvent participer aux élections municipales.
- [Remonter] Sauf lorsque la condamnation est prononcée pour un homicide ou des coups et blessures par imprudence.
- [Remonter] A la date du 22.12.2005, les modifications du Code wallon n’ont pas encore été publiées au M.B.
- [Remonter] Laissons de côté l’hypothèse, particulièrement rare, du bourgmestre choisi en dehors du conseil communal.
- [Remonter] Const., art. 11bis.
- [Remonter] L. 7.12.1998, art. 12, organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux.
- [Remonter] A l’exception du commissaire-réviseur.
- [Remonter] CDLD, art. L1522-1, L1523-1, L1524-1 et L1531-2.
- [Remonter] L.O., 8.7.1976, art. 10, prévoit que le conseil de l’aide sociale ne peut comporter plus d’un tiers de conseillers communaux.
- [Remonter] V. A. Coenen, Le Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation - La Région wallonne organise ses pouvoirs locaux, La Charte, Bruges, 2005, p. 175.
- [Remonter] CDLD, art. L2223-13 et L2223-14.
- [Remonter] M.B. 16.7.1994.
- [Remonter] L. 7.7.1994, art. 6.
- [Remonter] L. 7.7.1994, art. 7.
- [Remonter] Je n’ai pas trouvé trace d’une conversion en centimes d’euro.
- [Remonter] L.O. 8.7.1976, art. 10.
- [Remonter] Code wallon, art. L1125-3 in fine.
- [Remonter] CDLD, art. L1122-6.
- [Remonter] Code wallon, art. L1123-3.
- [Remonter] Au collège, l’incompatibilité familiale est étendue jusqu’au troisième degré.
- [Remonter] G. Beltjens, Encyclopédie du droit civil belge, tome III, Godenne, Liège, 1892, p. 429.
- [Remonter] Ibid., p. 430.
- [Remonter] L.O. 8.7.1976, art. 26.
- [Remonter] L. communale, art. 135 (partie non régionalisée) qui, lui-même, intégrait le texte des décrets révolutionnaires de 1789 et 1790.
- [Remonter] Art. L1525-2, par. 5.
- [Remonter] 5.592.565 francs belges, Newsletter, UVCW, www.uvcw.be, 01/2003.
- [Remonter] A la date du 22.12.2005, les modifications du Code wallon n’ont pas encore été publiées au M.B.
- [Remonter] M.B. 26.7.1995.
- [Remonter] M.B. 30.6.2004.
- [Remonter] Formule utilisée par le constitutionnaliste M. Uyttendaele lors de son passage au Grand Jury, Bel RTL, Le Soir, le jeudi 13.10.2005.
- [Remonter] J. Ziegler, Les nouveaux maîtres du monde, Fayard, 2002 et Le Seuil, 2003.
- [Remonter] V. Forrester, L’horreur économique, Fayard, Paris, 1996, p. 21.
-
[Remonter] A. Coenen, Les communes à la croisée des chemins, La Charte, Bruges, 2003, pp. 109 à 113.
L'auteur
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