Un soumissionnaire peut-il se prévaloir de l’agréation d’un sous-traitant pour remettre offre pour un marché public de travaux ?
Les critères de sélection qualitative permettent au pouvoir adjudicateur de ne retenir que les opérateurs économiques qui répondent aux exigences minimales de capacité technique et professionnelle et de capacité économique et financière qu’il aura fixées. Il s’agit donc de s’assurer de la capacité de ceux-ci à exécuter le marché, tant sur le plan technique (expérience, staff,…) que financier, indépendamment du contenu de leur offre.
L’article 78 de la loi du 17 juin 2016, complété de l’article 73 de l’arrêté royal passation du 18 avril 2017, permet aux soumissionnaires de se prévaloir de la capacité technique, professionnelle, économique et financière d’un tiers, par exemple un sous-traitant, lorsqu’eux-mêmes ne remplissent pas les critères correspondants, établis par le pouvoir adjudicateur. Le soumissionnaire concerné doit alors produire, avec son offre, outre la preuve que le sous-traitant répond bien à tel critère de sélection qualitative, également la preuve qu'il disposera des moyens nécessaires, si ce soumissionnaire l’emporte, notamment en produisant l'engagement de ce sous-traitant à cet effet.
S’agissant particulièrement des marchés de travaux, le législateur belge a mis en place un mécanisme de présélection obligatoire : l’agréation des entrepreneurs de travaux. L’article 70, § 1er, de l’arrêté passation prévoit ainsi :
« Dans le cas d'un marché de travaux, lorsqu'en vertu de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux, les travaux objet du marché ne peuvent être exécutés que par des opérateurs économiques qui, soit sont agréés à cet effet, soit satisfont aux conditions à cet effet ou ont fourni la preuve qu'ils remplissent les conditions fixées par ou en vertu de ladite loi pour être agréés, l'avis de marché ou, à défaut, les documents du marché, mentionnent l'agréation requise conformément à la loi précitée et à ses arrêtés d'exécution. […]
En procédure ouverte ou en procédure négociée directe avec publication préalable, s'il estime les conditions fixées par ou en vertu de loi du 20 mars 1991 suffisantes pour opérer la sélection des soumissionnaires, le pouvoir adjudicateur peut se limiter à la mention visée à l'alinéa 1er sans exiger des soumissionnaires d'autres renseignements ou documents concernant leur capacité économique, financière, technique ou professionnelle. »
Un soumissionnaire pourrait-il se prévaloir de l’agréation d’un sous-traitant, alors qu’il n’est pas lui-même agréé ou qu’il ne l’est pas dans la (sous-)catégorie de travaux exigée et/ou dans la classe correspondant au montant de son offre, afin d’être sélectionné ?
Pendant longtemps, la réponse était a priori négative ou, à tout le moins, débattue. En effet, l’article 3, § 1er, de la loi du 21 mars 1991 organisant l’agréation des entrepreneurs de travaux, prévoyait (nous soulignons) : « Les marchés de travaux […], dont l'importance dépasse un montant fixé par arrêté royal, ne peuvent être attribués qu'à des entrepreneurs, tant personnes de droit privé que de droit public qui, au moment de l'attribution du marché : 1° soit sont agréés à cet effet ; 2° soit ont fourni la preuve qu'ils remplissent les conditions fixées par la présente loi ou en vertu de celle-ci. » Autrement dit, le soumissionnaire – susceptible de devenir l’adjudicataire du marché – devait lui-même être agréé.
Désormais, la loi relative à l’agréation, telle que modifiée par l’article 68 de la loi relative aux concessions du 17 juin 2016, prévoit que (nous soulignons) « les marchés et les concessions de travaux […] ne peuvent être exécutés que par des entrepreneurs […] qui […] sont agréés à cet effet […] ».
Selon le commentaire de l’article du projet de loi, « la […] précision (exécutés par et non attribués à) permet notamment, dans les marchés de travaux anciennement qualifiés de “promotion” (ou plus généralement dans les marchés qui visent à faire réaliser par quelque moyen que ce soit un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’adjudicateur) et dans les concessions de travaux de ne pas exiger que ce soit l’adjudicataire du marché/de la concession qui soit agréé, mais bien l’entité qui exécute les travaux ».
En outre, « cette précision permet de tenir compte, en matière d’agréation, de la règle suivant laquelle, pour répondre aux exigences de capacité technique, le soumissionnaire peut faire appel à la capacité de tiers » (Doc. parl., Ch., 2015-2016, n° 54-1708/001, p. 102).
Pour rappel cependant, s’agissant des marchés de travaux, l’article 78, al. 3, de la loi permet au pouvoir adjudicateur de limiter cette faculté de recourir à la capacité de tiers, en exigeant que certaines tâches essentielles soient effectuées directement par le soumissionnaire lui-même, s’il remporte le marché. Ces tâches essentielles devront être définies par le pouvoir adjudicateur dans les documents du marché, la seule référence à cette notion étant insuffisante.
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