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Mis en ligne le 16 Avril 2025

Table des matières

Introduction

Dans le cadre de la police relative à la voirie, la notion d’alignement général vise la limite actuelle ou future entre le domaine public et le domaine privé contigu, définie par un document graphique à caractère réglementaire. Cet alignement n’est pas à confondre avec l’alignement des constructions. En effet, celui-ci, appelé communément zone de recul, vise la distance séparant l’alignement de la voirie (soit la limite actuelle ou future de cette voirie) de l’endroit à partir duquel une construction ou plantation peut être érigée. 

Le terme « zone de recul » désigne donc une bande de terrain que les riverains d’une voirie publique sont, en principe, tenus, tout en conservant la propriété, de laisser vierge de constructions entre l’alignement légal de cette voie et la façade de leurs habitations. L’objectif de l’établissement d’une telle zone de recul peut varier :

  • l’objectif principal vise à assurer l’hygiène, la sécurité et la beauté des voiries, du moins telle était la volonté initiale du législateur ; 
  • mais l’établissement d’une telle zone de recul permet également à l’autorité gestionnaire de se réserver un espace en vue d’un éventuel élargissement futur de la route.

L’établissement de ces zones de recul est, généralement, assez ancien. Ainsi, en ce qui concerne les voiries régionales, de telles zones ont été arrêtées dans les années 1930.

Il arrive donc fréquemment que des propriétaires de biens situés dans une zone de recul souhaitent y réaliser des actes et travaux, soumis ou non à permis d’urbanisme (construction d’une annexe ou d’un volume secondaire, installation d’un abri de jardin, d’une balançoire, etc).

Il ressort de nos échanges avec nos membres que ces derniers sont démunis quant au sort à donner à ce type de demandes. Le présent article a pour objectif de répondre, dans la mesure du possible, aux premières questions qui nous ont été posées dans ce cadre.

Ce sujet mériterait d’être approfondi et de faire l’objet d’une clarification au sein des textes applicables.

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Le régime juridique de ces zones de recul est-il toujours applicable ?

1. Le fondement légal pour adopter ces zones de recul découlait de l’article 15 la loi du 1er février 1844 sur la police de la voirie urbaine, modifiée le 28 mai 1914, lequel prévoyait que :

« Le Roi, Ie conseil provincial ou Ie conseil communal, suivant Ie cas, pourront, dans l'intérêt de la conservation, de la viabilité et de la beauté des voies publiques, arrêter des règlements généraux ou particuliers concernant les plantations et les constructions soit au-dessus, soit au-dessous du sol. Ces règlements ne pourront entraver la libre jouissance des propriétés que sur une largeur de huit mètres au maximum, mesurée à partir de l’alignement décrété. Cependant, lorsqu'il existe un plan général d'alignement prévoyant l'élargissement de la route, les dispositions de ces règlements pourront s'étendre à toute la bande de terrain frappée de la servitude de non bâtir en vertu de l'article 14. »

Il importe de comprendre le contexte de l’adoption de cet article :

« Antérieurement à cette date, des conseils communaux avaient arrêté des règlements portant création de zones de recul. Mais la légalité de ces dispositions avait été contestée par la doctrine. Les communes invoquaient en effet comme soutènement l'article 3 du décret des 16-24 août 1790, lequel, énumérant les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, cite, entre autres, la sécurité et la commodité du passage dans les voies publiques et l'hygiène. Le premier de ces objets pouvait, dans une certaine mesure, servir à justifier la création de zones de recul, car si celles-ci ne modifient rien, dans une voie publique, à l'espace utilisé par les piétons et les véhicules, elles facilitent néanmoins les manœuvres de ceux-ci. Mais Ie second était plus évident : en effet, un élargissement de l'espace compris entre deux fronts de batisses opposés permet un meilleur ensoleillement des façades et partant, une amélioration des conditions d'habitabilité des maisons. Quant à tenter de fonder le règlement sur des considérations d'ordre esthétique, il ne pouvait en être question, car si la beauté des voies publiques dépend des constructions qui les bordent, rien ne permet, dans Ie décret révolutionnaire, de réglementer cette matière. Les considérations d'hygiène publique constituaient donc Ie seul soutènement valable. Il n'empêche qu'on hésitait souvent, dans le silence de la loi, à les tenir comme suffisamment puissantes pour justifier une restriction au droit de propriété aussi grave que la servitude non aedificandi. C'est à ces différentes tergiversations que l'article 15 a voulu mettre un terme.» (V. BURE, Voirie et constructions. Urbanisme, Les Novelles, Lois politiques et administratives, Tome IV, Bruxelles, Larcier, 1955, p. 194)

Ces zones de recul étaient créées de la manière suivante :

  • par l'Etat, par le biais d’arrêtés royaux publiés par extrait au Moniteur belge;
  • par les provinces, par le biais de règlements arrêtés par les conseils provinciaux;
  • par les communes, par le biais de règlements arrêtés par le conseil communal et revêtant la nature d’ordonnance de police.

2. Certaines zones de recul peuvent avoir été modifiées/remplacées en application de dispositions adoptées avant l’entrée en vigueur du CoDT dans le cadre de Plans communaux d’aménagement (PCA) devenus schémas d’orientations locales (SOL).

En effet, avec l’entrée en vigueur de la loi de 1962 sur l’urbanisme, l’objectif était que les nouveaux plans communaux d’aménagement remplacent ces règlements adoptés dans le cadre de la loi de 1844. Le législateur a estimé que, dès lors que les plans d’aménagement du territoire, outil créé par cette loi, permettaient d’assurer la sauvegarde (essentiellement de la beauté des paysages) de l'esthétique des voiries, et qu’il présumait que tout le territoire serait rapidement couvert par lesdits plans, la protection en question devenait inutile. La loi de 1962 a cependant maintenu ces règlements (nationaux, provinciaux et communaux) en vigueur jusqu’au moment de l’entrée en vigueur d’un plan communal d’aménagement. L’article 161 du CWATUPE contenait une disposition comparable et prévoyait ainsi que « Restent en vigueur : 3° les règlements pris sur pied de l'article 15 des lois précitées sur la police de la voirie, jusqu'au moment de l'entrée en vigueur d'un plan particulier d'aménagement dressé en vertu du présent livre. »

Cet article a été abrogé par le CoDT et n'y a pas été repris, mais cela n'a pas eu pour effet d'abroger les règlements en tant que tels. Il n'existe, en effet, aucune disposition expresse dans le CoDT permettant de conclure à l'abrogation de ces textes de nature règlementaire, tandis que les travaux parlementaires dudit code ne permettent pas de conclure que telle était effectivement l'intention du législateur.

Ces arrêtés/règlements sont donc applicables sauf lorsqu'un plan communal d'aménagement (aujourd'hui devenu schéma d'orientation local) couvrant l'assiette de la voirie, est entré en vigueur, avant le 1er juin 2017, date d'entrée en vigueur du CoDT. Certaines situations demeurent, néanmoins, complexes, notamment lorsqu’un PCA a été adopté en vue, entre autres, de remplacer la zone de recul et que le PCA, lui-même, a fait l’objet d’une abrogation.

3. Précisons que :

  • Si les règlements ont été remplacés par un SOL, les dispositions d’un tel outil ont désormais une valeur indicative. Il est dès lors possible de s’en écarter moyennant une motivation par rapport aux objectifs arrêtés dans lesdits outils d’aménagement.
  • Ces arrêtés et règlements (et leurs éventuelles modifications ultérieures) n’ont pas fait l’objet d’un recensement au niveau de l’ensemble du territoire wallon et d’une cartographie informatisée et disponible sur le Géoportail de la Wallonie, de sorte que seules les archives disponibles au sein des différentes administrations concernées permettent d’identifier l’existence ou non d’une telle zone de recul, ainsi que de son éventuelle portée.

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Quelle est la portée de ces zones de recul et l’étendue des interdictions y relatives ?

4. La zone de recul est une notion juridique qu'on assimile aux servitudes légales d'utilité publique. En ce qui concerne l’article 15 de la loi sur la police de la voirie urbaine, « Il est piquant de constater que Ie législateur n'a pas osé déclarer que les mesures réglementaires qu'il autorise pourraient aller jusqu'à l'interdiction de batir. Il Ie laisse seulement sous-entendre lorsque, in fine du premier alinéa, il règle Ie cas de la coexistence d'une zone de recul et d'un plan d'élargissement (infra, n° 118). Par contre, les travaux parlementaires établissent sans conteste qu'il s'agit bien de servitude non aedificandi et viennent préciser Ie sens des termes légaux « entraver la libre jouissance des propriétés ». (V. BURE, Voirie et constructions. Urbanisme, Les Novelles, Lois politiques et administratives, Tome IV, Bruxelles, Larcier, 1955, p. 194)

Le fait que cette servitude consiste bien en une servitude non aedificandi est, par ailleurs, confirmé par le Ministre des Travaux de l’époque : « La servitude non aedificandi prévue à l'article 15 de la loi ne devrait être appliquée, en général, qu'aux propriétés riveraines de routes ou sections de routes bordées d'une plantation ou susceptibles d'en recevoir une en raison de l'existence d'accotements suffisamment larges » (Circ. du 31 juill. 1924 du Ministre des Travaux publics aux ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées).

« On appelle traditionnellement « servitudes légales d’utilité publique » les charges imposées, soit par la loi ou le décret, soit en vertu de ceux-ci, à des propriétés dans un but d’intérêt général. Seule la loi, entendue au sens large, peut imposer d’office une limitation au droit de propriété. Les servitudes d’utilité publique, au même titre du reste que les expropriations, doivent donc nécessairement trouver leur fondement dans une disposition légale. Ces servitudes sont parfois directement et entièrement établies par une norme légale, bien que la plupart du temps, la loi se borne à fixer le cadre juridique (définition du but d’utilité publique poursuivi, procédures de mise en place…) pour confier à l’autorité administrative le soin d’imposer concrètement les limitations au droit de propriété qui s’imposent. » (Notions communes aux différentes servitudes légales d'utilité publique, Rép.not., T.XIV, Le droit public et administratif, Livre 8, Chapitre I, Section II, §1, n°4).

Selon R. WILKIN, la création d’une zone de recul ne peut être assimilée à une expropriation partielle, mais vise une affectation régulière des propriétés à une nécessité d’intérêt public, de sorte qu’aucune indemnité n’est due aux propriétaires ((R. WILKIN, Voirie, constructions et urbanisme, Bruxelles, Bruylant, 1952, p. 221).

Ainsi, « Lorsque la mesure critiquée se contente de limiter l’usage du droit de propriété, et peut être ainsi qualifiée de « servitude légale d’utilité publique », l’indemnisation des conséquences d’une telle restriction n’est pas de rigueur, même si la loi ou le décret peut en disposer autrement. Néanmoins, par application de l’article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des Droits de l’Homme (droit de propriété), un rapport de proportionnalité doit être respecté entre le but d’utilité publique poursuivi et la mesure mise en place. » (Conclusions : expropriations, quasi-expropriations et servitudes légales d'utilité publique, Rép.not., T.XIV, Le droit public et administratif, Livre 8, Chapitre I, Section II, §1, n°10)

5. En termes de limitations imposées par la servitude non aedificandi relative à une zone de recul, la question se pose de savoir quelles en sont les étendues : cette servitude ne vise-t-elle que les constructions et les plantations ou vise-t-elle également le placement d’installations fixes, des travaux d’aménagement, etc ?

Il convient, à ce propos, d’avoir égard, non seulement à ce que prévoit spécifiquement chaque arrêté/règlement, mais aussi à l’intention du législateur.  En effet, « le droit de jouissance du propriétaire est frappé de restriction dans les vues qui ont inspiré le législateur. » (Avis du Conseil des mines et de l’Administration de la voirie communale, Mouvement communal, 1927, p. 105).

Le législateur avait pour volonté initiale que ces zones soient établies « dans l’intérêt de la santé des habitants pour élargir le courant d’air des rues trop étroites, dans l’intérêt de la beauté des rues dont on garnit les rives des jardinets, dans l’intérêt des occupants afin de leur donner une meilleure exposition solaire. » (R. WILKIN, Voirie, constructions et urbanisme, Bruxelles, Bruylant, 1952, p. 221).

A l’époque, l’Union des Villes et communes belges avait réalisé un règlement-type à cet égard, lequel disposait, à son article 6, que « Il ne peut être rien établi dans les zones de recul qui puisse entraver la circulation de l’air ou nuire à la conservation, à la viabilité et à la beauté de la voie publique, notamment des dépôts de quelque nature qu’ils soient ; fumier, gadoue, objets de ménage, linge, etc. »

« Le règlement-type de l’Union des villes et communes belges doit être considéré comme une moyenne des dispositions qu’il a paru indispensable d’imposer aux riverains de la voie publique, en vue d’en assurer la beauté et la viabilité biologique de manière à en permettre la généralisation à toutes les villes et communes. (…) Les conditions prévues, dans le règlement-type sont nécessaires, si l’on veut obtenir des résultats satisfaisants. » (R. MULLIE, Voirie et constructions, Excelsior, Bruges, 1931, p. 269).

L’intention originelle du législateur était donc d’interdire l’érection et le placement de tout élément pouvant entraver l’esthétique et l’hygiène de la voirie. A priori, donc, aucun acte et travaux ne peut être autorisé dans cette zone, sous réserve des modalités prévues par l’arrêté/règlement qui l’établit.

6. En ce sens, les restrictions existantes en zone de recul seraient donc plus contraignantes que celles applicables sur un terrain frappé d’alignement puisque l’article D.IV.55 du CoDT :

  • permet de délivrer le permis relatif à des travaux sur un terrain frappé d’alignement, pour autant que les autorités compétentes indiquent que le plan d’alignement ne sera pas réalisé dans les cinq ans. Le risque est donc pris dans le chef du demandeur de permis qui devra, potentiellement, démolir les ouvrages entrepris si cinq ans après la délivrance de son permis, l’autorité décide finalement de mettre en œuvre le plan d’alignement ;
  • ne vise que les actes et travaux de construction, de reconstruction, de transformation autre que de conservation et d’entretien. 

Si un tel constat peut paraitre disproportionné, voire absurde, il nous semble toutefois plus prudent, à défaut de clarification dans les textes de la portée de la servitude non aedificandi existante en zone de recul, de considérer celle-ci comme étant absolue, conformément au droit commun et que, sous réserve de ce que prévoit chaque arrêté/règlement pris en la matière, on ne peut rien y réaliser, conformément à la volonté initiale du législateur.

Précisons, néanmoins, du moins en ce qui concerne les voiries régionales, que la plupart, voire l’intégralité, des arrêtés royaux pris à l’époque prévoient la possibilité d’obtenir une dérogation aux règles générales qu’ils établissent auprès du ministre des Travaux publics, soit pour des sections de route qu’il déterminera, soit pour des cas particuliers auxquels il serait reconnu nécessaire ou utile d’appliquer des dispositions spéciales ; cette possibilité de dérogation devant rester une exception.

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Quels sont les impacts de l’existence d’une telle zone sur la police de l’urbanisme ? L’autorité compétente en matière d’autorisation urbanistique peut-elle y autoriser la réalisation d’actes et travaux ? Le citoyen peut-il y réaliser des travaux dispensés de permis d’urbanisme ?

7. A notre sens, l’interdiction de bâtir dans ces zones de recul se repose sur une autre police administrative que celle de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, même si les effets desdits règlements ont été maintenus par le biais de cette police spécifique et sous réserve du libellé de l’article D.III.2, §1er, 2° du CoDT selon lequel le Guide Régional d’Urbanisme (GRU), outil urbanistique, peut comprendre des indications sur la conservation, le gabarit et l’aspect des voiries et des espaces publics. 

En effet, "Aux termes de la loi, les zones de recul sont créées dans l'intérêt de la conservation, de la viabilité, et de la beauté des voies publiques. Elles peuvent, en effet, contribuer à la conservation de l'assiette d'une route, car des plantations trop proches de l'alignement légal peuvent mettre en péril l'intégrité du domaine public. Elles peuvent aussi en améliorer la viabilité, puisqu'elles augmentent le champ visuel des conducteurs de véhicules. Quant à l'intérêt esthétique, il est évident. Il faut souligner ici que ce qui a préoccupé le législateur, ce n'est point la beauté des constructions en elles-mêmes, mais bien la beauté de la voie publique... (...) La notion de la zone de recul doit être traitée dans le chapitre consacré à l'alignement plutôt que dans celui de la police de la construction." (R. WILKIN, Voirie et alignement. Urbanisme et constructions, Bruxelles, Bruylant, 1964, pp. 49-50). 

Dès lors, face à des polices administratives spéciales différentes, le principe de l’indépendance des polices administratives doit, en théorie, s’appliquer. Ce principe implique que « la légalité d'un acte, telle qu'un permis délivré en application de la police de l'aménagement du territoire, doit s'apprécier par rapport à cette dernière. Partant, son auteur doit s'abstenir de fonder sa décision sur des considérations relevant d'une autre police spéciale. » (CE, n° 248.696 du 22 octobre 2020).

8. Néanmoins, un tel principe d’indépendance des polices administratives doit être nuancé par les tempéraments suivants :

  • La jurisprudence du Conseil d’Etat reconnait que « si les règles relevant de la police de la voirie font partie d'une autre police administrative et ne constituent pas en tant que telles des règles de police d'aménagement du territoire au regard desquelles la légalité d'une demande de permis doit être examinée, il est toutefois possible que l'autorité, dans son appréciation de la conformité d'un projet au bon aménagement des lieux, considère qu'une problématique liée à la voirie, qui n'est pas réglée, soit la cause d'une mauvaise urbanisation. Une telle appréciation relève de l'opportunité de l'action administrative qui échappe en principe au contrôle juridictionnel, sauf à démontrer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans le chef de l'autorité » (CE, n°248.409 du 1er octobre 2020).
  • Le Conseil d’Etat considère également que « Il est en effet constant qu'une autorité administrative qui est chargée de mettre en œuvre une police spéciale doit exercer pleinement le contrôle qui lui est dévolu, en tenant compte de l'ensemble des objectifs relevant de cette police, quand bien même certains d'entre eux ressortissent également, en tout ou en partie, à une autre police administrative. » (CE, ,n° 256.091 du 21 mars 2023).

  • Dans le cadre d’actes et travaux soumis à permis d’urbanisme, les articles D.IV.35 et R.IV.35-1 du CoDT prévoient que l’Administration de la mobilité (SPW Mobilité et Infrastructures – SPW MI) doit obligatoirement être consultée lorsque la demande porte sur la construction d’immeuble ou l’aménagement de parking sur un terrain qui jouxte la voirie régionale. C’est dans ce cadre que l’Administration régionale va indiquer si une telle zone de recul existe le long de la voirie régionale et considérer, par voie de conséquence, qu’aucun acte et travaux ne peut y être réalisé.
  • L’autorité consultée doit rendre un avis tout en veillant à rester dans les limites de ses attributions. Si le SPW MI doit être obligatoirement consulté dans les hypothèses précitées, l’avis qu’il rend dans ce cadre est un avis simple, c’est-à-dire qu’il ne lie pas l’autorité compétente qui peut donc s’en écarter moyennant due motivation.

Il nous semble cependant délicat pour une autorité de délivrer un permis d’urbanisme alors qu’elle a connaissance du fait que les actes et travaux projetés s’implantent en tout ou en partie dans une zone non aedificandi (même si cette zone est établie sur base d’une autre police administrative) et ce d’autant plus que les deux polices administratives concernées se rejoignent sur certains objectifs, notamment quant à l’esthétique des voiries et des constructions les bordant.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le propriétaire de la voirie (commune ou Région) décide finalement de procéder à son élargissement (en zone de recul) et que les travaux autorisés doivent, par voie de conséquence, être démolis/démontés, la question de la responsabilité de l’autorité ayant délivré le permis se pose.

9. En ce qui concerne les actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme, la liste d’actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme en vertu de l’article R.IV.1-1 du CoDT ne prévoit pas l’hypothèse où ces actes et travaux sont réalisés dans une zone de recul telle qu’établie par une ancienne police relative à la voirie urbaine.

Précisons, par ailleurs, que les exonérations de permis d'urbanisme sont applicables même si les actes et travaux impliquent un écart à un document à valeur indicative (comme le SOL) ou une dérogation à un document à valeur réglementaire (plan de secteur ou normes du guide régional d’urbanisme) et pour autant que les conditions de la dispense libellées dans le tableau ne prévoient pas expressément le respect des dispositions à valeur décrétale ou réglementaires.

A priori, donc, ces actes et travaux sont en ordre d’un point de vue urbanistique, pour autant qu’ils respectent les conditions de dispense prévues par l’article R.IV.1-1 du CoDT.

La réalisation d’actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme dans une zone de recul établie dans le cadre d’un alignement n’est cependant pas envisageable puisque, comme indiqué plus haut, les arrêtés/règlements établissant ces zones restent applicables à défaut d’une suppression ou d’une modification adoptée par un SOL antérieur au CoDT.

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La réalisation d'actes et travaux dispensés de permis (ou non soumis à permis) dans de telles zones peut-elle être poursuivie à titre d’infraction par la commune? Sur quelle base?

10. Au vu des éléments développés plus haut, la question se pose de savoir sur base de quelle police la réalisation de tels actes et travaux peut être poursuivie.

  • Sur la base de la police de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ? Comme nous l’avons vu plus haut, les actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme sont en ordre d’un point de vue urbanistique, pour autant qu’ils respectent les conditions de dispense prévues par l’article R.IV.1-1 du CoDT. Ils ne peuvent donc, en principe, être poursuivis sur base de la police relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme.
  • Sur la base du décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques et du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale ? La loi sur la police de la voirie urbaine (de 1844, modifiée en 1914) a été abrogée. Or, ni le décret du 19 mars 2009 relatif à la conservation du domaine public régional routier et des voies hydrauliques, ni le décret du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale ne s’expriment sur ces zones de recul, ainsi que sur le sort des arrêtés pris en exécution de la loi de 1844, de sorte qu'ils ne peuvent, a priori, fonder la compétence régionale en la matière.
  • Sur la base des règlements adoptés conformément à l’article 15 de la loi sur la police de la voirie urbaine ? Les arrêtés royaux fixant ces zones de recul prévoient, pour la plupart, voire l’intégralité, que les contraventions à ces arrêtés seront constatées par les fonctionnaires et agents de l’administration des ponts et chaussées, qu’elles seront passibles des peines édictées à l’article 9 de la loi du 1er février 1844 et que la réparation de la contravention sera prononcée conformément à l’article 10 de la loi. Cela étant, pour qu’une sanction administrative puisse être prononcée, il convient que l’autorité appelée à l’infliger ait reçu, à ce titre, une habilitation expresse du législateur. Or, non seulement la loi sur la police de la voirie urbaine a été abrogée, mais en outre, elle ne permettait pas l’établissement de sanctions administratives. La répression d’infractions à cette loi relevait de la compétence des cours et tribunaux.
  • Sur la base des règlements généraux de police ? Initialement, comme indiqué plus haut, avant l’adoption de la loi du 1er février 1844, l’instauration de telles zones visait comme objectif, de garantir l’hygiène et la sûreté publique, ainsi que la sécurité et la commodité du passage sur les voiries concernées. La loi du 1er février 1844 a permis aux communes d’étendre leur compétence dans le cadre de l’établissement de telles zones de recul en visant des objectifs purement esthétiques. Il pourrait donc être argué qu’un cumul de la police administrative générale avec la police administrative spéciale instaurée par la loi du 1er février 1844 est possible puisque les objectifs visés sont différents, de sorte que la commune est en mesure de poursuivre la réalisation d’actes et travaux dans la zone de recul, sur base de sa compétence de police administrative générale, pour autant que son règlement de police érige un tel comportement en infraction et que les actes et travaux réalisés portent atteinte à l’ordre public. Dans cette perspective, le Bourgmestre pourrait, par ailleurs, prendre un arrêté de police, sur base des articles 133 et 135 de la nouvelle loi communale, visant la remise en état des lieux s’il estime que les actes et travaux réalisés dans ladite zone de recul représentent un trouble à l’ordre public. 

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Conclusion

Comme on peut le constater à la lecture de cet article, il n’est pas aisé de savoir quel sort donner aux actes et travaux envisagés en zone de recul, qu’ils soient ou non dispensés de permis d’urbanisme. En l’absence de clarification des textes à cet égard, il nous semble plus prudent, juridiquement parlant, de considérer la servitude non aedificandi portant sur les zones de recul comme étant absolue, conformément au droit commun, et comme empêchant, sous réserve de ce que prévoit chaque règlement pris en la matière, l’érection et le placement de tout élément pouvant entraver l’esthétique et l’hygiène de la voirie, conformément à la volonté initiale du législateur. 

Partant, il nous semble délicat pour une autorité de délivrer un permis d’urbanisme alors qu’elle a connaissance du fait que les actes et travaux projetés s’implantent en tout ou en partie dans  une zone non aedificandi (même si cette zone est établie sur base d’une autre police administrative) et ce d’autant plus que les deux polices administratives concernées se rejoignent sur certains objectifs, notamment quant à l’esthétique des voiries et des constructions les bordant.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le propriétaire de la voirie (commune ou Région) décide finalement de procéder à son élargissement (en zone de recul) et que les travaux autorisés doivent, par voie de conséquence, être démolis/démontés, la question de la responsabilité de l’autorité ayant délivré le permis se pose.

Enfin, la poursuite à titre d’infraction de tels actes et travaux par la commune nous semble risquée à défaut de textes clairs adoptés à ce sujet.

Ce sujet mériterait d’être approfondi et de faire l’objet d’une clarification au sein des textes applicables.

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Date de mise en ligne
16 Avril 2025

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Matière(s)

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