Peut-on fixer un délai de réalisation des charges et des conditions imposées dans le cadre d’un permis d’urbanisme de régularisation ?
A défaut de précision dans le permis d’urbanisme de régularisation, son titulaire dispose du délai de péremption dudit permis pour le mettre en œuvre (délai repris à l’article D.IV.84 du CoDT – en principe, cinq ans prorogeables de deux ans). Cela peut être contraignant dans certaines hypothèses et particulièrement dans l’hypothèse d’un permis de régularisation imposant des aménagements supplémentaires pour régulariser la situation d’infraction urbanistique.
Dans ce cadre, de nombreuses communes nous demandent s’il est possible de fixer un délai de réalisation des charges et des conditions imposées dans le cadre d’un permis d’urbanisme de régularisation. Voici les principes applicables.
1° L'article D.IV.53 du CoDT permet à l'autorité compétente d'assortir, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le permis d'urbanisme de conditions et/ou de charges d’urbanisme.
Un permis de régularisation peut, aux mêmes conditions qu’un permis « ordinaire », être assorti de charges et/ou de conditions.
2° L'article D.IV.59 du CoDT prévoit que " Le permis peut déterminer l’ordre dans lequel les travaux sont exécutés et le délai endéans lequel les conditions et les charges qui assortissent le permis sont réalisées."[1]
L'article R.IV.59-1 du CoDT précise que "Le délai endéans lequel les conditions et les charges qui assortissent le permis sont réalisées ne peut être supérieur au délai de péremption du permis."
La fixation d'un tel délai permet non seulement de s'assurer que lesdits travaux soient réalisés dans un bref délai, mais aussi d'identifier à partir de quand le titulaire du permis pourrait se trouver à nouveau en situation d'infraction urbanistique en raison du non-respect de la condition (voy. Infra, point 4°).
3° Aucune autre précision n’est donnée quant à la manière dont ces délais peuvent être fixés. L’autorité dispose donc d’une importante marge d’appréciation.
Il convient néanmoins de respecter la jurisprudence constante du Conseil d'Etat en matière de conditions, selon laquelle : "Les conditions qui assortissent un permis d'urbanisme doivent être précises et limitées quant à leur objet, et ne porter que sur des éléments secondaires et accessoires. Elles ne peuvent laisser place à une appréciation dans leur exécution ni quant à l'opportunité de s'y conformer ni dans la manière dont elles doivent être exécutées. Ainsi, elles ne peuvent pas imposer le dépôt de plans modificatifs ou complémentaires postérieurement à la délivrance du permis, ou se référer à un événement futur ou incertain ou dont la réalisation dépend d'un tiers ou d'une autre autorité. Ces diverses limites à l'admissibilité des conditions assortissant la délivrance d'un permis sont cumulatives de sorte que si une condition ne satisfait pas à l'une ou à l'autre d'entre elles, elle ne peut pas être admise." (CE, no 260.478 du 7 août 2024).
Cette jurisprudence porte sur les conditions et non les charges. Néanmoins, dans son arrêt no 261.924 du 8 janvier 2025, le Conseil d'Etat semble considérer que les principes régissant les conditions s'appliquent également aux charges d'urbanisme.
Le délai de réalisation de la condition et/ou de la charge, ainsi que son échéance doivent donc être fixés de manière claire et précise et ne laisser aucune marge d’appréciation quant à leur respect.
4° L’article D.VII.1, §1, 1° érige en infraction le fait d’exécuter des actes et travaux non conformément à un permis. Les charges et les conditions étant intégrés aux permis, ne pas les réaliser ou ne pas les réaliser conformément au permis constitue une infraction.
A notre analyse, on peut ainsi considérer que ne pas exécuter les charges ou les conditions dans le délai précisé pour leur exécution en vertu de l’article D.IV.59 est constitutif d’une infraction.
[1] Même si cela ne concernera a priori pas les permis de régularisation, précisons que, lorsque la réalisation des travaux a été autorisée par phases, le permis d’urbanisme détermine, pour chaque phase autre que la première, le point de départ du délai de péremption. Dans l’hypothèse d’un permis autorisant la réalisation des travaux par phases, chacune des phases peut bénéficier du régime de la prorogation de deux ans.
Notices inforum

CODT - D.IV.53 : motivation adéquate

CODT - D.IV.59 : ordre des travaux et délais pour les conditions contenues dans le permis

CODT - D.VII.1 : définition

CODT - D.IV.84 : délai de péremption de cinq ans - prorogation possible de deux ans

AGW CODT - R.IV.59-1. : délai

Cons. Etat, 8 janvier 2025, 13e Ch., n° 261924

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