Comment appliquer la révision des prix en cas de modification de marché ?
Conformément à l’article 38/7, § 1er, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales des marchés publics (RGE), le pouvoir adjudicateur doit prévoir dans les documents de marché, pour tout marché de travaux (ou de services dits manuels visés à l’annexe 1), une clause de réexamen fixant les modalités de la révision des prix (une révision des prix n'est néanmoins pas obligatoire pour les marchés d'un montant estimé inférieur à 120.000 euros htva et lorsque le délai d'exécution initial est inférieur à 120 jours ouvrables ou 180 jours de calendrier).
Cette révision des prix doit tenir compte, d’une part, de l'évolution des salaires horaires du personnel et des charges sociales et, d’autre part, en fonction de la nature du marché, d’un ou plusieurs éléments pertinents tels que les prix de matériaux et des matières premières. La révision des prix doit ainsi reposer sur des paramètres objectifs et contrôlables et utiliser des coefficients de pondération appropriés, afin de refléter la structure réelle des coûts.
Pratiquement, le SPF Economie publie une série d’indices permettant aux pouvoirs adjudicateurs de confectionner des formules de révision pertinentes, en fonction de l’objet du marché (p.ex. l’indice I reprenant une sélection de quelque 26 catégories de matériaux de construction ou des indices plus sectoriels, visant p.ex. les revêtements bitumeux ou le béton). Par ailleurs, les cahiers des charges-types « Qualiroute » et « Bâtiments » en Région wallonne proposent des modèles de clauses, là aussi à adapter en fonction de l’objet précis du marché, des matériaux les plus utilisés, etc.
S’agissant des marchés de fournitures et de services, conformément à l’article 38/7, § 2, RGE, la révision des prix est facultative. Elle peut néanmoins, en fonction notamment de l’objet et de la durée du marché, s’avérer pertinente. Dans ce cas, elle doit répondre aux mêmes conditions que celles applicables aux marchés de travaux, avec une particularité : en cas de difficultés à établir une formule de révision des prix (notamment parce qu’il n’existe pas tous ces indices comme en travaux), l'adjudicateur peut se référer à l'indice-santé, à l'indice des prix à la consommation ou à un autre indice approprié.
Pratiquement, pour faire simple, les révisions de prix reposent sur une formule du type : nouveau prix = ancien prix * nouvel indice/indice de départ, les documents de marché devant indiquer quel est l’indice de départ (p.ex. celui du mois précédant le mois de la date-butoir de remise des offres) et le nouvel indice (p.ex. celui du mois précédant celui au cours duquel intervient la révision). Les documents de marché doivent aussi indiquer la fréquence de la révision. Ainsi, si en travaux, elle est traditionnellement mensuelle, en services et fournitures, l'on a plutôt l'habitude de réviser annuellement les prix (sans qu’il s’agisse d’une fréquence obligatoire, dans un cas ou l’autre). Il convient donc de régler ce point dans le cahier des charges pour éviter toute difficulté à ce propos.
Comment procéder, cependant, en cas de modification de marché ? Conformément à l’article 80, § 2, al. 1er, « les travaux non prévus que l'entrepreneur est tenu d'exécuter, les travaux prévus qui sont retirés du marché ainsi que toutes les autres modifications sont calculés aux prix unitaires de l'offre, ou, à défaut, à des prix unitaires à convenir ». A noter que si l’article 80 RGE est propre aux marchés de travaux et qu’il n’existe pas d’équivalent en fournitures et en services, on procèdera néanmoins de la même manière dans ces derniers cas.
Soit les postes nécessaires à l’exécution de la modification de marché figurent déjà dans le métré ou l’inventaire, auquel cas on s’y référera pour calculer le montant de celle-ci, y compris en appliquant la clause de révision des prix telle que prévue dans les documents de marché.
Soit il s’avère nécessaire de créer de nouveaux postes, en vue de la mise en œuvre de la modification. Et dans ce cas, il appartiendra au pouvoir adjudicateur et à l’adjudicataire, en général sur la proposition de ce dernier, de convenir de nouveaux prix correspondants.
Dans cette seconde hypothèse, il n’y aurait bien sûr aucun sens à appliquer les mêmes indices de départ que ceux prévus initialement dans les documents de marché, alors que les prix remis par l’adjudicataire, sur lesquels les parties sont tombées d’accord, moyennant le cas échant une négociation, sont des prix actualisés, qui tiennent compte des prix du marché (au sens économique du terme) au moment où l’adjudicataire les a fixés en vue de les proposer au pouvoir adjudicateur. Dès lors que ces nouveaux prix tiennent déjà compte de l’évolution des prix depuis la remise des offres, souvent de (très) nombreux mois plus tôt, l’adjudicataire profiterait en quelque sorte d’une double révision s’il devait prétendre appliquer les mêmes indices de départ à leur révision.
Deux manières de procéder sont alors envisageables :
- Soit les prix convenus sont révisés rétroactivement, « à l’envers », pour être fixés aux montants qui auraient été ceux auxquels ils auraient été remis dans l’offre initiale ; ensuite on y appliquera la même formule de révision qu’aux autres postes, avec donc les mêmes indices de départ. Cette première manière de faire a surtout pour intérêt de pouvoir appliquer une seule et même formule de révision à tous les postes mis en œuvre ultérieurement ;
- Soit les prix convenus font l’objet d’une formule de révision propre, a priori identique à celle prévue initialement dans les documents du marché, mais dont les indices de départ sont les derniers connus, p.ex. ceux du mois précédant la proposition de prix à convenir de l’adjudicataire. Dans cette hypothèse, il conviendra d’être particulièrement attentif à l’application des bons indices de départ dans la formule de révision de chacun des postes du métré ou de l’inventaire, lors du dépôt des états d’avancement ultérieurs ou de l’envoi des factures.
Dans tous les cas, la manière de procéder et les indices retenus seront arrêtés en même temps que les nouveaux prix, afin d’éviter d’interminables discussions lors du dépôt des états d’avancement ou de la réception des factures.
Enfin, on peut imaginer des cas dans lesquels on aura expressément convenu que les nouveaux prix rattachés aux nouveaux postes ne seront pas révisés (marchés de fournitures ou de services) ou dans lesquels on constera que la révision est nulle (marchés de travaux), en raison de leur mise en œuvre immédiate, la modification de marché étant exécutée à très brève échéance, dans la foulée de la décision d’y procéder.
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