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Mis en ligne le 4 Février 2025

Viennent d’être publiés au Moniteur belge de ce 19 décembre 2024 deux décrets traitant à la fois de la simplification administrative mais aussi des communications faites par voie électronique par les autorités publiques wallonnes[1].

Reprenant les dispositions du décret du 27 mars 2014 relatif aux communication par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes[2] qu’il remplace, ce décret comporte des nouveautés.

Avant d’aborder ces nouveautés et les éléments moins neufs, l’on rappellera utilement la notion d’autorité publique wallonne[3], définie très largement, à qui ce décret s’applique[4] :

« a) la Région wallonne et les organismes d’intérêt public qui en dépendent ;

b) les communes, les provinces et autres collectivités territoriales régies par le Code de la démocratie locale et de la décentralisation ;

c) les organismes qui dépendent directement des institutions visées aux a) ou b) ;

d) les entités, quelles que soient leur forme et leur nature, qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général, et dont soit l’activité est financée majoritairement par les autorités publiques ou organismes mentionnés au a), b) ou c), soit la gestion est soumise à un contrôle de ces autorités publiques ou organismes, soit plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par ces autorités ou organismes ;

e) les associations formées par une ou plusieurs autorités publiques visées aux a), b), c) ou d) ».

Première nouveauté – qui n’en est pas tout à fait une[5]: la consécration de l’interdiction du digital par défaut

L’article 2 du décret prévoit :

« Personne n’est contraint de poser un acte ou de communiquer avec l’autorité publique par voie électronique sauf lorsque l’autorité publique peut se prévaloir d’une exception légale ou décrétale contraire démontrant que le résultat escompté d’une démarche ne peut en aucun cas être atteint si elle devait être réalisée par la voie papier.

L’autorité publique doit maintenir et garantir le développement de moyen de communication hors ligne (…).

En ce qui concernent les personnes morales, certaines démarches sont uniquement accessibles par voie électronique ».

L’article 13, al. 1er, 3° du décret « enfonce le clou » :

« (…) afin de lutter contre la fracture numérique, l’autorité publique doit garantir à tout usager :

(…) 3° la possibilité de réaliser les démarches administratives ou les communications autrement qu’en ligne en prévoyant pour ses usagers un accueil physique, un service téléphonique et un contact par voie postale ».

Le développement exponentiel du digital, dans le secteur public mais aussi dans celui privé, a suscité la crainte que soient laissés sur le côté des usagers peu voire pas du tout au fait de l’utilisation des moyens de communication technologiques. Afin d’apaiser cette crainte, le législateur wallon a confirmé le principe de l’interdiction du numérique par défaut et donc le principe de la nécessité d’un consentement de la part de l’usager pour permettre la communication électronique entre l’autorité publique et l’usager.

Ce consentement devra être « libre, éclairé, univoque, spécifique et préalable à recevoir uniquement des communications par voie électronique via les moyens électroniques proposés par l’autorité publique en ce qui concerne des communications spécifiques et clairement identifiées »[6].

Le décret précise encore : « La faculté est donnée à l’usager de donner un consentement globalement pour chaque autorité publique avec laquelle il échange des communications électroniques ou pour chaque démarche spécifique »[7]. 

Conséquence logique de ce principe : si l’usager a opté pour le numérique et qu’il ne souhaite plus y recourir, il peut repasser hors ligne[8].

Le décret précise en ce cas que « [d]ès réception du retrait du consentement, le traitement de la démarche se poursuit via le nouveau moyen de communication choisi par l’usager, excepté pour les communications électroniques en cours que l’autorité publique ne pourrait plus techniquement arrêter ».

Ce principe étant entériné, le législateur a prévu deux exceptions.

La première exception est celle d’origine légale ou décrétale : l’autorité publique peut imposer le digital lorsqu’un texte de nature légale ou décrétale l’impose. Ce n’est donc pas l’administration qui peut imposer le digital mais bien un texte de rang législatif qui autorise le recours au digital par l’administration.

L’on regrettera que le législateur ait rajouté une condition difficilement compréhensible à l’utilisation de cette exception : « exception légale ou décrétale contraire démontrant que le résultat escompté d’une démarche ne peut en aucun cas être atteint si elle devait être réalisée par la voie papier » (nous soulignons).

Cet ajout a été fait suite à une remarque du Conseil d’Etat mais les travaux parlementaires n’explicitent pas davantage les intentions du législateur à cet égard[9]. S’agit-il d’exiger qu’outre un texte de rang législatif autorisant ou imposant la communication électronique de manière exclusive, l’administration démontre qu’il ne puisse communiquer de manière exclusivement électronique que si le résultat escompté ne peut être pas atteint par la voie papier ?

La seconde exception concerne les personnes morales qui peuvent se voir imposer la communication électronique…[10]

Si les parlementaires se sont interrogés sur l’existence d’une exception mise en œuvre sans point n’en trouver, il nous semble qu’en ce qui concerne les pouvoirs locaux, une obligation de communiquer de manière électronique avec l’autorité publique régionale wallonne existe déjà : il s’agit d’etutelle[11] !

Deuxième nouveauté : l’introduction d’un chapitre entièrement dédié au portail numérique du Service public de Wallonie[12]

L’exposé des motifs indique: « Afin de déployer une administration publique connectée aux usagers, innovante et performante telle que prévu dans le Déclaration de politique régionale 2019-2024, le Gouvernement wallon a décidé de faire évoluer Mon Espace vers une plateforme performante de services digitaux offrant à ses usagers une expérience personnalisée, plateforme transversale et ouverte à son écosystème : ma.Wallonie »[13].

L’exposé des motifs précise encore : « (…) le portail offrira à terme non seulement les démarches du SPW à destination des citoyens, entreprises et associations mais également l’accès aux services offerts par d’autres entités tels que les UAPs, villes et communes, et autres niveaux de pouvoir »[14].

A l’occasion de son avis, notre association a insisté auprès du Gouvernement wallon qu’il soit veillé à la cohérence des plateformes publiques aux yeux des citoyens et des entreprises et à l’interopérabilité des différents services publics digitalisés. A l’heure où les plateformes publiques se multiplient, où les démarches se digitalisent dans tous les sens, se pose la question de leur perception et leur appréhension par les usagers, à savoir : les citoyens, les entreprises, les associations et les autres administrations. Se pose aussi la question des ponts à établir entre ces plateformes. La digitalisation des services publics ne peut faire fi de leur indispensable interopérabilité et de leur nécessaire connexion.

A cela, la Ministre en charge du projet de décret a répondu en ce sens :

« L’objectif du portail unique [de la Région wallonne – Ma.wallonie], malgré les différents niveaux de pouvoir (…) est de simplifier la vie des usagers. Le portail doit être une interface simple pour tous les services publics. L’objectif est de permettre aux usagers d’entreprendre leurs démarches administratives. En revanche, l’objectif n’est pas de concentrer en Wallonie les démarches des communes ou des provinces, par exemple, mais bien de garantir des liens entre les services en ligne des différents niveaux de pouvoir. C’est jouer la coordination entre eux »[15].

En outre, notre association s’était inquiétée, lors de la remise de son avis, de l’interaction des règles nouvelles relatives à la computation des délais avec les réglementations particulières :

« Même si cette disposition semble limitée aux communications électroniques opérées via la plateforme régionale (de par l’intitulé des articles mais non par ses dispositions), nous craignons une contradiction avec une réglementation particulière qui prévoirait un calcul différent ou une définition différente du délai, lorsque la démarche est effectuée via la plateforme. Il nous paraît que ce sont les réglementations réglant les démarches passées par la plateforme régionale ou non qui doivent régler les règles relatives à la notion, au calcul et à la computation des délais, et non à une réglementation à portée générale. A défaut, il nous semble exister un risque de différence de traitement injustifié selon que la démarche est accomplie par voie papier ou physiquement ou par voie électronique ».

A cette crainte, aucune réponse n’a été apportée.

Troisième nouveauté qui peut étonner : obligation de lutter contre la complexité et les contraintes administratives

Le décret prévoit désormais une obligation dans le chef de l’autorité publique de proposer, de poursuivre et de coordonner toutes mesures en vue de lutter contre la complexité et les contraintes administratives imposées aux usagers des services publics et un principe de confiance dans les démarches proposées via le portail[16].

La notion d’usager n’étant pas définie, il faut en inférer que les pouvoirs locaux sont, eux aussi des usagers des services publics wallons, qui devraient bénéficier eux aussi de mesures de simplification administrative.

Quatrième nouveauté : obligation pour les autorités publiques de proposer un soutien à la réalisation en ligne des démarches administratives

L’article 13 du décret est une disposition, nouvelle, répondant aux craintes liées à une digitalisation à tout-va des services publics notamment, impose aux autorités publiques de garantir à tout usager :

  • Un soutien à la réalisation en ligne de ses démarches administratives ;
  • Des solutions technologiques rendant toute démarche administrative ou communication en ligne plus facilement accessibles aux personnes en situation de handicap ;
  • La possibilité de réaliser les démarches administratives ou les communications autrement qu’en ligne en prévoyant pour ses usagers un accueil physique, un service téléphonique et un contact par voie postale.

Lors de la remise de ses avis sur l’avant-projet de décret mais aussi l’avant-projet d’arrêté du Gouvernement wallon, notre association s’était inquiétée de la disponibilité des moyens affectés à la lutte contre la fracture numérique et d’un report de charge sur les pouvoirs locaux.

Notre association s’est opposée à l’introduction d’une obligation qui – à notre sens – est nouvelle : soutenir la réalisation de démarches en ligne pour l’usager qui ne voudrait pas recourir aux démarches hors ligne.

Si l’on peut et doit comprendre la nécessité pour les autorités publiques de maintenir les démarches administratives hors ligne lorsque ces mêmes démarches sont aussi proposées en ligne, il nous parait délicat d’imposer en plus à toutes les autorités publiques d’aider à la réalisation des démarches en ligne. Tout au plus, cette obligation a-t-elle du sens lorsque la communication électronique est la seule voie imposée.

Compte tenu des ressources limitées dont disposent les autorités publiques, cette charge nouvelle apparait inefficace parce qu’elle disperse les efforts de lutte contre la fracture numérique.

Outre la question de la compétence de la Wallonie de prévoir cette obligation pour toutes les démarches gérées par les pouvoirs locaux, y compris dans des matières ne ressortissant pas de la compétence régionale, l’UVCW a regretté que les autorités publiques locales doivent, de la sorte, pallier l’insuffisance de moyens mis à disposition par les autorités publiques réglementant les démarches en ligne.

En outre, la portée de cette obligation nouvelle n’est pas claire. Comment se concrétise-t-elle ? Jusqu’à quelle limite ?

Lors des discussions parlementaires, la Ministre en charge du projet a répondu à ces inquiétudes par les propos suivants :

« Il n’est pas de la volonté du Gouvernement de faire porter la charge de tout accompagnement aux pouvoirs locaux. Ces mesures d’accompagnement peuvent faire l’objet de précisions par le Gouvernement. Il est utile que chaque ministre compétent puisse définir le cadre de ces accompagnements en fonction des possibilités de ses services. On travaille avec l’ensemble des ministres fonctionnels et chacun peut prendre des initiatives dans son département ».

Espérons que cette déclaration soit suivie de mesures concrètes par l’ensemble des Ministres et administrations concernés.

Au rang de ce qui n’est pas neuf

Citons, pêle-mêle, des éléments qui sont repris dans le décret.

Comme par le passé[17], le décret impose à chaque autorité publique de prendre « toutes les mesures techniques et organisationnelles nécessaires, pour garantir l’intégrité, la confidentialité, la disponibilité et l’accessibilité de la communication compte tenu de toutes les circonstances et de l’objectif, de la nature et du contenu de la communication ».

Comme précédemment[18], le décret prévoit un lien avec l’ebox[19] : « toute autorité publique peut décider d’utiliser l’eBox ». Ce décret ne devrait donc pas changer la donne en ce qui concerne l’utilisation – fréquente – de l’ebox par les pouvoirs locaux[20].

Toujours comme précédemment[21], « [l]orsque l’autorité publique organise des moyens de communication spécifiques dans le cadre d’échanges clairement définis, celle-ci en informe sans équivoque l’usager via les canaux d’informations habituels de l’autorité publique »[22]. Autrement dit, le recours à la communication électronique doit faire l’objet de mesures de publicité.

Le décret garde, comme par le passé, l’application de la théorie de l’équivalence fonctionnelle : « [t]oute exigence légale, décrétale ou réglementaire de forme requise à l’occasion d’une communication est réputée satisfaite, par voie électronique, lorsque les qualités fonctionnelles de cette exigence ont été préservées »[23]. L’arrêté du Gouvernement wallon devrait apporter des précisions par rapport à l’équivalence certaines formalités papier dans l’environnement numérique.

Entrée en vigueur et arrêté du Gouvernement wallon

L’article 15 du décret prévoit une entrée en vigueur « à la date déterminée par le Gouvernement, et au plus tard le 1er juin 2025 ».

Le projet d’AGW devrait prochainement être resoumis au Gouvernement wallon en deuxième lecture de façon à ce que les autorités publiques disposent d’un arsenal juridique complet.


[1] Décret du 21.11.2024 relatif à la simplification administrative et aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes, M.B., 19.12.2024 ; ci-après, le décret ; le second décret est celui qui concerne les CPAS : décret relatif, pour les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution, à la simplification administrative et aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes, M.B., 19.12.2024 ; le présent commentaire vaut mutadis mutandis pour les CPAS, même s’il n’évoque que le premier décret.

[2] M.B., 14.4.2014 ; ci-après « l’ancien décret ».

[3] Art. 1, 1°, du décret.

[4] Outre les CPAS, comme précisé supra, qui sont visés par le second décret.

[5] En effet, l’article 4, al. 1er du décret du 27 mars 2014 indiquait : « A défaut de disposition légale, décrétale [1 ...]1 contraire, nul ne peut être contraint de poser un acte ou d'entrer en communication avec l'autorité publique, par voie électronique ». De même, l’article XII.25 du Code de droit économique dit dans le même ordre d’idée : « A défaut de dispositions légales contraires, nul ne peut être contraint de poser un acte juridique par voie électronique ».

[6] Art. 4 du décret.

[7] Art. 4, § 1er, al. 2 du décret.

[8] Art. 4, § 2, 3° et § 4 du décret.

[9] Section de législation du Conseil d’Etat, avis n° 75.719/4, art. 2, donné le 22.4.2024 sur un projet de décret relatif à la simplification administrative et aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes (Doc. Parl., P.W., 2024-2025, n°33/1

[10] Nous comprenons, par raisonnement a contrario de la première exception, que c’est sans texte de nature légale ou décrétale et donc sans consentement de cette personne morale, que l’autorité publique peut imposer la communication électronique aux personnes morales.

[11] Art. L3115-1 du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation ; AGW du 25.2.2021 pris en exécution de l'article L3115-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, relatif à la notification électronique des décisions de tutelle, M.B., 8.3.2021.

[12] Chapitre 4 – articles 9 et suivants.

[13] Exposé des motifs, Doc. parl., P.W., 2024-2025, n° 33-1, p. 3.

[14] Ibid.

[15] CRIC n° 30 rendu en Commission de la fonction publique et des infrastructures sportives le 4.11.2024, Doc. parl., P.W., projet de décret relatif à la simplification administrative et aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes, 2024-2025, p. 12.

[16] Article 8.

[17] Art. 5 de l’ancien décret.

[18] Art. 6 de l’ancien décret.

[19] Art. 7 du décret.

[20] Notons d’ailleurs que selon l’accord de Gouvernement fédéral, celui-ci entend développer l’eBox ; voyez les pages 39, 40 et 73.

[21] Art. 2, al. 2e de l’ancien décret.

[22] Art. 3, § 3 du décret.

[23] Art. 5, al. 1er du décret ; voyez l’art. 3, § 1er de l’ancien décret.

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4 Février 2025

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