Définitions et principes
Lorsque des personnes ou des sociétés privées font appel à une entreprise et contractent avec elle pour la réalisation de travaux, la fourniture de produits, ou l'accomplissement de certaines prestations, elles le font de manière totalement libre, il n'en est pas de même pour les administrations publiques ou les personnes morales de droit public.
En effet, pour ces dernières, les relations juridiques qui vont s'établir avec leurs cocontractants sont régies par une réglementation spéciale, la réglementation des marchés publics.
Dans ces différentes fiches, nous aborderons les grandes lignes de la réglementation relative aux marchés publics, et ce, dans les secteurs classiques.
La réglementation actuelle des marchés publics est complètement entrée en vigueur le 30 juin 2017. Cette réglementation est ainsi composée, notamment et principalement, de la loi du 17 juin 2016, de l’arrêté royal « passation » du 18 avril 2017, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 comportant les règles générales d’exécution (tel que modifié par l’arrêté royal du 22 juin 2017 et par celui du 15 avril 2018) et de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours.
1. Définitions
Le marché public est un contrat à titre onéreux conclu entre un ou plusieurs opérateurs économiques, privés ou publics, et un ou plusieurs adjudicateurs (pouvoirs adjudicateurs, entités adjudicatrices) et ayant pour objet l'exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services.
Quand la réglementation des marchés publics parle de « pouvoir adjudicateur », elle vise ainsi notamment les communes, les intercommunales, les fabriques d'église, les CPAS… En fait, sont notamment considérés comme un pouvoir adjudicateur : l'État, les Régions, les Communautés et les collectivités territoriales, les organismes de droit public, mais également les associations formées par un ou plusieurs de ces pouvoirs adjudicateurs, ainsi que les personnes morales (p. ex. les asbl) qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et qui dépendent de l'État, des Régions, des Communautés, des autorités locales ou d'autres organismes visés ici (financement public majoritaire et/ou contrôle de gestion et/ou désignation de plus de la moitié des membres des organes de gestion)[1].
Le marché public de travaux est un marché qui a pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux ou d'un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins d'un pouvoir adjudicateur.[2]
Un marché de fournitures est un marché ayant pour objet l'achat, le crédit-bail, la location, la location-vente, avec ou sans option d’achat, de produits.[3]
Un marché de services est un marché autre qu’un marché public de travaux ou de fournitures.[4]
2. Exceptions
De nouvelles exclusions du champ d’application de la réglementation des marchés publics ont été introduites par la loi du 17 juin 2016 ; elles découlent directement des directives européennes ainsi transposées.
Plusieurs de ces exclusions peuvent tout particulièrement concerner les pouvoirs locaux.
Néanmoins, il faut d’emblée attirer l’attention sur le fait que, bien que ces services soient désormais exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas pour autant dispensés d’appliquer le droit primaire européen (les traités), ce qui implique donc de respecter les règles d’égalité, de non-discrimination et de transparence, aboutissant ainsi à une mise en concurrence.
Autrement dit, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de mettre en place une procédure concurrentielle d’attribution de ces services, pourtant formellement exclus de la réglementation des marchés publics, c’est-à-dire faire « comme un marché public » mais avec plus de souplesse, sans être tenus aux règles strictes normalement applicables aux marchés publics.
Il en va d’ailleurs de l’intérêt des pouvoirs adjudicateurs : d’une part, il s’agit que ces services répondent exactement à leurs besoins, dans les conditions qu’ils auront fixées ; d’autre part, il s’agit de déterminer quel opérateur économique fait valoir la meilleure offre de services, dans ces conditions.
Sont concernés certains services d’avocat[5] : la représentation légale d'un client dans le cadre d’un arbitrage, d’une conciliation ou d'une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques (contentieux judiciaires, contentieux administratifs, procédures administratives, etc.) ; le conseil juridique fourni en vue de la préparation d’une telle procédure ou lorsqu'il existe, à tout le moins, des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l'objet d'une telle procédure.
De même, certains services de notaire[6] sont également exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics : ceux relatifs à la certification et à l'authentification de documents… et eux seuls.
Autres services juridiques désormais également exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics : ceux dont les prestataires sont désignés par une juridiction ou par la loi pour réaliser des tâches spécifiques sous le contrôle de ces juridictions. Sont notamment concernés, derrière ces termes, certains services prestés par les huissiers de justice[7].
Sont désormais également exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics les prêts (qu'ils soient ou non liés à l'émission, à la vente, à l'achat ou au transfert de titres ou d'autres instruments financiers). Autrement dit, les services d’emprunts[8] ne sont plus soumis à la réglementation des marchés publics. On notera cependant que les services d’assurances restent bien soumis aux règles des marchés publics.
La seule circonstance que les deux parties à une convention sont elles-mêmes des pouvoirs publics n’exclut pas en principe l’application des règles relatives à la passation des marchés publics. Néanmoins, les deux exceptions à l’application de la réglementation des marchés publics liées à la coopération public-public - la relation in house et le contrat de coopération - telles qu’issues de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, ont été codifiées, non sans quelques adaptations, par les directives européennes.
S’agissant ainsi de l’exception in house[9], la loi prévoit qu’un marché passé entre un pouvoir adjudicateur et une autre personne morale n'est pas soumis à l'application de la réglementation des marchés publics, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
- le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services, c’est-à-dire qu’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée (c’est le contrôle in house « simple ») ;
- plus de 80 % (on parlait auparavant de « l’essentiel ») des activités de cette personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l'exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d'autres personnes morales qu'il contrôle ;
- la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l'exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi, qui ne permettent cependant pas d'exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.
L’hypothèse du contrôle conjoint, dont le meilleur exemple est celui de la relation entre les communes membres et une intercommunale pure, est maintenue, lorsque le pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d'autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale concernée, analogue à celui qu'ils exercent sur leurs propres services, c’est -à-dire lorsque chacune des conditions suivantes est réunie :
- les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant cependant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l'ensemble d'entre eux ;
- ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d'exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée ;
- la personne morale contrôlée ne poursuit pas d'intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent.
S’agissant cette fois des contrats de coopération[10] entre pouvoirs locaux (sans, donc, qu’il y ait création d’une nouvelle personne morale distincte sur laquelle un contrôle serait exercé), un marché conclu exclusivement entre deux ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ne relève pas du champ d'application de la réglementation des marchés publics, lorsque chacune des conditions suivantes est réunie :
- le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d'atteindre les objectifs qu'ils ont en commun ; il n’est donc pas exigé que les services publics prestés par chacun des participants à l’accord soient identiques, seuls les objectifs poursuivis devant être communs à tous ;
- la mise en œuvre de cette coopération n'obéit qu'à des considérations d'intérêt public ;
- les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel (c’est-à-dire en concurrence avec les opérateurs économiques privés) moins de 20 % des activités concernées par la coopération.
Enfin, outre ces nouvelles exclusions, est maintenue celle visant les marchés publics de services passés entre un pouvoir adjudicateur et un autre pouvoir adjudicateur ou une association de pouvoirs adjudicateurs sur la base d'un droit exclusif dont ceux-ci bénéficient en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou de dispositions administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne[11].
3. Principes généraux[12]
Les pouvoirs adjudicateurs, lorsqu'ils lancent une procédure de passation de marché public, doivent traiter les entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services dans le respect du principe d'égalité, de manière non discriminatoire et doivent en outre agir avec transparence et proportionnalité.
Les marchés publics sont par ailleurs passés avec concurrence et à forfait.
La concurrence implique l'obligation de consulter plusieurs cocontractants potentiels au moyen d'une publicité adéquate.
Le principe du forfait implique que l'adjudicataire, c'est-à-dire le cocontractant du pouvoir adjudicateur, doit effectuer la totalité de ses prestations à un prix normalement définitif. Cela a pour conséquence que c’est, en principe, l’adjudicataire qui supporte le risque lié aux éventuelles difficultés d’exécution du marché.
Il existe toutefois des atténuations voire des dérogations à ce principe du forfait (à savoir par exemple les clauses de révision des prix en fonction de certains paramètres, le droit dans certaines hypothèses pour l'adjudicataire de réclamer une augmentation du prix de sa prestation par suite d’un préjudice très important subi…).
Un paiement ne peut être effectué que pour un service fait et accepté. Autrement dit, sauf exception, le pouvoir adjudicateur ne pourra consentir d’avance et l’opérateur économique ne pourra prétendre à un paiement que si les travaux sont réalisés, les fournitures livrées ou les services prestés, et s’ils sont acceptés par le pouvoir adjudicateur.
L'adjudicateur doit également prendre les mesures nécessaires permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d'intérêts survenant lors de la passation et de l'exécution du marché et ce, afin d'éviter toute distorsion de concurrence et d'assurer l'égalité de traitement de tous les opérateurs économiques (voir Fiche 9 - Les incompatibilités et les conflits d'intérêts).
Les opérateurs économiques sont tenus de respecter et de faire respecter, par toute personne agissant en qualité de sous-traitant à quelque stade que ce soit et par toute personne mettant du personnel à disposition pour l'exécution du marché, toutes les obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l'Union européenne, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail. D’ailleurs, sans préjudice de l'application des sanctions visées dans d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, les manquements aux obligations précitées peuvent donner lieu, si nécessaire, à l'application des mesures prévues en cas de manquement aux clauses du marché (voir fiche L’exécution des marchés publics).
Enfin, autre nouveauté très importante apportée par l’actuelle législation : la consécration du « tout électronique » quant aux moyens de communication entre l’adjudicateur et les opérateurs économiques, à tous les stades de la procédure de passation.
Ce « tout électronique » concerne deux aspects :
- l’obligation pour le pouvoir adjudicateur d’offrir, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents du marché à partir de la date de publication d’un avis de marché (depuis le 30.6.2017) ;
- l’obligation que les communications et échanges d’informations entre l’adjudicateur et les opérateurs économiques, en ce compris la transmission et la réception électroniques des offres, à tous les stades de la procédure, soient réalisés par des moyens de communication électroniques (depuis le 18.10.2018 pour les marchés dont le montant estimé atteint les seuils de publicité européenne et depuis le 1.1.2020 pour les marchés dont le montant estimé est inférieur aux seuils de publicité européenne).
La loi prévoit en outre certaines exceptions techniques, pour lesquelles l’adjudicateur ne doit pas imposer l’usage de moyens de communication électroniques. Depuis le 1er septembre 2023, les marchés passés par procédure négociée sans publication préalable, dont le montant estimé est inférieur au seuil fixé pour la publicité européenne, ne constituent plus une exception à l’obligation d’user des moyens de communication électroniques.
En pratique, il s’agira donc pour le pouvoir adjudicateur de publier l’avis de marché ou de procéder à l’invitation à soumissionner au moyen de la plateforme électronique eProcurement mise en place par le SPF BOSA et pour les adjudicataires d’y déposer leurs offres. En effet, l’envoi d’un simple mail ne correspond pas aux impositions et garanties prévues par la réglementation relative aux marchés publics.
À noter que ce tout électronique concerne aussi la facturation dont l’envoi et le traitement se dématérialisent aussi progressivement.
[1] L. 17.6.2016, art. 2, 1°.
[2] L. 17.6.2016, art. 2, 18°.
[3] L. 17.6.2016, art. 2, 20°.
[4] L. 17.6.2016, art. 2, 21°.
[5] L. 17.6.2016, art. 28, §1er, al. 1er, 4°, a et b.
[6] L. 17.6.2016, art. 28, §1er, al. 1er, 4°, c.
[7] L. 17.6.2016, art. 28, §1er, al. 1er, 4°, d.
[8] L. 17.6.2016, art. 28, §1er, al. 1er, 6°.
[9] L. 17.6.2016, art. 30.
[10] L. 17.6.2016, art. 31.
[11] L. 17.6.2016, art. 29.
[12] Les principes généraux sont repris dans le Titre Ier, Chapitre 2 (art. 3 à 16) de la L. 17.6.2016.
Focus sur la commune
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