Services exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics
Plusieurs services sont désormais exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics. Quels sont précisément les services concernés ? Peut-on dire que les pouvoirs adjudicateurs peuvent commander de tels services de manière discrétionnaire, sans avoir à justifier le choix du prestataire ?
De nouvelles exclusions du champ d’application de la réglementation des marchés publics ont effectivement été introduites par la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics ; elles découlent directement des directives européennes ainsi transposées (et sont applicables aussi bien dans les secteurs classiques que les secteurs spéciaux[1]).
Néanmoins, il faut d’emblée attirer l’attention sur le fait que, bien que ces services soient désormais exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas pour autant dispensés d’appliquer le droit primaire européen (les traités), de même que la Constitution belge et les principes généraux du droit administratif, ce qui implique donc de respecter notamment les règles d’égalité, de non-discrimination et de transparence, aboutissant ainsi à une mise en concurrence.
Autrement dit, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de mettre en place une procédure concurrentielle d’attribution de ces services, pourtant formellement exclus de la réglementation des marchés publics, c’est-à-dire faire « comme un marché public » mais avec plus de souplesse, sans être tenus aux règles strictes normalement applicables aux marchés publics.
Il en va d’ailleurs de l’intérêt des pouvoirs adjudicateurs : d’une part, il s’agit que ces services répondent exactement à leurs besoins, dans les conditions qu’ils auront fixées ; d’autre part, il s’agit de déterminer quel opérateur économique fait valoir la meilleure offre de services, dans ces conditions.
Services d’avocat
Tous les services prestés par un avocat ne sont pas visés par cette nouvelle exclusion. Seuls sont en effet concernés les services suivants :
- la représentation légale d'un client dans le cadre d’un arbitrage, d’une conciliation ou d'une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques (contentieux judiciaires, contentieux administratifs, procédures administratives, etc.) ;
- le conseil juridique fourni en vue de la préparation d’une telle procédure ou lorsqu'il existe, à tout le moins, des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure.
A contrario donc, le conseil juridique sans lien avec une procédure contentieuse existante ou plus que probablement à venir, de même plus largement que tout autre service qui pourrait être presté par un avocat, ne sont pas visés par cette nouvelle exclusion.
Bien que l’exposé des motifs de la loi évoque le caractère intuitu personae des services concernés, qui sont caractérisés par un certain lien de confiance entre le pouvoir adjudicateur et l’avocat, de même que l’existence de cas urgents peu conciliables avec l’application stricte des règles relatives aux marchés publics[2], la loi indique que des règles de passation propres à ces services d’avocat exclus peuvent être instaurées par arrêté royal[3], le législateur jugeant ainsi qu’il serait plus opportun de ne pas se limiter à l’application des principes du droit primaire précités ou, en tout cas, qu’il conviendrait d’être plus explicite à cet égard.
L’arrêté royal « passation » rend ainsi applicables à ces services[4] le titre 1 de la loi (sauf les articles 12 – principe des services faits et acceptés – et 14 – moyens de communication –), soit les principes généraux des marchés publics : égalité, non-discrimination, transparence, proportionnalité, conflits d’intérêts, principe du forfait, etc.
Et l’arrêté « passation » d’ajouter que ces marchés doivent être passés après consultation, si possible, des conditions de plusieurs avocats, mais sans obligation de demander l’introduction d’offres. Et, fort logiquement, la preuve de cette consultation devra pouvoir être fournie par le pouvoir adjudicateur.
Enfin, pour les tâches qui ne sont pas expressément exclues, il sera alors bien question d’un marché public, mais il sera fait application du nouveau régime « allégé » pour les services sociaux et autres services spécifiques[5].
Services de notaire
Certains services de notaire sont désormais exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics : ceux relatifs à la certification et à l'authentification de documents.
Tout autre service qui pourrait être presté par un notaire, par exemple la recherche d’un acquéreur pour un immeuble mis en vente (affiches, annonces dans les journaux et en ligne, visites, …), reste donc soumis aux règles des marchés publics.
Quant aux tâches qui ne sont pas expressément exclues, il sera alors bien question – ici aussi – d’un marché public, mais il sera fait application du nouveau régime « allégé » pour les services sociaux et autres services spécifiques[6].
Services d’huissier
Autres services juridiques désormais également exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics : ceux dont les prestataires sont désignés par une juridiction ou par la loi pour réaliser des tâches spécifiques sous le contrôle de ces juridictions.
Sont notamment concernés, derrière ces termes, certains services prestés par les huissiers de justice.
Cette nouvelle exclusion a fait l’objet d’un avis du 8 novembre 2016 de la Commission fédérale des marchés publics, insistant sur le fait que tous les services prestés par les huissiers de justice ne sont pas concernés et qu’il convient dès lors de se poser la question pour chacune des missions des huissiers, telles qu’énumérées à l’article 519 du Code judiciaire.
En substance, on retiendra que sont notamment exclues les tâches consistant à dresser et signifier tous exploits et mettre à exécution les décisions de justice ainsi que tous les actes ou titres en forme exécutoire[7].
Au niveau des communes par exemple, le recouvrement des taxes est donc clairement concerné par cette nouvelle exception. Le recouvrement des créances non fiscales pourra également en faire partie, dès lors que les communes peuvent, pour celles-là également (mais à certaines conditions), se donner un titre exécutoire, permettant le recouvrement forcé (impliquant notamment la signification d’un exploit d’huissier)[8].
Et s’agissant, comme pour les autres services juridiques, des tâches qui ne sont pas expressément exclues, par exemple le recouvrement amiable de dettes[9], il sera donc bien question d’un marché public, mais il sera fait application du nouveau régime « allégé » pour les services sociaux et autres services spécifiques[10].
Se posera alors, en opportunité (puisque légalement les deux possibilités seront envisageables), la question de la conclusion de deux contrats distincts (un marché là où ce sera nécessaire et un contrat « hors marchés publics » pour ce qui relèvera de l’exception) ou d’un seul contrat (dans ce cas, nécessairement un marché pour le tout)[11], lorsque par exemple un pouvoir adjudicateur voudra confier à un huissier de justice à la fois des tâches de recouvrement forcé et de recouvrement amiable de dettes.
Services financiers
Outre certains services financiers déjà précédemment exclus, sont désormais également exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics les prêts (qu'ils soient ou non liés à l'émission, à la vente, à l'achat ou au transfert de titres ou d'autres instruments financiers).
Autrement dit, les services d’emprunts ne sont plus soumis à la réglementation des marchés publics[12].
On notera, par contre, que les services d’assurances restent bien soumis aux règles des marchés publics.
[1] L. 17.6.2016, art. 28, 29, 30, 31, 108 et 113.
[2] Doc. parl., Ch., 2015-2016, doc. 54-1541/001, pp. 54-55.
[3] L. 17.6.2016, art. 28, par. 2.
[4] A.R. 18.4.2017, art. 125.
[5] L. 17.6.2016, art. 88-91.
[6] Id.
[7] C. J., art. 519, par. 1er, 1°.
[8] CDLD, art. L1124-40, par. 1er, 1°.
[9] C. J., art. 519, par. 2, 5°.
[10] L. 17.6.2016, art. 88-91.
[11] L. 17.6.2016, art. 21.
[12] M. Lambert, L’exclusion des marchés d’emprunt de la réglementation des marchés publics, Mouv. comm., 10/2017, pp. 34-36.
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