Marchés publics : quelles sont les formalités de prélèvement du/sur un cautionnement constitué en numéraire auprès de la Caisse des dépôts et consignations ?
Plusieurs pouvoirs adjudicateurs locaux avaient attiré notre attention quant aux difficultés de prélever la totalité ou une partie du cautionnement constitué auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) (SPF Finances – Trésorerie), faisant part de réticences, sinon de refus systématiques, de celle-ci.
Après avoir collationné les informations auprès de nos membres, nous avions interpellé la CDC, afin d’insister auprès d’elle sur les règles en matière de marchés publics et sur la notion même de garantie, qui n’en était plus une si la CDC devait exiger un accord de l’adjudicataire ou une décision judiciaire en faveur du pouvoir adjudicateur pour accepter un prélèvement. Aussi avions-nous soumis la liste de ce que, selon nous, devaient être les pièces exigibles par la CDC, conformément aux règles générales d’exécution (RGE – arrêté royal du 14 janvier 2013).
Un récent webinaire de l’UVCW consacré aux nouveautés et aux fondamentaux en matière de cautionnement a permis à la CDC de faire le point sur la question[1].
On se souviendra que conformément à l’article 26 RGE, le cautionnement à constituer par l’adjudicataire d’un marché public, dans les conditions prévues par l’article 25 RGE et les documents de marché, peut prendre l’une des formes suivantes : 1° en numéraire ; 2° en fonds publics ; 3° un cautionnement collectif ; ou 4° une garantie accordée par un établissement de crédit. A noter que le choix de la forme du cautionnement appartient bien à l’adjudicataire ; autrement dit, le pouvoir adjudicateur ne pourrait pas imposer l’une plutôt que l’autre.
La CDC reçoit deux types de cautionnement : 1° le cautionnement en numéraire constitué par l’adjudicataire lui-même, qui vire le montant correspondant à la CDC (via l’application en ligne e-DEPO) ; 2° le cautionnement solidaire, de la part d’un organisme de cautionnement collectif (OCC) (ou caisse de cautionnement collectif), mécanisme et pratique propres au secteur des travaux ; dans ce dernier cas, s’agissant pour l’OCC de se porter caution solidaire, aucune somme n’est versée à la CDC.
Lorsqu’un pouvoir adjudicateur peut prétendre au prélèvement total ou partiel d’un cautionnement constitué en numéraire, la CDC en distingue deux types.
D’abord, le prélèvement d’office, qui fait suite à l’application d’une mesure d’office, telle que visée à l’article 47 RGE, en particulier la résiliation unilatérale, par laquelle la totalité du cautionnement est acquise de plein droit au pouvoir adjudicateur. L’accord de l’adjudicataire n’est, dans cette hypothèse, pas requis, pour autant que le pouvoir adjudicateur communique les pièces suivantes :
1° le(s) procès-verbaux de manquement(s) (RGE, art. 44) ;
2° la preuve de l'envoi recommandé à l'adjudicataire du PV manquement(s) (RGE, art. 44) ;
3° le cas échéant, la reconnaissance des manquements (dans le cas de l'absence de contestation, valant reconnaissance en ce sens, aucune preuve ne peut évidemment être apportée) ;
4° en cas de contestation, la décision de l’adjudicateur selon laquelle les moyens de défense de l’adjudicataire sont jugés (partiellement) non justifiés ; à noter que cette décision sera le plus souvent incluse dans la décision de recourir à telle mesure d’office (v. 5° ci-dessous) ;
5° la décision de l'adjudicateur de recourir à telle mesure d'office et sa notification par voie recommandée à l’adjudicataire.
Si toutes ces pièces sont réunies, dans le cas d’un cautionnement en numéraire, la CDC exécute directement la demande de prélèvement, tout en en avertissant l’adjudicataire. S’il s’agit d’un cautionnement solidaire, la CDC transmet toutes les pièces à l’OCC et l’invite à prendre position. Pour ce type de cautionnement, la CDC est en effet tributaire du versement du montant du prélèvement par l’OCC, puisqu’il n’y a initialement aucune somme déposée à la CDC (l’OCC est caution solidaire).
La CDC distingue le prélèvement dit « standard » du prélèvement d’office, dans les autres hypothèses que l’application d’une mesure d’office. Ainsi, en cas de prélèvement standard, la CDC exige l’accord exprès de l’adjudicataire ou une décision judiciaire en faveur du pouvoir adjudicateur, avant de verser tout ou partie du cautionnement au pouvoir adjudicateur.
Ce faisant, la CDC impose une condition qui n’existe pas dans les RGE, destinée, dit-elle, à préserver ses intérêts financiers, ne voulant pas prendre le risque de verser à tort le cautionnement au pouvoir adjudicateur qui le réclame.
Une telle prise de position de la CDC est pourtant contraire aux articles 30, 46 et 72 des RGE, à tout le moins. L’article 30, al. 1er, prévoit ainsi (nous soulignons) : « S'il y a lieu, l'adjudicateur prélève d'office sur le cautionnement les sommes qui lui reviennent, notamment en cas de défaut d'exécution de l'adjudicataire au sens de l'article 44, § 1er. » On pense aussi aux amendes pour retard : certes, un défaut est par définition reproché à l’adjudicataire, mais rappelons que « les amendes pour retard […] sont dues, sans mise en demeure, par la seule expiration du délai d'exécution sans intervention d'un procès-verbal » (art. 46, al. 1er), autrement dit sans appliquer l’article 44. Et l’article 72 de prévoir : « Toute somme due [à l’]adjudicateur dans le cadre de l'exécution du marché est imputée en premier lieu sur les sommes qui sont dues à l'adjudicataire à quelque titre que ce soit et ensuite sur le cautionnement. »
Les échanges avec la CDC ont porté leurs fruits : nous avons pu faire le point sur la question avec elle, de sorte que l’issue d’une requête d’un pouvoir adjudicateur n’est plus incertaine et les modalités de prélèvement du/sur le cautionnement sont désormais plus claires en cas d’application d’une mesure d’office, soit probablement le cas le plus fréquent. Nous devrons cependant encore réfléchir à une meilleure prise en compte des demandes de prélèvement dans les autres hypothèses, sans doute moins nombreuses.
[1] Le replay du webinaire est disponible à l’adresse : https://www.uvcw.be/formations/webinaires/4232.
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