Mise en pratique de l’obligation d’indication de l’implantation des constructions prévue à l’article D.IV.72 du CoDT
De quelles possibilités dispose une commune pour l’exécution de l’obligation d’indication de l’implantation des constructions prévue par le CoDT ?
Principe
L’article D.IV.72 du CoDT prévoit que :
« Le début des travaux relatifs aux constructions nouvelles, en ce compris l'extension de l'emprise au sol de constructions existantes, est subordonné à l'indication[1] sur place de l'implantation validée par les soins du collège communal. La décision du collège communal qui valide l'implantation sur place est antérieure au jour prévu pour le commencement des actes et travaux. »
L’exposé des motifs du décret du 13 décembre 2023 réformant le CoDT indique, à cet égard, que « La tâche de constater l’implantation peut être fastidieuse pour les collèges communaux. Il est, dès lors, proposé qu’ils ne soient plus chargés que de la validation de celle-ci. Chaque commune pourra librement décider soit de confier la tâche de procéder à l’implantation à son service technique, le cas échéant moyennant paiement d’une redevance, soit d’autoriser la personne qui met en œuvre le permis à recourir aux services d’un géomètre pour lui soumettre les documents nécessaires à sa prise de décision »[2].
Champ d’application
Toutes les constructions ou extensions de constructions existantes, autorisées par un permis d’urbanisme et non encore mises en œuvre à cette date , ne pourront débuter qu’après l’indication sur place de l’implantation par la commune.
Cette disposition concerne toutes les constructions. Par construire, il faut entendre le fait d’ériger un bâtiment ou un ouvrage. En conséquence, outre les bâtiments, sont également concernés les voiries, les murets, piscines, antennes, etc.
Modalités
Comme indiqué plus haut, la commune peut désormais choisir entre le fait de confier la tâche de l’implantation à son service technique ou d’autoriser la personne qui met en œuvre le permis à recourir aux services d’un géomètre pour lui soumettre les documents nécessaires à sa prise de décision.
Idéalement, la commune peut prévoir les modalités de l’application de l’indication dans les conditions du permis d’urbanisme :
- L’interdiction d’entamer les travaux avant l’indication de l’implantation.
- L’obligation de respecter cette indication lors de l’érection des bâtiments et ouvrages.
- Le respect du délai dans lequel le demandeur devra avertir la commune de la date de début de ses travaux.
A ces points s’ajouteront les modalités choisies par la commune pour procéder à l’indication de l’implantation.
1° Implantation réalisée par le service technique
La commune doit, dans ce cadre, disposer d’un personnel compétent (formé à la topographie) en nombre suffisant pour gérer l’ensemble des indications ainsi que du matériel adéquat (théodolite ou station de mesurage).
Force est de constater que peu de communes disposent de ce personnel et de ce matériel. En effet, les connaissances permettant le conseil en aménagement du territoire ou les aptitudes en urbanisme n’ont aucun rapport avec les compétences et les tâches spécifiques à la science du géomètre.
Si l’implantation d’un bâtiment s’insérant entre deux mitoyens ne devrait pas poser de problèmes et peut s’effectuer de manière relativement simple et rapide sans autre équipement qu’un décamètre, il en va tout autrement lors de l’implantation d’un bâtiment agricole au milieu de champs, d’un entrepôt dans un site d’activités économiques ou de la première habitation d’un lotissement, ou encore de l’implantation d’un ouvrage d’art ou d’une éolienne. Dans ces derniers cas, l’absence de points de repère à proximité nécessitera les prestations de personnel qualifié et l’utilisation de matériel approprié tel qu’un théodolite ou une station de mesurage. Le temps nécessaire au mesurage et au repérage peut également varier de quelques heures à quelques jours en fonction de la complexité des ouvrages à implanter. Il en résulte que le coût sera spécifique au type de dossier traité.
La commune peut sous-traiter l’aspect technique de l’indication à un professionnel qualifié. Cette méthode présente l’avantage de ne pas devoir disposer du personnel ou du matériel requis.
Un contrat stock peut être envisagé afin de prévoir que l’ensemble des chantiers devant être contrôlés puisse être traité.
Le cahier des charges du marché public d’indication des implantations, sous forme de contrat stock ou autre procédure, devra prévoir un mode de calcul approprié à ce type de mission en raison de l’impossibilité de fixer à l’avance la durée des prestations (de quelques heures à plusieurs jours) en fonction de la diversité des types d’implantations. Par ailleurs, la commune reste en toute hypothèse détentrice et responsable de sa compétence administrative. Dans ce cadre, le marché devra préciser clairement les responsabilités du prestataire de services ainsi que les conditions de sa mission, notamment en ce qui concerne les délais et les modes opératoires en regard des obligations de la commune et celles imposées par le CoDT.
Le coût des prestations ne doit pas être négligé, et seule la perception d’une redevance pourra permettre la mise en place de ce système.
2° Implantation réalisée par un géomètre mandaté par le titulaire du permis
Dans les conditions du permis, la commune pourrait imposer aux demandeurs de fournir un plan d’implantation coté reprenant les limites du terrain, les chaises délimitant la future construction, les repères de niveaux ainsi que deux points de référence fixes permettant un contrôle à posteriori. Ce plan devrait idéalement être dressé et signé par un géomètre. L’imposition de la signature du document par le demandeur, le maître d’œuvre et l’entreprise qui exécute les travaux diminue le risque de modification de l’implantation après le passage de la commune.
Sur base de ce plan, l’administration peut décider, le cas échéant, de réaliser un contrôle contradictoire de l’implantation.
Les conditions du permis doivent préciser que les travaux ne peuvent débuter qu’après réception de la décision du collège communal validant l’implantation.
Les conditions du permis peuvent préciser que des repères visibles seront implantés aux angles de la parcelle et seront maintenus jusqu’à l’achèvement du chantier, de manière à permettre un contrôle aisé.
Responsabilités
L’objet de l’indication vise à éviter les infractions urbanistiques liées à l’implantation des constructions.
L’action d’implanter un ouvrage ou un bâtiment est de nature à engager la responsabilité de celui qui procède à l’opération si des erreurs sont commises, tant en planimétrie qu’en nivellement. En la matière, l’appréciation des tolérances dimensionnelles peut être très différente au regard de l’urbanisme ou des problèmes de construction.
Les erreurs d’implantation (chevauchement de limites de propriété, non-respect de distances avec les voisins, voire changement de parcelle) débouchent généralement sur de coûteux litiges. Certaines erreurs peuvent avoir des conséquences en matière de construction (raccordement à l’égout, par exemple).
Attention que si le collège valide ledit plan, il ne sera pas aisé, par la suite, de contester l'implantation si celle-ci s'avère conforme au plan validé.
Questions pratiques et juridiques
1° Quand doit avoir lieu le contrôle ?
La décision du collège communal qui valide l'implantation sur place est antérieure au jour prévu pour le commencement des actes et travaux.
Dans les conditions du permis, la commune doit spécifier que le demandeur doit avertir la commune en temps opportun pour solliciter la validation de l’indication de l’implantation.
La date de démarrage des travaux autorisée par le permis et la date du début effectif des travaux peuvent ne pas coïncider. En conséquence, on ne peut lier les dates d’indication de l’implantation et de délivrance du permis.
Par ailleurs, pour éviter la mise en cause de sa responsabilité (dommages dus au retard conduisant à la péremption du permis, à la dénonciation d’emprunt, à l’invalidité d’offres d’entreprises, …), la commune, si elle choisit de faire réaliser l’indication de l’implantation par son service technique, devrait répondre dans un délai raisonnable.
2° Une redevance est-elle envisageable ?
La commune peut prévoir une redevance en contrepartie du service relatif à l’indication de l’implantation. Toutefois, cette redevance ne peut être perçue lors de la délivrance du permis. En effet, la perception de la redevance doit suivre le service rendu, dès lors elle ne peut s’opérer qu’après que l’indication de l’implantation ait eu lieu.
3° La commune peut-elle imposer le bornage du terrain dans les conditions du permis ?
La commune ne peut pas imposer un bornage du terrain, au sens du Code civil du moins. En effet, dans ce cadre, le bornage est un acte civil contradictoire destiné à délimiter deux fonds contigus. L’article 3.61 du Code civil prévoit que chaque propriétaire ou, pour la durée de son droit et moyennant l’intervention du propriétaire, chaque titulaire de droit réel peut obliger le propriétaire de la parcelle contiguë à procéder au bornage entre les parcelles. L’autorité administrative n’est donc pas fondée à imposer cet acte.
[1] Si la notion d’indication n’a pas été définie de manière précise dans le code, par contre, le sens commun du terme "indiquer" signifie faire voir d’une manière précise, par un geste, un signe, un repère, un signal. Ceci implique que l’indication fasse l’objet d’une certaine précision et que l’indication soit faite sur le terrain concerné.
[2] Projet de décret modifiant le Code du Développement territorial et le décret du 6 novembre 2008 portant rationalisation de la fonction consultative et abrogeant le décret du 5 février 2015 relatif aux implantations commerciales, Doc., Parl. W., 2023-2024, n°1479/1, p. 58.
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